Rapport n° 126 (2002-2003) de M. Pierre FAUCHON , fait au nom de la commission des lois, déposé le 15 janvier 2003

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N° 126

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2002-2003

Annexe au procès-verbal de la séance du 15 janvier 2003

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi constitutionnelle, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, relatif au mandat d'arrêt européen ,

Par M. Pierre FAUCHON,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. René Garrec, président ; M. Patrice Gélard, Mme Michèle André, MM. Pierre Fauchon, José Balarello, Robert Bret, Georges Othily, vice-présidents ; MM. Jean-Pierre Schosteck, Laurent Béteille, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, secrétaires ; MM. Nicolas Alfonsi, Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, Mme Nicole Borvo, MM. Charles Ceccaldi-Raynaud, Christian Cointat, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Marcel Debarge, Michel Dreyfus-Schmidt, Gaston Flosse, Jean-Claude Frécon, Bernard Frimat, Jean-Claude Gaudin, Charles Gautier, Daniel Hoeffel, Pierre Jarlier, Lucien Lanier, Jacques Larché, Jean-René Lecerf, Gérard Longuet, Mme Josiane Mathon, MM. Jacques Peyrat, Jean-Claude Peyronnet, Henri de Richemont, Josselin de Rohan, Bernard Saugey, Jean-Pierre Sueur, Simon Sutour, Alex Türk, Maurice Ulrich, Jean-Paul Virapoullé, François Zocchetto.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 12 ème législ.) : 378 , 463 , 468 et T.A. 49

Sénat : 102 (2002-2003)

Justice.

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION

Réunie le mercredi 15 janvier 2003 sous la présidence de M. René Garrec, la commission des Lois a examiné, sur le rapport de M. Pierre Fauchon, le projet de loi constitutionnelle (n° 102) adopté par l'Assemblée nationale relatif au mandat d'arrêt européen .

M. Pierre Fauchon, rapporteur, a rappelé que la construction de l'espace judiciaire européen, engagée lors de la signature du traité de Maastricht, s'était quelque peu accélérée après la signature du traité d'Amsterdam. Il a souligné que le Conseil européen, réuni à Tampere en 1999, avait fait du principe de reconnaissance mutuelle des décisions de justice la pierre angulaire de la coopération judiciaire européenne. Il a observé que la décision-cadre relative au mandat d'arrêt européen, négociée très rapidement après les attentats du 11 septembre 2001, constituait la première application concrète du principe de reconnaissance mutuelle.

Le rapporteur a souligné que le mandat d'arrêt européen constituerait un progrès par rapport aux procédures traditionnelles d'extradition, compte tenu de son caractère exclusivement judiciaire, tout en regrettant que de trop nombreuses possibilités de refuser l'exécution du mandat d'arrêt subsistent.

Le rapporteur a souligné que le Gouvernement avait cru devoir saisir le Conseil d'Etat d'une demande d'avis sur la conformité à la Constitution de la décision-cadre. Le Conseil d'Etat a estimé nécessaire une révision constitutionnelle, dès lors que la décision-cadre, si elle permet de refuser l'exécution d'un mandat d'arrêt lorsque la personne est poursuivie pour des motifs politiques , ne respecte pas le principe fondamental reconnu par les lois de la République selon lequel l'Etat d'exécution doit pouvoir se réserver la possibilité de refuser l'extradition d'une personne poursuivie pour une infraction à caractère politique .

Tout en observant que les évolutions jurisprudentielles assimilant de plus en plus les infractions à caractère politique et les poursuites ayant un motif politique auraient pu conduire le Conseil d'Etat à rendre un avis différent, le rapporteur a fait valoir que le Gouvernement ne pouvait prendre le risque d'une censure par le Conseil constitutionnel de la loi de transposition de la décision-cadre et qu'il avait donc déposé un projet de loi constitutionnelle.

M. Pierre Fauchon, rapporteur, a estimé qu'il conviendrait, à l'occasion d'une révision constitutionnelle de plus grande ampleur, d'examiner de manière approfondie la question des rapports entre droit communautaire et droit constitutionnel . Compte tenu de l'évolution de la construction européenne, qui ne concerne plus seulement les questions économiques, mais de plus en plus des matières mettant en jeu les libertés (asile, immigration, procédure pénale), les cas de contrariété entre les actes de l'Union européenne et la Constitution pourraient se multiplier.

Le rapporteur a souhaité qu'à l'avenir la constitutionnalité des projets et propositions d'actes des Communautés européennes et de l'Union européenne puisse être contrôlée par le Conseil d'Etat avant leur adoption afin que le Parlement et le Gouvernement soient pleinement informés des conséquences prévisibles des textes en cours d'élaboration dans le cadre de l'Union européenne.

M. Pierre Fauchon, rapporteur, a indiqué que le projet de loi constitutionnelle tendait à compléter l'article 88-2 de la Constitution pour prévoir que « La loi fixe les règles relatives au mandat d'arrêt européen en application des actes pris sur le fondement du Traité sur l'Union européenne ». Il a observé que le projet de loi initial faisait référence aux décisions-cadres prises par le Conseil de l'Union européenne, mais que l'Assemblée nationale avait supprimé cette référence pour tenir compte de la disparition vraisemblable de cet instrument juridique dans le cadre de la réforme des traités en préparation.

La commission a adopté sans modification le projet de loi constitutionnelle.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Après l'achèvement du marché unique européen, après la mise en place d'une Union économique et monétaire, la réalisation d'un espace judiciaire européen est le défi le plus important que doit relever l'Union européenne. Dans un ensemble caractérisé par la libre circulation des personnes, chaque Etat ne peut prétendre lutter seul contre une criminalité de plus en plus souvent transnationale.

Pourtant, de multiples réticences ont jusqu'à présent limité les réalisations concrètes dans le sens de la création d'un espace de liberté, de sécurité et de justice. La mise en place d'un mandat d'arrêt européen, appelé à remplacer les procédures traditionnelles d'extradition est l'une des premières manifestations véritablement significatives de la volonté des Etats européens de coopérer fortement dans la lutte contre la criminalité.

Le projet de loi constitutionnelle soumis au Sénat tend à compléter l'article 88-2 de la Constitution afin de permettre la transposition dans notre droit de la décision-cadre relative au mandat d'arrêt européen. Dans un avis rendu à la demande du Premier ministre, le Conseil d'Etat a en effet estimé que la transposition de la décision-cadre nécessitait au préalable une révision de la Constitution.

Après avoir rappelé les étapes de la - trop lente - construction de l'espace judiciaire européen, votre rapporteur évoquera le contenu de la décision-cadre relative au mandat d'arrêt européen puis le présent projet de loi constitutionnelle ainsi que les circonstances qui ont conduit à sa présentation.

I. LA LENTE ÉMERGENCE DE L'ESPACE JUDICIAIRE EUROPÉEN

Dès 1977, le Président Valéry Giscard d'Estaing avait proposé, au cours d'une réunion du Conseil européen à Bruxelles, la création d'un espace judiciaire européen. Cette idée n'avait alors pas recueilli l'assentiment de l'ensemble des chefs d'Etat et de Gouvernement des pays de la Communauté européenne.

Progressivement néanmoins, chacun a pu constater que dans un ensemble tel que l'Union européenne, caractérisé par la libre circulation des personnes, chaque Etat ne peut prétendre lutter seul contre une criminalité de plus en plus souvent transnationale ou traiter seul les questions d'asile et d'immigration. Peu à peu, la nécessité de la construction de l'espace judiciaire européen a été prise en compte, même si le bilan des réalisations demeure encore modeste.

A. LES ÉTAPES DE LA CRÉATION DE L'ESPACE JUDICIAIRE EUROPÉEN

1. Le traité de Maastricht

La coopération européenne en matière de sécurité a débuté dans les années 1970, de manière informelle. En 1975, les ministres de l'intérieur des pays membres de la Communauté européenne ont créé le groupe de TREVI, appelé à réunir les responsables des polices des Etats membres.

Après la signature de l'Acte unique européen, des négociations ont été engagées entre Etats membres sur les questions de sécurité et de justice dans le cadre de la « Coopération politique européenne », cadre informel distinct du cadre institutionnel communautaire. Ces travaux ont permis la signature de conventions en matière pénale et civile, mais la plupart ne sont pas entrées en vigueur faute de ratification.

En 1985, la signature de l'Accord de Schengen entre cinq Etats membres de la Communauté européenne a permis de jeter les bases d'une coopération en matière de contrôle des frontières. De nombreux textes ont été élaborés dans ce cadre. L'acquis de Schengen a été intégré à l'acquis communautaire lors de la signature du traité d'Amsterdam.

Le traité de Maastricht, signé le 7 février 1992, a marqué l'institutionnalisation des questions relatives à la justice et aux affaires intérieures. Le titre VI du traité sur l'Union européenne, plus communément désigné sous le nom de « troisième pilier » de l'Union européenne (les deux autres étant le pilier communautaire et la politique étrangère et de sécurité commune), était en effet consacré à ces questions.

Le traité de Maastricht a énuméré un certain nombre de questions reconnues comme d' « intérêt commun » par les Etats membres, parmi lesquelles figuraient la lutte contre la toxicomanie, la lutte contre la fraude internationale, la coopération judiciaire en matière civile, la coopération judiciaire en matière pénale , la coopération douanière et la coopération policière en vue de la prévention et de la lutte contre le terrorisme, le trafic illicite de drogue et d'autres formes graves de criminalité internationale.

Le traité a mis en place des procédures de décision substantiellement différentes de celles prévalant pour l'application du traité instituant la Communauté européenne. Ainsi, le principal instrument normatif du troisième pilier était la convention, dont l'entrée en vigueur était subordonnée à une ratification par l'ensemble des Etats membres.

Surtout, le traité a prévu que les actes du troisième pilier devraient être adoptés à l'unanimité au sein du Conseil de l'Union européenne.

Sur la base de ce traité, de nombreuses actions ont été entreprises sans que des progrès décisifs aient été accomplis. Plusieurs conventions ont été adoptées, par exemple sur l'extradition, le fonctionnement d'Europol, la protection des intérêts financiers des Communautés, mais la plupart ne sont toujours pas entrées en vigueur.

Des actions communes ont également été lancées. L'une d'entre elles a permis l'échange de magistrats de liaison afin d'améliorer la coopération judiciaire. Une autre a concerné la création d'un réseau judiciaire européen destiné à rendre l'entraide judiciaire bilatérale plus rapide et plus efficace.

2. Le traité d'Amsterdam

Le traité d'Amsterdam, entré en vigueur le 1 er mai 1999, a transféré une partie des questions relatives à la justice et aux affaires intérieures du troisième pilier au premier pilier (traité instituant la Communauté européenne). Ce transfert a concerné les politiques d'asile et d'immigration, la coopération judiciaire en matière civile et la coopération administrative.

Le traité d'Amsterdam a par ailleurs défini en termes plus larges les objectifs du troisième pilier : « Sans préjudice des compétences de la Communauté européenne, l'objectif de l'Union est d'offrir aux citoyens un niveau élevé de protection dans un espace de liberté, de sécurité et de justice , en élaborant une action commune entre les Etats membres dans le domaine de la coopération policière et judiciaire en matière pénale, en prévenant le racisme et la xénophobie et en luttant contre ces phénomènes » (article 29 du traité sur l'Union européenne).

Les objectifs de la coopération en matière pénale

Article 31 du Traité sur l'Union européenne

L'action en commun dans le domaine de la coopération judiciaire en matière pénale vise entre autres à :

a) faciliter et accélérer la coopération entre les ministères et les autorités judiciaires ou équivalentes compétents des Etats membres pour ce qui est de la procédure et de l'exécution des décisions ;

b) faciliter l'extradition entre Etats membres ;

c) assurer, dans la mesure nécessaire à l'amélioration de cette coopération, la compatibilité des règles applicables dans les Etats membres ;

d) prévenir les conflits de compétences entre Etats membres ;

e) adopter progressivement des mesures instaurant des règles minimales relatives aux éléments constitutifs des infractions pénales et aux sanctions applicables dans les domaines de la criminalité organisée, du terrorisme et du trafic de drogue.

Le traité d'Amsterdam a par ailleurs renforcé les missions d'Europol en prévoyant qu'Europol peut appuyer la préparation et la mise en oeuvre d'actions opérationnelles menées par des équipes conjointes et coordonner des enquêtes.

Enfin, ce traité a apporté certaines simplifications au processus de décision dans le troisième pilier. Il a notamment étendu la liste des instruments normatifs susceptibles d'être utilisés en créant deux nouveaux instruments : la décision et la décision-cadre qui, contrairement à la convention, n'exigent pas d'approbation ou de ratification par les Etats membres pour entrer en vigueur. Contrairement aux directives, les décisions-cadres ne peuvent avoir d'effet direct, mais, comme les directives, elles doivent faire l'objet d'une transposition, le défaut de transposition constituant une violation du droit européen.

Le traité d'Amsterdam a en outre prévu que les conventions entreraient en vigueur après ratification par la moitié des Etats membres et non plus par tous les Etats membres. En revanche, le traité a maintenu le vote à l'unanimité au sein du Conseil de l'Union pour les matières du troisième pilier.

3. Le Conseil européen de Tampere : la consécration du principe de la reconnaissance mutuelle des décisions de justice

Les 15 et 16 octobre 1999, le Conseil européen, réuni à Tampere, a, pour la première fois, consacré l'essentiel de ses travaux à la réalisation de l'espace de liberté, de sécurité et de justice.

Au cours de cette réunion, le Conseil a notamment décidé :

- de travailler à la mise en place d'un régime d'asile européen commun devant aboutir à terme à une procédure d'asile commune et à un statut uniforme pour les personnes qui se voient accorder l'asile ;

- de rapprocher les législations nationales relatives aux conditions d'admission et de séjour des ressortissants de pays tiers et de lutter contre ceux qui se livrent à la traite des êtres humains et à l'exploitation économique des migrants ;

- de définir des normes minimales garantissant un niveau approprié d'aide juridique pour les affaires transfrontalières dans l'ensemble de l'Union ;

- d'établir des normes minimales communes pour simplifier le règlement de certains litiges transfrontaliers ou protéger les victimes de la criminalité ;

- de renforcer la reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires, le principe de reconnaissance mutuelle devant « devenir la pierre angulaire de la coopération judiciaire en matière tant civile que pénale au sein de l'Union ».

En matière de lutte contre la criminalité, le Conseil européen a souhaité une intensification de la coopération dans ce domaine, marquée jusqu'alors pour l'essentiel par la création d'Europol, demandant en particulier la mise en place sans délai des équipes communes d'enquête prévues par le traité sur l'Union européenne, notamment pour lutter contre le trafic de drogue, la traite des êtres humains et le terrorisme. Il a également demandé la création d'une académie européenne de police.

Enfin, le Conseil européen a décidé la création d'Eurojust, unité chargée de contribuer à une bonne coordination entre les autorités nationales chargées des poursuites et d'apporter son concours dans les enquêtes relatives aux affaires de criminalité organisée. Par la suite, Eurojust a fait l'objet d'une inscription dans le traité sur l'Union européenne lors de la signature du traité de Nice.

Le 22 décembre 2000, le Conseil de l'Union européenne a adopté un programme de vingt-quatre mesures destinées à mettre en pratique en matière pénale le principe de reconnaissance mutuelle.

Après les attentats terroristes perpétrés aux Etats-Unis le 11 septembre 2001, de multiples initiatives ont été prises au sein de l'Union européenne pour accélérer la construction de l'espace judiciaire européen. Le 21 septembre 2001, les chefs d'Etat et de Gouvernement ont adopté un plan d'action prévoyant notamment de renforcer la coopération judiciaire et policière, notamment en instaurant un mandat d'arrêt européen et en adoptant une définition commune du terrorisme.

B. QUELLES PERSPECTIVES POUR L'ESPACE JUDICIAIRE EUROPÉEN ?

Jusqu'à présent, la construction de l'espace judiciaire européen reste entravée par de nombreuses réticences de la part des gouvernements malgré l'urgence d'une réponse véritablement efficace au développement de la criminalité internationale. Le principe de reconnaissance mutuelle des décisions de justice peut permettre de faciliter la coopération judiciaire mais trouve rapidement ses limites face à la diversité des systèmes juridiques des Etats membres.

La prochaine réforme des traités européens, en cours de préparation, pourrait être l'occasion de renforcer l'espace judiciaire européen, conformément aux propositions formulées depuis longtemps par notre assemblée.

1. Le Sénat et l'espace judiciaire européen

Depuis plusieurs années déjà, le Sénat souhaite une accélération de la réalisation de l'espace judiciaire européen. Dès 1997, la délégation pour l'Union européenne de notre assemblée s'est prononcée en faveur d'une unification des règles de droit et de l'organisation judiciaire en matière de criminalité transfrontalière 1 ( * ) .

Depuis lors, le Sénat suit attentivement les progrès de la coopération dans les domaines de la justice et des affaires intérieures, utilisant la possibilité qui lui est offerte par l'article 88-4 de la Constitution d'adopter des résolutions sur les projets ou propositions d'actes des Communautés ou de l'Union européenne :

- en avril 2001, dans une résolution relative à la création d' Eurojust , organe destiné à améliorer et faciliter la coopération des organes d'enquête et de poursuite compétents des Etats membres pour les formes graves de criminalité, le Sénat a demandé qu'Eurojust se voie reconnaître un rôle opérationnel pour les investigations transfrontalières entrant dans son champ de compétences. Il a également demandé au Gouvernement de prendre des initiatives « en vue de parvenir, pour les formes graves de criminalité transfrontalière, à la constitution d'une autorité responsable des poursuites et à la définition commune des règles et procédures pénales nécessaires à la mise en oeuvre efficace des poursuites et des enquêtes » ;

- en décembre 2001, dans une résolution consacrée aux propositions de décisions-cadres relatives, d'une part au mandat d'arrêt européen et aux procédures de remise entre Etats membres, d'autre part à la lutte contre le terrorisme , le Sénat a souhaité la plus large application possible du mandat d'arrêt européen, dont la création était alors débattue par le Conseil de l'Union européenne. Il a de nouveau souligné « que seule l'unification au niveau européen des incriminations et des procédures constituerait une réponse adaptée à l'ampleur des défis soulevés par les formes graves de criminalité transnationale » ;

- enfin, en juillet 2002, dans une résolution portant sur le livre vert sur la protection pénale des intérêts financiers communautaires et la création d'un procureur européen , le Sénat a approuvé « le principe de la création d'un « ministère public européen » compétent en matière de protection des intérêts financiers de la Communauté, telle qu'elle a été suggérée par la Commission européenne (...) ».

Avec persévérance, notre assemblée tente donc de jouer un rôle d'aiguillon dans la réalisation de l'espace judiciaire européen.

2. La Convention européenne

Depuis quelques mois, une Convention, composée de représentants des gouvernements des Etats membres, des parlements nationaux, de la Commission européenne et du Parlement européen, est chargée de préparer la réforme des traités européens qui devrait intervenir en 2004. Les questions de justice et d'affaires intérieures font naturellement partie des questions évoquées au sein de cette Convention.

Un groupe de travail a été constitué au sein de la Convention, présidé par M. John Bruton, représentant du Parlement irlandais. Ce groupe de travail a présenté un rapport à la Convention le 6 décembre dernier, dont le contenu s'avère plutôt décevant, au moins en ce qui concerne les aspects opérationnels. Les gouvernements français et allemands ont pourtant formulé des propositions communes, qui pourraient permettre de véritables progrès dans la réalisation d'un espace de liberté, de sécurité et de justice.

a) Les propositions franco-allemandes

Le 28 novembre 2002, les ministres des affaires étrangères allemand et français ont présenté à la Convention européenne des « propositions conjointes franco-allemandes pour la Convention européenne dans le domaine de la justice et des affaires intérieures ».

Ces propositions prévoient notamment :

- la création d'un parquet européen : « Le parquet européen devrait être élaboré par étapes à partir d'Eurojust, pour passer peu à peu de simples pouvoirs de coordination à des pouvoirs de déclenchement de procédures d'enquête, de direction de celles-ci et d'évocation d'affaires. Il pourra, notamment, être chargé de la protection des intérêts de la Communauté et de la poursuite de certaines formes graves de criminalité transfrontalière. Le Conseil pourrait décider des priorités de l'action publique au plan européen ». Cette idée est défendue depuis longtemps par le Sénat. Il conviendrait toutefois que les « étapes » évoquées pour la constitution du parquet européen ne soient ni trop nombreuses ni trop longues ;

- le renforcement de l'autorité policière européenne Europol : « Nous avons pour objectif d'attribuer à Europol le droit de mener des enquêtes (...) Europol deviendra ainsi une autorité coercitive européenne » ;

- l'harmonisation du droit pénal matériel pour un nombre considérable de crimes et délits : terrorisme, trafic de drogue, trafic d'objets pouvant être utilisés à des fins militaires, racisme et xénophobie, traite des êtres humains à des fins d'exploitation sexuelle, exploitation sexuelle d'enfants, y compris pornographie infantile, filières d'immigration clandestine, blanchiment d'argent, corruption, usage de faux dans les opérations de paiement, criminalité écologique, cybercriminalité, association de malfaiteurs et délits portant préjudice aux intérêts de la Communauté ;

- une modification importante des règles institutionnelles : suppression de la structure en piliers de l'Union européenne, disparition de certains instruments tels que la convention, remplacement de l'instrument de la décision-cadre par la directive ; généralisation, en matière de coopération policière, du vote à la majorité qualifiée, après une période transitoire ; dans le domaine de la coopération judiciaire en matière pénale, passage au vote à la majorité qualifiée sauf pour certains domaines essentiels.

Notre excellent collègue M. Hubert Haenel, membre de la Convention, a également déposé une contribution préconisant en particulier :

- le renforcement des organes existants, en particulier Europol et Eurojust, et la création d'un parquet européen de nature collégiale ;

- le passage, au sein du Conseil, de la simple coopération à une véritable coordination grâce à l'institution d'un responsable politique chargé de la coordination des aspects opérationnels, sorte de « Haut représentant pour la Justice et les Affaires intérieures ».

b) Le rapport du groupe de travail

Le rapport du groupe de travail sur la Justice et les Affaires intérieures constitué au sein de la Convention européenne repose sur deux principes :

- le transfert des matières relevant de l'actuel « troisième pilier » dans le cadre juridique commun , tout en conservant certaines particularités pour tenir compte de la spécificité de ce domaine ;

- une distinction entre les aspects normatifs, qui seraient largement alignés sur les procédures générales du droit communautaire, et les aspects opérationnels qui resteraient régis par la méthode intergouvernementale, mais avec un renforcement de la collaboration entre les Etats.

En ce qui concerne les aspects normatifs, le rapport prévoit des procédures diversifiées, allant des politiques communes, dans des domaines tels que l'asile et l'immigration aux mesures d'incitation et de soutien, par exemple en matière de prévention de la criminalité.

Pour préciser ce qui devrait relever de l'harmonisation et ce qui pourrait relever de la reconnaissance mutuelle, le groupe propose de combiner deux méthodes : le recours à des critères et l'énumération d'une liste d'infractions. L'harmonisation devrait être privilégiée lorsque l'infraction est d'une particulière gravité et qu'elle revêt une dimension transfrontalière ou lorsque l'infraction est dirigée contre un intérêt commun européen qui fait lui-même l'objet d'une politique commune de l'Union.

Le groupe de travail s'est prononcé pour un passage au vote à la majorité qualifiée pour la plupart des mesures normatives.

En ce qui concerne les aspects opérationnels, il semble que les débats au sein du groupe de travail aient été plus difficiles 2 ( * ) . Le groupe n'est ainsi pas parvenu à se mettre d'accord sur la création d'un parquet européen et a renvoyé cette question à la Convention.

*

Il faut espérer que les derniers mois de travail de la Convention européenne permettront la formulation de propositions ambitieuses et novatrices en matière de justice et d'affaires intérieures. La prochaine réforme des institutions européennes est en effet une occasion unique de doter l'Europe des moyens de lutter enfin efficacement contre la grande criminalité.

II. LE MANDAT D'ARRÊT EUROPÉEN : UN PROGRÈS INCONTESTABLE MAIS LIMITÉ

L'article 31 du traité sur l'Union européenne prévoit que l'action en commun dans le domaine de la coopération judiciaire en matière pénale vise entre autres à faciliter l'extradition entre Etats membres. La décision-cadre du Conseil du 13 juin 2002 relative au mandat d'arrêt européen et aux procédures de remise entre Etats membres répond à cet objectif.

Dès 1999, le Conseil européen réuni à Tampere affirmait que « la procédure formelle d'extradition devrait être supprimée entre Etats membres pour les personnes qui tentent d'échapper à la justice après avoir fait l'objet d'une condamnation définitive » et remplacée par « un simple transfèrement des personnes, conformément à l'article 6 du traité sur l'Union européenne ».

Les attentats terroristes du 11 septembre 2001 ont accéléré le processus de décision. Dès le 11 décembre 2001, un accord politique a été conclu entre les Etats membres sur le contenu de la décision-cadre relative au mandat d'arrêt européen.

Le 27 novembre 2001, votre commission des Lois avait adopté une proposition de résolution sur la proposition de décision-cadre, devenue résolution du Sénat le 5 décembre 2001.

La décision-cadre a formellement été adoptée le 13 juin 2002 par le Conseil de l'Union européenne.

A. LES RÈGLES ACTUELLES DE L'EXTRADITION

De nombreuses conventions internationales régissent aujourd'hui l'extradition, la plus importante étant la Convention européenne d'extradition de 1957. En l'absence de convention, les règles applicables résultent de la loi du 10 mars 1927.

1. La Convention européenne d'extradition de 1957

Les règles actuellement applicables en matière d'extradition figurent, pour l'essentiel, dans la Convention européenne d'extradition signée en 1957 dans le cadre du Conseil de l'Europe. Cette convention constitue la pièce maîtresse du droit européen de l'extradition, mais a fait l'objet de nombreuses réserves de la part des Etats membres. De nombreuses conventions bilatérales lient également certains Etats.

Les principes posés par la Convention de 1957 sont les suivants :

- l'extradition aux fins de poursuite est possible pour des faits punis par les lois de la partie requérante et de la partie requise (principe de la double incrimination) « d'une peine privative de liberté ou d'une mesure de sûreté privative de liberté d'un maximum d'au moins un an ou d'une peine plus sévère » 3 ( * ) ; la France a émis une réserve pour porter à deux ans le seuil de peine encourue à partir duquel elle accepte l'extradition ;

- l'extradition aux fins d'exécution d'une peine est possible lorsque la peine prononcée sur le territoire de la partie requérante est d'au moins quatre mois d'emprisonnement ;

- l'extradition n'est pas accordée si l'infraction pour laquelle elle est demandée est considérée par la partie requise comme une infraction politique ; de même, l'extradition n'est pas accordée pour des faits déjà jugés par la partie requise ( non bis in idem ) ou pour des faits prescrits ;

- toute partie a la faculté de refuser l'extradition de ses propres ressortissants ;

- quelques conditions de forme sont exigées : en principe, la requête doit être formulée par écrit et présentée par la voie diplomatique, mais une autre voie peut être convenue par arrangement direct entre deux ou plusieurs parties.

La requête doit être accompagnée soit d'une décision de condamnation exécutoire, soit d'un mandat d'arrêt ou de tout autre acte ayant la même force. Un exposé des faits pour lesquels l'extradition est demandée ainsi qu'une copie des dispositions légales applicables doivent également être transmis à la partie requise ;

- en cas d'urgence, les autorités compétentes de la partie requérante peuvent demander « l'arrestation provisoire » de l'individu recherché ; les autorités compétentes de la partie requise statuent sur cette demande conformément à la loi de cette partie.

2. La procédure applicable en France

En l'absence de traité, les conditions, la procédure et les effets de l'extradition sont déterminés par les dispositions de la loi du 10 mars 1927 relative à l'extradition des étrangers. Cette loi s'applique également aux points qui n'auraient pas été réglementés par les traités.

En ce qui concerne les conditions de fond de l'extradition, la loi du 10 mars 1927 prévoit notamment que les faits susceptibles de donner lieu à l'extradition sont les faits punis de peines criminelles par la loi de l'Etat requérant ainsi que les faits punis de peines correctionnelles par la loi de l'Etat requérant, quand le maximum de la peine encourue, aux termes de cette loi, est de deux ans ou au dessus (un an dans la Convention européenne d'extradition de 1957).

En ce qui concerne la procédure, les demandes d'extradition sont adressées au ministre des affaires étrangères qui les transmet au ministre de la justice, lequel « s'assure de la régularité de la requête et lui donne telles suites que de droit ». S'il décide d'engager la procédure, le ministre adresse le dossier au Procureur de la République du lieu où l'individu recherché est signalé.

Lorsque l'arrestation provisoire de la personne recherchée est demandée, une demande distincte doit être formulée, qui peut être directement transmise d'autorité judiciaire à autorité judiciaire. Un avis doit être donné par le procureur de la République au ministre de la justice et au procureur général dans les vingt-quatre heures de l'arrestation.

Un membre du parquet procède à un interrogatoire d'identité avant l'incarcération de la personne. La personne peut être remise en liberté si, par la suite, une demande d'extradition en bonne et due forme n'est pas présentée.

L'examen de la demande d'extradition comporte une phase judiciaire et une phase administrative .

Le procureur de la République compétent fait arrêter la personne recherchée sauf si une demande distincte d'arrestation provisoire a été formulée. Dans les vingt-quatre heures de l'arrestation, un membre du parquet procède à un interrogatoire d'identité de la personne.

La personne dont l'extradition est demandée comparaît devant la chambre de l'instruction dans un délai maximal de huit jours. Elle est alors interrogée sur le fond de l'affaire et peut se faire assister d'un avocat.

Si la personne consent formellement à être livrée aux autorités du pays requérant, il lui est donné acte de cette déclaration et le dossier est transmis sans retard au ministre de la justice.

Dans le cas contraire, la chambre de l'instruction donne son avis motivé sur la demande d'extradition. L'avis est défavorable si la Chambre de l'instruction estime que les conditions légales ne sont pas remplies ou qu'il y a une erreur évidente.

Si l'avis de la chambre de l'instruction est négatif, l'extradition ne peut pas être accordée. En principe, la chambre de l'instruction statue sans recours, mais la Cour de cassation a progressivement admis la formation de pourvois .

Lorsque l'avis de la chambre de l'instruction est favorable à l'extradition, le ministre de la justice propose, « s'il y a lieu », à la signature du Premier ministre un décret autorisant l'extradition. Ce décret peut faire l'objet d'un recours devant le Conseil d'Etat .

Enfin, si, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'acte, l'extradé n'a pas été reçu par les agents de la puissance requérante, il est mis en liberté et ne peut plus être réclamé pour la même cause.

Les règles relatives à l'extradition sont donc actuellement complexes. Elles peuvent constituer une entrave à l'efficacité de la justice. Même dans le cas où l'intéressé accepte l'extradition, sa détention en France peut durer de nombreux mois.

B. LA DÉCISION-CADRE DU 13 JUIN 2002

La décision-cadre du 13 juin 2002 a pour objet de faire disparaître entre les Etats membres de l'Union la procédure traditionnelle d'extradition au profit d'un mandat d'arrêt directement transmis d'autorité judiciaire à autorité judiciaire.

1. Les initiatives précédentes

En 1995 et 1996, le Conseil de l'Union européenne avait adopté des conventions destinées à simplifier les procédures d'extradition entre Etats membres de l'Union européenne.

La convention du 10 mars 1995 a instauré une procédure simplifiée d'extradition lorsque la personne réclamée consent à sa remise. Ce texte prévoit notamment que le consentement à l'extradition doit être donné devant les autorités judiciaires de l'Etat requis, les Etats parties devant faire en sorte que « le consentement soit recueilli dans les conditions faisant apparaître que la personne l'a exprimé volontairement et en étant pleinement consciente des conséquences qui en résultent ».

La convention du 27 septembre 1996 modifie les conditions de fond de l'extradition. Elle abaisse notamment le quantum de la peine d'emprisonnement encourue permettant l'extradition. Si dans l'Etat requérant les faits doivent être passibles d'une peine d'emprisonnement d'au moins douze mois, ce quantum est fixé à six mois dans l'Etat requis. Elle prévoit en outre qu'aucune infraction ne pourra désormais être considérée comme politique, l'Etat requis ne pouvant refuser l'extradition pour ce motif. Il est toutefois prévu que les Etats membres puissent, par une déclaration interprétative, limiter cette « dépolitisation » aux infractions de terrorisme et d'association de malfaiteurs.

Tout en prévoyant l'extradition des ressortissants nationaux, la convention donne aux Etats la possibilité d'écarter ou de restreindre l'application de ce principe. Elle supprime la règle de la double incrimination pour les associations de malfaiteurs.

Les deux conventions de 1995 et 1996 ne sont toujours pas entrées en vigueur faute d'un nombre suffisant de ratifications 4 ( * ) .

Dans la perspective de cette entrée en vigueur, le Gouvernement a déposé en mai 2002 sur le Bureau du Sénat un projet de loi modifiant la loi du 10 mars 1927. Avec l'adoption de la décision-cadre relative au mandat d'arrêt européen, un nouveau projet de loi devra être élaboré.

2. Le mandat d'arrêt européen

Le mandat d'arrêt européen constitue la première concrétisation, en matière pénale, du principe de reconnaissance mutuelle que le Conseil européen a qualifié de « pierre angulaire » de la coopération judiciaire.

Comme l'indique l'exposé des motifs de la décision-cadre, « l'objectif assigné à l'Union de devenir un espace de liberté, de sécurité et de justice conduit à supprimer l'extradition entre Etats membres et à la remplacer par un système de remise entre autorités judiciaires. Par ailleurs, l'instauration d'un nouveau système simplifié de remise des personnes condamnées ou soupçonnées, aux fins d'exécution des jugements ou de poursuites, en matière pénale permet de supprimer la complexité et les risques de retard inhérents aux procédures d'extradition actuelles. Aux relations de coopération classiques qui ont prévalu jusqu'ici entre Etats membres, il convient de substituer un système de libre circulation des décisions judiciaires en matière pénale, tant pré-sentencielles que définitives, dans l'espace de liberté, de sécurité et de justice ».

a) Définition et champ d'application

Aux termes de l'article premier de la décision-cadre, « Le mandat d'arrêt européen est une décision judiciaire émise par un Etat membre en vue de l'arrestation et de la remise par un autre Etat membre d'une personne recherchée pour l'exercice de poursuites pénales ou pour l'exécution d'une peine ou d'une mesure de sûreté privatives de liberté ».

Un mandat d'arrêt européen peut être émis pour des faits punis par la loi de l'Etat membre d'émission d'une peine ou d'une mesure de sûreté privatives de liberté d'un maximum d'au moins douze mois ou, lorsqu'une condamnation à une peine est intervenue ou qu'une mesure de sûreté a été infligée, pour des condamnations prononcées d'une durée d'au moins quatre mois .

Trente-deux infractions ou catégories d'infractions donnent lieu à remise, sur la base d'un mandat d'arrêt européen, sans contrôle de la double incrimination des faits , lorsqu'elles sont punies dans l'Etat membre d'émission d'une peine ou d'une mesure de sûreté privatives de liberté d'un maximum d'au moins trois ans.

Liste des infractions donnant lieu à remise sur la base
d'un mandat d'arrêt européen sans contrôle de la double incrimination

- participation à une organisation criminelle ;

- terrorisme ;

- traite des êtres humains ;

- exploitation sexuelle des enfants et pédopornographie ;

- trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes ;

- corruption ;

- fraude, y compris la fraude portant atteinte aux intérêts financiers des
Communautés européennes ;

- blanchiment du produit du crime ;

- faux monnayage, y compris la contrefaçon de l'euro ;

- cybercriminalité ;

- crimes contre l'environnement ;

- aide à l'entrée et au séjour irréguliers ;

- homicide volontaire, coups et blessures graves ;

- trafic illicite d'organes et de tissus humains ;

- enlèvement, séquestration et prise d'otages ;

- racisme et xénophobie ;

- vols organisés ou avec armes ;

- trafic illicite de biens culturels, y compris antiquités et oeuvres d'art ;

- escroquerie ;

- racket et extorsion de fonds ;

- contrefaçon et piratage de produits ;

- falsification de documents administratifs et trafic de faux ;

- falsification de moyens de paiement ;

- trafic illicite de substances hormonales et autres facteurs de croissance ;

- trafic illicite de matières nucléaires et radioactives ;

- trafic de véhicules volés ;

- viol ;

- incendie volontaire ;

- crimes relevant de la juridiction de la Cour pénale internationale ;

- détournement d'avion ou de navire ;

- sabotage.

Pour les autres infractions, la remise peut être subordonnée à la condition que les faits pour lesquels le mandat d'arrêt européen a été émis constituent une infraction au regard du droit de l'Etat membre d'exécution.

Dans sa résolution de décembre 2001, le Sénat avait souhaité que soit posé le principe général de la suppression du contrôle de la double incrimination avec un nombre d'exceptions le plus limité possible. La décision-cadre retient au contraire la solution d'une énumération des infractions pour lesquelles le contrôle de la double incrimination est supprimé. Si ce choix peut être regretté, il faut cependant reconnaître que la liste des infractions pour lesquelles le contrôle de la double incrimination est supprimé est substantielle et comporte les crimes et délits les plus graves.

b) Motifs de non-exécution du mandat d'arrêt

Les articles 3 et 4 de la décision-cadre énumèrent les motifs de non-exécution du mandat d'arrêt européen.

L'exécution du mandat d'arrêt doit être refusée :

- si l'infraction est couverte par l'amnistie dans l'Etat membre d'exécution lorsque celui-ci avait compétence pour poursuivre cette infraction selon sa propre loi pénale ;

- si la personne recherchée a fait l'objet d'un jugement définitif pour les mêmes faits par un Etat membre, à condition que, en cas de condamnation, celle-ci ait été exécutée ou soit actuellement en cours d'exécution ou ne puisse plus être exécutée selon les lois de l'Etat de condamnation ;

- si la personne qui fait l'objet du mandat d'arrêt européen ne peut, en raison de son âge, être tenue pénalement responsable des faits à l'origine de ce mandat selon le droit de l'Etat membre d'exécution.

L' exécution du mandat d'arrêt peut être refusée :

- lorsque les faits reprochés à la personne ne constituent pas une infraction dans l'Etat membre d'exécution (hors les cas où le contrôle de la double incrimination est supprimé) ;

- lorsque la personne est poursuivie pour les mêmes faits dans l'Etat membre d'exécution ;

- lorsque les autorités judiciaires de l'Etat membre d'exécution ont décidé, soit de ne pas engager des poursuites pour l'infraction faisant l'objet du mandat d'arrêt européen, soit d'y mettre fin , ou lorsque la personne recherchée a fait l'objet dans un Etat membre d'une décision définitive pour les mêmes faits qui fait obstacle à l'exercice ultérieur de poursuites ;

- lorsqu'il y a prescription de l'action pénale ou de la peine selon la législation de l'Etat membre d'exécution ;

- si la personne recherchée a été définitivement jugée pour les mêmes faits par un pays tiers ;

- si le mandat d'arrêt européen a été délivré aux fins d'exécution d'une peine ou d'une mesure de sûreté privatives de liberté, lorsque la personne recherchée demeure dans l'Etat membre d'exécution, en est ressortissante ou y réside, et que cet Etat s'engage à exécuter cette peine ou mesure de sûreté conformément à son droit interne ;

- lorsque le mandat d'arrêt porte sur des infractions qui ont été commises en tout ou partie sur le territoire de l'Etat membre d'exécution ;

- lorsque les infractions ont été commises hors du territoire de l'Etat membre d'émission et que le droit de l'Etat membre d'exécution n'autorise pas la poursuite pour les mêmes infractions commises hors de son territoire .

Enfin, la décision-cadre précise dans l'un de ses considérants : « La présente décision-cadre respecte les droits fondamentaux et observe les principes reconnus par l'article 6 du traité sur l'Union européenne et reflétés dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, notamment dans son chapitre VI. Rien dans la présente décision-cadre ne peut être interprété comme une interdiction de refuser la remise d'une personne qui fait l'objet d'un mandat d'arrêt européen s'il y a des raisons de croire, sur la base d'éléments objectifs, que ledit mandat a été émis dans le but de poursuivre ou de punir une personne en raison de son sexe, de sa race, de sa religion, de son origine ethnique, de sa nationalité, de sa langue, de ses opinions politiques ou de son orientation sexuelle, ou qu'il peut être porté atteinte à la situation de cette personne pour l'une de ces raisons ».

c) La procédure de remise

L'article 9 de la décision-cadre prévoit que l'autorité judiciaire d'émission peut communiquer le mandat d'arrêt européen directement à l'autorité judiciaire d'exécution.

Lors de l'arrestation de la personne recherchée, l'autorité judiciaire d'exécution informe cette personne de l'existence et du contenu du mandat d'arrêt européen, ainsi que de la possibilité qui lui est offerte de consentir à sa remise à l'autorité judiciaire d'émission (article 11).

L'article 12 de la décision-cadre prévoit que lorsqu'une personne est arrêtée sur la base d'un mandat d'arrêt européen, l'autorité judiciaire d'exécution décide s'il convient de la maintenir en détention conformément au droit de l'Etat membre d'exécution. La mise en liberté provisoire est possible à tout moment conformément au droit interne de l'Etat membre d'exécution, à condition que l'autorité compétente dudit Etat membre prenne toute mesure qu'elle estimera nécessaire en vue d'éviter la fuite de la personne recherchée.

Dans sa résolution de décembre 2001, le Sénat avait souhaité que l'autorité judiciaire à l'origine du mandat d'arrêt ait la connaissance du contentieux de la détention ou qu'elle puisse, à tout le moins, faire valoir son point de vue. Cette préoccupation n'a manifestement pas été prise en considération.

Dans l'attente d'une décision, l'autorité d'exécution procède à l'audition de la personne concernée (article 14). Au plus tard dans les soixante jours suivant l'arrestation, l'autorité judiciaire d'exécution doit prendre une décision définitive sur l'exécution du mandat d'arrêt européen. Toutefois, lorsque les informations communiquées sont insuffisantes, l'autorité d'exécution peut demander à l'autorité d'émission des informations complémentaires.

L'article 17 de la décision-cadre précise que lorsque le mandat d'arrêt européen ne peut être exécuté dans les délais prévus, l'autorité judiciaire d'exécution en informe immédiatement l'autorité judiciaire d'émission, en indiquant pour quelles raisons. Il dispose en outre que tout refus d'exécuter un mandat d'arrêt européen doit être motivé.

En principe, la personne recherchée doit être remise au plus tard dix jours après la décision finale sur l'exécution du mandat d'arrêt européen (article 23). Il peut toutefois être sursis temporairement à la remise, pour des raisons humanitaires sérieuses.

Dans certaines circonstances, notamment lorsque la personne recherchée doit être poursuivie dans l'Etat membre d'exécution, l'autorité judiciaire d'exécution peut différer la remise ou remettre temporairement à l'Etat membre d'émission la personne recherchée (article 24).

d) La mise en oeuvre de la décision-cadre

L'article 34 de la décision-cadre prévoit que les Etats membres prennent les mesures nécessaires pour se conformer à ses dispositions avant le 31 décembre 2003.

Les Etats membres ont cependant la possibilité de déclarer qu'ils continueront à appliquer les dispositions en vigueur avant le 1 er janvier 2004 aux demandes portant sur des faits commis avant une date déterminée. La France a décidé d'utiliser cette disposition et d'appliquer la procédure classique d'extradition aux faits commis avant le 1 er novembre 1993, date d'entrée en vigueur du traité de Maastricht.

La Commission européenne devra soumettre le 31 décembre 2004 au plus tard, un rapport au Parlement européen et au Conseil sur l'application de la décision-cadre, accompagné, si nécessaire, de propositions législatives.

*

Incontestablement, le mandat d'arrêt européen marquera un progrès par rapport aux règles actuelles de l'extradition. Néanmoins, il est regrettable que de nombreuses possibilités de refuser l'exécution du mandat d'arrêt subsistent. Le refus d'exécuter un mandat d'arrêt n'est assorti d'aucune sanction, de sorte que le risque est grand que la décision-cadre ne soit pas mise en oeuvre dans toute sa plénitude. Rappelons que les décisions-cadres ne peuvent donner lieu à recours en manquement devant la Cour de justice des Communautés européennes.

Il convient cependant de garder à l'esprit que le mandat d'arrêt européen, tel qu'il résulte de la décision-cadre du 13 juin 2002, ne reflète finalement que l'état d'avancement de l'espace judiciaire européen et la portée limitée du principe de la reconnaissance mutuelle. Les droits pénaux, les procédures pénales des Etats membres demeurent trop éloignés pour qu'il soit possible de mettre en place un véritable mandat d'arrêt, dont l'exécution ne serait soumise qu'à une vérification de la régularité formelle de la demande. C'est pourquoi il paraît essentiel que la prochaine modification des traités européens conduise à une accélération de la réalisation de l'espace judiciaire européen.

III. UN PROJET DE LOI CONSTITUTIONNELLE QUI DOIT PERMETTRE LA MISE EN oeUVRE DU MANDAT D'ARRÊT EUROPÉEN

Le 26 septembre 2002, le Conseil d'Etat, saisi par le Premier ministre, d'une demande d'avis sur la question de savoir si la transposition en droit français de la décision-cadre relative au mandat d'arrêt européen était de nature à se heurter à des obstacles tirés de règles ou de principes de valeur constitutionnelle, a répondu que la transposition de la décision-cadre nécessitait au préalable une révision de la Constitution. Tel est l'objet du présent projet de loi constitutionnelle.

A. UNE RÉVISION CONSTITUTIONNELLE JUGÉE NÉCESSAIRE PAR LE CONSEIL D'ETAT

Aux termes de l'article 23 de l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945 sur le Conseil d'Etat, « Le Conseil d'Etat donne son avis (...) sur toutes les questions pour lesquelles son intervention est prévue par des dispositions législatives ou réglementaires, ou qui lui sont soumises par le Gouvernement ».

Sur la base de cette disposition, le Premier ministre a saisi le Conseil d'Etat d'une demande d'avis sur la question de savoir si la transposition de la décision-cadre du 13 juin 2002 était de nature à se heurter à des obstacles tirés de règles ou de principes de valeur constitutionnelle, « notamment en ce que ladite décision-cadre exclut que l'Etat d'exécution du mandat d'arrêt européen puisse se fonder sur le motif tiré du caractère politique de l'infraction pour refuser la remise à l'Etat d'émission de la personne recherchée ».

Le Conseil d'Etat a estimé que la transposition de la décision-cadre impliquait au préalable une révision constitutionnelle, précisément pour le motif mentionné par le Premier ministre dans sa demande d'avis.

1. La plupart des dispositions de la décision-cadre ne portent atteinte à aucun principe de valeur constitutionnelle

Dans son avis, le Conseil d'Etat a tout d'abord appelé que le respect de la souveraineté nationale ne faisait pas obstacle à ce que, sur le fondement des dispositions du préambule de la Constitution de 1946, puisse être transposée par voie législative une décision-cadre ayant pour conséquence de substituer aux relations de coopération classique entre Etats membres un système de libre circulation des décisions judiciaires en matière pénale. Il précise néanmoins qu'une telle transposition nécessite une révision de la Constitution si la décision-cadre comporte des dispositions « contraires à la Constitution ou à des principes de valeur constitutionnelle, mettant en cause les droits et libertés constitutionnellement garantis ou portant atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale ».

En fait, ces observations ne font que reprendre les considérants des décisions rendues par le Conseil constitutionnel sur le fondement de l'article 54 de la Constitution, en particulier celle du 22 janvier 1999 relative au traité portant statut de la Cour pénale internationale.

Le Conseil d'Etat énumère ensuite plusieurs dispositions de la décision-cadre pour préciser qu'elles ne contreviennent pas « à des principes ou à des règles constitutionnelles » :

- la possibilité d'extrader des nationaux ne soulève pas de difficultés dès lors qu' « aucun des droits et libertés de l'individu, tels qu'ils ont été proclamés par la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et par le préambule de la Constitution, n'implique que les nationaux ne puissent être extradés ».

En pratique, cette solution avait déjà été affirmée par le Conseil d'Etat dans un avis du 24 novembre 1994 ;

- de même, la suppression, pour certaines infractions, du contrôle de la double incrimination ne heurte aucun principe à valeur constitutionnelle. Le Conseil d'Etat relève en effet que « si cette règle est appliquée couramment dans le droit de l'extradition en fonction de l'idée que l'Etat requérant doit justifier de la pertinence de sa demande et que l'Etat requis n'apporte son aide que parce que la répression d'infractions qui sont également punissables en vertu de sa législation concourt à la réalisation d'un intérêt commun aux deux Etats, ladite règle ne peut cependant être regardée comme l'expression d'un principe fondamental reconnu par les lois de la République au sens où l'a entendu le Préambule de la Constitution de 1946 ».

- l'amnistie et la prescription constituant des motifs de non-exécution du mandat d'arrêt européen, le Conseil d'Etat estime que les conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale sont respectées.

Il faut en déduire, conformément à la décision du Conseil constitutionnel du 22 janvier 1999 relative au traité de Rome portant statut de la Cour pénale internationale, que si la décision-cadre n'avait pas prévu la possibilité de refuser l'extradition pour une infraction prescrite dans l'Etat d'exécution, il aurait existé un risque d'atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté ;

- à propos du droit d'asile , le Conseil d'Etat fait valoir que « la décision-cadre satisfait aux exigences constitutionnelles en matière d'asile dans la mesure où son article 1 er paragraphe 3, énonce qu'elle « ne saurait avoir pour effet de modifier l'obligation de respecter les droits fondamentaux et les principes juridiques fondamentaux tels qu'ils sont consacrés par l'article 6 du traité de l'Union européenne ».

Ainsi, le Conseil d'Etat estime que la plupart des dispositions de la décision-cadre relative au mandat d'arrêt européen ne portent atteinte à aucun principe de valeur constitutionnelle.

2. La question des infractions à caractère politique

En revanche, dans son avis du 26 septembre 2002, le Conseil d'Etat a estimé que la transposition de la décision-cadre relative au mandat d'arrêt européen nécessitait au préalable une révision constitutionnelle, dès lors que la décision-cadre ne prévoyait pas la possibilité de refuser l'exécution du mandat d'arrêt lorsque celui-ci porte sur une infraction à caractère politique .

La loi du 10 mars 1927 relative à l'extradition prévoit dans son article 5 que l'extradition n'est pas accordée « lorsque le crime ou délit a un caractère politique ou lorsqu'il résulte des circonstances que l'extradition est demandée dans un but politique ».

a) La notion d'infraction à caractère politique

La règle selon laquelle l'extradition n'est pas accordée lorsque le crime ou le délit a un caractère politique est ancienne.

Dans le droit pénal français actuel, le caractère politique d'une infraction n'a pas de conséquences sur le quantum de la peine mais quelques dispositions témoignent d'une très relative faveur du législateur à l'égard des délinquants politiques. Ainsi, les condamnations prononcées pour un crime ou un délit politique ne font jamais obstacle à l'octroi du sursis. De même, ces infractions ne peuvent jamais entraîner la révocation d'un sursis antérieurement accordé. La contrainte par corps est interdite en matière politique.

En ce qui concerne la procédure pénale, elle comporte également quelques règles spécifiques en matière d'infractions politiques. La comparution immédiate est exclue pour les infractions à caractère politique. Les condamnations pour une infraction politique n'ont aucune incidence sur la durée de la détention provisoire.

Singulièrement, il n'existe aucune définition légale de l'infraction à caractère politique . En ce qui concerne les crimes, ceux qui ont un caractère politique peuvent être identifiés parce qu'ils sont punis d'une peine de « détention criminelle ». Il en est ainsi des crimes constituant des atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation prévus par le titre Ier du livre IV du code pénal : trahison et espionnage, attentat, complot... Ce critère ne vaut cependant pas en matière de délits.

En pratique, il est revenu à la jurisprudence de déterminer quelles infractions revêtaient un caractère politique.

Pour l'essentiel, la jurisprudence s'est fondée sur la nature de certaines infractions pour leur reconnaître un caractère politique. Elle a reconnu ce caractère à de nombreuses infractions contre la nation, l'Etat et la paix publique, mais aussi aux délits de presse ou aux infractions réprimées par le code électoral.

Les mobiles des auteurs sont de moins en moins pris en compte pour déterminer le caractère politique d'une infraction. Ainsi, en matière d'extradition, la jurisprudence refuse de reconnaître un caractère politique aux infractions de droit commun lorsqu'elles excèdent une certaine gravité. Par ailleurs, dans le code pénal, les mobiles politiques d'une infraction sont parfois érigés par le législateur en facteur d'aggravation . Confronté à la menace terroriste, le législateur a aggravé un grand nombre d'infractions de droit commun lorsqu'elles sont « en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la teneur ». La spécificité des actes de terrorisme a également été reconnue par plusieurs conventions internationales dont l'objet explicitement affirmé est de soustraire de tels actes à la qualification politique.

En définitive « on peut s'interroger aujourd'hui sur la pertinence du maintien d'un régime juridique de faveur. En effet, dans une société libérale et démocratique, l'expression de convictions politiques ne peut bien entendu constituer une infraction pénale. Elle ne devient répréhensible que si elle est accompagnée de violences, de destructions ou d'incitation à la haine. Mais alors, c'est une infraction de droit commun consistant en une atteinte aux personnes ou aux biens qui est sanctionnée, et non une infraction politique. Quant aux infractions dirigées contre l'organisation politique de l'Etat, telle la fraude électorale, on ne voit pas en quoi elles seraient plus estimables que la falsification d'un acte authentique ou le détournement de fonds publics. On pourrait même soutenir que, dans la mesure précisément où la démocratie tolère les modes pacifiques d'expression des opinions, le recours à la violence pour imposer ses convictions y est moins justifié qu'ailleurs et constitue donc davantage une cause d'aggravation de la répression. En définitive, la reconnaissance de la spécificité des infractions politiques apparaît surtout justifiée en matière d'extradition, lorsqu'il s'agit de soustraire à la répression des citoyens persécutés dans leur pays en raison de leur engagement politique » 5 ( * ) .

b) La poursuite dans un but politique

La loi du 10 mars 1927 interdit l'extradition non seulement lorsque le crime ou le délit a un caractère politique, mais également « lorsqu'il résulte des circonstances que l'extradition est demandée dans un but politique ».

Cette clause résulte d'un amendement déposé par le rapporteur au Sénat du projet de loi à l'origine de la loi de 1927, celui-ci souhaitant éviter « que les hommes qui se sont compromis par leurs idées politiques ne soient livrés à d'autres hommes qui les jugeraient avec un esprit de rancune, de violence ou de vengeance » 6 ( * ) .

c) Des principes à valeur constitutionnelle

Dans un arrêt du 3 juillet 1996 7 ( * ) , le Conseil d'Etat a énoncé que la règle selon laquelle l'Etat doit refuser l'extradition d'un étranger lorsqu'elle est demandée dans un but politique constituait un principe fondamental reconnu par les lois de la République.

Dans un avis du 9 novembre 1995, rendu à propos d'un projet de convention en cours de négociation entre les Etats membres de l'Union européenne, le Conseil d'Etat a également considéré « qu'eu égard à la constance et à l'ancienneté de la règle exprimée par la loi du 10 mars 1927 et par les conventions signées par la France, le principe selon lequel l'Etat doit se réserver le droit de refuser l'extradition pour les infractions qu'il considère comme des infractions à caractère politique constitue un principe fondamental reconnu par les lois de la République, ayant à ce titre valeur constitutionnelle en vertu du Préambule de la Constitution de 1946 » 8 ( * ) .

d) Une contrariété entre la décision-cadre et un principe à valeur constitutionnelle

Dans son avis sur la décision-cadre relative au mandat d'arrêt européen, le Conseil d'Etat estime que la décision-cadre ne porte pas atteinte au principe selon lequel l'Etat doit refuser l'extradition lorsqu'elle est demandée dans un but politique, dès lors que l'un des considérants de la décision-cadre précise que l'Etat d'exécution a le droit de refuser la remise d'une personne s'il a des raisons de croire que la demande de remise a été émise dans un but politique.

En revanche, le Conseil d'Etat constate que les articles 3 et 4 de la décision-cadre, qui dressent des listes de motifs de non-exécution obligatoire ou facultative du mandat d'arrêt européen, ne comprennent pas la nature politique des infractions.

Certes, la décision-cadre précise qu'elle ne peut être regardée comme affectant les droits fondamentaux tels qu'ils sont garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et tels qu'ils résultent des traditions constitutionnelles des Etats membres, mais le Conseil d'Etat observe que ces dispositions ne permettent pas, en l'absence de jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes sur ce point, d'inférer qu'il existerait en la matière un principe général de l'ordre juridique communautaire ayant la même force juridique que le Traité sur l'Union européenne et s'imposant par là même comme une règle d'interprétation de la décision-cadre dans un sens garantissant le principe constitutionnel de la possibilité de refuser la remise d'une personne recherchée pour une infraction à caractère politique.

Dans ces conditions, le Conseil d'Etat a estimé que la transposition de la décision-cadre ne pouvait intervenir sans une révision préalable de la Constitution.

*

Il est possible de s'interroger sur la conclusion à laquelle est parvenue le Conseil d'Etat dans son avis. Compte tenu des évolutions jurisprudentielles sur la notion d'infraction à caractère politique, n'aurait-il pas été possible de constater que le considérant de la décision-cadre permettant de refuser la remise d'une personne lorsque la demande a été émise dans un but politique couvrait également le cas des infractions à caractère politique dans l'acception que leur donnent de plus en plus les juridictions ? Le Conseil d'Etat n'a-t-il pas donné valeur constitutionnelle à une notion qui semblait tomber en désuétude ?

A cet égard, ne conviendrait-il pas que le législateur envisage de mettre fin à une distinction ignorée par bon nombre de nos partenaires européens et qui a perdu beaucoup de signification ?

Quoi qu'il en soit, l'avis du Conseil d'Etat place le Constituant dans une situation inédite.

B. DROIT CONSTITUTIONNEL ET DROIT COMMUNAUTAIRE DÉRIVÉ : DES RAPPORTS À CLARIFIER

A la connaissance de votre rapporteur, aucune contrariété entre un acte de droit communautaire dérivé et une Constitution nationale n'avait jamais été relevée jusqu'à présent. Cette situation peut susciter quelques interrogations.

1. Le contrôle de constitutionnalité du droit communautaire en France

a) Le rôle du Conseil constitutionnel

Deux voies peuvent permettre, dans notre pays, un contrôle par le Conseil constitutionnel du droit communautaire.

L'article 54 de la Constitution dispose que si le Conseil constitutionnel saisi par le Président de la République, par le Premier ministre, par le président de l'une ou l'autre assemblée ou par soixante députés ou soixante sénateurs, a déclaré qu'un engagement international comporte une clause contraire à la Constitution, l'autorisation de ratifier ou d'approuver l'engagement international en cause ne peut intervenir qu'après la révision de la Constitution.

Sur la base de cette disposition, le Conseil constitutionnel a notamment rendu les décisions suivantes, qui concernaient la construction européenne :

- en 1970, le Conseil constitutionnel s'est prononcé sur le traité du 22 avril 1970 portant modification de certaines dispositions budgétaires des traités instituant les Communautés européennes et du traité instituant un Conseil unique et une Commission unique des Communautés européennes, ainsi que sur la décision du Conseil des Communautés européennes du 21 avril 1970 relative au remplacement des contributions des Etats-membres par des ressources propres aux Communautés ;

- en 1976, le Conseil s'est prononcé sur la décision du Conseil des Communautés européennes relative à l'élection de l'Assemblée européenne ;

- en 1992, le Conseil constitutionnel s'est prononcé à deux reprises dans le cadre de l'article 54 de la Constitution sur le Traité sur l'Union européenne signé à Maastricht ;

- en 1997, le Conseil constitutionnel s'est prononcé sur le traité d'Amsterdam.

Dans deux décisions, la décision n° 92-308 DC du 9 avril 1992 relative au traité sur l'Union européenne et la décision n° 97-394 du 31 décembre 1997 relative au traité d'Amsterdam, le Conseil constitutionnel a estimé que l'autorisation de ratification de l'engagement international qui lui était soumis nécessitait une révision de la Constitution.

Il convient de noter que, compte tenu de la rédaction de l'article 54 de la Constitution, il est le plus souvent admis que seuls des engagements internationaux impliquant une autorisation de ratification ou d'approbation peuvent être soumis au Conseil constitutionnel , ce qui exclut les actes de droit communautaire n'impliquant pas une telle autorisation, notamment les règlements, directives ou décisions-cadres. Le Conseil constitutionnel ne pouvait donc être saisi de la décision-cadre relative au mandat d'arrêt européen.

Par ailleurs, en application de l'article 61 de la Constitution, les lois autorisant la ratification ou l'approbation d'un engagement international ainsi que les lois transposant un acte de droit communautaire dérivé peuvent, comme toutes les lois, être déférées au Conseil constitutionnel avant leur promulgation.

Les décisions du Conseil constitutionnel relatives à des lois ayant pour objet de mettre en oeuvre des actes de droit communautaire dérivé sont restées peu nombreuses.

Deux décisions anciennes ont trait à des lois portant application d'un règlement communautaire : il s'agit des décisions 77-89 DC et 77-90 DC du 30 décembre 1977 relatives, respectivement, aux articles de la loi de finances pour 1978 et de la loi de finances rectificative pour 1977 fixant les modalités de recouvrement d'une cotisation nationale destinée à régulariser le marché de l'isoglucose, cotisation créée par un règlement du Conseil des Communautés européennes. Dans ces décisions, le Conseil constitutionnel a affirmé que la répartition des compétences opérée par le règlement entre les institutions communautaires et les autorités nationales, au regard tant des conditions d'exercice de la souveraineté nationale que du jeu des règles de l'article 34 de la Constitution relatives au domaine de la loi, ne sont que « la conséquence d'engagements internationaux souscrits par la France qui sont entrés dans le champ de l'article 55 de la Constitution ».

Ces deux décisions ont été interprétées comme l'expression du refus par le Conseil constitutionnel de contrôler la constitutionnalité des normes communautaires d'effet direct, lesquelles bénéficieraient ainsi au plan interne d'une totale immunité.

Les décisions du Conseil constitutionnel relatives aux lois de transposition de directives communautaires sont peu nombreuses 9 ( * ) . Le contenu de ces décisions, compte tenu des griefs formulés par les requérants, ne permet pas de savoir si le Conseil constitutionnel accepte de vérifier la constitutionnalité de la norme communautaire elle-même.

b) Le rôle du Conseil d'Etat

Le Conseil d'Etat, outre ses attributions juridictionnelles, exerce une fonction de conseil à l'égard du Gouvernement. A ce titre, il peut être saisi de demandes d'avis sur toute question juridique.

Dans ce cadre, il peut être conduit à vérifier la constitutionnalité d'une norme à tous les stades de son élaboration. En l'occurrence, le Conseil d'Etat a été saisi de la conformité à la Constitution de la décision-cadre du 13 juin 2002 après son adoption par le Conseil de l'Union européenne.

2. Une situation sans précédent

Compte tenu des règles générales qui viennent d'être rappelées, la présente révision constitutionnelle est sans précédent.

Jamais une contradiction entre un acte des Communautés européennes ou de l'Union européenne et la Constitution n'avait été relevée auparavant. Or, cette contradiction n'a été révélée qu'une fois la décision-cadre définitivement adoptée par le Conseil de l'Union européenne.

En définitive, le Constituant se trouve pour la première fois absolument contraint de procéder à une révision constitutionnelle, sans avoir été informé à aucun moment de la négociation de la décision-cadre du risque d'inconstitutionnalité qui existait . Dans le passé, les révisions constitutionnelles liées à la construction européenne concernaient des engagements internationaux nécessitant approbation ou ratification, en sorte que le Parlement demeurait -théoriquement au moins- libre de ne pas autoriser la ratification ou l'approbation de l'acte en cause et donc libre de ne pas réviser la Constitution.

Les conditions dans lesquelles est opérée la présente révision constitutionnelle ne sont donc pas satisfaisantes, même s'il est clair que le Gouvernement n'avait d'autre choix, après l'avis du Conseil d'Etat, que de déposer un projet de loi constitutionnelle. S'il ne l'avait pas fait, il existait en effet un risque que la future loi de transposition soit déclarée non conforme à la Constitution, ce qui aurait retardé considérablement l'entrée en vigueur de la décision-cadre.

Pour autant, la question des rapports entre droit constitutionnel et droit communautaire dérivé mérite une réflexion approfondie. Compte tenu de l'évolution de la construction européenne, qui ne concerne plus seulement les questions économiques, mais aussi des sujets mettant en cause les libertés, tels que l'asile, l'immigration, le droit pénal et la procédure pénale, les cas de contrariété entre le droit dérivé et la Constitution pourraient se multiplier.

Une réforme profonde des traités communautaires est en cours de préparation dans le cadre de la Convention européenne, qui nécessitera très probablement une nouvelle révision constitutionnelle. Il conviendrait qu'à cette occasion, les rapports entre droit communautaire et droit constitutionnel soient réexaminés. Certaines questions mériteraient d'être débattues.

- Faut-il prévoir une clause « d'immunité » du droit communautaire dérivé dès lors que le traité sur lequel il est fondé a été régulièrement ratifié , la Cour de justice des Communautés européennes étant, en tout état de cause, compétente pour vérifier que le droit communautaire respecte les droits fondamentaux tels qu'ils sont protégés par les constitutions nationales ?

Certains pays européens se sont engagés dans cette voie, qui garantit une sécurité juridique plus grande et permet une unité d'interprétation des actes communautaires. Pour autant, compte tenu des conditions d'élaboration du droit communautaire, il est difficile d'affirmer que la conformité à notre Constitution d'un traité garantit à coup sûr la conformité à la Constitution de tous les actes pris sur la base de ce traité, pour la seule raison que ces actes seraient conformes au traité.

- Faut-il au contraire envisager un contrôle par le Conseil constitutionnel de la conformité à la Constitution des projets et propositions d'actes communautaires avant leur adoption définitive , de manière à permettre au Parlement comme au Gouvernement d'apprécier en toute connaissance de cause la situation, de tenter éventuellement de faire modifier le texte en cours de discussion, de décider le cas échéant d'accepter l'acte et donc de réviser la Constitution ?

En 1992, lors de l'examen du projet de loi constitutionnelle destiné à permettre la ratification du traité de Maastricht, le Sénat a voté un amendement permettant de soumettre les propositions d'actes communautaires au Conseil constitutionnel. Une demande de seconde délibération a permis au gouvernement de faire écarter cette disposition. Par la suite, notre excellent collègue M. Jacques Oudin déposa une proposition de loi constitutionnelle ayant le même objet 10 ( * ) , mais celle-ci ne fut jamais examinée.

En 1998, lors de l'examen du projet de loi constitutionnelle modifiant les articles 88-2 et 88-4 de la Constitution pour permettre la ratification du traité d'Amsterdam, MM. de Rohan, Barnier, Gélard et les membres du groupe du Rassemblement pour la République, présentèrent un amendement, afin de permettre au Conseil constitutionnel de se prononcer sur la conformité à la Constitution des projets ou propositions d'actes communautaires. L'amendement fut retiré avant d'être mis aux voix.

A l'Assemblée nationale également, plusieurs initiatives furent prises afin d'instituer un contrôle de constitutionnalité des propositions aux projets d'actes communautaires, mais aucune n'aboutit. Le risque de paralysie des négociations européennes, la difficulté de vérifier la constitutionnalité d'une norme en cours de négociation et donc susceptible d'évoluer furent notamment invoqués pour écarter la possibilité de vérifier la constitutionnalité des projets ou propositions d'actes communautaires.

Il est vrai qu'un contrôle de constitutionnalité des projets ou propositions d'actes communautaires modifierait profondément le rôle du Conseil constitutionnel, qui ne se prononce jamais sur des normes en cours d'élaboration.

- Ne faut-il pas, à défaut, faire en sorte que le Conseil d'Etat vérifie la conformité à la Constitution des projets ou propositions d'actes en cours de discussion plutôt que des actes définitivement adoptés, afin que le Parlement comme le Gouvernement soient informés en temps utile des difficultés constitutionnelles soulevées par un projet ou une proposition d'acte ?

Dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution, qui permet au Parlement d'adopter des résolutions sur les projets ou propositions d'actes des Communautés européennes et de l'Union européenne comportant des dispositions de nature législative, le Gouvernement consulte le Conseil d'Etat sur la question de savoir si les projets et propositions d'actes comportent des dispositions de nature législative. Dans ce cadre, il est arrivé que le Conseil d'Etat aille au-delà de cette mission et formule des observations plus générales sur la proposition qui lui était soumise. Examinant la proposition de directive relative à la protection des données à caractère personnel, le Conseil d'Etat avait estimé que ce texte pourrait soulever des difficultés constitutionnelles. La négociation avait alors permis au Gouvernement de faire modifier la proposition de directive.

Saisi au titre de l'article 88-4 de la Constitution de la proposition de décision-cadre relative au mandat d'arrêt européen, le Conseil d'Etat n'a formulé aucune observation sur les difficultés constitutionnelles posées par ce texte, faisant ainsi preuve d'une grande réserve. Dans son avis, le Conseil d'Etat a simplement souligné l'importance de la proposition de décision-cadre et son caractère particulièrement délicat au regard des principes traditionnels du droit de l'extradition.

D'après les informations transmises à votre rapporteur, le Gouvernement envisage de modifier la circulaire du 13 décembre 1999 relative à l'application de l'article 88-4 de la Constitution, notamment pour élargir le rôle du Conseil d'Etat afin que, pour certains projets et propositions au moins, il vérifie non seulement la présence de dispositions de nature législative mais également le respect des principes à valeur constitutionnelle. A condition que ces avis soient systématiquement transmis au Parlement, ils pourraient permettre d'évoquer avec transparence les difficultés constitutionnelles soulevées par un projet ou une proposition d'acte des Communautés ou de l'Union. Sur la base des réactions de l'Assemblée nationale ou du Sénat, le Gouvernement pourrait être conduit à tenter de faire modifier la proposition d'acte en discussion. Si le déroulement des négociations devait le conduire à accepter une disposition risquant d'être déclarée inconstitutionnelle, il s'en expliquerait devant le Parlement, qui ne serait ainsi pas placé devant le fait accompli.

C. LE PROJET DE LOI CONSTITUTIONNELLE

Quelles que soient les réserves que peuvent susciter les conditions dans lesquelles le Constituant est appelé à intervenir, le Gouvernement n'avait d'autre choix, après l'avis rendu par le Conseil d'Etat, que de déposer un projet de loi constitutionnelle destiné à permettre la transposition de la décision-cadre relative au mandat d'arrêt européen.

1. Le projet de loi initial

Depuis 1992, le titre XV de la Constitution, composé de quatre articles, est consacré aux Communautés européennes et à l'Union européenne.

L'article 88-1 dispose que « La République participe aux Communautés européennes et à l'Union européenne, constituées d'Etats qui ont choisi librement, en vertu des traités qui les ont instituées, d'exercer en commun certaines de leurs compétences ».

L'article 88-3 prévoit la possibilité d'accorder le droit de vote et d'éligibilité aux citoyens de l'Union résidant en France.

L'article 88-4 prévoit la transmission à l'Assemblée nationale et au Sénat des projets et propositions d'actes des Communautés européennes et de l'Union européenne comportant des dispositions de nature législative, ainsi que d'autres documents, et la possibilité pour les assemblées de voter des résolutions sur les projets, propositions ou documents qui leur sont soumis.

Le présent projet de loi constitutionnelle tend à modifier l'article 88-2 de la Constitution.

L'article 88-2, créé par la loi constitutionnelle préalable à la ratification du traité de Maastricht, ne comportait à l'origine qu'un alinéa ainsi rédigé : « Sous réserve de réciprocité et selon les modalités prévues par le Traité sur l'Union européenne signé le 7 février 1992, la France consent aux transferts de compétences nécessaires à l'établissement de l'Union économique et monétaire européenne ainsi qu'à la détermination des règles relatives au franchissement des frontières extérieures des Etats membres de la Communauté européenne ».

La loi constitutionnelle n°99-49 du 25 janvier 1999, préalable à la ratification du traité d'Amsterdam, a limité le champ de cet alinéa aux transferts de compétences nécessaires à l'établissement de l'Union économique et monétaire tout en insérant dans l'article 88-2 un nouvel alinéa aux termes duquel : « Sous la même réserve et selon les modalités prévues par le Traité instituant la Communauté européenne, dans sa rédaction résultant du traité signé le 2 octobre 1997, peuvent être consentis les transferts de compétence nécessaires à la détermination des règles relatives à la libre circulation des personnes et aux domaines qui lui sont liés ».

Afin de rendre conforme à la Constitution la décision-cadre relative au mandat d'arrêt européen, le Gouvernement a choisi de compléter cet article 88-2 plutôt que d'insérer un nouvel article dans la Constitution.

Le projet de loi constitutionnelle tend donc à compléter l'article 88-2 par un nouvel alinéa. Cet alinéa était ainsi rédigé dans le projet de loi constitutionnelle déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale : « Sont fixées par la loi les règles relatives au mandat d'arrêt européen conformément aux dispositions des décisions-cadres prises par le Conseil de l'Union européenne sur le fondement du traité mentionné au premier alinéa ».

Ce texte se distingue des deux alinéas existants de l'article 88-2 par l'absence de référence à la réserve de réciprocité . Une telle absence se justifie par la nature de la décision-cadre, qui, à la différence des traités, a vocation à s'appliquer même en l'absence de réciprocité. Comme l'a indiqué le Conseil constitutionnel dans sa décision n°98-400 DC du 20 mai 1998 portant sur la loi organique relative au droit de vote des ressortissants européens, la réciprocité doit être appréciée au niveau de la procédure de ratification des traités, et non pas à l'intérieur même des structures européennes, puisque celles-ci prévoient déjà des sanctions en cas de manquement aux obligations communautaires.

Notons néanmoins que les décisions-cadres, contrairement aux directives, ne peuvent faire l'objet d'un recours en manquement.

Le texte proposé par le Gouvernement faisait référence « aux décisions-cadres » et non seulement à celle du 13 juin 2002. Il tendait ainsi à rendre a priori constitutionnelles les modifications ultérieures de la décision-cadre du 13 juin 2002 , ce qui paraît heureux si l'on veut éviter des modifications successives de la Constitution à propos d'une même question.

2. Les travaux de l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a examiné le projet de loi constitutionnelle le 17 décembre 2002. Sur proposition de son rapporteur, M. Xavier de Roux, elle a modifié la rédaction de l'article unique du projet de loi constitutionnelle. Le texte proposé pour le troisième alinéa de l'article 88-2 de la Constitution dispose désormais que « La loi fixe les règles relatives au mandat d'arrêt européen en application des actes pris sur le fondement du Traité sur l'Union européenne ».

Pour justifier cette modification, le rapporteur de l'Assemblée nationale s'est notamment interrogé « sur l'opportunité de faire figurer une référence aux décisions-cadres dans la loi fondamentale, à l'heure où les réformes institutionnelles envisagées remettent en cause l'existence de cette procédure ».

De fait, les travaux de la Convention européenne, qui prépare la réforme des traités européens, montrent qu'il existe une forte volonté d'utiliser dans les domaines de la justice et des affaires intérieures les instruments du droit communautaire, notamment la directive, et donc de supprimer l'instrument de la décision-cadre.

Il n'est cependant pas certain que cette précaution sera suffisante pour éviter une nouvelle révision constitutionnelle après la réforme des traités en cours de préparation. Le Traité sur l'Union européenne lui-même subsistera-t-il à l'issue des réformes en cours de préparation ?

3. La proposition de votre commission des Lois : adopter sans modification le projet de loi constitutionnelle

Sous réserve des observations formulées à propos des relations entre droit communautaire dérivé et droit constitutionnel, votre commission des Lois a décidé d'approuver sans modification le présent projet de loi constitutionnelle.

La décision-cadre relative au mandat d'arrêt européen est l'une des premières réalisations concrètes de la coopération judiciaire européenne. Elle doit maintenant être mise en oeuvre le plus rapidement possible.

La décision-cadre fixe au 31 décembre 2003 la date limite de transposition de ses dispositions. Six Etats (Allemagne, Belgique, Espagne, France, Luxembourg, Portugal) se sont engagés, lors d'une réunion informelle du Conseil « Justice et Affaires intérieures », tenue à Saint-Jacques de Compostelle, à devancer la date limite de mise en oeuvre de la décision-cadre.

Il convient donc qu'un projet de loi de transposition soit déposé sur le Bureau du Parlement dans les plus brefs délais après l'adoption définitive du présent projet de loi constitutionnelle, afin que la France puisse mettre en oeuvre dès cette année le mandat d'arrêt européen.

*

* *

Sous le bénéfice de ces observations, votre commission des Lois vous propose d'adopter le projet de loi constitutionnelle dans sa rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale.

TABLEAU COMPARATIF

Texte en vigueur

___

Texte du projet de loi
constitutionnelle

___

Texte adopté
par l'Assemblée nationale
en première lecture

___

Propositions
de la Commission

___

Constitution du 4 octobre 1958

Art. 88-2 . -- Sous réserve de réciprocité et selon les modalités prévues par le Traité sur l'Union européenne signé le 7 février 1992, la France consent aux transferts de compétences nécessaires à l'établissement de l'union économique et monétaire européenne.

Article unique

L'article 88-2 de la Constitution est complété par un troisième alinéa ainsi rédigé :

Article unique

L'article 88-2...

...par un alinéa ainsi rédigé :


La commission propose
d'adopter le présent
projet de loi constitutionnelle
sans modification

Sous la même réserve et selon les modalités prévues par le Traité instituant la Communauté européenne, dans sa rédaction résultant du traité signé le 2 octobre 1997, peuvent être consentis les transferts de compétence nécessaires à la détermination des règles relatives à la libre circulation des personnes et aux domaines qui lui sont liés.

« Sont fixées par la loi les règles relatives au mandat d'arrêt européen conformément aux dispositions des décisions-cadres prises par le Conseil de l'Union européenne sur le fondement du traité mentionné au premier alinéa. »

« La loi fixe les règles relatives au mandat d'arrêt européen en application des actes pris sur le fondement du Traité sur l'Union européenne. »

ANNEXE
-
AVIS DU CONSEIL D'ÉTAT
-


AVIS DU CONSEIL D'ÉTAT N° 368-282
DU 26 SEPTEMBRE 2002

AVIS

Le Conseil d'Etat, saisi par le Premier ministre d'une demande d'avis sur la question de savoir si la transposition en droit français, par la voie législative, de la décision-cadre du Conseil de l'Union européenne du 13 juin 2002 relative au mandat d'arrêt européen et aux procédures de remise entre Etats membres est de nature à se heurter à des obstacles tirés de règles ou de principes de valeur constitutionnelle, notamment en ce que ladite décision-cadre exclut que l'Etat d'exécution du mandat d'arrêt européen puisse se fonder sur le motif tiré du caractère politique de l'infraction pour refuser la remise à l'Etat d'émission de la personne recherchée ;

Vu la Constitution ;

Vu le traité sur l'Union européenne, notamment ses articles 6, 31 et 34 ;

Vu la décision-cadre du Conseil du 13 juin 2002 relative au mandat d'arrêt européen et aux procédures de remise entre Etats membres ;

EST D'AVIS de répondre dans le sens des observations qui suivent :

I. - La décision-cadre du 13 juin 2002 a pour objet de simplifier et d'accélérer les poursuites et de faciliter l'exécution des condamnations pénales à l'encontre d'une personne se trouvant sur le territoire d'un autre Etat de l'Union européenne. Elle prévoit de substituer à la procédure d'extradition, qui implique, en droit français, une décision du pouvoir exécutif, une procédure entièrement judiciaire, le rôle du pouvoir exécutif se limitant à « un appui pratique et administratif ». Elle remplacera, à compter du 1 er janvier 2004, les dispositions correspondantes de plusieurs conventions européennes en matière d'extradition.

A. La décision-cadre prévoit qu'un mandat d'arrêt européen peut être émis pour des faits punis par la loi de l'Etat membre d'émission d'une peine ou d'une mesure de sûreté privatives de liberté devant être interprétée comme « d'au moins douze mois » ou, lorsqu'une condamnation à une peine est intervenue ou qu'une mesure de sûreté a été infligée, pour des condamnations prononcées d'une durée d'au moins quatre mois.

B. Le mandat d'arrêt doit donner lieu à remise, sans contrôle de la double incrimination, dans le cas de l'une des trente-deux catégories d'infractions limitativement énumérées, qui tantôt correspondent, en l'état actuel du droit pénal français, à des infractions existantes, telles que, par exemple, la participation à une organisation criminelle, le viol ou l'escroquerie, tantôt correspondent à des infractions pour lesquelles des travaux d'harmonisation entre les législations des Etats membres sont en cours, telles que la cybercriminalité.

C. La décision-cadre énumère les motifs pour lesquels l'exécution du mandat d'arrêt européen doit ou peut, selon le cas, être refusée. Des dispositions particulières sont prévues, notamment lorsque le mandat vise une personne condamnée par défaut ou purgeant déjà une peine de prison ou faisant l'objet de plusieurs demandes concurrentes de remise et en ce qui concerne les délais et modalités d'exécution du mandat d'arrêt européen.

II. - Il résulte de l'article 3 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, des quatorzième et quinzième alinéas du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et des articles 3, 53 et 88-1 de la Constitution que le respect de la souveraineté nationale ne fait pas obstacle à ce que, sur le fondement des dispositions susmentionnées du Préambule de la Constitution de 1946, puisse être transposée en droit interne par voie législative une décision-cadre, prise sur le fondement de l'article 34 du traité sur l'Union européenne, qui a pour conséquence de substituer « aux relations de coopération classique... entre Etats membres... un système de libre circulation des décisions judiciaires en matière pénale... ».

Toutefois, une telle décision-cadre ne saurait, si elle comporte des dispositions contraires à la Constitution ou à des principes de valeur constitutionnelle, mettant en cause les droits et libertés constitutionnellement garantis ou portant atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale, être transposée dans l'ordre interne qu'après modification de la Constitution.

III. - A cet égard, il apparaît que si la transposition de la décision-cadre du 13 juin 2002 ne paraît pas se heurter à des obstacles d'ordre constitutionnel sur plusieurs points susceptibles a priori de susciter des interrogations, il en va différemment en ce qui concerne la prohibition de l'extradition à raison d'une infraction de nature politique.

A. Sur de nombreux points, la décision-cadre, bien qu'elle comporte des innovations sensibles par rapport à l'état du droit, ne paraît pas contrevenir à des principes ou à des règles constitutionnelles.

I. En ce qui concerne la nationalité de la personne réclamée :

La décision-cadre exclut le droit de refuser sans conditions la remise, à l'Etat d'émission du mandat d'arrêt d'une personne au motif qu'elle aurait la nationalité de l'Etat d'exécution.

Néanmoins, ainsi que le Conseil d'Etat l'a relevé dans ses avis des 24 novembre 1994 et 4 juillet 1996, la pratique ancienne suivie par les autorités françaises de refuser dans tous les cas l'extradition de leurs nationaux ne trouve pas de fondement dans un principe de valeur constitutionnelle. Aucun des droits et libertés de l'individu, tels qu'ils ont été proclamés par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et par le Préambule de la Constitution, n'implique que les nationaux ne puissent être exradés.

2. En ce qui concerne la règle de la double incrimination :

a) Les infractions susceptibles de justifier la mise en oeuvre de la nouvelle procédure sont énumérées sous la forme de trente-deux catégories qui, pour certaines d'entre elles, sont formulées en termes très généraux de telle façon qu'à s'en tenir aux critères utilisés habituellement en droit extraditionnel, la décision-cadre ne satisfait pas à la règle dite de la double incrimination.

Si cette règle est appliquée couramment dans le droit de l'extradition en fonction de l'idée que l'Etat requérant doit justifier de la pertinence de sa demande et que l'Etat requis n'apporte son aide que parce que la répression d'infractions qui sont également punissables en vertu de sa législation concourt à la réalisation d'un intérêt commun aux deux Etats, ladite règle ne peut cependant être regardée comme l'expression d'un principe fondamental reconnu par les lois de la République au sens où l'a entendu le Préambule de la Constitution de 1946.

En revanche, répond à des exigences d'ordre constitutionnel la nécessité pour l'Etat d'émission d'apporter la preuve que l'infraction pour laquelle un mandat d'arrêt est établi est punissable en vertu de sa loi nationale afin que puisse être démontré, au regard de l'article 66 de la Constitution de 1958, que la restriction individuelle impliquée par la mise en oeuvre du mandat d'arrêt ne revêt pas un caractère arbitraire.

Or la décision-cadre est conforme à cette dernière exigence en ce qu'elle permet à l'Etat d'exécution du mandat de s'assurer que l'infraction visée par l'Etat d'émission, non seulement figure dans l'une des catégories d'infractions susmentionnées, mais également se trouve punissable en vertu de la législation de cet Etat d'une peine ou d'une mesure de sûreté privatives de liberté respectant les seuils de gravité requis.

b) En outre, il résulte des dispositions du paragraphe 3 de l'article 2 de la décision-cadre que la liste limitative des catégories d'infractions pour lesquelles l'exigence de la double-incrimination et du contrôle de celles-ci est supprimée ne pourra faire l'objet d'une extension que par une décision du Conseil de l'Union statuant à l'unanimité. Dès lors, et ne tout état de cause, il n'est pas porté atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale.

3. En ce qui concerne l'amnistie :

La décision-cadre prévoit en son article 3 le refus d'exécution du mandat d'arrêt européen par l'autorité judiciaire de l'Etat membre d'exécution... « 1) si l'infraction qui est à la base de mandat d'arrêt est couverte par l'amnistie dans l'Etat membre d'exécution lorsque celui-ci avait compétence pour poursuivre cette infraction selon sa propre loi pénale ».

Il suit de là que se trouve respectée la volonté du Parlement de la République lors de l'adoption d'une loi d'amnistie et qu'ainsi aucune atteinte ne se trouve portée aux « conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale ».

4. En ce qui concerne la prescription :

La décision-cadre énonce, dans son article 4, que « l'autorité judiciaire d'exécution peut refuser d'exécuter le mandat d'arrêt européen : « 4) lorsqu'il y a prescription de l'action pénale ou de la peine selon la législation de l'Etat membre d'exécution et que les faits relèvent de la compétence de cet Etat membre selon sa propre loi pénale ».

De telles dispositions sont à même d'assurer le respect des « conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale ».

5. En ce qui concerne le droit d'asile :

Le droit d'asile garanti par la Constitution a pour corollaire de faire obstacle à ce que le bénéficiaire de ce droit puisse être remis à un Etat où il pourrait craindre avec raison d'être persécuté du fait notamment de ses opinions politiques.

A supposer même qu'une telle éventualité puisse se présenter dans les relations entre Etats membres de l'Union européenne, la décision-cadre satisfait aux exigences constitutionnelles en matière d'asile dans la mesure où son article 1er paragraphe 3, énonce qu'elle « ne saurait avoir pour effet de modifier l'obligation de respecter les droits fondamentaux et les principes juridiques fondamentaux tels qu'ils sont consacrés par l'article 6 du traité de l'Union européenne ». Ces dispositions suffisent à garantir le respect du droit d'asile, alors surtout que le considérant 12 de la décision-cadre énonce que « rien dans la présente décision-cadre ne peut être interprété comme une interdiction de refuser la remise d'une personne qui fait l'objet d'un mandat d'arrêt européen s'il y a des raisons de croire, sur la base d'éléments objectifs, que ledit mandat a été émis dans le but de poursuivre ou de punir une personne en raison de son sexe, de sa race, de sa religion, de son origine ethnique, de sa nationalité, de la langue, de ses opinions politiques... ou qu'il peut être porté atteinte à la situation de cette personne pour l'une de ces raisons ».

6. En ce qui concerne le but politique d'une demande de remise :

Le principe selon lequel l'Etat doit refuser l'extradition lorsqu'elle est demandée dans un but politique constitue également un principe fondamental reconnu par les lois de la République.

Il résulte clairement des dispositions précitées de l'article 1er de la décision-cadre et du considérant 12) qui reprend en substance les stipulations de l'article 3, point 2 de la Convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 que l'Etat d'exécution a le droit de refuser la remise d'une personne s'il a des raisons de croire que la demande de remise a été émise dans un but politique. Par conséquent, il incombera à la loi de transposition de prévoir, comme dans le cas précédent, que l'autorité judiciaire française devra refuser la remise d'une personne si la demande est présentée dans un but politique.

B. En revanche, la décision-cadre ne paraît pas assurer le respect du principe rappelé par le Conseil d'Etat dans son avis du 9 novembre 1995 « selon lequel l'Etat doit se réserver le droit de refuser l'extradition pour les infractions qu'il considère comme des infractions à caractère politique », qu constitue un principe fondamental reconnu par les lois de la République, ayant à ce titre valeur constitutionnelle en vertu du Préambule de la Constitution de 1946.

En effet, ses articles 3 et 4, qui dressent des listes précises de motifs de non-exécution obligatoire ou facultative du mandat d'arrêt européen, ne comprennent pas la nature politique des infractions.

Sans doute résulte-t-il des dispositions de l'article 1er, paragraphe 3 de la décision-cadre, rapprochées des stipulations de l'article 6 du traité sur l'Union européenne, que la décision-cadre ne peut être regardée comme affectant les droits fondamentaux « tels qu'ils sont garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales... et tels qu'ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux Etats membres, en tant que principes généraux du droit communautaire ».

A ce titre, il y a lieu de relever qu'en dehors du cas de la France, la prohibition de l'extradition pour délits politiques est prévue par la Constitution italienne et par la Constitution espagnole, que d'autres Etats membres comme l'Allemagne, le Portugal, la Grèce ou la Finlande reconnaissent le droit d'asile ou prohibent l'extradition lorsque l'impartialité de la répression n'est pas assurée dans l'Etat requérant et qu'enfin, la prohibition de l'extradition pour une infraction politique est stipulée par la Convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957.

Toutefois, ces différents éléments ne permettent pas, en l'absence de jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes sur ce point, d'inférer qu'il existerait en la matière un principe général de l'ordre juridique communautaire ayant la même force juridique que le traité sur l'Union européenne et s'imposant par là même comme une règle d'interprétation de la décision-cadre dans un sens garantissant le respect du principe constitutionnel mentionné ci-dessus.

IV. - Il résulte de ce qui précède que la transposition en droit français de la décision-cadre du 13 juin 2002 relative au mandat d'arrêt européen et aux procédures de remise entre Etats membres nécessite, au préalable, une modification de la Constitution.

Cet avis a été délibéré et adopté par le Conseil d'Etat dans sa séance du jeudi 26 septembre 2002.

* 1 « Vers la construction d'un espace judiciaire européen ? », Rapport n° 352 (1996-1997).

* 2 Voir la communication de M. Hubert Haenel devant la délégation du Sénat pour l'Union européenne le 4 décembre 2002, Actualités de la délégation pour l'Union européenne, n°71.

* 3 Certains Etats définissent, pour chaque infraction, une « fourchette » de peines ; d'autres, dont la France depuis l'adoption du nouveau code pénal, n'établissent qu'un « plafond » de peine pour chaque infraction. La Convention exige, pour que l'extradition soit possible, que la peine « plafond » encourue soit au moins égale à un an d'emprisonnement.

* 4 En France, des projets de loi autorisant la ratification des deux conventions ont été déposés par le Gouvernement et adoptés par le Sénat le 10 octobre 2002. Ils sont en instance d'examen à l'Assemblée nationale.

* 5 F. Desportes et F. Le Gunehec, Droit pénal général, 8è édition. Economica

* 6 J.O. Débats Sénat, 9 décembre 1926, p. 1734.

* 7 CE Moussa Koné.

* 8 Avis n° 357-344, du 9 novembre 1995.

* 9 Décision 78-100 DC du 29 décembre 1978 relative à l'adaptation de la législation nationale sur la TVA à la 6 ème directive du Conseil des Communautés européennes, décision n° 94-348 DC du 3 août 1994 relative à la loi sur la protection sociale complémentaire du salarié, décision n° 96-383 DC du 6 novembre 1996 portant sur la loi relative à l'information et à la consultation des salariés dans les entreprises et les groupes d'entreprises...

* 10 Proposition de loi constitutionnelle n°328, 2 juin 1993.

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