EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est appelé à examiner, dans le cadre de son ordre du jour réservé, une proposition de loi visant à aggraver les peines punissant les infractions à caractère raciste, antisémite ou xénophobe, adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale le 10 décembre 2002.

Racisme, antisémitisme ou xénophobie sont des comportements radicalement contraires aux principes qui fondent la République. Il suffit à cet égard de rappeler les premières lignes du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 : « Au lendemain de la victoire remportée par les peuples libres sur les régimes qui ont tenté d'asservir et de dégrader la personne humaine, le peuple français proclame à nouveau que tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés ».

Les dernières années, les derniers mois ont pourtant été marqués dans notre pays par de trop nombreuses violences racistes ou antisémites, souvent liées à un contexte international troublé. Face à ces comportements, le dispositif législatif apparaît insuffisant. Si notre droit réprime certaines infractions racistes par nature (provocation à la haine raciale, diffamation ou injures raciales), il ne prévoit aucune règle particulière lorsque des infractions de droit commun ont un caractère raciste.

La présente proposition de loi vient modifier cette situation en aggravant les peines encourues pour certaines infractions lorsqu'elles revêtent un caractère raciste.

Votre commission vous proposera d'adopter définitivement un texte malheureusement nécessaire, afin que le législateur marque son refus de comportements qui bafouent les principes républicains.

I. LE CONTEXTE : LA PERSISTANCE DU RACISME ET DE L'ANTISÉMITISME EN FRANCE

La violence raciste, xénophobe et antisémite demeure importante dans notre pays, comme le montre le tableau suivant.

Actions violentes
racistes et xénophobes

Actions violentes
antisémites

Total

1991

86

24

110

1992

57

20

77

1993

69

14

83

1994

57

11

68

1995

39

2

41

1996

31

1

32

1997

33

3

36

1998

26

1

27

1999

31

9

40

2000

30

119

149

2001

38

29

67

Source : commission nationale consultative des droits de l'homme

Les dernières années ont été marquées par une recrudescence de l'antisémitisme dans notre pays. Ainsi, l'année 2000 a connu une inflation sans précédent de la violence antisémite puisque 119 actions ont été comptabilisées, essentiellement recensées au cours d'un dernier trimestre marqué par la reprise des affrontements israélo-palestiniens.

Comme l'indique le rapport pour 2001 de la commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) sur le racisme, « L'année 2001 a suivi le même schéma mais dans de moindres proportions. Les huit premiers mois ont enregistré un niveau similaire de violence : douze actions à connotation raciste et un nombre égal d'actions antisémites. Une hausse, induite par les attentats du 11 septembre aux Etats-Unis et l'intensification du conflit israélo-palestinien - vingt-six actions racistes ou xénophobes et dix-sept antisémites pour le dernier trimestre -, a été observée sur les derniers mois de l'année ».

En 2001, les violences de nature raciste, xénophobe ou antisémite ont amené l'interpellation et la présentation à la justice de 35 auteurs ou suspects - 47 en 2000 -, essentiellement pour des faits à connotation raciste, parmi lesquels cinq militants d'extrême droite et quinze militants antisionistes.

En ce qui concerne la localisation géographique de la violence relevée en 2001, les deux régions les plus touchées par les actions graves demeurent l'Ile de France pour les actions antisémites et la Corse pour les actions à caractère raciste ou xénophobe.

Les manifestations de moindre gravité, regroupées sous le vocable de « menaces » demeurent elles aussi à un niveau élevé.

« Menaces »
racistes et xénophobes

« Menaces »
antisémites

Total

1991

318

143

461

1992

141

94

235

1993

134

156

290

1994

178

120

298

1995

487

86

573

1996

206

90

296

1997

121

85

206

1998

91

74

165

1999

89

60

149

2000

129

624

753

2001

163

171

334

Source : commission nationale consultative des droits de l'homme

Comme le précise le rapport de la CNCDH, « Traditionnellement, la violence raciste, xénophobe et antisémite résulte, en grande part, de phénomènes réactionnels liés à l'actualité française et internationale qui développent un processus de contagion contribuant à amplifier le nombre et la gravité de ces actes. Tel fut le cas lors du procès Barbie (juin-juillet 1987), de la profanation du cimetière de Carpentras (9 mai 1990), ou, pour ce qui est de l'international, de la guerre du Golfe (janvier 1991), de la crise algérienne (1995), du conflit israélo-palestinien (début de la deuxième Intifada le 28 septembre 2000) ou des attentats aux Etats-Unis (11 septembre 2001) ».

Les données chiffrées concernant l'année 2002 ne sont pas encore connues. Le printemps 2002 a cependant été marqué par une vague de violence antisémite. En quelques semaines seulement, au cours des mois de mars et avril, la police a recensé plus de 300 actes antisémites : inscriptions antisémites, mais aussi atteintes directes aux personnes, incendies de lieux de culte, profanation d'un cimetière juif...Cette situation, constatée dans d'autres pays européens a d'ailleurs conduit cinq ministres de l'Intérieur de l'Union européenne à demander une action d'ensemble au niveau européen.

Face à cette situation, les condamnations pénales demeurent relativement peu nombreuses. La proportion de classements sans suite reste élevée en raison de la carence du plaignant ou de l'insuffisance de preuves (absence de précision dans le témoignage, absence d'infraction caractérisée) ou encore de la brièveté de la prescription pour les infractions d'injures racistes.

Toutefois, au cours de l'année écoulée, plusieurs peines de prison ferme ont été prononcées pour des actes racistes ou antisémites, parmi lesquelles :

- une peine de trois mois de prison avec mandat de dépôt prononcée par le tribunal correctionnel de Créteil en avril 2002 à l'encontre d'un individu qui avait dégradé la synagogue du Kremlin-Bicêtre ;

- des peines de deux à quatre mois d'emprisonnement avec maintien en détention prononcées le 24 septembre 2002 par le tribunal correctionnel de Montpellier à l'encontre de trois personnes qui avaient tenté d'incendier un local jouxtant la synagogue de Montpellier.

*

Le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie n'ont pas disparu dans notre pays. Face à ces comportements, le dispositif législatif demeure incomplet. Les infractions de droit commun commises pour des motifs racistes, antisémites ou xénophobes, ne sont pas, sauf exception, prises en compte en tant que telles par le code pénal.

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