III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES LOIS : ADOPTER SANS MODIFICATIONS LE STATUT DES JUGES DE PROXIMITÉ POUR PERMETTRE UNE MISE EN PLACE RAPIDE DE LA JUSTICE DE PROXIMITÉ

Votre commission des Lois, dans un souci de bonne coopération avec l'Assemblée nationale, vous propose d'adopter conforme le projet de loi organique relatif au statut des juges de proximité .

? Il convient de mettre en oeuvre une réforme à laquelle le Sénat est particulièrement attaché au plus vite sans rechercher un perfectionnisme excessif pour un texte qui se veut tout à la fois innovant et expérimental .

Le dispositif du Gouvernement constitue un premier signal destiné à répondre aux attentes fortes des citoyens . Il permettra sans doute d'accomplir d'indéniables progrès. Les deux assemblées ont exprimé dès la première lecture la volonté de voir rapidement aboutir une réponse pragmatique à des préoccupations anciennes .

Le Sénat, lors des missions d'informations au nom de la commission des Lois (en 1996 et en 2002) 16 ( * ) , a mené une réflexion approfondie sur la justice de proximité et ne peut aujourd'hui que se féliciter de l'initiative du Gouvernement.

Comme l'a déjà souligné à plusieurs reprises votre rapporteur, un dispositif plus radical aurait pu être envisagé consistant à créer des équipes de magistrats non professionnels ayant vocation à concilier les parties et à arbitrer les conflit encadrées par le juge d'instance, pivot de cette organisation. Sans attendre, le Gouvernement a préféré une solution plus modeste et peut-être plus complexe, qui a toutefois le mérite d'exister et qu'il convient de promouvoir.

En outre, accepter la présente réforme n'exclut pas de poursuivre la réflexion sur la justice de proximité et de rechercher les modalités les plus appropriées pour qu'elle s'épanouisse. A cet égard, l'article 2 du projet de loi constitutionnelle relative à l'organisation décentralisée de la République 17 ( * ) ouvre un cadre légal à l'expérimentation qui permettra sans doute d'améliorer le présent dispositif un jour ou l'autre appelé à évoluer. Le président de la République au cours de l'audience solennelle de rentrée judiciaire de la Cour de cassation, le 10 janvier dernier, a d'ailleurs confirmé cette perspective.

? Votre rapporteur souscrit pleinement aux grandes lignes du texte adopté par les députés au terme de la première lecture .

L'Assemblée nationale a approuvé la principale modification proposée par le Sénat concernant l'élargissement des critères de sélection , ce dont votre rapporteur se félicite. En effet, elle a souhaité modifier légèrement le périmètre de recrutement des juges de proximité sans remettre en cause pour autant la place faite par le Sénat à l'expérience professionnelle.

Comme l'a souligné votre rapporteur lors de la première lecture, le succès de cette réforme dépendra étroitement de la capacité du système à susciter des vocations et de la volonté réelle du Gouvernement de procéder à sa mise en place . Le garde des Sceaux a récemment annoncé avoir déjà reçu plus de 1.000 candidatures, ce qui parait à cet égard rassurant. Néanmoins, la réussite de cette réforme ne pourra s'apprécier que dans la durée.

Votre rapporteur demeure convaincu que les critères de sélection tels qu'ils ont été définis au terme de la navette permettront de recruter des juges attentifs, disponibles et avant tout capables de faciliter la résolution des petits litiges et de concilier les parties.

Sans ignorer les nombreuses inquiétudes exprimées par les représentants des magistrats et par ceux des fonctionnaires des greffes 18 ( * ) , votre rapporteur note que les modalités d'organisation retenues par l'Assemblée nationale ont permis de trouver un compromis acceptable entre la volonté du Gouvernement de créer une juridiction autonome et l'établissement de liens entre les juridictions de proximité et les tribunaux d'instance. Votre rapporteur se félicite du rôle d'animation reconnu à ces derniers, désormais étroitement associés à la mise en place de ce dispositif nouveau. Les modalités retenues par les députés permettront sans doute d'aller dans le sens d'une plus grande complémentarité entre ces deux échelons proches des justiciables.

Lors de la première lecture, votre rapporteur s'était interrogé sur l'opportunité de rendre la formation probatoire . Craignant que cette condition présente un caractère vexatoire et dissuade des candidats 19 ( * ) , il y avait renoncé.

Toutefois, les modalités fixées par l'Assemblée nationale tendant à laisser au Conseil supérieur de la magistrature le soin d'apprécier si cette formation devait revêtir un caractère probatoire méritent d'être approuvées. Ces règles paraissent en effet suffisamment souples du fait de leur non automaticité et de nature à garantir un recrutement de qualité dans le respect de la diversité des profils des candidats . En outre, cette modification paraît pleinement justifiée compte tenu de l'élargissement des critères de recrutement dont elle apparaît comme l'utile contrepartie .

? Enfin, votre rapporteur tient à souligner que la mise en place de la justice de proximité ne pourra pleinement prospérer sans que d'autres réformes soient parallèlement mises en route .

Une remise à plat de la répartition des compétences des juridictions de première instance s'avère indispensable. L'établissement d'une distinction entre le grand contentieux, technique et complexe, et le petit contentieux dit « de masse » caractérisé par la prolifération d'affaires identiques pourraient à cet égard constituer une piste intéressante à explorer.

Le renforcement des moyens des secrétariats-greffes désormais communs aux tribunaux d'instance et aux juridictions de proximité constitue également une priorité , comme l'a d'ailleurs souligné votre commission des Lois lors de l'examen du budget pour 2003 20 ( * ) . Du fait de la tenue d'audiences foraines et du caractère temporaire des fonctions de juge de proximité, les fonctionnaires des greffes en particulier les greffiers vont en effet jouer un rôle pivot au sein de la juridiction de proximité 21 ( * ) . Il parait donc essentiel que le ministère de la Justice veille à doter cette juridiction d'un personnel suffisamment étoffé pour lui permettre de fonctionner dans des conditions satisfaisantes.

En conclusion, votre rapporteur tient à exprimer une fois encore son soutien à la démarche du Gouvernement et souhaite une entrée en vigueur rapide de cette réforme.

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Au bénéfice de ces observations, votre commission des Lois vous propose d'adopter sans modifications le projet de loi organique relatif aux juges de proximité.

* 16 Rapport n° 49 « Quels moyens pour quelle justice ? » de M. Pierre Fauchon au nom de la mission d'information chargée d'évaluer les moyens de la justice (Sénat, 1996-1997) et rapport n° 345 « Quels métiers pour quelle justice ? » de M. Christian Cointat au nom de la mission d'information sur l'évolution des métiers de la justice (Sénat, 2001-2002).

* 17 Aux termes de laquelle : « La loi et le règlement peuvent comporter pour un objet et une durée limités des dispositions à caractère expérimental. »

* 18 Notamment l'Association des juges des tribunaux d'instance et l'Association des greffiers en chef des tribunaux d'instance

* 19 Voir rapport n° 404 précité - p. 38.

* 20 Voir avis n° 73 (Sénat, 2002-2003) - Tome IV de M. Christian Cointat - p. 47.

* 21 A l'instar des « clerks britanniques ».

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