A. UNE EXÉCUTION 2001 CRITIQUABLE ET CRITIQUÉE, QUI CONFIRME LES ANALYSES ANTÉRIEURES DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Des imputations budgétaires irrégulières

Votre rapporteur spécial rappelle que la Cour des comptes a relevé, dans son rapport relatif à l'exécution des lois de finances pour 2001, des imputations budgétaires irrégulières sur ce qui était alors le budget de l'environnement.

Des imputations budgétaires irrégulières :

l'exemple du plan POLMAR

La Cour des comptes, dans son rapport sur l'exécution des lois de finances pour 2001, a relevé la persistance de la mauvaise imputation des crédits alloués aux plans POLMAR, inscrits au titre V, sur le chapitre 57-10 « Fonds d'intervention contre les pollutions marines accidentelles » du budget de l'environnement. Or, ces crédits constituent essentiellement des dépenses de fonctionnement et non des dépenses en capital.

Cette appréciation est d'ailleurs confirmée par le fait que l'ouverture des crédits du chapitre 57-10 est gagée par une annulation de crédits inscrits au chapitre 37-95 « Dépenses accidentelles » du budget des charges communes. La Cour note ainsi que « le fonds POLMAR devrait donc figurer plutôt au titre III qu'au titre V, quitte à l'inscrire systématiquement à l'état H pour que les crédits soient reportables ».

2. Une sous-consommation des crédits confirmée par la Cour des comptes

La Cour des comptes, dans son rapport sur l'exécution des lois de finances pour 2001 1( * ) , note que « le budget du ministère de l'environnement est encore en 2001 un des budgets de l'Etat ayant la plus forte croissance : il augmente de 9 % en loi de finances initiale, après avoir augmenté de 8,6 % en 2000 ».

Ainsi, si les crédits initiaux se sont établis à 716 millions d'euros, les crédits disponibles, quant à eux, se sont élevés à 1.103,9 millions d'euros - essentiellement du fait de reports de crédits élevés .

Cette forte progression est toutefois avant tout une illusion, maintes fois dénoncée par votre rapporteur spécial, en raison du très faible taux de consommation des crédits, de l'ordre de 50 %. La Cour des comptes note ainsi que le budget de l'environnement « a très peu augmenté en 2001 par rapport à 2000 », et « au regard de cette sous-consommation chronique, [...] s'interroge sur la sincérité du budget de l'environnement ».

La sous-consommation des crédits : des explications divergentes

• Le ministère a indiqué à votre rapporteur spécial que la sous-consommation des crédits tient à des « raisons conjoncturelles » : création d'une nouvelle direction, la direction des études économiques et de l'évaluation environnementale ou encore le manque de formation des agents face aux procédures comptables. Mais, « comme toutes les raisons conjoncturelles, celles-ci sont appelées à disparaître ».

• L'ancien contrôleur financier central du ministère s'est quant à lui montré plus sévère, pointant davantage des raisons structurelles : il a en effet indiqué que cette sous-consommation récurrente tenait à deux facteurs principaux :

- la mauvaise organisation du ministère : il a ainsi donné l'exemple du chapitre 34-98 « Moyens de fonctionnement des services » qui a fait apparaître une non-consommation de crédits à hauteur de près de 23 millions d'euros en 2001, alors que cette somme avait précisément était inscrite à la demande des services ;

- l'incapacité des services du ministère à planifier leurs besoins et leurs tâches : ainsi, en 2001, la direction de la prévention de la pollution et des risques a procédé au report, à hauteur de 18 millions d'euros, de crédits alloués à la lutte contre le bruit, à l'insonorisation de logements en particulier : cette situation résulterait avant tout de l'absence de publication des décrets nécessaires à l'utilisation de ces crédits, d'une mauvaise coordination entre ministères et de mésententes au sein même des services du ministère de l'environnement.

En effet, les dépenses nettes n'ont atteint que 556,6 millions d'euros, soit un taux de consommation de 50,4 % (après 47,3 % en 2000), soit 87,7 % pour les dépenses ordinaires et 24,9 % pour les crédits de paiement : le préjudice subi par les dépenses d'investissement au cours de la dernière législature se retrouve également dans le domaine de l'environnement !

Le tableau ci-dessous récapitule, au niveau des titres, le taux de consommation des crédits en 2001 et pour le 1 er semestre 2002 :

Il convient du reste de constater que la faiblesse du taux de consommation des crédits tient au non versement des subventions de l'ADEME 2( * ) , « dont les ressources antérieures encore disponibles étaient insuffisantes » note la Cour.

La Cour des comptes en conclut que « le ministère de l'environnement continue d'être en état de sous-consommation chronique ».

D'ailleurs, le taux de consommation des crédits de l'environnement s'élève à 48 % lorsqu'il est procédé à une consolidation du budget de l'environnement avec le fonds national de solidarité pour l'eau (FNSE).

Le compte rendu de gestion budgétaire du budget de l'environnement en 2001 comporte des informations très intéressantes quant aux enseignements qu'il convient de tirer de la budgétisation initiale des crédits de ce département ministériel par le gouvernement précédent.

Ce document, important dans le cadre de la réforme budgétaire en cours, montre que le budget de l'environnement a été utilisé au cours des dernières années comme un « leurre budgétaire » , comme l'a d'ailleurs confirmé la Cour des comptes.

Les crédits inscrits en loi de finances initiale ont été modifiés par plusieurs mouvements réglementaires :

- deux annulations de crédits, aux mois de mai et novembre, portant, au titre du contrat de gestion 2001, sur 57,2 millions d'euros ;

- les reports de la gestion 2000, soit 513,83 millions d'euros ; la Cour des comptes souligne à ce propos que « le montant des reports demeure très élevé pour 2002, il est même supérieur à celui de 2001 » ;

- le rattachement de fonds de concours, pour un total de 8,79 millions d'euros ;

- des transferts et répartitions de crédits, pour un montant de - 88,12 millions d'euros.

Le contrôleur financier central, dans son rapport susmentionné sur la gestion 2001, note d'ailleurs que « le budget du ministère de l'environnement est, traditionnellement, fortement affecté par les diverses mesures intervenues en cours d'exercice ».

L'analyse au niveau des agrégats est éclairante.

Agrégat 21 - Protection de la nature, sites et paysages

Les modifications de crédits apportées en cours d'année résultent des reports de crédits, pour 24,7 millions d'euros, et d'annulations, à hauteur de 0,76 million d'euros. Des difficultés de gestion sont apparues sur les titres V et VI : selon le compte rendu de gestion budgétaire, « il s'agit du retard pris dans le classement des sites au titre du programme NATURA 2000 à la suite de l'annulation par le Conseil d'Etat de près de la moitié des 1.100 propositions ».

Agrégat 22 - Protection de l'eau et des milieux aquatiques

Les crédits initiaux de cet agrégat ont été modifiés en raison de reports de crédits non mandatés de l'exercice précédent, pour 83,8 millions d'euros, du rattachement de fonds de concours, soit 1,07 million d'euros, et d'annulations d'un montant de 7,61 millions d'euros. Le compte rendu de gestion budgétaire explique la sous-consommation des dépenses en capital « par les reports importants liés à la réalisation des travaux financés dans le cadre du plan POLMAR et à l'apurement de la situation née de la création du FNSE en tant que compte spécial du Trésor ».

Agrégat 23 - Prévention des pollutions et des risques

Les crédits de cet agrégat ont subi d'importantes modifications liées à des reports d'un montant de 368,2 millions d'euros et à des annulations portant sur 29,6 millions d'euros. Ils présentent un taux de consommation particulièrement faible, de 38,8 %, dont 62,7 % sur le titre III et 1,5 % sur le titre VI ! Il convient de noter que cette situation résulte de dysfonctionnements administratifs : en ce qui concerne le titre III, la faible consommation « est due au fait que les mandatements ne peuvent être effectués avec certitude qu'au second semestre, après la mise au point des opérations. Les retards dans cette dernière phase conduisent à des reports importants de paiement » ; pour ce qui concerne le titre VI, la quasi absence de consommation résulte de la situation financière de l'ADEME exposée ci-dessus. En outre, « le retard pris dans la mise au point des textes réglementaires permettant la mise en oeuvre du programme de résorption des points noirs au titre des nuisances sonores a été un autre facteur de faible consommation ». Ce sont donc les insuffisances des services du ministère de l'environnement qui sont à l'origine de la faible consommation des crédits dont ils disposent !

Agrégat 31 - Soutien aux politiques environnementales


Cet agrégat a fait l'objet de mouvements de crédits d'un montant important en cours d'année : - 108,5 millions d'euros au titre de transferts de crédits de rémunération, 68,6 millions d'euros de reports, 2,1 millions d'euros au titre de fonds de concours, 0,65 millions d'euros suite à diverses répartitions et des annulations d'un montant de 6,8 millions d'euros. Ici également, le taux de consommation est faible : 68,5 %. Le compte rendu de gestion budgétaire indique que « les crédits de paiement du titre V [...] connaissent un taux en forte progression marquant l'arrivée à maturité de plusieurs projets immobiliers importants » : ce taux n'est pourtant que de 47,5 % !

3. Des reports de crédits considérables et croissants

Au cours de la précédente législature, le budget de l'environnement a, paraît-il, constitué une priorité budgétaire. Il est vrai qu'il avait bénéficié de mesures nouvelles d'un montan,t considérable.

Votre rapporteur spécial doit toutefois apporter un fort tempérament à cette illusion, tant étaient considérables, et croissants, les reports de crédits de l'année précédente : s'établissant à 36,66 millions d'euros en 1998, ils sont passés à 544,69 millions d'euros en 2002, soit une progression de 1385,8 % au cours de cinq exercices budgétaires !

4. À quoi sert le FNSE ?

L'année dernière, votre rapporteur spécial avait dénoncé « l'hypocrisie du financement de la politique de l'eau », et écrivait : « l'instauration du FNSE constitue le moyen de faire payer la politique de la direction de l'eau par les agences de l'eau. Les crédits de la direction de l'eau ont été réduits drastiquement, le prélèvement du FNSE sur les agences a été revalorisé ».

Cette situation conduit votre rapporteur spécial à s'interroger sur l'utilité du FNSE, d'autant plus qu'elle semble perdurer.

L'ancien contrôleur financier central du ministère a d'ailleurs indiqué à votre rapporteur spécial qu'il était « difficile de définir l'activité du fonds ». Cette appréciation paraît d'autant plus fondée que le fonds a versé, en 2002, une subvention au Conseil supérieur de la pêche ! Pourquoi une telle subvention n'est-elle pas inscrite au budget général alors qu'il s'agit à l'évidence de financer une mission de service public ? Cette anomalie tendrait à démontrer que le FNSE a été institué avant que n'auraient été définies ses missions .

Par ailleurs, le fonctionnement du fonds, effectif à compter de 2001, paraît peu optimal 3( * ) . Si le fonds est doté d'un comité consultatif chargé par le décret n° 2000-953 du 22 septembre 2000 d'assister le ministre, il convient de souligner que ce comité s'est réuni de façon aléatoire, et jamais au cours de l'année 2002.

La gestion financière du FNSE n'est guère meilleure. Dans son rapport sur la gestion 2001, le contrôleur financier central note que le budget du fonds « démontre que face à 132,13 millions d'euros de ressources, 36,79 millions d'euros seront à reporter, soit plus que la dotation de la LFI de l'année ».

Des montants importants ont fait l'objet de reports de crédits, près de 95 millions d'euros en 2001 et plus de 91 millions d'euros en 2002.

Les raisons des reports selon le ministère

Selon les informations fournies à votre rapporteur spécial par le ministère, « ce faible niveau de consommation s'explique par la création récente du fonds en 2000. l'exercice 2000 a en effet correspondu à l'année de mise en place des crédits et des procédures, ce qui a entraîné une faible consommation des crédits et engendré dès la fin de l'exercice 2000 des reports importants. Le FNSE se trouve donc engagé dans un processus de résorption des reports. Ce processus nécessite plusieurs années, ce qui explique qu'au début de la gestion 2000, il existe encore des reports élevés ».

Quant à la Cour des comptes, elle rappelle que le taux de consommation du FNSE s'est établi à 28 % en 2001, soit au même niveau que l'année précédente, et indique que, « sur l'ensemble des années 2000 et 2001, les agences de l'eau ont versé 152,5 millions d'euros au FNSE qui n'en a utilisé que 56,6 millions ». Elle conclut : « l'affectation de ces ressources au budget général aurait sans doute permis une meilleure utilisation ».

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page