Rapport n° 129 (2002-2003) de M. Gérard LE CAM , fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 14 janvier 2003

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N° 129

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2002-2003

Annexe au procès-verbal de la séance du 15 janvier 2003

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan (1) sur la proposition de loi présentée par MM. Gérard LE CAM, François AUTAIN, Jean-Yves AUTEXIER, Mmes Marie-Claude BEAUDEAU, Marie-France BEAUFILS, M. Pierre BIARNÈS, Mmes Danielle BIDARD-REYDET, Nicole BORVO, MM. Robert BRET, Yves COQUELLE, Mmes Annie DAVID, Michelle DEMESSINE, Evelyne DIDIER, MM. Guy FISCHER, Thierry FOUCAUD, Paul LORIDANT, Mmes Hélène LUC, Josiane MATHON, MM. Roland MUZEAU, Jack RALITE, Ivan RENAR, Mme Odette TERRADE et M. Paul VERGÈS tendant à préserver les services de proximité en zone rurale ,

Par M. Gérard LE CAM,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Gérard Larcher, président ; MM. Jean-Paul Emorine, Marcel Deneux, Gérard César, Pierre Hérisson, Jean-Marc Pastor, Mme Odette Terrade, vice-présidents ; MM. Bernard Joly, Jean-Paul Émin, Patrick Lassourd, Bernard Piras, secrétaires ; MM. Jean-Paul Alduy, Pierre André, Philippe Arnaud, Gérard Bailly, Bernard Barraux, Mme Marie-France Beaufils, MM. Michel Bécot, Jean-Pierre Bel, Jacques Bellanger, Jean Besson, Claude Biwer, Jean Bizet, Jean Boyer, Mme Yolande Boyer, MM. Dominique Braye, Marcel-Pierre Cleach, Yves Coquelle, Gérard Cornu, Roland Courtaud, Philippe Darniche, Gérard Delfau, Rodolphe Désiré, Yves Detraigne, Mme Evelyne Didier, MM. Michel Doublet, Bernard Dussaut, Hilaire Flandre, François Fortassin, Alain Fouché, Christian Gaudin, Mme Gisèle Gautier, MM. Alain Gérard, François Gerbaud, Charles Ginésy, Francis Grignon, Louis Grillot, Georges Gruillot, Charles Guené, Mme Odette Herviaux, MM. Alain Journet, Joseph Kergueris, Gérard Le Cam, Jean-François Le Grand, André Lejeune, Philippe Leroy, Jean-Yves Mano, Max Marest, Jean Louis Masson, Serge Mathieu, René Monory, Paul Natali, Jean Pépin, Daniel Percheron, Ladislas Poniatowski, Daniel Raoul, Paul Raoult, Daniel Reiner, Charles Revet, Henri Revol, Roger Rinchet, Claude Saunier, Bruno Sido, Daniel Soulage, Michel Teston, Pierre-Yvon Trémel, André Trillard, Jean-Pierre Vial.

Voir le numéro :

Sénat : 292 (2001-2002)

Commerce et artisanat.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

S'inscrivant dans une problématique d'aménagement du territoire, la proposition de loi n° 292 (2001-2002) tendant à préserver les services de proximité en zone rurale, déposée par votre rapporteur et ses collègues du groupe Communiste, républicain et citoyen le 15 avril 2002, avait pour ambition de contribuer à préserver, voire à relancer, l'activité commerciale de proximité dans les communes rurales.

La politique d'aménagement du territoire doit naturellement tendre, au moyen des investissements publics et des outils fiscaux, à répartir harmonieusement les infrastructures de transports et de communication sur l'ensemble de l'Hexagone, à favoriser l'attractivité économique des territoires, ou encore à compenser les handicaps naturels de certaines régions. Toutefois, elle peut s'avérer insuffisante lorsqu'il s'agit de lutter, au niveau local, contre des tendances lourdes, expression sociologique de la modernité, dont le jeu spontané conduit à la disparition de structures pourtant essentielles à la conservation du lien social dans les communes. Parfois, cette politique conduit même à aggraver ces tendances : ainsi en est-il, depuis trente ans, de l'extraordinaire amélioration du réseau routier qui, conjuguée au développement de l'usage de l'automobile et à la densification de l'implantation des grandes surfaces, a considérablement étendu les zones de chalandise sur le territoire.

La diminution continue, depuis de longues années, du nombre des épiceries, boulangeries, bar-tabacs et autres commerces de proximité présents dans nos villages ruraux témoigne hélas de cette réalité, qui contribue de manière directe à la désertification du monde rural. Privées du pôle d'animation sociale que constitue ce type d'activité, nombre de communes sont ainsi irrémédiablement vouées au déclin, quels que soient les moyens traditionnels de la politique d'aménagement du territoire mis en oeuvre par les pouvoirs publics.

C'est contre ce phénomène apparemment inéluctable qu'avaient souhaité s'élever les membres du groupe Communiste, républicain et citoyen. Leur proposition de loi visait à instituer un revenu minimum de maintien d'activité au profit des commerçants installés dans les communes de moins de mille habitants, leur permettant de percevoir une allocation différentielle si les revenus tirés de leur activité commerciale s'avéraient insuffisants. D'un montant maximum égal au revenu minimum d'insertion, cette allocation avait pour vocation de leur garantir la perception d'un revenu mensuel net de 1.016 €.

Depuis le dépôt de ce texte il y a neuf mois, votre rapporteur a poursuivi sa réflexion personnelle sur le dispositif technique envisagé. En outre, les auditions qu'il a organisées dans le cadre des travaux préparatoires à son rapport ( ( * )*) l'ont confirmé dans la nécessité de procéder à une profonde réécriture du texte initial, pour le rendre plus opératoire. C'est ainsi que les propositions de conclusions qu'il a soumises à votre commission des affaires économiques définissaient plus précisément le champ d'application de la proposition de loi et adaptaient son architecture aux objectifs poursuivis tout en respectant la répartition des compétences entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif fixée par les articles 34 et 37 de la Constitution.

Cependant, votre commission n'a pas souhaité retenir cette logique de compensation financière à caractère pérenne, par la solidarité nationale, des handicaps structurels grevant la viabilité économique de certains commerces de proximité en zone rurale. Elle a estimé que, pour contribuer à l'objectif légitime de revitalisation du commerce rural constamment poursuivi par le Sénat, les dispositifs actuels de soutien aux investissements des commerçants et des artisans comme les aides à la création et à la reprise d'entreprise devaient être confortés, et surtout améliorés, comme s'est au demeurant engagé à le faire le gouvernement actuel.

C'est la raison pour laquelle votre commission des affaires économiques a décidé de ne pas retenir le texte de la proposition de loi et, en application de l'article 42 (6, c) du règlement, de proposer au Sénat de se prononcer en faveur de ses conclusions négatives.

I. LA DÉCHIRURE DU TISSU COMMERCIAL EN ZONE RURALE S'ÉLARGIT DE MANIÈRE ALARMANTE MALGRÉ LES POLITIQUES TRADITIONNELLES DE SOUTIEN

A. UN BILAN QUI NE CESSE DE SE DÉTÉRIORER DEPUIS TRENTE ANS

1. Une modification générale du paysage commercial français

En trente ans, le petit commerce français a subi un bouleversement considérable résultant pour l'essentiel des modifications des comportements des consommateurs induits par le développement de la grande distribution. Alors qu'en 1966, les petites entreprises commerciales (définies par l'INSEE comme employant au plus deux salariés) constituaient 86 % du parc du commerce de détail, représentaient 59 % de l'emploi total et réalisaient plus de la moitié du chiffre d'affaires, leur poids selon ces trois critères ne s'établissait plus, en 1998, qu'à hauteur de, respectivement, 74 %, 24 % et 13 % ( ( * )*).

Sur la période, le nombre des petites entreprises du commerce a ainsi très fortement diminué, en particulier dans le domaine alimentaire, qui constitue le premier secteur du commerce de proximité :

Nombre d'entreprises par secteur

1966

1998

Variation

Boulangerie-pâtisserie

40 200

22 400

- 44,3 %

Boucherie

50 500

14 700

- 70,1 %

Poissonnerie

4 700

2 100

- 55,3 %

Charcuterie

12 700

6 400

- 49,6 %

Epicerie, alimentation générale

87 600

13 800

- 84,2 %

Crémerie-fromagerie

4 600

1 100

- 76,1 %

Source : recensement de la distribution en 1966 et enquête annuelle d'entreprise en 1998, INSEE

Dans le même temps s'est développée la grande distribution : alors qu'ils n'étaient qu'une centaine au début des années soixante, il existait 8.000 supermarchés et 1.100 hypermarchés en 1998, qui commercialisaient alors 62 % (en valeur) des produits alimentaires, contre seulement 13 % en 1970.

L'accroissement du nombre des enseignes a été particulièrement important dans les zones rurales ces vingt dernières années : seuls 25 % des pôles de service ruraux disposaient d'un supermarché en 1980, tandis qu'ils étaient 60 % en 1998. Simultanément, la distance à parcourir par les habitants des espaces ruraux pour accéder à ces commerces s'est réduite de moitié, passant en moyenne de 16 à 8 kilomètres.

2. L'équipement commercial des communes rurales s'est profondément dégradé

La concurrence imposée par la grande distribution au commerce de proximité, qui concerne au demeurant toute la gamme des produits et ne se limite pas aux seules ressources alimentaires, ainsi que la mobilité plus grande des consommateurs, ont ainsi bouleversé en quelques décennies les zones de chalandises traditionnelles. Elles se comptaient en centaines de mètres il y a quarante ans, et s'expriment en kilomètres désormais.

En 1980, 76 % des communes disposaient d'au moins un petit commerce, qu'il s'agisse d'un tabac (70 %), d'une épicerie ou d'une supérette (58 %), d'une boulangerie (42 %), d'une boucherie (39 %) ou encore d'un point de distribution de carburant (44 %). Aujourd'hui, près d'une commune sur deux (18 000) se trouve sans aucun commerce de proximité.

Naturellement, cette réalité a particulièrement affecté le commerce dans les zones rurales, qui a subi une véritable hémorragie. Plus de la moitié des communes comptant moins de 250 habitants et près du tiers de celles de 250 à 500 habitants ont perdu un commerce entre 1980 et 1998. Et si l'on tient compte des fermetures simultanées de plusieurs magasins, les plus petites communes ont ainsi vu disparaître les deux tiers de leurs commerces de proximité sur la période, et les communes de 250 à 500 habitants environ la moitié.

Ce phénomène s'explique sans doute par des raisons sociologiques, technologiques ou culturelles qu'il serait vain de vouloir contrarier : par exemple, le développement du taux d'activité des femmes ou l'apparition des produits congelés a évidemment modifié les comportements d'achat, l'approvisionnement hebdomadaire en grande surface se substituant aux réapprovisionnements quotidiens d'antan dans des commerces de proximité. Il est à cet égard frappant de constater que, globalement, les artisans boulangers-pâtissiers ont bien mieux résisté que les autres commerçants : en effet, les produits qu'ils offrent répondent plus que d'autres à un besoin de fraîcheur et d'immédiate accessibilité.

A ces raisons structurelles s'ajoute naturellement un facteur économique : dans l'espace rural plus qu'ailleurs, la concurrence que font peser les grandes surfaces sur les commerçants de proximité, tant par l'étendue des produits offerts au choix du consommateur que par les prix, est particulièrement lourde. Un indicateur témoigne particulièrement bien de l'effet-prix : les petits commerces de journaux et de librairies, dont les prix des produits principalement vendus sont fixes, ont eux aussi globalement bien résisté au développement des grandes surfaces ou de la grande distribution spécialisée, leur nombre passant de 13 200 en 1966 à 11 900 en 1998.

Mais s'il est légitime que les consommateurs privilégient la recherche du moindre coût, encore faut-il prendre garde à ce que les conséquences du système concurrentiel ne conduisent pas finalement à leur interdire tout choix entre la recherche de prix attractifs et la notion de proximité. Or, on peut observer, par exemple, que la population vivant dans des communes sans épicerie a plus que triplé entre 1980 et 1998, passant de 7 % à 21,5 % sur la période. Bien évidemment, cette population est concentrée dans les espaces ruraux, elle est en général plus âgée que la moyenne, dispose de revenus plus modestes et surtout, elle est moins mobile. Pour votre rapporteur, il appartient à la puissance publique, au travers de la politique d'aménagement du territoire, de se préoccuper de la situation de ces personnes qui, dans leur vie quotidienne, subissent de plein fouet tous les inconvénients du développement de la grande distribution.

La dernière raison expliquant la dégradation continue de la situation commerciale dans certaines communes tient naturellement à la diminution régulière de leur population. La désertification progressive du monde rural, constatée au plan général entre 1970 et 1990, a certes laissé place ces dix dernières années à une situation plus contrastée faisant globalement apparaître une stabilisation, voire un retournement de tendance. Cependant, si l'on observe avec attention les résultats du recensement de 1999, force est de constater que, dans les cantons relevant du « rural isolé », la diminution du nombre des habitants se poursuit. Comparativement avec le reste de l'espace rural, leur situation en est ainsi d'autant plus aggravée.

3. L'absence de commerce rompt le lien social

Si, dans ces territoires, la corrélation entre la disparition des commerces de proximité et la diminution du nombre des habitants, donc des consommateurs, est très forte, la question de la causalité est plus difficile à trancher. Il paraît évident que la viabilité économique d'une entreprise commerciale est remise en cause dès lors que la population présente dans sa zone de chalandise traditionnelle descend en dessous d'un certain seuil.

Si l'on ajoute à cette réalité le phénomène d'accroissement de la mobilité évoqué précédemment, on observe, ainsi que l'INSEE a pu le faire, que les seuils d'apparition et de stabilisation des équipements commerciaux ont très fortement augmenté entre 1980 et 1998. S'agissant par exemple des bureaux de tabac, ils pouvaient apparaître dès 100 habitants et se généraliser à partir de 300 en 1980, tandis qu'en 1998, il fallait compter 300 riverains pour les voir s'implanter et 700 pour qu'ils deviennent situation courante.

Mais le raisonnement consistant à expliquer la diminution du taux d'équipement en commerces de proximité des petites communes rurales par la réduction de la population et l'augmentation des seuils de viabilité n'est pas suffisant. Tout porte à croire qu'à l'inverse, la disparition de toute activité commerciale dans une commune accélère l'exode rural et interdit presque certainement tout espoir de « renaissance » ultérieure. Car en effet, en milieu rural, l'épicerie, la bar-tabac, le petit restaurant, le multi-services, représentent bien davantage qu'une simple activité économique : ils constituent aussi le lieu public où se tisse et s'entretient le lien social, représentant pour la population locale le coeur de la communauté et l'espace de vie où l'échange justifie, en tant que tel, la notion même de communauté.

Dans cette optique, les services de remplacement, en particulier le commerce itinérant, ne garantissent pas la même fonction sociale. Se rendant au consommateur, ils ne permettent pas autant à celui-ci de rencontrer ses concitoyens et d'échanger que dans le cadre d'un commerce fixe. En outre, les horaires de la tournée n'autorisent guère de latitude en terme de gestion du temps. En tout état de cause, il convient de relever que la proportion globale de communes sans commerce mais dotées de services de remplacement a elle aussi baissé au cours de vingt dernières années. Si la perte est relativement faible pour la boulangerie, elle est importante pour la boucherie et plus encore pour l'épicerie : à peine 60 % des communes non équipées disposaient d'une solution de remplacement en 1998, contre 87 % en 1980. Corrélativement, la population desservie par un tel service de remplacement a elle aussi fortement chuté (66 % contre 90 % pour reprendre l'exemple précédent de l'alimentation générale). Enfin, dernier fait notable relevé par l'INSEE, le phénomène de disparition est d'autant plus important que la perte des équipements est plus ancienne : les services de remplacement disparaissent en premier dans les communes qui n'ont jamais eu de commerce, puis dans celles qui n'en ont plus depuis longtemps.

On doit enfin souligner que le maintien ou l'implantation de petits commerces de proximité, portant sur les biens et prestations de première nécessité, peuvent aussi avoir un rôle structurant, ou à tout le moins incitatif, sur ceux d'autres activités économiques ou de service. Comment croire, par exemple, qu'un artisan (un coiffeur, un maçon, un électricien, ...) envisagera de s'installer dans le village de son enfance si celui-ci est socialement « mort » et n'offre aucune possibilité de rencontre collective pour lui-même et sa famille ? Pour exercer son activité sur la même zone de chalandise, il décidera vraisemblablement de résider dans le bourg le plus proche présentant cet atout.

La perte de substance commerciale d'une partie significative de l'espace rural français a ainsi des conséquences qui vont bien au-delà de ce seul secteur économique. Elle induit un effet d'entraînement, cumulatif, qui rejaillit sur l'ensemble de la vie rurale. Exemple parmi d'autres, une récente enquête du Conseil national de l'Ordre des médecins et du Centre de recherche, d'étude et de documentation en économie de la santé (Credes) vient de démontrer que l'installation de nouveaux médecins généralistes dans les zones rurales isolées (20,8 % des cantons et 6,2 % de la population française, au sens de l'étude) est déjà de 20 % inférieure à la moyenne nationale.

Pour reprendre une observation judicieuse formulée par notre excellent collègue Jean-Paul Amoudry dans son rapport d'information sur politique de la montagne ( ( * )*), « les élus locaux (...) savent parfaitement qu'une installation de commerce ou d'artisanat bien ciblée peut être source de revitalisation globale et qu'inversement, certaines cessations d'activité ont un "effet domino" sur un environnement économique fragile » . On ne saurait mieux dire.

*

Au terme de cette analyse, extrêmement succincte au regard de la richesse des informations et des enseignements qui peuvent être tirés de l'Inventaire communal de 1998, votre rapporteur voudrait dégager quatre observations essentielles :

- la disparition du commerce de proximité dans les espaces ruraux les plus fragiles est un phénomène continu depuis quarante ans ;

- ce phénomène affecte principalement les plus vulnérables de nos concitoyens, la vulnérabilité s'exprimant essentiellement par un faible degré de mobilité qui empêche, ou à tout le moins limite, leur accès aux services et commerces présents dans les zones urbanisées, et complique ainsi fortement leur vie quotidienne ;

- au-delà des seules considérations économiques, une telle évolution génère des conséquences sociales qui sont dramatiques pour la collectivité rurale, la disparition des lieux où battait le coeur de la communauté villageoise entraînant nécessairement la perte de sa vitalité ;

- au-delà du seul problème du petit commerce, c'est l'ensemble des activités du monde rural qui se trouve mis en cause, posant en termes clairs la question même de sa survie.

Ce constat n'est certes pas nouveau, et il a été plusieurs fois dressé depuis de nombreuses années, justifiant la mise en oeuvre de diverses initiatives publiques destinées à contrarier le mouvement qu'il observe. A cet égard, mais sans pouvoir prétendre à l'exhaustivité, votre rapporteur souhaite rappeler les principales ou les plus significatives d'entre elles.

B. LE SOUTIEN AU COMMERCE RURAL PREND DE MULTIPLES FORMES

Les politiques publiques engagées pour favoriser le maintien, voire l'implantation, d'entreprises commerciales et artisanales en zones rurales ont été nombreuses au cours des années quatre-vingt-dix. Elles s'expriment pour l'essentiel par des aides à l'investissement ou des exonérations fiscales, mais s'intègrent dans des cadres variés qui s'articulent parfois entre eux. En effet, certaines actions s'inscrivent dans une perspective de soutien global à l'économie du monde rural qui ne concerne pas spécifiquement l'activité commerciale, l'octroi des différentes subventions est soumis à des critères d'éligibilité géographique qui peuvent différer ou se compléter, les dispositifs de soutien doivent parfois relever des contrats de plan Etat-région ...

Afin d'essayer de clarifier les choses, il a paru opportun à votre rapporteur de rappeler que les dispositifs sont organisés selon deux types de critères, qui peuvent en outre se combiner : le zonage géographique et la distinction par activités.

1. Des actions destinées à soutenir l'activité économique dans une optique de zonage

Un développement particulier devrait sans doute ouvrir ce chapitre pour examiner dans le détail les mesures éligibles aux fonds structurels européens dans le cadre de la zone d'objectif 2, pour soutenir particulièrement les zones rurales et les zones dépendantes de la pêche. Deux exemples pratiques permettront ci-après de « visualiser » dans quelle mesure les activités commerciales sont susceptibles de bénéficier des effets de ce zonage, et des subventions européennes qu'il conditionne dans le cadre notamment du Fonds européen de développement rural (FEDER).

On rappellera toutefois que les critères d'éligibilité des zones rurales au titre des programmes européens sont :

- une densité de population inférieure à 100 habitants au km² ou un taux d'emploi agricole égal ou supérieur au double de la moyenne communautaire ;

- un taux de chômage supérieur à la moyenne communautaire ou une diminution de la population.

Au plan strictement national, deux zonages sont particulièrement intéressants dans la mesure où ils ouvrent droit à l'octroi d'avantages fiscaux sous forme d'exonérations.

a) Les territoires ruraux de développement prioritaire (TRDP)

Délimités conjointement par l'Etat et par les régions, et définis par le décret n° 94-1139 du 26 décembre 1994 modifié, les territoires ruraux de développement prioritaire (TRDP) sont des zones caractérisées notamment par leur faible niveau de développement économique, et éligibles aux programmes d'aménagement concerté des territoires ruraux des contrats de plan.

Un peu plus de 21.000 communes sont classées en TRDP, qui recensent près de 13 millions d'habitants (soit 23 % de la population) et couvrent environ 64 % du territoire (la densité moyenne de population étant ainsi de 37 habitants au km²). Les principales mesures concernant ces zones visent à mettre en oeuvre des politiques renforcées et différenciées de développement :

- exonération d'impôts locaux pendant deux ans pour les entreprises nouvelles ou celles créées pour reprendre une entreprise industrielle en difficulté ;

- exonération d'impôts sur les bénéfices pour les entreprises nouvelles soumises à un régime réel d'imposition et dont le siège social ainsi que les moyens d'exploitation se situent dans la zone ;

- exonération temporaire facultative de taxe professionnelle pour les créations, extensions, déconcentrations, reconversions ou reprises d'établissements en difficultés dans certains domaines d'activité ;

- appui du fonds national de développement des entreprises (FNDE) pour le renforcement des fonds propres et l'accès au crédit.

Il convient toutefois de relever que la nature des activités visées par ces mesures ne concerne pas le petit commerce de proximité : les effets positifs sur celui-ci ne peuvent qu'être indirects, les activités, notamment industrielles, maintenues ou créées dans les TRDP ayant pour conséquence de localiser des emplois dans ces zones et d'y favoriser la consommation.

b) Les zones de revitalisation rurale (ZRR)

Plus intéressantes pour soutenir directement l'implantation commerciale en milieu rural sont sans doute les zones de revitalisation rurale (ZRR), créées par l'article 52 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, et définies par le décret n° 96-119 du 14 février 1996.

Ces zones correspondent aux parties des TRDP les moins peuplées et les plus touchées par le déclin démographique et économique. Outre les communes des cantons dont la densité démographique est inférieure ou égale à 5 habitants au km², ces ZRR comprennent les communes situées soit dans les arrondissements dont la densité démographique est inférieure ou égale à 33 habitants au km², soit dans les cantons dont ladite densité est inférieure ou égale à 31 habitants au km², dès lors que ces arrondissements ou cantons satisfont également à l'un au moins des trois critères suivants : déclin de la population totale, déclin de la population active, taux de population active agricole supérieur au double de la moyenne nationale. Au total, ce sont ainsi près de 12.000 communes qui sont classées en ZRR, lesquelles couvrent environ 40 % du territoire et accueillent 4,5 millions d'habitants (la densité de population moyenne étant dès lors de 21 habitants au km²).

Dans ces zones, toute création d'entreprise, déconcentration, reconversion d'activité ou reprise d'établissement, bénéficie de plein droit d'une exonération temporaire de la taxe professionnelle (compensée par l'Etat) pour cinq ans au maximum. Cette exonération s'applique également aux artisans qui effectuent principalement des travaux de fabrication, de transformation, de réparation ou des prestations de services et pour lesquels la rémunération du travail représente plus de 50 % du chiffre d'affaires global, tous droits et taxes compris, et qui créent une activité dans ces zones. En outre, l'embauche du 1 er au 50 ème salarié ouvre droit à exonération des charges patronales. Ainsi, les commerçants et artisans peuvent recourir à ce dispositif lorsqu'ils s'installent ou recrutent en ZRR, même s'il ne leur est pas particulièrement et exclusivement destiné.

2. Des actions destinées à soutenir spécifiquement les activités commerciales et artisanales

Parallèlement, les pouvoirs publics ont mis en oeuvre des outils visant globalement à soutenir les investissements, la modernisation et l'animation économique du commerce de proximité, qui sont utilisés en liaison avec les collectivités territoriales et les chambres consulaires. Il s'agit pour l'essentiel du fonds d'intervention pour la sauvegarde de l'artisanat et du commerce (FISAC) et, à titre accessoire, des fonds locaux d'adaptation du commerce rural, ainsi que des contrats de plan Etat-région (CPER).

a) Le FISAC

Les interventions du Fonds d'intervention pour la sauvegarde de l'artisanat et du commerce (FISAC) sont définies par :

- l'article 4 de la loi n° 89-1008 du 31 décembre 1989 relative au développement des entreprises commerciales et artisanales et à l'amélioration de leur environnement économique, juridique et social, modifié par l'article 6 de la loi n° 93-1353 du 30 décembre 1993 ;

- le décret n° 95-1140 du 27 octobre 1995 relatif à l'affectation de l'excédent du produit de la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat.

Le FISAC est un outil d'accompagnement des évolutions collectives concernant les secteurs du commerce et de l'artisanat, qui ne peut être mobilisé au titre d'une opération donnant lieu, par ailleurs, à financement du secrétariat d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat dans le cadre d'un contrat de plan Etat-région. En revanche, une subvention versée au titre du FISAC peut servir de contrepartie pour la mobilisation de crédits européens en faveur de l'opération subventionnée.

A sa création, le FISAC avait pour vocation de répondre aux menaces pesant sur l'existence de l'offre commerciale et artisanale de proximité dans des zones rurales ou urbaines fragilisées par les évolutions économiques et sociales liées, selon les zones concernées, à la désertification de certains espaces ruraux, au développement de la grande distribution, en particulier à la périphérie des villes, ainsi qu'aux difficultés que peuvent connaître les zones urbaines sensibles.

Le dispositif était fondé sur la solidarité financière entre la grande distribution et les petites entreprises commerciales et artisanales. Le FISAC, en effet, était alimenté par un prélèvement sur l'excédent du produit de la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat (TACA), qui est acquittée par la grande distribution (entreprises dont la surface de vente est supérieure à 400 m²).

Une réforme intervenue en 1999 a fait évoluer le FISAC de façon significative : de simple dispositif de sauvegarde, il est devenu un outil au service du développement local. Il joue ainsi un rôle déterminant dans la vitalité des territoires grâce aux cofinancements, généralement de deux à cinq fois supérieurs, qu'il permet de mobiliser dans les opérations de modernisation et de restructuration au bénéfice des commerçants et artisans.

La circulaire du 21 juin 1999 a défini les catégories d'opérations au financement desquels il a vocation à participer : il s'agit des opérations rurales, qu'elles soient individuelles ou collectives, des opérations urbaines, des études préalables aux opérations rurales collectives et aux opérations urbaines et, enfin, des actions spécifiques exceptionnelles comme les aides attribuées à des entreprises sinistrées à la suite d'intempéries ou de circonstances particulières.

S'agissant plus particulièrement des opérations en zone rurale, leur objectif vise à insérer les secteurs du commerce et de l'artisanat de manière plus dynamique dans l'ensemble des procédures de développement local. Elles tendent ainsi à inciter les propriétaires de locaux commerciaux et artisanaux, qu'il s'agisse des collectivités territoriales ou des exploitants, à les réhabiliter ou à les moderniser.

Les opérations conduites en milieu rural (communes de moins de 2.000 habitants)

Sont éligibles aux aides du FISAC :

- les dépenses d'investissement relatives à la modernisation des entreprises et des locaux d'activité lorsque le bénéficiaire est, soit la collectivité territoriale propriétaire, soit l'exploitant ;

- l'achat des locaux d'activité lorsque le bénéficiaire est une collectivité publique ;

- l'aménagement des abords des commerces, notamment pour en faciliter l'accès ;

- les halles et marchés couverts, ainsi que les marchés de plein vent : sont pris en compte le gros oeuvre, les aménagements intérieurs, ainsi que tous les équipements directement rattachables à l'exercice de la fonction commerciale.

Les opérations individuelles doivent présenter les caractéristiques suivantes :

- le projet commercial ou artisanal doit mettre en évidence les atouts spécifiques locaux et s'appuyer sur des besoins identifiés ;

- le projet doit être économiquement viable et concerner des marchés réels ;

- le projet ne doit pas induire de distorsion de concurrence ;

- la maîtrise d'ouvrage peut être publique (commune ; structure de coopération intercommunale) ou bien privée (entreprise ; groupement d'entreprises ; coopérative). Un projet présenté par un maître d'ouvrage privé doit être agréé par délibération du conseil municipal de la commune d'implantation.

Les opérations collectives ont pour but de consolider les entreprises commerciales et artisanales en améliorant leur activité par des opérations de revitalisation.

Dans le cas d'opérations collectives concernant plusieurs communes, la maîtrise d'ouvrage doit être assurée par un organisme regroupant ces communes et qui est le bénéficiaire de la subvention. L'opération donne lieu à l'établissement d'une convention à laquelle peuvent être associées la chambre de commerce et d'industrie et la chambre de métiers concernées dans le périmètre de l'opération.

Le financement d'une opération collective doit donner lieu à un engagement financier des collectivités territoriales participantes qui est la contrepartie de celui de l'Etat, le principe étant la parité.

Sont exclues du champ d'intervention de ces opérations, qu'elles soient individuelles ou collectives, les pharmacies et les professions libérales, ainsi que les activités liées au tourisme, comme les emplacements destinés à accueillir les campeurs, les restaurants gastronomiques et les hôtels-restaurants. En revanche, peuvent être éligibles les cafés, ainsi que les restaurants, lorsque l'essentiel de leurs prestations s'adresse à la population locale.

En ce qui concerne les travaux de modernisation liés à l'outil de production, sont seuls éligibles :

- les investissements de contrainte (tels ceux induits par l'application de normes sanitaires ou encore par le passage à l'euro) ;

- les investissements de capacité (tels ceux qui permettent de satisfaire une clientèle plus nombreuse) ;

- les investissements de productivité (tels ceux qui permettent à l'entreprise d'augmenter sa production et d'accroître ainsi sa rentabilité).

Le simple renouvellement d'équipements obsolètes ou amortis n'est pas éligible au FISAC, sauf dans le cas où cette opération a pour effet de contribuer au maintien d'une activité ou d'un service de proximité en zone rurale .

Source : circulaire du 21 juin 1999

Une opération en zone rurale concerne une commune de moins de 2.000 habitants ainsi que les bassins d'emplois regroupant plusieurs communes dont la population globale n'excède pas 30.000 habitants. Elle peut être individuelle ou collective. Elle doit être précédée d'une étude de faisabilité, laquelle ne peut faire l'objet d'un financement par le FISAC lorsqu'elle sert de support au dossier présenté pour une opération individuelle. En revanche, lorsqu'il s'agit d'une opération collective, l'étude peut être financée par le FISAC, au titre de la catégorie "études" évoquée ci-dessus.

En fonctionnement, le montant maximum de l'aide ne peut excéder 50 % du montant des dépenses subventionnables plafonné à 0,76 million d'euros (M€) par tranche, ce qui représente une subvention maximum de 0,38 M€. S'agissant des dépenses d'investissement, le taux maximum a été fixé à 20 % des dépenses inférieures à 0,76 M€, et à 10 % pour les dépenses supérieures à ce seuil, avec un maximum de subvention par tranche de 0,38 M€.

Les entreprises bénéficiant de l'aide directe du FISAC doivent avoir un chiffre d'affaires hors taxes inférieur à 760.000 euros. Le montant des dépenses d'investissement subventionnables est limité à 46.000 euros, ce qui correspond à un taux maximal de subvention de 9.200 euros. Les entreprises bénéficiaires doivent obligatoirement être inscrites au registre du commerce ou au répertoire des métiers.

Une entreprise commerciale ou artisanale et une collectivité publique ayant bénéficié d'une subvention du FISAC ne peuvent représenter une nouvelle demande d'aide avant l'expiration d'un délai de cinq ans. Cette demande sera considérée comme irrecevable si elle n'a pas été précédée d'un rapport d'évaluation et de bilan permettant, d'une part, de mesurer les effets directs ou indirects de l'opération précédemment subventionnée sur les activités commerciales et artisanales ou sur l'entreprise et, d'autre part, d'apprécier si elle a apporté les résultats attendus.

Près de 60 % des décisions prises dans le cadre des procédures FISAC entre 1992 et 2001 ont concerné le monde rural (soit plus de 3.900 décisions), les subventions ayant globalement représenté 23,6 % du total des aides distribuées sur la période (soit environ 103 millions d'euros) :

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

0,7

6,9

9,5

7,8

10,3

9,3

10,5

11,0

14,3

9,3

En millions d'euros (M€) Source : DEcas

Selon les informations recueillies par votre rapporteur, une nouvelle circulaire vient de modifier le dispositif actuel pour l'année 2003. Elle s'articule autour des axes principaux suivants :

- simplification de la procédure d'attribution des aides par le traitement en flux continu des dossiers et l'évolution de la mission de la Commission FISAC, dont le rôle d'avis est recentré sur les modalités d'intervention et les règles de calcul des subventions, les refus de subvention et l'examen ponctuel d'opérations ;

- consolidation du fondement réglementaire de toutes les catégories d'opérations régies par la circulaire du 21 juin 1999 ;

- réévaluation des taux plafonds d'intervention du FISAC pour certaines opérations (en particulier, passage de 20 à 30 % pour les communes de moins de 2.000 habitants) et mise en oeuvre d'un dispositif particulier d'aide aux professionnels pour faire face aux problèmes de sécurité auxquels ils sont confrontés.

En outre, dans le cadre des réflexions menées sur le contenu de la décentralisation, il est envisagé que tout ou partie des procédures soit confié prochainement à la région.

En tout état de cause, votre rapporteur souhaite que l'action du FISAC en milieu rural soit poursuivie, voire approfondie, afin que les pouvoirs publics continuent de soutenir les investissements des commerces de première nécessité accessibles aux habitants des zones fragiles.

b) Les fonds locaux d'adaptation du commerce rural

Mis en place par l'article 8 de la loi n° 90-1260 du 31 décembre 1990 d'actualisation de dispositions relatives à l'exercice des professions commerciales et artisanales, les fonds locaux d'adaptation du commerce rural constituent un élément du dispositif de régulation des implantations de grandes surfaces. Au sein de cet ensemble, ils ont pour vocation de corriger les déséquilibres causés par les implantations de grandes surfaces en milieu rural et constituent un dispositif d'appoint au FISAC, dans la mesure où ils viennent compléter les interventions de ce fonds dans les zones rurales. Les décisions étant prises à l'échelon du département, les réalités locales sont ainsi mieux appréciées.

Le premier alinéa de l'article 8-III (codifié à l'article 1648 AA du code général des impôts) définit la répartition intercommunale de la taxe professionnelle perçue sur les grandes surfaces autorisées à ouvrir ou à s'agrandir. Si 85 % du montant est attribué à la commune d'implantation et aux communes avoisinantes en proportion de leurs populations, le solde constitué par les 15 % restants est destiné à financer l'adaptation du commerce en milieu rural.

Cette dernière fraction de la taxe professionnelle est collectée dans un fonds régional, puis répartie entre des fonds départementaux d'adaptation du commerce rural en raison inverse du potentiel fiscal par km², lequel est déterminé à partir des données annuelles communiquées par la direction générale des impôts.

Une commission départementale, coprésidée par le préfet et le président du conseil général et composée de trois maires, de quatre représentants du conseil général, de trois représentants de la chambre de commerce et d'industrie, d'un représentant de la chambre de métiers, et de deux personnalités qualifiées désignées par les deux coprésidents, décide de l'utilisation de cette ressource, l'objectif recherché étant le maintien d'une présence commerciale harmonieuse en zone rurale.

Le décret n° 92-952 du 3 septembre 1992 a fixé la date limite de mise en place de ces commissions au 31 mars 1993, tandis qu'une circulaire du 1 er octobre 1992 définit les modalités de fonctionnement des fonds.

Il apparaît toutefois que, la plupart du temps, les produits recueillis ont été trop modestes pour permettre des interventions efficaces : le total des sommes collectées dans ce cadre entre 1992 et 2001, pour l'ensemble des fonds régionaux, s'est en effet élevé à 8,33 millions d'euros. La politique d'aide à la création ou au maintien d'une desserte de base en milieu rural a donc été généralement prise en charge par le FISAC et, lorsque des actions ont été entreprises dans le cadre des fonds locaux d'adaptation du commerce rural, elles sont venues compléter les interventions du FISAC dans les zones rurales. En réalité, les commissions n'ont été actives que dans une douzaine de départements (Aisne, Ardennes, Ariège, Dordogne, Landes, Lozère, Marne, Haute-Marne, Manche, Oise, Somme, La Réunion), même si les dotations cumulées paraissent suffisantes pour financer des actions dans une quarantaine de départements.

Selon le secrétariat d'Etat au petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation, une réflexion sur les mesures qui permettraient d'améliorer le fonctionnement du dispositif actuel devrait être entreprise à l'issue de la modernisation des règles d'intervention du FISAC. Votre rapporteur ne peut qu'être favorable à un tel examen, tout comme à l'activation du rôle des commissions départementales d'adaptation du commerce rural.

c) Les contrats de plan Etat-région

Enfin, de très nombreuses initiatives sont prises au niveau local dans le cadre des contrats de plan Etat-région (CPER), le plus souvent en partenariat avec les organismes consulaires, et en mobilisant en outre des fonds européens.

Les actions financées par les CPER concernent essentiellement la transmission et la reprise d'entreprises de l'artisanat et du commerce (dispositif ATRAC), les aides aux investissements matériels et immatériels, les subventions aux fonds régionaux d'aide au conseil (les FRAC), ou encore le soutien au recrutement des cadres et les aides aux créations d'entreprises.

Toutefois, si 94,5 M€ devaient être affectés par l'Etat au commerce et à l'artisanat dans le cadre des CPER 2000-2006, seuls 53,5 M€ ont fait l'objet d'une programmation budgétaire (soit 7,6 M€ par an).

3. Deux exemples d'initiatives mises en oeuvre localement

Confrontés aux difficultés recensées dans la première partie de ce rapport, les collectivités publiques et les organismes consulaires ont développé au plan local des stratégies destinées à mobiliser les fonds disponibles pour lutter contre la disparition des commerces de proximité en zone rurale. S'il n'est pas possible de le recenser toutes, votre rapporteur a toutefois souhaité présenter succinctement deux dispositifs, qui ont été portés à sa connaissance, dans le cadre des auditions qu'il a menées, par les représentants de l'Assemblée permanente des chambres de métiers (APCM) et de l'Assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie (ACFCI).

S'appuyant sur le constat que l'existence, ou la réapparition, d'un marché solvable ne suffit pas à elle seule à entraîner automatiquement la réinstallation de services disparus et le retour d'artisans et de commerçants pour les assurer, les départements des Alpes-de-Haute-Provence et des Hautes-Alpes ont chacun créé un fonds départemental d'aide à la modernisation (FODAM), dont la mise en oeuvre se fait en concertation avec les chambres de métiers et les organisations professionnelles intéressées. Ce fonds a pour objectif de contribuer au maintien des services de proximité dans les communes de moins de 2.000 habitants, et en particulier de favoriser l'installation de commerces multi-services en milieu rural dans les communes de moins de 500 habitants où l'initiative privée fait défaut.

Le financement des investissements immobiliers et matériels nécessaires est assuré, au plan européen, par le complément de programmation Objectif 2 - Mesure 3.2.4., et au niveau local par le budget départemental. Ainsi, pour les aides directes aux entreprises, le taux maximum de l'aide publique s'élève à 30 %, réparti à égalité entre le conseil général et le FEDER (à hauteur de 15 % chacun), le plancher des dépenses éligibles étant fixé à 6.100 € et le plafond à 45.700 €. S'agissant des aides à l'investissement par les collectivités pour le maintien ou l'installation d'activités nécessaires à la population, le taux maximum d'aide publique peut atteindre 50 %.

Cette action poursuit celle initiée au cours de la période 1994-1999 dans le cadre de la mesure 3.3 du Plan de développement rural mis en place par la Commission européenne. Elle est toutefois plus large dans la mesure où toutes les entreprises en création ou en cours de transmission n'introduisant pas de distorsion de concurrence et qui répondent aux critères d'éligibilité ( ( * )*) peuvent solliciter une subvention, alors qu'auparavant seules les entreprises ayant au moins une année d'activité étaient admises à le faire. Par ailleurs, les partenaires financiers intervenaient "à tour de rôle", c'est-à-dire que les dossiers étaient subventionnés soit par le Conseil général, soit par l'Union européenne, alors qu'aujourd'hui ils le sont par un cofinancement.

Le bilan de ce dispositif est toutefois encourageant. Ainsi, par exemple, pour le département des Alpes-de-Haute-Provence, la mesure 3.3 du Plan de développement rural a permis de subventionner entre 1994 et 1999 une quarantaine d'entreprises commerciales ou artisanales sur les fonds FEDER, pour un montant total de près de 204.000 €. En outre, depuis le début du programme actuel (2000-2006), 51 dossiers ont été reçus en Préfecture dont 19 concernent le secteur du commerce et 32 celui de l'artisanat. Parmi eux, 35 ont déjà été programmés pour un montant de subventions européennes de plus de 132.000 €, 7 ont reçu un avis défavorable et n'ont pu être subventionnés au titre du FEDER, et 9 sont en cours d'instruction et feront prochainement l'objet d'une programmation.

Un projet différent a été lancé en 1994 en Auvergne par la chambre régionale de commerce et d'industrie et la chambre régionale des métiers. Il vise à la fois, au travers de points multi-services (PMS), à proposer des nouveaux services aux populations rurales isolées et à attirer une clientèle supplémentaire dans les commerces ruraux.

Le PMS est une entreprise commerciale ou artisanale à dominante alimentaire (alimentation générale, bar, restaurant, boulangerie ...) qui met à disposition des consommateurs, grâce à un partenariat avec des organismes publics ou privés, une gamme de services diversifiés. On y trouve en tout état de cause un télécopieur, un minitel, un photocopieur, et un ordinateur avec imprimante et accès à internet, ainsi qu'un guichet pouvant représenter, selon les cas, un ou plusieurs organismes sociaux (ASSEDIC, AVA, CAF, CRAM, MSA, ORGANIC ou URSSAF), services bancaires ou d'assurance (GROUPAMA, Crédit agricole, Europe épargne), services publics (EDF, SNCF, France Telecom,), voire sociétés commerciales (La Française des Jeux, les Trois Suisses) ( ( * )*).

Les PMS sont choisis en fonction de différents critères cumulatifs :

- le village, situé en zone rurale, doit avoir moins de 2.000 habitants ;

- le commerce doit être à dominante alimentaire ;

- il ne doit pas constituer une concurrence déloyale pour des activités économiques existantes ;

- la priorité est donnée au dernier équipement de la commune ;

- le chef d'entreprise doit être dynamique et volontaire.

Outre la collaboration des neuf CCI et des quatre chambres des métiers locales, de l'Etat (au travers de la délégation régionale au commerce et à l'artisanat) et de l'Association régionale des Pays d'Auvergne, le dispositif PMS s'est adjoint celle de France Telecom et d'EDF, et s'est assuré le partenariat d'un nombre significatif d'organismes qui trouvent intérêt à l'opération.

L'équilibre du budget global du dispositif, incluant le coût d'achat du matériel et les frais de communication et d'animation du réseau, est assuré par le Conseil interconsulaire d'Auvergne avec la contribution de fonds européens, de l'Etat et des départements. Pour chaque PMS, le coût des équipements s'élève à 5.200 €, cet investissement étant financé en partie par des subventions publiques, et par le chef d'entreprise ou la municipalité. Par ailleurs, les prestations de service assurées par l'exploitant sont rétribuées par l'organisme concerné.

Le réseau comprend actuellement 86 PMS en région Auvergne, permettant ainsi aux habitants des villages concernés d'accéder aux nouveaux moyens de communication (fax, internet), mais aussi aux petites entreprises locales de bénéficier de services utiles à leur activité (envoi de fax ou de méls, communication de devis, confirmation de commandes auprès de leurs fournisseurs ...), tout comme aux résidents secondaires ou aux touristes de passage de disposer de facilités nouvelles (dépôt de colis, poste, point argent, informations touristiques, réservation de chambres ou de gîtes ...). Afin de renforcer et de faire connaître le concept, tous les PMS ont un mobilier et une signalétique identique.

Cette expérience positive, qui a relancé l'animation rurale, a été adoptée par la région Poitou-Charente, qui compte désormais 44 PMS, et va même être exportée puisque les régions de Coimbra, au Portugal, et de Salamanque et de Zamora en Espagne, ont l'intention de mettre en place un tel réseau. Depuis 2001, le concept a d'ailleurs pris une ampleur nouvelle avec la création d'un logo, d'outils de communication spécifiques (guide, dépliant personnalisé, affiche, tapis de souris ...) et d'un site électronique (pointmultiservices.com) qui ont pour vocation de promouvoir les PMS implantés en Auvergne et en Poitou-Charentes.

*

Votre commission des affaires économiques ne peut que saluer ces initiatives locales qui témoignent de l'implication et du volontarisme des acteurs économiques, des élus locaux et des animateurs consulaires pour revivifier l'espace rural et lutter contre la spirale de la désertification. Elle reconnaît la nécessité de mobiliser les fonds publics pour subventionner les investissements de modernisation et d'adaptation aux nouvelles attentes des consommateurs des commerces ruraux, et de solliciter le partenariat des organismes publics et privés pour développer la gamme des services offerts aux populations rurales.

II. L'ANALYSE ET LES RÉFLEXIONS DE VOTRE RAPPORTEUR AU REGARD DE LA PROPOSITION DE LOI INITIALE

Si les outils publics mis en place depuis une douzaine d'années ont évidemment leurs mérites, et si le rôle d'accompagnement des élus locaux et consulaires associés doit être distingué, force est toutefois de constater qu'ils n'ont pas été suffisants pour contrarier le mouvement de « déprise » commerciale qui a littéralement saigné l'espace rural de notre pays. La comparaison des chiffres est éloquente : tandis que moins de 4.000 opérations ont été menées depuis 1992 par le FISAC au bénéfice des activités commerciales de proximité en zone rurale, et alors que les initiatives locales de revitalisation ne se comptent, au plan régional, que par dizaines d'unités, ce sont des dizaines de milliers de commerces qui ont disparu de nos villages ruraux. Pour les seuls commerces de bouche recensés dans le tableau figurant à la page 7 de ce rapport, le nombre des entreprises est passé entre 1966 et 1998 de 200.300 à 60.500 : près de 140.000 de ces commerces ont ainsi disparu en trente ans, soit en moyenne 47.000 par décennie.

Certes, tous n'étaient pas établis dans des petites communes rurales, et toutes ces fermetures n'ont pas nécessairement conduit à la disparition totale de tout commerce dans les villages concernés. Mais les observateurs avertis de la réalité de l'activité commerciale dans nos cantons ruraux savent bien que le tribut payé à ce mouvement par l'espace rural est extrêmement élevé, et qu'il en représente largement la majeure partie.

Pour votre rapporteur, cet écart significatif entre les actions publiques mises en oeuvre et la poursuite de la dévitalisation commerciale de nombreux espaces ruraux tient à ce que lesdites actions, dont il ne mésestime pour autant ni l'importance, ni utilité, concernent essentiellement le soutien aux investissements des exploitants ou l'aide à la création et à la reprise d'activité. Il ne s'agit que d'un « coup de pouce » ponctuel - certes parfois indispensable pour que l'opération ait lieu et que l'initiative privée prenne le risque de l'exploitation commerciale - engagé dans une stricte et exclusive logique de viabilité économique.

Or, chacun le sait, celle-ci est loin d'être toujours assurée de manière pérenne dans une fraction importante de l'espace rural. Malgré des investissements judicieux, l'activité d'un commerce n'est pas garantie dans la durée si des forces économiques trop puissantes ou des handicaps structurels persistants empêchent l'exploitant de dégager un revenu minimal pour survivre. Tout l'enjeu de la préservation d'activités commerciales en milieu rural se réduit à cette question : quels moyens nouveaux peut-on instituer pour garantir aux commerçants ruraux un revenu décent ?

Il est à craindre, si l'on s'en tient au seul jeu spontané de l'initiative privée, corrigé de façon marginale et temporaire par un soutien public à l'investissement, que les résultats du prochain inventaire communal feront apparaître une nouvelle dégradation de la situation du commerce rural.

Si l'on souhaite maintenir dans nos zones rurales fragiles un tissu commercial minimal, il convient pour votre rapporteur de dépasser la vision strictement économique du rôle du petit commerce de proximité pour embrasser une perspective plus large qui, sans rejeter les aspects économiques, les complètent par une problématique d'animation sociale. Selon lui, une telle approche se situe ainsi de plain pied dans une perspective d'aménagement du territoire.

Il paraît par conséquent légitime à votre rapporteur que le pouvoir politique invente les moyens nouveaux qui pourraient permettre d'éviter ce scénario annoncé. Cela l'est d'autant plus pour le Sénat, dont la responsabilité particulière à l'égard des collectivités territoriales s'exprime par l'intérêt très vif qu'il a constamment accordé aux politiques d'aménagement du territoire.

Dans une telle perspective, le commerce rural n'a pas qu'une fonction économique : il est aussi et surtout un des éléments structurants du lien social. Il constitue le point d'appui à l'animation permanente, tout au long de l'année, de nos villages ruraux, le lieu où se retrouve la population locale, celui où elle croise les visiteurs de passage, celui où les valeurs de l'échange construisent intimement la notion de communauté. Ce lieu disparu, que reste-t-il de nos villages, sinon un espace sans vie, sans âme, et dès lors sans avenir ? Toute la problématique de la désertification rurale paraît concentrée dans cette réalité.

Aussi peut-on affirmer que la disparition progressive des commerces ruraux porte atteinte à l'intérêt général et qu'il est nécessaire que la solidarité nationale soit mobilisée pour, à tout le moins, interrompre ce mouvement continu de dévitalisation. C'est dans cette logique que se sont inscrits votre rapporteur et ses collègues du groupe communiste républicain et citoyen en proposant d'instituer un revenu minimum de maintien d'activité au profit de certains commerçants.

Grâce aux auditions qu'il a menées, votre rapporteur a pu approfondir sa réflexion tant sur les principes mêmes de sa proposition que sur son dispositif, qui se sont vu opposer diverses objections. Aucune ne lui a toutefois paru dirimante et les propositions qu'il a soumises à votre commission témoignent, par l'ampleur des modifications apportées à sa proposition initiale, de son souci de garantir la portée pratique du dispositif.

A titre personnel, il a ainsi estimé que le principe du revenu minimal de maintien d'activité participait d'une logique conceptuelle déjà mise en oeuvre en d'autres occasions, et qu'il était nécessaire d'encadrer précisément le dispositif de la proposition de loi et de l'adapter à son objet.

A. DÉMONTRER QUE LE PRINCIPE DU REVENU MINIMAL DE MAINTIEN D'ACTIVITÉ PARTICIPE D'UNE LOGIQUE CONCEPTUELLE DÉJÀ MISE EN oeUVRE EN D'AUTRES OCCASIONS

La proposition d'instituer un revenu minimal de maintien d'activité au bénéfice d'entrepreneurs a paru à certains opposée aux règles fondamentales qui organisent la liberté du commerce et de l'industrie en France. Elle serait contraire à l'orthodoxie de l'économie libérale qui ne justifie l'existence d'une activité économique qu'au regard de sa capacité à affronter les lois du marché.

Or, en restant dans une optique strictement économique, ce principe de base est quotidiennement transgressé, à la demande même des représentants des entreprises. Il est inutile d'entrer dans le détail des innombrables mesures d'exonérations fiscales ou sociales, dispositifs de subventions ou mécanismes de prise en charge directe de certains coûts par les collectivités publiques, qui visent à soutenir tel ou tel secteur d'activité ou catégorie d'entreprises : chacun saura trouver de multiples exemples autour de soi.

Mais au-delà de ces dérogations, dont on pourra toujours dire qu'elles sont ponctuelles et limitées dans leur objet, et que leur portée est en tout état de cause fondamentalement différente de celle d'un complément de revenu public institué pour soutenir une activité de nature libérale (le terme de « fonctionnarisation » a même été évoqué ici ou là), votre rapporteur souhaite s'arrêter à trois exemples pratiques lui semblant démontrer que sa proposition n'était pas « hétérodoxe ». Tout comme la présente proposition de loi, ces trois mécanismes s'appuient sur le principe que des objectifs supérieurs d'intérêt général, relevant de la cohésion nationale, justifient la mise en oeuvre de dispositions compensatrices qui s'écartent de la stricte logique marchande d'une économie libérale.

1. Le soutien à l'activité agricole en zone de montagne

Sans même s'interroger sur la nature des mécanismes financiers de protection tarifaire des marchés qui structurent globalement la politique agricole commune (PAC) depuis ses origines, et sur les objectifs de soutien sur lesquels elle est fondée, ni anticiper sur l'éventuel « découplage » des aides agricoles envisagé par la Commission européenne dans le cadre de la future réforme de la PAC, il est intéressant de relever que les dispositifs institués au profit de l'agriculture en zone de montagne sont exactement semblables, dans leur esprit et leur finalité, à ce que proposait de mettre en place la proposition de loi au bénéfice de certains commerçants des zones rurales : un complément de revenu public pour compenser des handicaps structurels et permettre le maintien d'activités jugées vitales pour la communauté alors que la seule prise en compte de la réalité économique conduirait à leur inéluctable disparition.

Il en est ainsi, par exemple, de l'indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN), dite « prime à la vache tondeuse », créée dès 1972 et consacrée au niveau communautaire en 1975. Il s'agissait, en compensant financièrement les surcoûts de production des exploitations liés aux handicaps naturels permanents qu'elles subissent, de diminuer les distorsions de concurrence avec les exploitations de plaine. L'efficacité de ce véritable complément public de revenu était d'ailleurs telle qu'elle a conduit les pouvoirs publics, dans les années quatre-vingt, à l'étendre progressivement, en l'adaptant, à d'autres zones défavorisées.

A partir de 2001, une réforme européenne a même centré le dispositif non plus sur l'importance du cheptel, mais sur celle de la surface fourragère de l'exploitant. Cette déconnexion entre l'activité productive et le complément public de ressources, qui s'inscrit au demeurant dans une logique que la Commission européenne entend généraliser dans le cadre de la réforme de la PAC, renforce le caractère compensatoire des subventions : plus encore que dans le passé, l'objectif du maintien des agriculteurs dans les zones de montagne paraît bien être le fondement essentiel de cette politique de soutien public.

La prime au maintien des systèmes d'élevage extensifs (PMSEE), dite « prime à l'herbe », instituée par le décret n° 93-738 du 29 mars 1993, participe d'une logique similaire : il s'agissait de favoriser les activités d'élevage dans les zones où la production extensive est à la fois possible et souhaitable en terme d'occupation de l'espace. Cette prime sera remplacée à compter de cette année par une prime herbagère agri-environnementale (PHEA) qui poursuit les même objectifs que le dispositif précédent en en renforçant le caractère environnemental.

Les deux exemples ainsi retenus par votre rapporteur visent à démontrer que, pour atteindre un objectif jugé d'intérêt public - en l'occurrence l'occupation pérenne et l'entretien continu des zones de montagne -, les autorités communautaires et nationales, bien qu'habituellement d'inspiration libérale, estiment légitime "d'aménager", par l'octroi de subventions publiques qui ne sont rien d'autres que des compléments de revenu pour les exploitants agricoles concernés, les règles de la concurrence à l'oeuvre dans une économie de marché.

2. La reconnaissance législative de la notion d'intérêt général en matière d'implantation commerciale

Si les mécanismes communautaires de soutien institués en matière agricole sont extrêmement développés, et concernent au demeurant bien davantage que les seuls éleveurs de montagne, ils n'expriment toutefois pas toujours très clairement et directement leur finalité effective : le « non-dit » rend d'ailleurs difficiles bien des débats, tant au plan national qu'à l'échelon communautaire, en particulier lorsqu'il s'agit d'évaluer les effets de la PAC et d'envisager les modalités de sa réforme.

En ce qui concerne le commerce, on peut en revanche observer que cette activité s'est déjà vu reconnaître explicitement un caractère d'intérêt général justifiant la mise en oeuvre d'une politique dérogatoire pouvant impliquer directement les pouvoirs publics dans un soutien actif. Ce principe a été posé avec force par l'article 55 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985, dite « loi montagne », adoptée à l'unanimité par le Parlement.

Cet article affirme ainsi dans son premier alinéa que « l'existence en zone de montagne d'un équipement commercial et d'un artisanat de services répondant aux besoins courants des populations et contribuant à l'animation de la vie locale est d'intérêt général » . Cette notion implique logiquement, comme l'indique le deuxième alinéa, que « l'Etat, les collectivités territoriales et les établissements publics, dans la limite de leurs compétences respectives, prennent en compte la réalisation de cet objectif dans le cadre des actions qu'ils conduisent en matière de développement économique et social » .

Mais en précisant de surcroît quels types d'actions étaient susceptibles d'être effectivement mis en oeuvre, le législateur a manifesté son volontarisme en rendant possibles des mesures de soutien direct. Il a ainsi notamment souligné, aux troisième et quatrième alinéa de l'article 55, que « cette prise en compte peut, notamment en cas de carence ou de défaillance de l'initiative privée, porter sur le maintien, sur l'ensemble du territoire montagnard, d'un réseau commercial de proximité compatible avec la transformation de l'appareil commercial de la nation » .

Il n'est guère besoin d'entrer dans de subtiles exégèses pour relever qu'au plan des principes, les parlementaires de tous bords politiques, y compris ceux appartenant à la pensée « libérale », ont ainsi affirmé, il y a déjà près de vingt ans, que l'action publique pouvait le cas échéant se substituer à l'initiative privée pour garantir l'existence en zone de montagne d'un équipement commercial de proximité. Cet article 55 de la loi montagne peut ainsi parfaitement autoriser des communes de montagne à gérer directement des activités commerciales sur leur territoire.

On observera à cet égard que cette disposition législative n'est soumise ni aux contraintes de la concurrence, ni à celles de la rentabilité. En d'autres termes, la gestion directe municipale n'est aucunement conditionnée par l'absence de toute initiative privée dans la zone de chalandise, laquelle peut naturellement être plus large que le seul territoire de la commune. En outre, on peut parfaitement imaginer que l'activité commerciale considérée soit durablement déficitaire et que l'autorité publique gestionnaire décide néanmoins de la maintenir, dans la mesure où elle répond à des objectifs d'animation de la vie locale et d'entretien du lien social.

Pour votre rapporteur, cette disposition de la loi montagne est par conséquent essentielle puisqu'elle apporte une deuxième démonstration de l'existence, dans le cadre économique libéral actuel de notre pays, de mécanismes publics de soutien, voire de substitution, à la petite initiative privée, dans certaines circonstances jugées politiquement d'intérêt général. Elle témoigne également, quant aux conditions de son adoption, qu'une unanimité sur cette question de principe peut être trouvée quelle que soit la famille de pensée à laquelle on appartienne, dès lors que sont clairement identifiés les enjeux.

Votre rapporteur estime cependant qu'en pratique, une telle mesure ne peut qu'être exceptionnelle, ne serait-ce que pour des raisons financières. Par définition, les communes les plus exposées au risque de « désertification » commerciale sont de petits villages qui, précisément, ne disposent guère de budgets leur permettant de mener une politique durable de soutien au commerce local. Il est donc indispensable, selon lui, de créer un mécanisme faisant appel non pas à la solidarité communale, mais à la solidarité nationale.

3. Les zones franches urbaines

Un dernier exemple lui paraît mériter d'être retenu pour compléter sa démonstration : celui des zones franches urbaines (ZFU). Certes, le contexte est radicalement différent et les mesures mises en oeuvre s'inscrivent dans le cadre beaucoup plus classique des exonérations de charges sociales et fiscales et du soutien à l'investissement. Toutefois, en termes tant de logique interne que de d'effets réels, les choses n'apparaissent pas si éloignées.

Les ZFU sont des périmètres d'activité situés dans les quartiers sensibles et à l'intérieur duquel les entreprises bénéficient, pendant cinq ans, d'une exonération totale des charges sociales, d'impôt sur les bénéfices, de taxe professionnelle et de taxe sur le foncier bâti. Au regard de l'ampleur des charges concernées, on peut légitimement considérer que, pour l'exploitant, leur exonération constitue une aide au revenu de l'entreprise tout à fait comparable à ce que pourrait être un complément de revenu versé directement à un commerçant.

Il existe actuellement quarante-quatre ZFU, qui ont été créées sous le gouvernement de M. Alain Juppé, et le gouvernement actuel envisage de lancer quarante nouvelles zones. Votre rapporteur observe ainsi une nouvelle fois qu'une majorité, dont le projet politique est d'inspiration clairement libérale, n'hésite pas à déroger de manière significative aux règles du marché dès lors que celui-ci n'est pas en mesure de garantir le maintien, ou de favoriser l'implantation, d'activités économiques dans des zones jugées prioritaires par les pouvoirs publics. Il s'agit là encore de compenser, par la solidarité nationale, des handicaps structurels qui pénalisent l'initiative privée.

Les exonérations dont bénéficient les entreprises installées en ZFU sont toutefois temporaires, ce qui les distinguerait du mécanisme de la proposition de loi. Toutefois, dans le cadre de l'actuelle discussion parlementaire sur la relance des ZFU, un amendement a été adopté par l'Assemblée nationale, avec l'aval du gouvernement, afin que les entreprises de moins de cinq salariés bénéficient, au-delà des cinq premières années d'exonérations totales, de cinq années supplémentaires d'exonérations partielles à hauteur de 60 %, puis de deux années à 40 % et enfin de deux années à 20 %. Ce dispositif d'exonération serait ainsi étalé sur quatorze ans : si, au plan sémantique, le terme de temporaire doit toujours être utilisé, chacun conviendra cependant que son contenu perd de sa force. On pourra ajouter qu'en 2005, cette seule mesure devrait coûter au budget de l'Etat pas moins de 26 millions d'euros (après en avoir coûté 13 en 2004).

Les ZFU constituent ainsi un troisième exemple de ce que le volontarisme public est capable d'imaginer et de faire financer par la solidarité nationale : un dispositif de longue durée, de grande ampleur en termes budgétaires, et qui vise à inciter des entrepreneurs privés, parmi lesquels figurent d'ailleurs des commerçants, à se maintenir ou à s'établir dans des zones particulières en assurant par le soutien public la viabilité économique de leur projet, qui serait impossible sans cette aide.

*

Votre rapporteur observe ainsi que la discussion de principe sur la pertinence, au regard des règles de l'économie libérale, du mécanisme de soutien aux commerces ruraux qu'il envisageant dans sa proposition de loi ne semblait pas devoir conduire à une opposition idéologique à son encontre.

Outre qu'il existe déjà, au profit des professions non salariées agricoles, de nombreux dispositifs de soutien (par les prix ou par des primes) qui relèvent directement de la même démarche, d'autres mécanismes ont été institués qui conduisent à des résultats similaires. Il en est même qui peuvent engager les pouvoirs publics de manière plus directe encore.

L'essentiel tient au but poursuivi : ici, soutien à une profession, là, préservation d'espaces particuliers, voire, dans certains cas, combinaison des deux objectifs. Quelle que soit la majorité, tous les responsables politiques ont démontré, depuis plusieurs années, tant au plan national qu'à l'échelon européen, qu'en matière d'aménagement du territoire, la fin justifiait les moyens. Ils ont fait preuve d'imagination sans parti pris idéologique et n'ont guère hésité à engager des moyens budgétaires sans commune mesure avec ceux qui auraient été nécessaires à la mise en oeuvre de la proposition de loi.

Dans le cas d'espèce, la volonté de donner un coup d'arrêt à la disparition du commerce rural semblait bien pouvoir justifier l'institution d'un mécanisme nouveau faisant appel à la solidarité nationale.

B. ENCADRER PRÉCISÉMENT LE DISPOSITIF ET L'ADAPTER À SON OBJET

Au-delà de la question de principe, plusieurs points techniques ont été soulevés par les personnalités auditionnées par votre rapporteur. On peut les regrouper en cinq thèmes qui concernent les commerces éligibles, les zones concernées, le revenu à prendre en considération, la procédure et le financement.

1. Les commerces éligibles

La proposition de loi initiale évoquait dans son titre les « services de proximité » et à son article 1 er les « commerces de proximité ». Outre que ces deux notions n'étaient pas identiques, elles paraissaient extrêmement larges. Ces formules étaient en tout état de cause plus vastes que la nature des commerces auxquels songeaient les auteurs de la proposition de loi, qui visaient essentiellement les établissements dont l'activité constitue un point d'animation de la vie locale : il en est ainsi des commerces de bouche tels que les épiceries, boulangeries, boucheries, superettes, etc., ainsi que des bars, restaurants, tabacs, multi-services, voire dans certains cas des garage ou des stations-service ...

Comme il n'était pas envisageable de fixer dans la loi la liste de ces activités, votre rapporteur a proposé à votre commission de renvoyer au pouvoir réglementaire le soin de le faire par référence à la nomenclature d'activités françaises (NAF). Il s'agissait ainsi de déterminer, parmi les 220 catégories actuelles d'activités (ce nombre étant toutefois susceptible de changer avec la mise en oeuvre, à compter du 1 er janvier 2003, de la NAF, révision 1), celles pouvant être éligibles au dispositif, sachant que le nouveau texte de loi proposé par votre rapporteur précisait que les exploitants devraient être des commerçants ou des artisans inscrits au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers. Le renvoi à un décret devait en outre permettre d'adapter cette liste de manière plus facile si les circonstances l'exigeaient.

De plus, et afin d'être certain que le bénéfice de la mesure n'aurait été ouvert qu'au petit commerce, votre rapporteur a également proposé à votre commission de préciser que le chiffre d'affaires des entreprises concernées ne pourrait excéder le seuil retenu par l'article 50-0 du code général des impôts pour ouvrir droit au régime fiscal du « micro-BIC », à savoir 76.300 € HT s'il s'agit d'entreprises dont le commerce principal est de vendre des marchandises, objets, fournitures et denrées à emporter ou à consommer sur place, ou de fournir le logement, ou 27.000 € HT s'il s'agit d'autres entreprises.

Enfin, les commerces exploités par un allocataire du revenu minimum de maintien d'activité auraient dû répondre à des conditions de durée minimale d'ouverture au public fixées par décret. Cette contrainte a été proposée par votre rapporteur pour faire le lit des objections tenant à un éventuel effet d'aubaine du dispositif pour des personnes peu scrupuleuses, qui s'inscriraient comme commerçant ou artisan mais fermeraient constamment le magasin pour vaquer à d'autres occupations tout en étant assurées de disposer d'un revenu égal au RMI.

Pour votre rapporteur, c'est faire injure aux commerçants et aux artisans que d'évoquer de telles hypothèses. Ces métiers sont suffisamment difficiles et contraignants pour faire crédit à ceux qui s'y engagent, qui s'y investissent avec ardeur et ténacité, d'une volonté d'exercer leur activité professionnelle dans le but de satisfaire leur clientèle. Au demeurant, l'exemple du RMI démontre que de telles suspicions sont nulles et non avenues : parmi les 1,84 million d'allocataires du RMI, on ne compte qu'environ 15.000 entrepreneurs et travailleurs indépendants (ETI), soit moins de 1,6 %. Si un tel état d'esprit prévalait dans ces professions, nul doute que ce nombre serait substantiellement plus important.

Cependant, afin de couper court à toute insinuation, et pour garantir que l'activité commerciale aurait permis d'assurer effectivement l'animation de la vie locale, votre rapporteur a proposé à votre commission des affaires économiques de retenir le principe d'instituer des conditions de durée minimale d'ouverture du commerce au public. Selon le dispositif suggéré, il aurait appartenu au pouvoir réglementaire de les fixer précisément, de manière à la fois annuelle, hebdomadaire et quotidienne, pour que l'accessibilité à la clientèle soit assurée de manière satisfaisante.

Ainsi, cette triple limite à la fois juridique, économique et technique devait éviter tout risque de dérapage ou de détournement de la finalité du dispositif.

Par ailleurs, votre rapporteur a également suggéré de donner un titre nouveau au texte, plus conforme à sa vocation première : « proposition de loi tendant à préserver les commerces de proximité en zone rurale ».

2. Les zones concernées

Le « zonage » retenu par les auteurs de la proposition de loi initiale résultait du constat que l'essentiel des difficultés les plus importantes en matière de déchirure du tissu du commerce rural de proximité était concentré dans des communes de moins de 1.000 habitants. Le dépouillement de l'Inventaire communal 1998 en témoigne d'ailleurs largement.

Il est cependant apparu à votre rapporteur que cette grille de lecture n'était pas satisfaisante dans la mesure où, à la fois :

- elle excluait du dispositif des communes rurales qui, bien que comptant plus de 1.000 habitants, pouvaient présenter toutes les caractéristiques de désertification et de disparition du commerce rural qu'il s'agit de combattre ;

- elle autorisait des effets d'aubaine pour certains commerçants qui, installés dans des zones de chalandise « normales » voire importantes, auraient pu compenser leur manque de dynamisme commercial et d'esprit entrepreneurial par une aide publique injustifiée.

Aussi lui a-t-il paru plus opportun de rechercher un zonage qui s'inscrive en cohérence avec ceux déjà retenus dans le cadre de la politique d'aménagement du territoire. Il lui a rapidement semblé que les zones de revitalisation rurale, instituées par l'article 52 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, constituaient le cadre adapté aux objectifs du dispositif. Elles concernent le tiers des communes françaises (12.000 environ) et 40 % du territoire, et répondent à des critères précis parfaitement cohérents avec la problématique de la désertification : très faible peuplement et déclin de la population totale ou de la population active, notamment.

La légitimité de ce choix est au demeurant corroborée par la comparaison que l'on peut faire entre la carte des ZRR et certaines des cartes publiées dans l'Inventaire communal 1998 : évolution de la distance moyenne aux équipements, évolution du nombre d'équipements, ... Il est frappant de constater combien elles se ressemblent et comme elles paraissent se décalquer.

C'est donc ce zonage des ZRR que votre rapporteur a proposé à votre commission des affaires économiques de retenir.

3. Le revenu à prendre en considération

Le critère du revenu à prendre en considération a constitué, pour votre rapporteur, l'élément central de sa réflexion. Il a en effet rapidement constaté que les notions de « bénéfice dégagé par l'activité commerciale » ou de « revenu mensuel net du commerce » qui figuraient dans sa proposition de loi initiale n'étaient pas opérationnelles. Aussi a-t-il, sur ce point précis, sollicité les avis de praticiens et d'experts, tels que des fonctionnaires de l'administration fiscale, le président de la Fédération des centres de gestion agréés ou encore un responsable administratif du Conseil national de la comptabilité. Il a également examiné avec attention les remarques formulées par les représentants des chambres des métiers et des chambres de commerce et d'industrie qu'il a auditionnés.

Au terme de cette démarche, il lui a semblé que la notion susceptible d'être la plus facilement prise en considération, en particulier parce qu'elle est définie par le code général des impôts, qu'elle figure d'ores et déjà dans diverses liasses fiscales, et qu'elle pourrait être aisément introduite dans d'autres documents auxquels ont recours les professionnels, était celle de la valeur ajoutée. Cette valeur ajoutée, déterminée par le paragraphe II de l'article 1647 B sexies du CGI, pouvait être ainsi retenue quelle que soit la forme juridique adoptée par l'exploitant pour exercer son activité commerciale, et quel que soit par ailleurs le régime fiscal qu'il a choisi (réel, réel simplifié ou micro-BIC). Elle aurait été facilement calculée par les centres de gestion et contrôlable par l'administration fiscale. Quant à la prise en compte d'éventuelles charges salariales, qui ne sont actuellement pas retenues pour déterminer la valeur ajoutée, elle aurait pu être opérée par la fixation, par décret, d'un montant forfaitaire par salarié qui serait venu en déduction de la valeur ajoutée dégagée au cours de l'exercice précédent. Le choix de retenir une somme forfaitaire avait pour objet d'éviter que l'exploitant ne salarie par exemple son conjoint à un niveau tel qu'il parvienne à bénéficier du montant maximum de l'allocation de revenu minimum de maintien d'activité.

Pour votre rapporteur, c'est ainsi qu'on se serait le mieux rapproché de la notion de « reste à vivre » qui sous-tendait la proposition de loi, dans des conditions de faisabilité technique assurées. L'allocation mensuelle de revenu minimum de maintien d'activité aurait été calculée, pour une année, par la différence entre un montant fixé par décret (correspondant au « plafond » de sortie du dispositif) et le douzième du total de la valeur ajoutée dégagée l'année précédente par l'ensemble des activités commerciales et artisanales (pour prendre en compte les situations de pluri-activité) de l'exploitant, après déduction éventuelle des montants forfaitaires correspondant à des salaires.

Quand au « plafond » évoqué ci-dessus, sa détermination par la loi était exclue pour des raisons tant constitutionnelles que pratiques, mais il aurait dû être, pour votre rapporteur, de l'ordre des 1.016 € prévus par la proposition de loi initiale. En tout état de cause, on rappellera que le montant maximum de l'allocation différentielle mensuelle n'aurait pu être supérieur au montant du RMI, c'est-à-dire actuellement 411,70 €.

A cet égard, et pour conclure la discussion académique portant sur l'influence qu'aurait pu avoir sur le dynamisme d'entrepreneurs individuels l'assurance de disposer de revenus alloués par la puissance publique, votre rapporteur observe que le cadre législatif actuel autorise parfaitement un commerçant ou un artisan à s'organiser de manière à bénéficier du RMI. En l'espèce, la proposition de loi ne faisait rien d'autre que de permettre aux professionnels du commerce rural, qui souffrent de handicaps structurels indiscutables et de conditions d'exercice de leur activité très dures, de compléter de manière décente les revenus parfois extrêmement faibles qu'ils tirent de leur entreprise. On ne voit pas comment son adoption aurait pu conduire à des stratégies de « profiteur » plus fortes ou plus intéressantes qu'aujourd'hui.

Une seule objection aurait mérité d'être retenue : la différence entre les méthodes de détermination des revenus à prendre en compte au titre du RMI et du revenu minimum de maintien d'activité. Dans le premier cas, ce sont les revenus de l'ensemble du foyer qui sont retenus ; dans le second, il ne s'agissait que de ceux de l'entreprise. En contrepartie, le dispositif de la proposition de loi n'ouvrait pas droit à des montants d'allocation différents à raison de la configuration familiale du ménage similaires à ceux institués pour le RMI.

Cette différence de principe était délibérée. En effet, pour votre rapporteur, il n'est pas normal que les revenus perçus par le conjoint au titre d'une activité professionnelle, en particulier lorsqu'elle est totalement étrangère à l'activité commerciale ou artisanale de l'entrepreneur, soient, comme c'est encore trop souvent le cas aujourd'hui, la « béquille » qui permette la poursuite de cette activité. Toute la problématique des propositions faites par votre rapporteur à votre commission reposait sur une appréhension à la fois économique et sociale de la fonction du commerce de proximité en zone rurale. C'était l'activité de l'entreprise qui était prise en compte, c'était l'utilité sociale du commerçant ou de l'artisan au regard de la satisfaction des besoins de la population qui était évaluée, c'était le résultat économique de la fonction commerciale qui servait de référence au dispositif. Dès lors, il ne pouvait être question que les revenus du conjoint ou de toute autre personne vivant au foyer soient intégrés aux ressources à retenir pour déterminer les droits au bénéfice de l'allocation de revenu minimum de maintien d'activité ou pour calculer son montant.

4. La procédure

L'article 2 de la proposition de loi initiale chargeait la commission départementale d'équipement commercial (CDEC) de l'accueil et de l'examen des demandes de revenu minimum de maintien d'activité, ainsi que de la décision d'attribution. Dans l'esprit des auteurs du texte, il s'agissait, d'une certaine manière, de conduire la CDEC à « réparer » les conséquences de son activité, tant il est vrai qu'une des raisons essentielles de la perte de vitalité du commerce rural résulte de la concurrence insupportable, au sens littéral du terme, qu'il subit de la part de la grande distribution.

Il est cependant apparu à votre rapporteur que, ni au plan des principes, ni au plan technique, il ne pouvait revenir à la CDEC d'intervenir dans le dispositif d'attribution du revenu minimum de maintien d'activité. S'agissant de la décision d'ouvrir le droit à l'allocation, elle n'aurait pu relever que du préfet, dès lors qu'il s'agissait d'une prestation financée par l'Etat. Dans ces conditions, la procédure d'instruction devait être assurée par les services de l'Etat, qui auraient en toute logique été ceux de la délégation régionale au commerce et à l'artisanat (DRCA). On rappellera que cette administration instruit déjà les dossiers montés au niveau départemental et régional dans le cadre de la procédure FISAC, et que l'objet même de son activité en fait un partenaire naturel des commerçants et de leurs représentants, en particulier consulaires.

Outre ces suggestions, votre rapporteur a également proposé à votre commission de faire examiner les demandes, avant la décision préfectorale, par une commission départementale composée notamment desdits représentants. Plutôt que de créer une « énième » structure, il a envisagé de confier ce rôle à la commission départementale d'adaptation du commerce rural : tant sa composition (maires et membres du conseil général, représentants consulaires, personnalités qualifiées, co-présidence du préfet et du président du conseil général) que l'objet même qui justifie son existence lui semblaient en effet particulièrement adaptés à cette mission.

Enfin, votre rapporteur a proposé à votre commission de confier à l'ORGANIC le soin d'assurer le service de l'allocation. Cette organisation a, par fonction, l'expérience de la gestion d'allocations au bénéfice des commerçants (en l'espèce, les pensions de retraite) et, par ailleurs, elle gère déjà les crédits FISAC pour le compte de l'Etat.

5. Le financement

A l'article 3 de leur proposition de loi, votre rapporteur et ses collègues du groupe Communiste républicain et citoyen avaient prévu de financer les charges nouvelles induites par la création du revenu minimum d'activité par le produit d'une taxe additionnelle à la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat (TACA). Or, pour votre rapporteur, il n'aurait finalement été besoin de créer aucune taxe supplémentaire, d'autant que le coût de la mesure aurait été limité, la budgétisation de la TACA ne présentant en outre aucun caractère dirimant.

a) Il n'aurait été besoin de créer aucune taxe supplémentaire

La TACA a été instituée par la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972, dite « loi Royer », afin de faire financer le régime d'indemnité de départ des commerçants et artisans par les enseignes de la grande distribution. Elle est ainsi assise sur la superficie des grandes surfaces de plus de 400 m² construites depuis le 1 er janvier 1960, et recouvrée par l'ORGANIC. Cette taxe ayant un rendement largement supérieur aux dépenses qu'elle devait initialement couvrir, ses excédents ont été par la suite mobilisés pour financer :

- à partir de 1991, le Comité professionnel de la distribution des carburants (CPDC), mis en place pour soutenir les professionnels des stations-service indépendantes ;

- à compter de 1992, le FISAC, créé par la loi n° 89-1008 du 31 décembre 1989 modifiée pour contribuer au maintien d'une desserte commerciale et des services de proximité indispensables à la vie sociale et à la préservation de l'équilibre entre les différentes formes de commerce ;

- en plusieurs occasions depuis le début des années quatre-vingt-dix, et en fonction des circonstances, l'indemnisation des commerçants et artisans victimes de catastrophes naturelles ou technologiques (marées noires, tempêtes, inondations, accidents industriels tel celui de Toulouse en 2001).

Néanmoins, les excédents structurels de recettes ont continué à permettre la constitution d'importantes réserves, dans lesquelles les gouvernements successifs ont, ces dernières années, plusieurs fois prélevé pour abonder le budget général de l'Etat, faisant ainsi fi de la vocation de solidarité interprofessionnelle de la taxe.

Selon les prévisions budgétaires pour 2003, le produit de la TACA devrait s'élever à 223 M€ tandis que les dépenses prévisibles au titre des actions pérennes que finance la taxe atteindraient 71 M€ pour ce qui concerne le FISAC, 45 M€ pour l'aide au départ des artisans et commerçants, et 10 M€ pour le CPCD, soit au total 126 M€. Le solde entre recettes et dépenses pourrait donc atteindre 97 M€.

Dans ces conditions, il a semblé à votre rapporteur que le souhait légitime des auteurs de la proposition de loi de faire supporter par les enseignes de la grande distribution, au titre de la solidarité interprofessionnelle, le financement du revenu minimum de maintien d'activité, ne nécessitait aucunement la création d'une taxe supplémentaire. Il est manifeste que la TACA, dont la vocation est précisément de financer des actions en faveur des commerçants et artisans de proximité, aurait été en mesure de couvrir les charges induites par le dispositif de la proposition de loi.

b) Le coût de la mesure aurait été limité

Un raisonnement très « grossier » peut être fait pour tenter d'évaluer ce qu'aurait coûté au total la mesure en année pleine. Compte tenu des nouveaux critères d'éligibilité proposés par votre rapporteur, celui-ci estime que le nombre des commerces susceptibles de bénéficier du revenu minimum de maintien d'activité aurait pu approcher les 8.000 (les deux-tiers des communes éligibles, ce qui aurait déjà été un succès). S'agissant du niveau moyen de l'allocation mensuelle, l'examen des statistiques concernant le RMI permet d'estimer qu'elle aurait été de l'ordre de 250 € ( ( * )*).

Dès lors, le total des charges en année pleine du dispositif aurait pu s'élever, au très grand maximum, à 24 M€. Ce montant aurait représenté tout juste 25 % des excédents prévisibles de la TACA pour 2003.

Si l'on poursuit le jeu des comparaisons, on peut également relever que ce montant aurait été similaire au coût de l'amendement récemment adopté par l'Assemblée nationale pour étendre la période d'exonération des charges accordée aux entreprises de moins de cinq salariés qui s'installent dans les ZFU (26 M€ dès 2005, ce coût devant d'ailleurs s'accroître les années suivantes). Or, si la présence du commerce de proximité dans les quartiers sensibles est indispensable et mérite un effort financier, ne l'est-elle pas également en zone rurale ? En outre, votre rapporteur observe qu'avec les ZFU, ce sont 44 zones qui génèrent un tel coût, alors qu'avec le revenu minimum de maintien d'activité, ce sont 8.000 commerces, et presque autant de communes, qui auraient pu être concernés.

On peut enfin remarquer que ces 24 M€ auraient représenté seulement 18 % des sommes dépensées au titre du RMI au bénéfice des allocataires entrepreneurs et travailleurs indépendants (ETI) : outre que la création du revenu minimum de maintien d'activité aurait peut-être permis à certains de ces ETI de basculer d'un dispositif à l'autre, la finalité même du mécanisme de la proposition de loi n'était-elle pas, pour ces personnes, plus conforme à leur vocation d'entrepreneur que celle du RMI ?

Votre rapporteur a donc proposé à votre commission des affaires économiques d'exclure la création d'une taxe supplémentaire, estimant que le produit de la TACA aurait largement pu permettre de financer le revenu minimum de maintien d'activité. On ajoutera qu'au demeurant, les prévisions à moyen terme indiquent que les sommes exposées au titre de l'allocation de départ des artisans et commerçants et du CPDC devraient diminuer significativement, tandis que le produit de la TACA continuera d'augmenter.

c) La budgétisation de la TACA n'apparaissait pas présenter pas de caractère dirimant

On pourra objecter que la budgétisation de la TACA, opérée par l'article 35 de la loi de finances pour 2003 (n° 2002-1575 du 30 décembre 2002) pour satisfaire aux prescriptions posées par la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances, interdit désormais d'affecter cette taxe à telle ou telle action en faveur du commerce et de l'artisanat.

Pour votre rapporteur, il ne s'agit-là que d'arguties budgétaires qui ne sont politiquement pas acceptables. Au cours du débat budgétaire de l'automne dernier, le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation a constamment affirmé, aux représentants professionnels comme à la représentation nationale, que la budgétisation de la TACA ne signifiait nullement la remise en cause des actions de solidarité interprofessionnelle entre la grande distribution et le petit commerce ( ( * )*).

Un tel engagement ne saurait être compris comme la simple garantie de la reconduction des actions financées jusque là par la TACA, d'autant que, comme cela a été relevé ci-dessus, certaines d'entre elles devraient progressivement sinon s'éteindre totalement, du moins fortement diminuer de manière naturelle, dans les années à venir. Au contraire, cet engagement implique forcément qu'à mesure des nécessités qui se font jour, cette solidarité soit entretenue : la création du revenu minimum de maintien d'activité s'inscrivait ainsi pleinement dans cette perspective. A défaut d'une telle conception, la TACA pourrait effectivement ne devenir, comme l'ont expressément craint les professionnels de la grande distribution en octobre dernier, qu'une imposition supplémentaire acquittée par ce secteur sans aucune légitimité d'intérêt public.

C'est cette évidence qui a conduit votre rapporteur à proposer à votre commission des affaires économiques de n'indiquer, dans la proposition de loi, aucune prescription particulière quant au mécanisme de financement du revenu minimum de maintien d'activité. Dans son esprit, un article dédié à cette dépense aurait dû être créé sous le chapitre 44-03 du budget du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie (dont l'intitulé est « interventions en faveur du commerce, de l'artisanat et des services » ), tout comme cela a naturellement été fait dans le budget pour 2003 pour le FISAC (article 50), le CPDC (article 60) et l'aide au départ des commerçants et artisans (article 70), le financement étant assuré par le budget de l'Etat désormais abondé par la TACA.

III. LE DISPOSITIF PROPOSÉ PAR VOTRE RAPPORTEUR À VOTRE COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES

La proposition de loi n° 292 tendant à préserver les services de proximité en zone rurale ne comptait que trois articles : un article 1 er consacré au dispositif, un article 2 attribuant à la CDEC la responsabilité de la procédure, et un article 3 gageant les dépenses nouvelles par la création d'une taxe additionnelle à la TACA. A l'issue de ses travaux, votre rapporteur a soumis à votre commission des affaires économiques un dispositif à la fois plus précis et plus complet, qui a toutefois été rejeté.

A. UN DISPOSITIF PLUS PRÉCIS

Les deux articles « utiles » de la proposition de loi initiale étaient complétés et précisés sous les articles 1 er à 5 du texte proposé par votre rapporteur. Celui-ci avait par ailleurs modifié l'intitulé de la proposition de loi, afin de le rendre plus conforme à son objet, qui était de préserver les « commerces » de proximité en zone rurale et non les « services ».

1. Article 1er : institution d'un revenu minimum de maintien d'activité

Cet article s'ouvrait sur un alinéa reprenant, en l'adaptant, la pétition de principe figurant à l'article 55 de la loi « montagne » n° 85-30 du 9 janvier 1985, afin d'affirmer que « l'existence dans les zones rurales d'un réseau commercial de proximité répondant aux besoins courants des populations et contribuant à l'animation de la vie locale est d'intérêt général » .

Cette déclaration définissait parfaitement l'objectif de la proposition de loi et légitimait sa mise en oeuvre. En se référant à la notion de « populations » , elle indiquait que l'équipement commercial de proximité doit non seulement bénéficier aux habitants des bourgs ruraux pour satisfaire à leurs besoins de consommation courante, mais également aux petites entreprises locales qui trouvent nécessairement intérêt à la présence de services utiles à leur activité, ainsi naturellement qu'aux résidents secondaires ou aux touristes de passage qui doivent trouver sur leur lieu de villégiature un environnement commercial minimum. Par ailleurs, en visant « l'animation de la vie locale », le texte indiquait que des préoccupations plus larges que la seule logique économique rendent nécessaire le maintien d'un tissu commercial de proximité en zone rurale.

C'est au demeurant cet aspect social et, au sens originel du terme, politique de la problématique qui justifiait le caractère « d'intérêt général » conféré à l'existence d'un réseau commercial de proximité : s'assurer que toute une partie de l'espace rural français n'est pas condamné à être constitué de « villages fantômes » d'où toute vie collective et conscience de constituer une communauté seraient bannies.

Par déduction logique, cet objectif d'intérêt général légitimait le second alinéa de l'article 1 er , qui reprenait pour l'essentiel le premier alinéa de l'article 1 er de la proposition initiale en prévoyant qu' « afin de favoriser le maintien ou l'implantation des commerces de proximité en zone rurale, il est institué un revenu minimum de maintien d'activité » . Outre la suppression de la référence à la zone d'éligibilité (question qui était abordée par l'article 2), le texte proposé par votre rapporteur se distinguait de la version initiale par l'emploi d'un pluriel ( « des commerces de proximité » ) plutôt que d'un singulier ( « un commerce de proximité » ) : loin d'être neutre, cette modification avait pour objet de ne pas limiter le dispositif au seul « dernier » commerce de la commune. Il peut en effet être légitime et utile, dans une même commune, de conserver ou de favoriser l'implantation de plusieurs petits commerces offrant des produits différents : une boulangerie, une épicerie et un bar-restaurant par exemple. Aussi votre rapporteur n'avait-il pas voulu limiter le mécanisme du revenu minimum de maintien d'activité au dernier commerce.

2. Article 2 : bénéficiaires du revenu minimum de maintien d'activité

Afin d'encadrer très précisément le dispositif et de s'assurer de la conformité de sa définition avec les objectifs qu'il poursuivait, le nouvel article 2 de la proposition de loi établissait de stricts critères d'éligibilité.

S'agissant du zonage géographique, pour les raisons qui ont été détaillées précédemment, votre rapporteur avait préféré au critère des communes de moins de 1.000 habitants suggéré par les auteurs de la proposition de loi initiale celui des zones de revitalisation rurale instituées par l'article 52 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire.

En ce qui concerne les personnes et commerces éligibles, il avait formalisé un certain nombre de conditions qui devaient garantir l'absence de dérives :

- le bénéfice du revenu minimum de maintien d'activité était ouvert aux commerçants et artisans inscrits au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers ;

- l'activité principale des ces professionnels devait relever d'une classe de la nomenclature d'activités françaises (NAF, révision 1) figurant sur une liste fixée par décret. Ce renvoi au pouvoir réglementaire, qui ne faisait au demeurant que respecter la répartition des compétences entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif prévue par les articles 34 et 37 de la Constitution, présentait l'avantage de ne pas « figer » la liste des activités de manière quasi-définitive : des adaptations réglementaires auraient ainsi pu être aisément effectuées à raison des circonstances (dont notamment la révision de la nomenclature, comme celle qui est intervenue le 1 er janvier 2003 en application du décret n° 2002-1622 du 31 décembre 2002 portant approbation des nomenclatures d'activités et de produits).

Reste que pour votre rapporteur, cette liste aurait nécessairement dû comprendre au moins les boulangeries et boulangeries-pâtisseries (code NAF 15.8C), les activités de transformation de la viande et de boucherie et charcuterie artisanales (15.1A, 15.1C, 15.1F), les commerces d'alimentation générale (52.1B), les supérettes (52.1C), les commerces de détail de fruits et légumes (52.2A), de viandes et produits à base de viandes (52.2C), de poissons, crustacés et mollusques (52.2E), de pain, pâtisserie et confiserie (52.2G), de boissons (52.2J), de tabac (52.2L), de produits laitiers (52.2N), les auberges de jeunesse et refuges (55.2A), les restaurants de type traditionnels (55.3A), les cafés tabacs (55.4A) ou les débits de boissons (55.4B). Cette liste n'est évidemment qu'indicative et pas exhaustive, puisqu'on aurait aussi pu s'interroger sur l'opportunité d'y faire figurer des activités telles que, par exemples, l'entretien et la réparation de véhicules automobiles (50.2Z) ou le commerce de détail des carburants (50.5Z). En tout état de cause, il aurait été nécessaire de bien s'assurer que toutes les activités de proximité nécessaires à l'animation du milieu rural auraient été retenues.

- afin d'éviter que l'établissement d'une liste aussi large que possible des activités éligibles ne conduise à des dérives et des effets d'aubaine, votre rapporteur avait prévu un seuil de chiffre d'affaires au-delà duquel le droit au revenu minimum de maintien d'activité n'aurait pu être demandé. Ce seuil était celui du dispositif fiscal du « micro-BIC » fixé au premier alinéa de l'article 50-0 du code général des impôts, soit 76.300 € HT ou 27.000 € HT selon les types d'activité. Une telle limite d'activité avait pour objectif de garantir que la mesure aurait été réservée aux « petits » commerçants et artisans ;

- enfin, pour s'assurer que l'activité commerciale répond correctement à l'objectif législatif de participation à l'animation de la vie locale, un ultime critère avait été retenu par votre rapporteur : l'obligation pour le commerce de satisfaire à des conditions de durée minimale d'ouverture au public fixées par décret. Là encore, comme il n'appartient pas au législateur de faire figurer de telles prescriptions dans le marbre de la loi, c'est au pouvoir réglementaire qu'il serait revenu de déterminer ces conditions minimales, qui auraient naturellement dû combiner des critères de plages d'ouverture annuelle, hebdomadaire et quotidienne, de manière à s'assurer que le commerce serait effectivement accessible à la clientèle dans des conditions « normales ».

3. Article 3 : calcul de l'allocation de revenu minimum de maintien d'activité

Comme cela a été indiqué précédemment, votre rapporteur avait suggéré à votre commission de retenir le dispositif différentiel imaginé par les auteurs de la proposition de loi initiale ainsi que la fixation du montant mensuel maximum de l'allocation à hauteur de celui de l'allocation de revenu minimum d'insertion, c'est-à-dire 411,70 €, dans un texte cependant légèrement différent pour garantir le caractère normatif de ces dispositions.

En revanche, s'agissant des revenus des professionnels susceptibles d'être pris en considération pour déterminer l'éventuelle ouverture de leur droit, comme de la limite maximale que la somme desdits revenus et de l'allocation de revenu minimum de maintien d'activité ne pouvait dépasser, votre rapporteur avait proposé de plus importantes modifications.

Ainsi que cela a été exposé ci-dessus, la référence au « bénéfice dégagé par l'activité commerciale » figurant dans la proposition de loi initiale s'était en effet avérée insuffisante au regard des multiples formes d'exercice de l'activité commerciale auxquelles peuvent recourir les exploitants. Aussi votre rapporteur avait-il jugé préférable, notamment pour des raisons de simplicité fiscale, de s'appuyer sur la notion de valeur ajoutée, qui est précisément définie par les dispositions du paragraphe II de l'article 1647 B sexies du code général des impôts. Il avait précisé à cette occasion que serait pris en compte l'ensemble des activités commerciales et artisanales de l'exploitant, afin de répondre aux situations de pluri-activité. En outre, pour éviter que l'emploi d'un ou plusieurs salariés, parfois indispensable au maintien de l'activité, ne conduise l'exploitant à se voir interdire le bénéfice du dispositif, il avait prévu qu'un montant forfaitaire, par salarié, serait déduit du montant de la valeur ajoutée retenue. Votre rapporteur fait enfin observer que, par construction, les commerçants et artisans éventuellement éligibles qui s'installent n'auraient pu bénéficier du revenu minimum de maintien d'activité qu'à compter de la deuxième année de leur activité. Il est vrai qu'ils disposent cependant, au titre des divers dispositifs institués en faveur de la création ou de la reprise d'entreprise, et qui devraient au demeurant être améliorés par les projets de loi portés par le gouvernement, de facilités et d'exonérations qui devaient au moins suffire pour les aider à passer le cap de la première année d'activité.

En ce qui concerne le seuil de sortie du revenu minimum de maintien d'activité, les auteurs de la proposition de loi l'avaient fixé dans leur texte à 1.016 €, en évoquant à cet égard la notion de « revenu mensuel net du commerce » . Il s'agissait, dans leur esprit, de garantir à l'exploitant un « reste à vivre » correspondant à l'actuel SMIC net. Pour respecter les dispositions constitutionnelles relatives à la séparation des pouvoirs, tout comme pour permettre une évolution régulière de ce plafond corrélée avec celle du coût de la vie, votre rapporteur avait estimé nécessaire de renvoyer au pouvoir réglementaire la responsabilité d'en fixer le montant. Il n'en reste pas moins que le niveau évoqué par les auteurs de la proposition de loi devait, de son point de vue, servir d'indicateur, et que ce montant devait par conséquent, lors de sa première fixation par décret, tourner autour des 1.000 €.

Enfin, votre rapporteur avait suggéré de soumettre l'allocation de revenu minimum de maintien d'activité aux prélèvements fiscaux de droit commun, puisqu'elle aurait constitué un complément de revenu.

4. Articles 4 et 5 : décision d'attribution, instruction des demandes et service de l'allocation

Les articles 4 et 5 présentés par votre rapporteur transformaient fondamentalement l'ancien article 2 de la proposition de loi, qui faisait relever de la commission départementale de l'équipement commercial (CDEC) l'ensemble de la procédure : dépôt des demandes, instruction et décision d'attribution (le service de l'allocation n'était toutefois pas précisé).

L'allocation étant financée par des crédits de l'Etat, il avait paru cohérent à votre rapporteur de conférer au préfet du département la responsabilité de la décision d'attribution. C'est ce que précisait l'article 4, qui introduisait toutefois la consultation préalable de la commission départementale d'adaptation du commerce rural mentionnée au paragraphe V de l'article 1648 AA du code général des impôts, chargée de donner un avis sur les demandes d'allocation. On rappellera que cette commission est coprésidée par le préfet et le président du conseil général, et composée de trois maires, de quatre représentants du conseil général, de trois représentants de la chambre de commerce et d'industrie, d'un représentant de la chambre des métiers, et de deux personnalités qualifiées désignées par les deux coprésidents. Elle est normalement chargée de répartir les ressources du fonds départemental d'adaptation du commerce rural dans le but de maintenir une présence commerciale harmonieuse en zone rurale. Sa composition et ses compétences étaient par conséquent particulièrement adaptées pour assurer la mission consultative nouvelle que lui conférait le texte présenté par votre rapporteur.

La décision d'attribuer l'allocation relevant de la responsabilité du préfet, il devenait nécessaire de confier à ses services la mission d'accueillir les demandes et d'instruire les dossiers. Le premier alinéa de l'article 5 prévoyait ces principes, et renvoyait à un décret en Conseil d'Etat leur mise en oeuvre pratique. Le deuxième alinéa disposait cependant que pour l'exercice de leur mission, les services du représentant de l'Etat dans le département avaient à vérifier les déclaration des demandeurs et pouvaient demander toutes les informations nécessaires aux services fiscaux, qui auraient été tenus de les leur communiquer sous réserve qu'elles soient limitées aux données nécessaires à l'identification de la situation du demandeur en vue de l'attribution de l'allocation.

Quant au service de l'allocation, il aurait été assuré, conformément aux dispositions du troisième alinéa de l'article 5, par l'ORGANIC, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Comme cela a déjà été relevé, l'ORGANIC paraissait être l'organisme le mieux à même s'assurer le service de l'allocation, en raison tant de ses compétences générales en matière de prestations sociales servies aux commerçants (les retraites) que du fait que cette organisation est déjà chargée du prélèvement de la TACA ainsi que de l'attribution des aides et subventions ouvertes aux titre de l'aide au départ, du FISAC et du CPDC. Là encore, l'adéquation de la nouvelle mission conférée à l'ORGANIC à ses fonctions traditionnelles semblait parfaite.

Enfin, le dernier alinéa de l'article 5 précisait que toute personne appelée à intervenir dans l'instruction des demandes ou l'attribution de l'allocation était tenue au secret professionnel dans les termes de l'article 226-13 du code pénal et passible des peines prévues audit article.

B. UN DISPOSITIF PLUS COMPLET

Au-delà des ces cinq articles essentiels, le texte présenté par votre rapporteur à votre commission comportait quatre articles supplémentaires qui complétaient le dispositif. Tout comme les dispositions relatives aux pouvoirs des services instructeurs en matière de recueil de l'information ou aux obligations de confidentialité figurant aux deuxième et quatrième alinéas de l'article 5, ils étaient similaires aux mesures législatives actuellement applicables au revenu minimum d'insertion (RMI).

1. Article 6 : exceptions au service de l'allocation ou à la répétition des indus

Cet article prévoyait qu'un décret aurait déterminé les montants au-dessous desquels l'allocation n'aurait pas été versée ou l'allocation indûment versée n'aurait pas été réclamée. Il aurait en effet été inutile d'engager de complexes procédures comptables et administratives lorsque les sommes en jeu sont minimes. Actuellement, les planchers applicables en matière de RMI sont fixés à 6 euros s'agissant du versement de l'allocation, et à 77 euros en ce qui concerne la récupération des sommes indûment versées.

2. Article 7 : prescriptions

L'article 7 fixait à deux ans le délai de prescription du bénéficiaire pour le paiement de l'allocation. Cette prescription était également applicable à l'action intentée par l'organisme payeur en recouvrement des sommes indûment payées, sauf en cas de fraude ou de fausse déclaration.

3. Article 8 : récupération des indus

L'article 8 organisait la procédure de répétition des indus. Il prévoyait tout d'abord que tout paiement indu d'allocations aurait été récupéré par retenue sur le montant des allocations à échoir ou, si le bénéficiaire avait opté pour cette solution ou s'il n'avait plus été éligible au revenu minimum de maintien d'activité, par remboursement de la dette en un ou plusieurs versements.

Il précisait ensuite que le bénéficiaire aurait pu contester, selon des modalités fixées par décret, le caractère indu de la récupération devant le préfet, ce recours ayant un caractère suspensif.

En tout état de cause, il indiquait que les retenues n'auraient pu dépasser un pourcentage déterminé par décret (ce pourcentage est fixé à 20 % de l'allocation dans le cas du RMI).

Enfin, en cas de précarité de la situation du débiteur, il prévoyait que la créance aurait pu être remise ou réduite sur décision prise selon des modalités fixées par décret.

4. Article 9 : sanctions

L'article final de la proposition de loi fixait les sanctions applicables aux éventuels fraudeurs. Comme pour le RMI, il prévoyait que :

- la personne qui aurait frauduleusement bénéficié ou tenté de bénéficier de l'allocation aurait été punie des peines prévues aux articles 313-1 à 313-3 du code pénal (escroquerie, punie de cinq ans d'emprisonnement et de 375.000 euros d'amende, escroquerie aggravée punie de sept ans d'emprisonnement et de 750.000 euros d'amende, tentative d'escroquerie, punie des même peines) ;

- tout intermédiaire convaincu d'avoir offert ou fait offrir ses services moyennant émoluments à une personne en vue de lui faire obtenir l'allocation aurait été puni des peines prévues par l'article L. 554-2 du code de la sécurité sociale (4.500 euros d'amende, doublée en cas de récidive).

IV. TOUT AUSSI PRÉOCCUPÉE PAR LA SITUATION DU COMMERCE RURAL DE PROXIMITÉ QUE LES AUTEURS DE LA PROPOSITION DE LOI, VOTRE COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES A TOUTEFOIS CONSIDÉRÉ QUE CELLE-CI N'ÉTAIT PAS DE NATURE À RÉPONDRE AUX DIFFICULTÉS ET ESTIMÉ QUE LES PROJETS LÉGISLATIFS DU GOUVERNEMENT DEVRAIENT AMÉLIORER LES DISPOSITIFS INCITATIFS EXISTANTS

La présentation, devant votre commission des affaires économiques, des conclusions de votre rapporteur a été suivie par un riche et long débat qui a témoigné, à la fois, de l'intérêt suscité par l'initiative du groupe Communiste républicain et citoyen, et de la réalité des difficultés que la dislocation continue du réseau commercial de proximité en milieu rural fait peser sur l'animation de la vie locale. Tous les intervenants, qui connaissent bien le monde rural pour en être souvent des élus (présidents de conseil général, conseillers généraux, maires ...), ont ainsi reconnu la nécessité de trouver des réponses adaptées pour préserver la vitalité et l'avenir du monde rural.

Toutefois, la majorité de votre commission a estimé qu'au regard des causes essentielles du phénomène, il importait de conforter et d'améliorer significativement les dispositifs actuels d'aides à l'investissement, à la modernisation de l'outil de production et à la reprise d'entreprise, plutôt que de risquer d'altérer l'esprit entrepreneurial par la création d'une subvention au fonctionnement des commerces ruraux.

A. MALGRÉ LES SUGGESTIONS D'AMÉLIORATIONS PRÉSENTÉES PAR VOTRE RAPPORTEUR, LA PROPOSITION DE LOI NE PEUT, PAR PRINCIPE, ÊTRE ADOPTÉE

Votre commission des affaires économiques, dans sa majorité, a ainsi considéré que le principe même de l'esprit d'entreprise dans lequel s'exerce l'activité commerciale n'était pas conciliable avec un dispositif de revenu minimum garanti par des fonds publics. Elle a, à cet égard, contesté les analogies présentées par votre rapporteur entre ce dispositif et certains mécanismes déjà institués, en relevant qu'aucun d'entre eux ne conduisait à une déconnexion entre activité de production et revenus aussi radicale que celle qu'il proposait.

Elle a de plus estimé que l'essentiel des difficultés actuelles du commerce rural tenait à l'obsolescence de l'outil de travail ainsi qu'à la lourdeur des charges pesant sur le processus de transmission ou de reprise des entreprises. Elle s'est en outre inquiétée des distorsions de concurrence qu'induirait une aide pérenne au fonctionnement de certains commerces ruraux, relevant que la politique d'animation économique instituée au plan local par les collectivités territoriales et les organisations consulaires risquerait de s'en trouver gravement affectée.

Elle a enfin relevé que la problématique du commerce rural s'inscrivait dans le cadre plus large de la politique d'aménagement du territoire. Celle-ci, qui est organisée depuis la loi n° 99-533 du 25 juin 1999 d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire, dite « loi Voynet », dans une logique de priorité urbaine, devrait connaître une profonde inflexion pour répondre, dans leur globalité, aux nombreux défis du monde rural, qui touchent aussi aux infrastructures de transports et de communication, à la présence des services publics, à l'attractivité économique des territoires ou encore à la structuration de l'équipement commercial. Dans cette perspective, il n'a pas paru cohérent pour la majorité de votre commission d'aborder, au travers de la proposition de loi n° 292 (2001-2002), un seul des multiples problèmes auxquels est confronté, directement ou indirectement, le commerce rural de proximité, et qui constituent tous ensembles les causes des difficultés qu'il traverse.

B. LE GOUVERNEMENT TRAVAILLE ACTIVEMENT À L'AMÉLIORATION DE L'ENVIRONNEMENT GÉNÉRAL DES ENTREPRISES, À L'ALLÈGEMENT DES CHARGES ET CONTRAINTES PESANT SUR LES PME, ET À LA REVITALISATION DE L'ESPACE RURAL

Si le principe d'une aide au fonctionnement des commerces ruraux ne lui a pas paru acceptable, votre commission des affaires économiques est cependant convenu de la nécessité de rendre plus efficaces qu'actuellement les dispositifs de soutien à l'investissement et à la modernisation des équipements, d'alléger les charges et contraintes pesant sur les commerçants et les artisans, et d'agir, dans une démarche globale, en faveur de la revitalisation de l'espace rural. Elle a souligné que, précisément, le gouvernement actuel agissait en la matière, et que plusieurs projets de loi ayant de tels objectifs devaient être examinés prochainement par le Parlement.

Votre commission a ainsi relevé que le projet de loi pour l'initiative économique, présenté par M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation, comportait de nombreuses dispositions de nature à conforter l'activité commerciale : simplification de la création d'entreprise, amélioration de la transition entre le statut de salarié et celui d'entrepreneur, développement du financement de l'initiative économique, approfondissement de l'accompagnement social des projets, ou encore facilitation de la transmission de l'entreprise. Sous cette dernière rubrique figurent ainsi un relèvement du seuil d'exonération des plus values, une réduction d'impôt en cas de reprise d'entreprise financée par un prêt, une exonération des droits de mutation pour les donations aux salariés, un encouragement à la transmission anticipée de l'entreprise par l'extension de l'abattement prévu en matière de succession, ou encore une harmonisation des droits d'enregistrement sur les cessions.

Par ailleurs, dans le cadre du futur projet de loi d'habilitation autorisant le gouvernement à procéder par voie d'ordonnances en matière de simplifications administratives, M. Renaud Dutreil envisage un certain nombre de dispositions ayant pour objet d'alléger les contraintes pesant sur les petites et moyennes entreprises. Parmi elles devraient par exemple figurer la mise en place d'un guichet social unique, qui collectera toutes les cotisations sociales, et la création d'un titre d'emploi simplifié en entreprise (TESE), équivalent du chèque emploi-service déjà utilisé par les particuliers. Pour que les entreprises aient un interlocuteur unique, un seul organisme - l'ORGANIC pour les 630.000 commerçants et l'AVA pour les 520.000 artisans - sera chargé de collecter les cotisations sociales, qu'il répartira ensuite entre les différentes caisses sociales. Quant au TESE, qui sera à la fois le bulletin de salaire, le formulaire de déclaration d'embauche et la déclaration des charges sociales, il pourra être utilisé par toutes les entreprises pour les embauches de moins de trois mois, et par les très petites entreprises de moins de 10 salariés pour leurs trois premières embauches à durée indéterminée.

On peut ajouter qu'un troisième train de mesures législatives de nature économique et sociale devrait être examiné à l'automne afin d'améliorer le statut de l'entrepreneur commercial et artisanal, et de son conjoint. Ces dispositions devraient être très utiles au développement du commerce rural, tant est essentielle en milieu rural la problématique de la participation du conjoint à l'activité de l'entreprise.

Enfin, à la suite de la réunion du 13 décembre dernier du comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire (CIADT), a été annoncé le dépôt, avant la fin de la session parlementaire, d'un projet de loi sur les affaires rurales qui devrait comporter, conformément aux orientations du CIADT, des dispositions en faveur des réseaux de services adaptés aux besoins des acteurs et des populations du monde rural, ainsi que des dispositions propres à assurer un soutien actif à l'économie du monde rural, par exemple dans le domaine de la pluriactivité. A cet égard, seraient notamment envisagés une remise à plat des zonages économiques ruraux comme les TRDP et les ZRR, afin d'en améliorer l'efficacité, un ensemble de mesures visant à faciliter la transmission des entreprises dans l'espace rural, le développement du soutien aux réseaux de création d'entreprises en milieu rural, ainsi encore qu'une consolidation des coopérations inter-entreprises en milieu rural au travers des financement prévus dans les CPER. Pour votre commission, la problématique spécifique au monde rural de la proposition de loi n° 292 devrait ainsi être abordée, dans le cadre de ce texte, de manière beaucoup plus globale, et donc de façon plus efficace.

Certes, toutes les dispositions ainsi évoquées ne concernent pas exclusivement le petit commerce et l'artisanat, ni l'exercice de ces activités en milieu rural. Pour la majorité de votre commission des affaires économiques, on ne peut toutefois manquer de reconnaître que leur mise en oeuvre conjuguée devrait contribuer, dans une démarche globale, articulée et cohérente, à favoriser profondément l'activité commerciale de proximité dans les zones rurales, conformément au souci originel des auteurs de la proposition de loi, unanimement partagé par votre commission des affaires économiques. Au demeurant, il appartiendra aux parlementaires, et singulièrement au Sénat compte tenu de sa vocation et de son intérêt constant pour le développement économique des territoires, de contribuer à améliorer les projets de loi initiaux, pour les rendre aussi efficaces et conformes aux intérêts des populations et des acteurs économiques du monde rural que possible.

*

Compte tenu de ces observations, la majorité de votre commission des affaires économiques a décidé de rejeter les propositions de conclusions soumises par votre rapporteur, tout comme sa suggestion, formulée au cours de la réunion d'examen de son rapport, de donner un caractère expérimental au dispositif.

Compte tenu des objections et des craintes exprimées par certains de ses collègues, votre rapporteur a en effet suggéré que les dispositions législatives qu'il proposait ne soient applicables que pour une durée de six ans à compter de la promulgation de la loi, et que, dans la perspective d'une éventuelle pérennisation du revenu minimum de maintien d'activité, il soit prévu qu'un rapport du gouvernement serait remis au Parlement avant la fin de la cinquième année d'expérimentation afin d'évaluer, notamment, les effets de la loi sur l'offre commerciale dans les zones de revitalisation rurale et sur le respect des règles d'une concurrence loyale en matière commerciale en zone rurale.

C'est pourquoi, en application de l'article 42 (6, c) du règlement, votre commission des affaires économiques propose au Sénat de se prononcer en faveur de ses conclusions négatives.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours d'une réunion tenue le mercredi 15 janvier 2003 sous la présidence de M. Gérard Larcher , président , la commission des affaires économiques a examiné, sur le rapport de M. Gérard Le Cam , la proposition de loi n° 292 (2001-2002) de M. Gérard Le Cam et plusieurs de ses collègues tendant à préserver les services de proximité en zone rurale.

Rappelant que l'ambition des auteurs de la proposition de loi était de contribuer à préserver, voire à relancer, l'activité commerciale de proximité dans les zones rurales, M. Gérard Le Cam , rapporteur , a précisé que le texte visait à instituer un revenu minimum de maintien d'activité au profit des commerçants installés dans les communes de moins de mille habitants, leur permettant de percevoir une allocation différentielle si les revenus tirés de leur activité commerciale s'avéraient insuffisants. D'un montant maximum égal au revenu minimum d'insertion, cette allocation avait pour vocation de leur garantir la perception d'un revenu mensuel net de 1.016 €.

Avant de présenter le résultat de ses travaux et réflexions, M. Gérard Le Cam , rapporteur , a souhaité recadrer les termes du débat en ce qui concernait l'opportunité du texte et la prétendue originalité du principe de solidarité qu'il mettait en oeuvre.

S'agissant de l'opportunité, il a rappelé que de nombreuses mesures étaient déjà applicables ou envisagées (par exemple, dans le cadre des projets de loi préparés par le gouvernement) pour soutenir le commerce de proximité, soit de manière générale, soit dans le cadre spécifique des zones rurales, et que d'aucuns pouvaient estimer qu'elles étaient suffisantes. Tout en reconnaissant leur intérêt pratique et en assurant qu'il ne saurait être question de les supprimer ou de les remplacer, M. Gérard Le Cam , rapporteur , a relevé que ces dispositifs concernaient, pour l'essentiel, des aides à l'investissement ou des soutiens à la création et à la reprise d'entreprise. Il a souligné qu'ils prenaient la forme d'exonérations de charges fiscales et/ou sociales dont les effets étaient limités à quelques années seulement. Il a ajouté que le bénéfice de ces mécanismes était le plus souvent accompagné de conditions tenant à la viabilité économique de l'entreprise, ce paramètre étant exclusif de tout autre, notamment d'appréciations relatives à l'utilité sociale du maintien du commerce de proximité pour contribuer à l'animation de la vie locale.

M. Gérard Le Cam , rapporteur , a ainsi estimé que, si ces dispositifs avaient certainement aidé des commerçants, ils n'avaient en tout état de cause pas été en mesure de stopper la véritable hémorragie subie par le monde rural en matière de commerce de proximité ces vingt dernières années. A cet égard, il a rappelé que 18.000 communes n'avaient plus aujourd'hui aucun commerce, que plus de la moitié des communes comptant moins de 250 habitants et plus du tiers de celles de 250 à 500 habitants avaient perdu un commerce entre 1980 et 1998, et que la population française vivant dans des communes sans épicerie avait triplé sur la période, passant de 7 à 21,5 %. Considérant que ces quelques exemples tirés de l' Inventaire communal 1998 démontraient que les politiques traditionnelles ne semblaient pas à la mesure des enjeux de la « déprise commerciale », il a de plus observé que celle-ci affectait de manière principale les territoires ruraux, et dans ces territoires, les plus vulnérables et les moins mobiles de nos concitoyens, au premier chef les personnes âgées et les plus démunis.

Aussi, constatant que l'absence de commerce rompait le lien social, accélérait le phénomène de désertification dans certaines zones rurales, interdisait presque certainement tout espoir de « renaissance » ultérieure, portait atteinte à la communauté villageoise et n'était pas sans conséquence sur le maintien ou l'implantation d'autres activités économiques et de service, M. Gérard Le Cam , rapporteur , a estimé nécessaire de reconnaître et d'affirmer que la disparition progressive des commerces ruraux portait atteinte à l'intérêt général, et qu'une politique de solidarité nationale était nécessaire pour contrarier ce mouvement spontané.

Puis M. Gérard Le Cam , rapporteur , a abordé la question du principe mis en oeuvre par la proposition de loi : l'allocation régulière de compléments publics de revenu à des professionnels indépendants. Il a rappelé que l'on pouvait penser que cette démarche s'opposait aux règles fondamentales qui organisent la liberté du commerce et de l'industrie en France, et qu'elle était contraire à l'orthodoxie de l'économie libérale, qui ne justifie l'existence d'une activité économique qu'au regard de sa capacité à affronter les lois du marché. Toutefois, il a cité trois exemples pratiques qui lui semblaient démontrer que, dès lors que des objectifs supérieurs d'intérêt général étaient reconnus pour les justifier, des dispositions compensatrices s'écartant de la stricte logique marchande d'une économie libérale avaient déjà dans le passé été instituées.

M. Gérard Le Cam , rapporteur , a ainsi mentionné certaines des mesures de soutien à l'activité agricole en zone de montagne constituant des compléments de revenu indépendants de la production mises en place dans le cadre de la politique agricole commune pour garantir l'occupation pérenne et l'entretien continu des zones de montagne (« prime à la vache tondeuse » créée en 1975 ou encore « prime à l'herbe » datant de 1993). Il a également cité l'article 55 de la « loi montagne » de janvier 1985, adopté à l'unanimité par le Parlement, qui autorise explicitement l'action publique à se substituer totalement à l'initiative privée pour maintenir en zone de montagne un équipement commercial et un artisanat de services répondant aux besoins courants des populations et contribuant à l'animation locale, cet objectif ayant été qualifié d'intérêt général. Il a enfin estimé qu'au plan intellectuel, il était difficile de contester que les exonérations totales puis partielles de charges sociales, impôt sur les bénéfices, taxe professionnelle et taxe sur le foncier non bâti, dont devraient bénéficier pendant quatorze ans les entreprises de moins de cinq salariés installées dans les zones franches urbaines (ZFU), pouvaient s'apparenter à une aide durable au revenu de l'exploitant visant à compenser, par des mécanismes correcteurs ayant pour objet de permettre de dégager un « reste à vivre » suffisant, des handicaps structurels qui interdiraient la viabilité économique du projet.

M. Gérard Le Cam , rapporteur , a alors conclu que, selon lui, ces exemples démontraient que les responsables politiques de tous bords avaient, depuis plusieurs années, tant au plan national qu'à l'échelon européen, fait preuve d'imagination sans parti pris idéologique pour parvenir à des objectifs d'aménagement du territoire, et déjà recouru à des dispositifs tout à fait comparables à ce que pourrait être un complément de revenu versé directement à un commerçant en zone rurale

Abordant ensuite le dispositif lui-même, M. Gérard Le Cam , rapporteur , a reconnu que, dans sa version initiale, il était trop général et imprécis pour être effectivement applicable, relevant qu'en particulier son champ d'application, les zones et les commerces éligibles, ou encore l'intervention de la commission départementale d'équipement commercial (CDEC) dans la procédure pouvaient donner matière à interrogations. C'est pourquoi il a indiqué avoir souhaité encadrer le texte de manière beaucoup plus précise, et le recentrer sur son objectif de manière plus claire et opérationnelle, dans une nouvelle version comportant neuf articles qu'il a ensuite présentée.

Il a ainsi indiqué que l'article 1 er , après avoir posé comme principe que l'existence dans les zones rurales d'un réseau commercial de proximité répondant aux besoins courants des populations et contribuant à l'animation de la vie locale était d'intérêt général, créait un revenu minimum de maintien d'activité afin de favoriser le maintien ou l'implantation des commerces de proximité en zone rurale.

Il a souligné que l'article 2 était essentiel puisqu'il définissait les conditions d'éligibilité au dispositif. S'agissant des commerces éligibles, afin de garantir qu'ils seraient bien des activités commerciales de proximité répondant à l'objectif d'animation locale prévu à l'article 1 er , il a ainsi précisé :

- que le bénéfice du revenu minimum de maintien d'activité serait ouvert aux commerçants et artisans inscrits au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers dont l'activité principale relèverait d'une classe de la nomenclature d'activités françaises figurant sur une liste fixée par décret ;

- que ne seraient éligibles que les entreprises ayant le droit de choisir le régime fiscal du micro-BIC, à savoir celles dont le chiffre d'affaires hors taxes annuel ne dépasse pas 76.300 € ;

- que le commerce devrait satisfaire à des conditions de durée minimale d'ouverture au public fixées par décret.

En ce qui concerne par ailleurs les zones éligibles, M. Gérard Le Cam , rapporteur , a proposé de substituer à la notion de commune de moins de 1.000 habitants celle de zone de rénovation rurale (ZRR), instituée par la loi d'orientation d'aménagement et de développement du territoire de 1995, ce zonage lui paraissant bien davantage convenir à l'objectif de la proposition de loi : 12.000 communes potentiellement concernées, pour l'essentiel très petites, 40 % du territoire et 7 % de la population, soit 4,5 millions d'habitants.

A l'article 3, qui concerne les revenus à prendre en considération, M. Gérard Le Cam , rapporteur , a indiqué qu'après avoir sollicité de nombreux avis (services fiscaux, centres de gestion, Conseil national de la comptabilité, APCM, ACFCI), il lui était apparu que la notion la moins difficile à prendre en compte était la valeur ajoutée dégagée par l'activité commerciale, observant qu'elle était au demeurant définie par le code général des impôts. Il a ajouté qu'en cas d'emploi d'un ou de plusieurs salariés, cette valeur ajoutée serait diminuée d'un montant forfaitaire fixé par décret, cette méthode permettant d'éviter qu'un montant de salaire injustifié soit accordé par exemple au conjoint pour obtenir le droit à l'allocation ou maximiser son montant. Quant au plafond du dispositif, c'est à dire la somme des revenus d'activité et de l'allocation différentielle, et que les auteurs de la proposition de loi initiale avaient fixé à 1.016 €, il a indiqué qu'il serait lui aussi déterminé par décret, à la fois pour respecter la répartition constitutionnelle des pouvoirs et par souci pratique, puisque les évolutions sont plus facilement faites par voie réglementaire. Il a toutefois précisé que, de son point de vue, le plafond initial devrait « tourner » autour des 1.000 €. Il a enfin souligné que, l'allocation différentielle n'étant pas un revenu social, comme le RMI, mais un revenu économique, elle devrait être soumise à l'impôt.

Après avoir rappelé que la proposition de loi initiale envisageait de confier la procédure à la CDEC, et indiqué qu'en définitive ce choix ne lui paraissait pas opportun, M. Gérard Le Cam , rapporteur , a présenté le contenu des articles 4 et 5 consacrés à la procédure. S'agissant du pouvoir de décision, l'allocation étant versée par l'Etat, il lui a paru normal que l'autorité d'attribution soit, comme pour le RMI, le préfet. Soulignant avoir souhaité que la décision d'attribution soit précédée de l'avis préalable d'une commission réunissant élus locaux et représentants consulaires, il a relevé qu'une telle commission existait déjà et que sa mission, qui est de gérer les fonds départementaux d'adaptation du commerce rural, la rendait particulièrement bien adaptée pour jouer le rôle qu'il envisageait. C'est pourquoi il a proposé de confier ce rôle à la commission départementale d'adaptation du commerce rural, co-présidée par le préfet et le président du conseil général, et composée de trois maires, de quatre représentants du conseil général, de trois représentants de la CCI, d'un représentant de la chambre des métiers et de deux personnalités qualifiées désignées par les co-présidents. Dès lors, selon le texte qu'il présentait, l'instruction des dossiers aurait été conférée aux services du préfet tandis que le service de l'allocation l'aurait été à l'ORGANIC, qui connaît bien les procédures de versement d'allocations et la population des commerçants, puisqu'elle gère leur assurance vieillesse, et qui, d'ores et déjà, liquide les sommes à verser dans le cadre des procédures FISAC et de l'aide au départ des commerçants et artisans, qui étaient jusqu'à l'an dernier financées par la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat (TACA).

A propos du financement du dispositif, M. Gérard Le Cam , rapporteur , après avoir rappelé que l'article 3 de la proposition de loi initiale prévoyait l'institution d'une taxe additionnelle à la TACA, a indiqué qu'il ne lui semblait en définitive pas nécessaire de créer une imposition supplémentaire. Il a en effet relevé :

- que si la TACA avait été budgétisée par l'article 35 de la loi de finances pour 2003, tout comme l'ont été du contrecoup les actions qu'elle finance (le FISAC, l'aide au départ des artisans et commerçants et le comité professionnel de la distribution des carburants - CPDC), il n'en restait pas moins qu'il s'agissait toujours d'une taxe appelée sur les enseignes de la grande distribution pour des raisons de solidarité interprofessionnelle et que, cette procédure de budgétisation ayant suscité beaucoup d'émotion parmi les représentants des commerçants et artisans, il avait été plusieurs fois affirmé par le gouvernement, au cours des débats budgétaires, qu'elle ne remettrait pas en cause cette solidarité ni les actions que finance la taxe ;

- que la différence entre le produit de la TACA (223 M€ prévus en 2003) et le coût cumulé desdites actions (126 M€) devrait s'établir en 2003 à 97 M€, et qu'il était acquis que les dépenses exposées au titre de l'aide au départ (45 M€ en 2003) et du CPDC (10 M€) devraient fortement diminuer dans les prochaines années, tandis que le rendement de la TACA continuerait d'augmenter ;

- qu'une estimation extrêmement large du coût du dispositif de la proposition de loi permettait de l'évaluer à 24 M€ en année pleine : 8.000 allocataires pour une allocation mensuelle moyenne de 250 €. M. Gérard Le Cam , rapporteur , a ainsi relevé que cette somme représentait exactement un quart du solde « bénéficiaire » de la TACA prévu pour 2003, mais aussi à peine 18 % des sommes actuellement dépensées au titre du revenu minimum d'insertion (RMI) au bénéfice des 15.000 allocataires entrepreneurs et travailleurs indépendants, et qu'elle était enfin similaire au coût prévu pour 2005 des dispositions nouvelles envisagées au profit des entreprises de moins de cinq salariés installées dans les 44 ZFU actuelles (26 M€).

Après avoir estimé que si l'on excluait par principe que la création de nouveaux mécanismes de solidarité entre la grande distribution et le petit commerce de proximité puisse être financée par la TACA, alors cette taxe pourrait effectivement ne devenir, comme l'avaient expressément craint les professionnels de la grande distribution en octobre dernier, qu'une imposition supplémentaire acquittée par ce secteur sans aucune légitimité d'intérêt public, M. Gérard Le Cam , rapporteur , a conclu que, de son point de vue, l'argent nécessaire pour financer le dispositif qu'il proposait existait et qu'il n'était nul besoin de créer une taxe supplémentaire.

Enfin, abordant les articles 6 à 9 de ses propositions de conclusions, il a indiqué qu'ils traitaient respectivement des exceptions au service de l'allocation ou à la répétition des indus, des prescriptions, de la récupération des indus, ainsi que des sanctions, et que, tout comme les dispositions relatives aux pouvoirs des services instructeurs en matière de recueil de l'information ou aux obligations de confidentialité figurant à l'article 5, ils étaient similaires aux mesures législatives actuellement applicables au RMI.

En conclusion, M. Gérard Le Cam , rapporteur , a demandé à la commission d'adopter ses propositions qui, s'inscrivant dans une logique d'aménagement du territoire, lui semblaient bien prendre en compte :

- la gravité de la situation que connaissent nombre de cantons ruraux français en matière de tissu commercial de proximité, gravité qui, de son point de vue, paraissait légitimer la mise en place d'un dispositif nouveau lequel, loin de se substituer aux procédures existantes de soutien à l'investissement, à la modernisation, à la création ou à la reprise d'activité, viendrait au contraire les compléter et les conforter ;

- le fait que, dès lors qu'étaient précisément définis les objectifs poursuivis et affirmé leur caractère d'intérêt général, divers mécanismes avaient déjà dans le passé été institués pour soutenir une profession ou l'activité économique dans certaines zones en s'écartant de manière délibérée des règles habituelles de l'économie de marché et des principes d'une stricte concurrence ;

- par les précisions apportées à la proposition de loi initiale, la nécessité de garantir une cohérence et d'encadrer le dispositif de manière suffisante pour éviter toute dénaturation de son objet et toute dérive des finances publiques.

A l'issue de cette intervention, et après que M. Gérard Larcher , président , a félicité M. Gérard Le Cam , rapporteur , pour la qualité du travail effectué et la précision des conclusions qu'il soumettait, un débat s'est ouvert.

S'appuyant sur son expérience d'élu local, M. Christian Gaudin a souligné toute l'importance de la problématique posée par la proposition de loi au regard de la politique d'aménagement du territoire. A cet égard, il a estimé essentiel d'aider les collectivités territoriales à maintenir dans les zones rurales un réseau commercial de proximité. S'opposant toutefois à toute « fonctionnarisation » des commerçants des petites communes, il a considéré préférable de les soutenir en matière d'investissements et d'immobilier, le cas échéant en renforçant les procédures actuelles nationale (FISAC) ou européenne (FEDER). Il a estimé que la notion même de chef d'entreprise n'était pas conciliable avec le salariat et, rappelant que les opérations de soutien organisées par les collectivités locales ne connaissaient le succès que si elles accompagnaient une véritable démarche entrepreneuriale, il s'est déclaré opposé à l'extension aux activités privées de mécanismes qui ne peuvent, de son point de vue, être intéressants et efficaces que pour le maintien de services publics tels que La Poste.

Considérant que la proposition de loi initiale tout comme les suggestions du rapporteur apportaient une fausse réponse à un vrai problème, M. Gérard Cornu a rappelé que les difficultés du commerce rural tenaient à la faiblesse de la clientèle, qui imposait aux commerçants soucieux de la rentabilité de leur exploitation un véritable esprit d'entrepreneur et une capacité de travail ne lui paraissant pas conciliables avec le dispositif proposé. Observant en outre que le défi auquel était actuellement confronté le commerce rural était le remplacement des exploitants âgés prenant leur retraite, il a estimé que les projets de loi du gouvernement, et en particulier celui relative à l'initiative économique, étaient de nature à apporter des réponses plus efficaces, notamment en ce qui concerne les aides à la reprise et à la transmission des entreprises ainsi que celles à la modernisation et à la mise aux normes de l'outil de travail, qui exigent des investissements colossaux. C'est sur les investissements, a-t-il conclu, et non sur le fonctionnement, que devaient porter les financements publics destinés à aider les commerçants des zones rurales.

Saluant l'initiative des auteurs de la proposition de loi, M. Georges Gruillot a indiqué partager leur analyse sur la gravité de la situation du commerce rural et souligné son accord avec le rapporteur quant à ses conséquences dramatiques pour l'animation et la qualité de la vie locale. Il a toutefois considéré le problème était plus global et qu'il résultait du parti pris, exprimé notamment par la « loi Voyet », de privilégier une société urbaine au détriment de la société rurale. Aussi, estimant inopérant de procéder de manière parcellaire, fut-ce au profit d'un secteur essentiel pour la qualité de la vie, il a jugé impératif de modifier rapidement la politique d'aménagement du territoire dans son ensemble et d'aborder conjointement la problématique du commerce rural avec celles des infrastructures de transport, de l'urbanisme, du développement économique, etc.

Partageant tant le diagnostic que les conclusions du rapporteur, M. Jean-Pierre Bel a souligné que les résultats globaux du dernier recensement n'étaient pas si satisfaisants pour l'espace rural qu'une analyse succincte pourrait le laisser croire, la concentration des populations autour des axes de circulation et des pôles de services urbains et ruraux continuant de « saigner » d'importants territoires des départements ruraux. A cet égard, prenant pour exemple les conséquences pour le département de l'Ariège de la création d'une ZFU à Toulouse, il a souligné les dangers pour l'espace rural de la relance de cette politique et déploré la différence de traitement des problèmes d'emploi selon qu'étaient concernés une métropole ou un département rural. Aussi a-t-il exprimé son soutien aux propositions du rapporteur, dont il a estimé que si elles pouvaient paraître iconoclastes et rompant avec l'orthodoxie, elles méritaient de donner un signal fort invitant à cesser d'ignorer les problèmes rencontrés par les zones rurales.

Observant que le débat posé par la proposition de loi pourrait donner lieu à de très longs et intéressants développements, M. Pierre-Yvon Trémel a souligné l'importance du chemin parcouru entre le texte initial et les propositions du rapporteur. Après s'être interrogé sur le nombre des dispositions dont la mise en oeuvre pratique était renvoyée au pouvoir réglementaire, il a ensuite demandé au rapporteur combien de communes de moins de 1.000 habitants étaient situées dans les ZRR, si les commerçants qui s'installaient étaient éligibles dès la première année, et comment le dispositif de soutien était reconduit d'année en année. Il a par ailleurs estimé que la politique de prise en charge des investissements n'était, à elle seule, pas suffisante lorsque la viabilité économique d'un commerce n'était pas envisageable en raison de la faiblesse de la clientèle dans la zone de chalandise. A cet égard, il a considéré qu'à l'approche strictement économique de la dimension commerciale pouvait être ajoutée une approche sociale reconnaissant qu'en zone rurale, le commerce était un outil de renforcement du lien social qui méritait d'être encouragé. Il a ainsi conclu qu'une réponse, même imparfaite, à un problème aussi vital que celui du commerce rural valait mieux que pas de réponse du tout.

Faisant part, tout en en soulignant le coût très important, du succès rencontré par les initiatives prises depuis six ans par la chambre des métiers et le conseil général de la Savoie en faveur de la revitalisation du commerce de proximité dans les bourgs-centres de plus de 1.000 habitants, M. Jean-Pierre Vial a indiqué qu'en revanche, l'équipement commercial des communes de moins de 1.000 habitants de son département était extrêmement dégradé. Il a relevé que les raisons de cette situation préoccupante tenaient pour l'essentiel à l'absence de repreneur pour les commerces dont les exploitants partaient à la retraite, en particulier du fait des coûts générés par les nécessaires modernisation et mise aux normes de l'outil de travail. A cet égard, et exprimant son scepticisme quant aux effets d'une aide au revenu, il a considéré que les communes pouvaient être aidées à prendre davantage en charge ces coûts, tout comme elles le font pour maintenir sur leur territoire certains services publics, telle La Poste, et à favoriser un regroupement des moyens dans une optique de multi-services.

Observant que les caractéristiques profondément rurales de son département d'élection le rendaient particulièrement attentif à la problématique du tissu commercial, M. Bruno Sido a estimé que les obligations de mise aux normes avaient fait s'effondrer des pans entiers du petit commerce et de l'hôtellerie ruraux, tout comme de l'agriculture au demeurant. Puis, après avoir contesté la pertinence des exemples de l'agriculture de montagne et des ZFU retenus par le rapporteur pour souligner leur analogie avec le dispositif de la proposition de loi, il a estimé que la renaissance du commerce rural devait s'appuyer sur les services qu'il était susceptible de rendre et qui le distingueraient de la grande distribution (par exemple en matière d'horaires d'ouverture). Enfin, il a considéré que seul pouvait être justifié un soutien à l'investissement des commerces dont le compte d'exploitation était équilibré, et qu'en cas inverse, si la viabilité commerciale n'était pas assurée, le RMI avait précisément été institué pour garantir des ressources minimales.

Craignant un double effet pervers de la proposition de loi, M. Charles Guéné a estimé qu'elle risquait de porter atteinte, en altérant le jeu normal de la concurrence, aux efforts de développement local engagés par les collectivités territoriales en rompant les équilibres déjà précaires pour les commerces existants, et qu'elle allait à l'encontre des regroupements d'activités, que celles-ci relèvent du secteur public ou du secteur privé, que les pouvoirs publics essayent d'encourager sur tout le territoire comme en témoignent les récents décrets parus en la matière. Plutôt qu'un tel « combat d'arrière-garde », il a indiqué qu'une réflexion dans le cadre global d'une remise à plat de l'aménagement du territoire lui semblerait plus indiquée, de même peut-être qu'un examen des conditions d'accès des commerçants ruraux au RMI.

Relevant que les aides à l'investissement ou à la création et à la reprise d'entreprises ne garantissaient aucune pérennité de l'activité commerciale dans les zones où la densité de population est faible, Mme Marie-France Beaufils a contesté que la proposition de loi conduise à la fonctionnarisation des commerçants et souligné que le complément de revenu n'avait d'autre objet que de permettre aux commerçants ruraux de vivre décemment et de se voir reconnaître le service social qu'ils rendent à la collectivité, qu'elle a jugé tout aussi important que les produits vendus. A cet égard, elle a estimé que les espaces multiservices étaient essentiels et que le texte examiné permettait de poser une base pour leur développement. Enfin, elle s'est étonnée des arguments appelant à attendre l'examen d'une loi générale sur l'aménagement du territoire pour répondre aux difficultés du commerce rural de proximité, observant que le Sénat n'avait pas adopté, il y a quelques mois, une telle démarche pour modifier, de toute urgence mais de manière partielle, la loi de solidarité et de renouvellement urbains.

Après avoir considéré que le système proposé serait difficilement gérable, M. Alain Fouché a souligné la responsabilité des CDEC dans la situation actuelle, ces commissions ayant dans certains départements accordé trop d'autorisations d'ouverture ou d'extension à la grande distribution. Il a jugé nécessaire de procéder à un toilettage des dispositions les concernant, relevant notamment les conséquences perverses de leur fonctionnement par arrondissement et non par département. Il a par ailleurs estimé qu'il convenait avant toute chose de porter les efforts sur les investissements des commerces de proximité, pour la modernisation de l'outil de travail et la mise aux normes, et dans une optique de soutien à la reprise et à la transmission des entreprises. Dans cette perspective, il a préconisé un relèvement des plafonds et une extension du champ d'application des procédures de soutien public existantes, et estimé que de telles améliorations devraient pouvoir prendre place dans le cadre du projet de loi pour l'initiative économique. Il a enfin conclu que la problématique du multi-commerce de proximité en zone rurale était intimement liée à celle du maintien des services publics, comme par exemple les services postaux.

Soulignant l'extrême utilité sociale du maintien d'au moins un commerce pour éviter la « mort » des villages, M. Yves Coquelle a fait part de son interrogation sur l'intérêt de soutenir l'investissement de commerçants installés dans des zones de chalandise dont chacun s'accorde à reconnaître qu'elles n'autorisent plus la viabilité économique de leur exploitation si une aide au fonctionnement n'était pas également assurée. A l'appui du dispositif de la proposition de loi, il a relevé que des conseils régionaux de toute majorité politique soutenaient financièrement des lignes d'autocar ou de chemins de fer qui n'étaient plus rentables dans le seul but d'intérêt public de garantir une desserte aux populations rurales.

Elu d'un département rural dont plus des trois-quarts des communes ne possèdent plus aucun commerce, M. Hilaire Flandre a estimé que la proposition de loi avait pour objet de demander au citoyen contribuable de réparer les erreurs du citoyen consommateur et que le problème culturel, qui est aussi un phénomène de génération, qu'elle soulevait était celui du positionnement face au travail, l'exercice d'une activité commerciale exigeant d'accepter de travailler beaucoup plus de 35 heures par semaine, surtout en milieu rural. Quant au dispositif proposé par le rapporteur, il a estimé qu'il soulevait plusieurs difficultés tenant notamment à la définition de la cible (en particulier en ce qui concerne l'emploi d'un ou de plusieurs salariés), à la nature de l'activité (comment les multiservices seraient-ils pris en compte ?), au zonage géographique (les ZRR ne seraient-elles pas dans certains cas trop limitatives ?), aux interdictions légales de soutenir la vente d'alcool (alors que les bistros de campagne sont, qu'on le déplore ou non, des lieux essentiels d'animation locale), ou encore à l'exercice de la concurrence (quelles limites seraient définies dans les communes qui comptent plusieurs commerces ?). Puis il a indiqué que le RMI constituait déjà un mécanisme de complément du revenu qui pouvait être utilisé par les commerçants ruraux en difficulté, avant d'appeler également à l'examen de la question des réseaux commerciaux de proximité dans les zones rurales dans le cadre plus vaste de la politique d'aménagement du territoire.

En réponse à ces intervenants, M. Gérard Le Cam , rapporteur , a tout d'abord rejeté toute idée de « fonctionnarisation » en soulignant que la proposition de loi ne visait qu'à soutenir, par un revenu différentiel, les commerçants installés dans des communes où l'activité économique n'était pas viable, en rétribuant le service collectif qu'ils rendaient, par leur présence même, à la population, et leur contribution décisive à l'animation de la vie locale. Il a estimé que, dans les zones rurales concernées, il était souvent vain et dispendieux de soutenir des investissements si aucune aide au fonctionnement ne permettait aux exploitants de continuer leur activité.

Après avoir confirmé que son dispositif ne pouvait bénéficier avant un an aux nouveaux commerçants récemment installés, il a, en reconnaissant que la question de la transmission des entreprises en milieu rural posait un problème spécifique, émis l'hypothèse qu'une réfaction de la valeur du fonds de commerce puisse être instituée si le commerçant cédant avait bénéficié d'un revenu minimum de maintien d'activité. Puis, après avoir estimé que les ZFU n'étaient pas sans effets pervers sur leur environnement rural, il a considéré que les risques de rupture d'un équilibre précaire en matière de concurrence étaient limités dans la mesure où, la plupart du temps, la concurrence ne venait pas d'autres commerces de proximité mais de la grande distribution. Il a en revanche reconnu que la question du zonage pouvait faire l'objet d'un débat, même si les ZRR lui semblaient, en l'état, la définition la plus appropriée.

Enfin, observant que les interventions de certains de ses collègues avaient révélé des inquiétudes, mais convaincu que la situation dramatique du commerce rural exigeait de mettre en oeuvre des solutions nouvelles, M. Gérard Le Cam , rapporteur , a proposé d'ajouter à ses propositions de conclusions un article final conférant un caractère expérimental au dispositif du revenu minimum de maintien d'activité. Soulignant que cette suggestion s'inscrivait parfaitement dans la démarche générale du Premier ministre, qui prône et trouve intérêt à l'expérimentation dans tous les domaines, notamment en matière de décentralisation, et qu'en tout état de cause, le coût de cette expérimentation devrait être limité, il a ainsi proposé que les dispositions ne soient applicables que pour une durée de six ans à compter de la promulgation de la loi et que, dans la perspective d'une éventuelle pérennisation du revenu minimum de maintien d'activité, un rapport du gouvernement soit remis au Parlement avant la fin de la cinquième année d'expérimentation afin d'évaluer, notamment, les effets de la loi sur l'offre commerciale dans les zones de revitalisation rurale et sur le respect des règles d'une concurrence loyale en matière commerciale en zone rurale.

En conclusion de ce débat, dont il s'est félicité de la richesse et de la profondeur, M. Gérard Larcher , président , a rappelé que la proposition de loi était inscrite à l'ordre du jour du Sénat du jeudi 23 janvier 2003 et informé ses collègues du déroulement de la procédure dans l'hypothèse d'un rejet des conclusions du rapporteur. Puis, après avoir souligné, comme certains de ses collègues, la connexion entre la problématique soulevée par ce texte et celle de la présence des services publics, notamment postaux, en milieu rural dans une perspective de développement des multiservices, susceptibles de développer une attractivité supplémentaire et d'apporter aux commerçants un utile complément de revenu, il a conclu que s'esquissait en filigrane de ces échanges l'intéressant débat entre revenu minimum d'activité et revenu minimum d'insertion.

Mises au vote, les propositions de conclusions présentées par M. Gérard Le Cam , rapporteur , ont été repoussées à la majorité des voix. En conséquence, les conclusions négatives de la commission des affaires économiques seront soumises à l'approbation du Sénat en application de l'article 42 (6, c) du règlement.

ANNEXE I -

TRAVAUX DU RAPPORTEUR

PERSONNES AUDITIONNÉES

- M. Henri Matarasso, directeur des affaires régionales et territoriales à l'Assemblée permanente des chambres des métiers (APCM) ;

- Mme Cécile Felzines, présidente de la chambre de commerce et d'industrie de la Nièvre, vice-présidente de l'Assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie (ACFCI), en charge du commerce, et M. Philippe Mutricy, directeur du cabinet de M. Jean-François Bernardin, président de l'ACFCI ;

- MM. Jean-Paul Chambon et Michel Fontaine, représentants du Syndicat national des agents de la direction générale des impôts CGT (SNAGI-CGT) ;

- Mme Elisabeth Vital-Durand, conseiller technique au cabinet de M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation, chargée des relations avec le Parlement, M. Jacques Augustin, conseiller technique chargé des CCI et du FISAC, M. Alain Gras, conseiller technique chargé du budget, et Mme Béatrice Lévy, chef du bureau du commerce et de la distribution (A2) à la direction des entreprises commerciales, artisanales et de services (DEcas).

CONTRIBUTIONS ÉCRITES

- M. Baudouin Monnoyeur, président du Conseil du Commerce de France (CCF) ;

- M. Georges Ryvol, président de la Fédération des centres de gestion agréés (FCGA) ;

- M. Jean-Marie Brouzes, chef du bureau des études techniques et de la normalisation au Conseil national de la comptabilité (CNC).

ANNEXE II -

PROPOSITIONS DE CONCLUSIONS
PRÉSENTÉES PAR VOTRE RAPPORTEUR
ET REJETÉES PAR VOTRE COMMISSION

Proposition de loi tendant à préserver
les commerces de proximité en zone rurale

Article 1 er

L'existence dans les zones rurales d'un réseau commercial de proximité répondant aux besoins courants des populations et contribuant à l'animation de la vie locale est d'intérêt général.

Afin de favoriser le maintien ou l'implantation des commerces de proximité en zone rurale, il est institué un revenu minimum de maintien d'activité.

Article 2

Le bénéfice du revenu minimum de maintien d'activité est ouvert aux commerçants et artisans installés dans une commune relevant d'une zone de revitalisation rurale instituée par l'article 52 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, inscrits au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers, dont l'activité principale relève d'une classe de la nomenclature d'activités françaises figurant sur une liste fixée par décret, dont le chiffre d'affaires n'excède pas le montant fixé au premier alinéa de l'article 50-0 du code général des impôts et dont le commerce satisfait à des conditions de durée minimale d'ouverture au public fixées par décret.

Article 3

Le montant mensuel maximum du revenu minimum de maintien d'activité est égal au montant mensuel du revenu minimum d'insertion mentionné à l'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles.

Le bénéficiaire du revenu minimum de maintien d'activité a droit, dans la limite du montant maximum défini à l'alinéa précédent, à une allocation mensuelle égale à la différence entre un montant fixé par décret et le douzième du total de la valeur ajoutée, telle que définie au paragraphe II de l'article 1647 b sexies du code général des impôts, dégagée l'année précédente par l'ensemble de ses activités commerciales et artisanales. S'il emploie un ou plusieurs salariés, le montant de la valeur ajoutée est diminué, pour chaque salarié, d'un montant forfaitaire fixé par décret.

L'allocation de revenu minimum de maintien d'activité entre dans le cadre des revenus soumis à l'impôt.

Article 4

Si les conditions mentionnées à l'article 2 sont remplies, le droit à l'allocation est ouvert pour une année à compter de la date de dépôt de la demande, par décision du représentant de l'Etat dans le département prise sur avis de la commission départementale d'adaptation du commerce rural mentionnée au paragraphe V de l'article 1648 AA du code général des impôts.

Article 5

La demande d'allocation est déposée auprès du représentant de l'Etat dans le département, qui assure l'instruction administrative du dossier dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.

Pour l'exercice de leur mission, les services du représentant de l'Etat dans le département vérifient les déclarations des demandeurs et peuvent demander toutes les informations nécessaires aux services fiscaux, qui sont tenus de les leur communiquer sous réserve qu'elles soient limitées aux données nécessaires à l'identification de la situation du demandeur en vue de l'attribution de l'allocation.

Le service de l'allocation est assuré par l'Organisation autonome d'assurance vieillesse des professions industrielles et commerciales dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.

Toute personne appelée à intervenir dans l'instruction des demandes ou l'attribution de l'allocation est tenue au secret professionnel dans les termes de l'article 226-13 du code pénal et passible des peines prévues audit article.

Article 6

Un décret détermine :

1° le montant au-dessous duquel l'allocation n'est pas versée ;

2° le montant au-dessous duquel l'allocation indûment versée ne donne pas lieu à répétition.

Article 7

L'action du bénéficiaire pour le paiement de l'allocation se prescrit par deux ans. Cette prescription est également applicable, sauf en cas de fraude ou de fausse déclaration, à l'action intentée par l'organisme payeur en recouvrement des sommes indûment payées.

Article 8

Tout paiement indu d'allocations est récupéré par retenue sur le montant des allocations à échoir ou, si le bénéficiaire opte pour cette solution ou s'il n'est plus éligible au revenu minimum de maintien d'activité, par remboursement de la dette en un ou plusieurs versements.

Le bénéficiaire peut contester, selon des modalités fixées par décret, le caractère indu de la récupération devant le représentant de l'Etat dans le département. Ce recours a un caractère suspensif.

Les retenues ne peuvent dépasser un pourcentage déterminé par décret.

En cas de précarité de la situation du débiteur, la créance peut être remise ou réduite sur décision prise selon des modalités fixées par décret.

Article 9

I. - La personne qui aura frauduleusement bénéficié ou tenté de bénéficier de l'allocation sera punie des peines prévues aux articles 313-1 à 313-3 du code pénal.

II. - Sera puni des peines prévues par l'article L. 554-2 du code de la sécurité sociale tout intermédiaire convaincu d'avoir offert ou fait offrir ses services moyennant émoluments à une personne en vue de lui faire obtenir l'allocation.

* (*) Voir la liste des personnes auditionnées et des contributions écrites reçues figurant à l'annexe I.

* (*) Les indications et commentaires de cette partie sont extraits de l' Inventaire communal 1998 (Synthèses de l'INSEE n° 52 - août 2001) et de l'article de M. Bruno Lutinier paru dans le n° 831 d'INSEE Première (février 2002).

* (*) Rapport d'information n° 15 (2002-2003) fait au nom de la mission commune d'information chargée de dresser un bilan de la politique de la montagne et en particulier de l'application de la loi du 9 janvier 1985, de son avenir, et de ses nécessaires adaptations - 9 octobre 2002 (p. 190).

* (*) Entreprises de moins de vingt salariés à l'exception des pharmacies, des professions libérales et des activités liées au tourisme comme les campings, les restaurants (sauf si leur clientèle est essentiellement locale) et les hôtels, présentes sur une commune dont la population résidente n'excède pas 2.000 habitants (recensement INSEE 1999), et le constat ayant été fait d'une carence de l'initiative privée ou de l'absence de distorsion de concurrence.

* (*) Ainsi, par exemple, Groupama propose à l'exploitant d'être "indicateur d'affaires". Le commerçant est en relation avec une seule agence prédéterminée et son rôle se limite dans l'indication des affaires nouvelles. Il ne répond en aucun cas de la gestion courante, production, sinistre ou comptabilité. Il est rétribué pour toute affaire nouvelle ou police nouvelle réalisée sur son indication. L'inventaire des affaires réalisées se fait dans l'immédiat par un relevé manuel mensuel auprès de l'agence "tutrice".

* (*) En juin 2002, la CNAF comptait, pour la France métropolitaine, 919.540 allocataires du RMI, la population couverte s'élevant à 1.814.424 personnes. On peut ainsi considérer que le montant maximum de l'allocation perçue devait être, en moyenne, celui correspondant à deux personnes par foyer, soit 648,23 €. Or, le montant moyen de l'allocation mensuelle versée par la CNAF a été de 352 euros, soit 54,3 % du maximum moyen possible. Si l'on applique ce pourcentage au montant de l'allocation simple (411,70 € à compter du 1 er janvier 2003), qui aurait constitué le maximum de l'allocation de revenu minimum de maintien d'activité, on obtient un montant mensuel moyen de 223,56 €.

* (*) « Il sera garanti que les fonds continueront d'être affectés au commerce et à l'artisanat ».

Réponse de M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat, à M. Lazaro, député.

JO Débats (AN) - Séance du 8 novembre 2002 (p. 4806).

« Cette opération n'aura aucun impact négatif pour les bénéficiaires des crédits ».

Présentation de son budget au Sénat par M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat.

JO Débats (Sénat) - Séance du 2 décembre 2002 (p. 5032).

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