B. LE MERCENARIAT DANS LES INSTRUMENTS INTERNATIONAUX

Le protocole I du 8 juin 1977 additionnel aux conventions de Genève du 12 août 1949

La première définition du mercenaire a été fournie par le protocole I du 8 juin 1977 additionnel aux conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux.

L'article 47 de ce protocole définit le mercenaire de la façon suivante :

« Un mercenaire n'a pas droit au statut de combattant ou de prisonnier de guerre. Le terme mercenaire s'entend de toute personne :

- qui est spécialement recrutée pour se battre dans un conflit armé ;

- qui prend part aux hostilités essentiellement en vue d'obtenir un avantage personnel et à laquelle est effectivement promise, par une partie au conflit ou en son nom, une rémunération matérielle nettement supérieure à celle promise ou payée à des combattants ayant un rang et une fonction analogues dans les forces armées de cette partie ;

- qui n'est pas ressortissant d'une partie au conflit, ni résident d'un territoire contrôlé par une partie au conflit ;

- qui n'est pas membre des forces armées d'une partie au conflit ;

- et qui n'a pas été envoyée par un État autre qu'une partie au conflit en mission officielle en tant que membre des forces armées dudit État. »

Cette définition complexe fondée sur six critères cumulatifs a pour objectif de restreindre le nombre de ceux qui se verront privés du statut de combattant et des protections afférentes qu'offre le droit international humanitaire.

Tels que définis par le protocole, les mercenaires se voient dénier le droit au statut de combattant et donc de prisonnier de guerre. Capturés, ils pourront ainsi être jugés comme des criminels de droit commun et encourir les peines prévues par le droit local, y compris la peine capitale.

Il convient néanmoins de rappeler que le statut de prisonnier de guerre ne trouve à s'appliquer que dans le cadre des conflits armés internationaux. Dans le cas des conflits armés internes, contexte dans lequel une grande partie des mercenaires intervient actuellement, il n'existe pas de régime protecteur comparable à celui du prisonnier de guerre. Un combattant capturé dans le cadre d'un conflit armé interne (sauf s'il s'agit d'une « guerre de libération nationale », qui bénéficie alors du statut de conflit armé international) peut faire l'objet de poursuites pour le seul fait d'avoir pris les armes. Rien n'empêche le législateur du pays en conflit de prévoir des sanctions pénales aggravées s'il s'agit d'un combattant étranger motivé par l'appât du gain.

Si le protocole de 1977 permet indirectement de lutter contre le mercenariat, en créant un régime juridique dissuasif, il n'a pas pour objet de servir de base à des incriminations en droit international pénal . Le mercenariat ne figure d'ailleurs pas parmi les « infractions » ou les « infractions graves » audit protocole énumérées par l'article 85.

Il faut souligner que parmi les différents instruments internationaux traitant du mercenariat, le protocole I, dont l'objet est, il est vrai, beaucoup plus large, est celui qui recueille l'assentiment le plus vaste, puisque 161 Etats, dont la France, sont parties à ce texte.

La convention de l'OUA sur l'élimination du mercenariat en Afrique signée à Libreville le 3 juillet 1977

Cette convention est l'aboutissement d'un processus lancé en 1971 par les chefs d'État et de gouvernement de l'Organisation de l'Unité africaine (OUA) réunis à Addis Abeba qui dénonçaient « l'agression des mercenaires en Afrique » et lancèrent un appel « aux pays du monde entier pour qu'ils appliquent des lois décrétant que le recrutement et l'entraînement sur leurs territoires sont des crimes punissables et pour qu'ils dissuadent leurs citoyens de s'enrôler comme mercenaires ».

La définition du mercenaire retenue par la convention de l'OUA est très largement inspirée de celle du protocole I additionnel aux conventions de Genève et exige donc la participation directe aux hostilités, mais à la différence du protocole, la convention procède à une incrimination du mercenariat en le qualifiant de crime.

On constate que la convention, si elle est conçue pour interdire l'emploi de mercenaires pour lutter contre les mouvements de libération nationale, n'empêche pas les gouvernements africains de recourir eux-mêmes aux mercenaires pour se défendre , le mercenariat n'étant caractérisé qu'en cas d'usage de la violence armée dans le but de s'opposer « à un processus d'autodétermination, à la stabilité ou à l'intégrité territoriale d'un autre État ».

L'adhésion à cette convention est réservée aux États membres de l'Organisation de l'Unité Africaine. Elle est entrée en vigueur en 1985. Vingt-deux États sont actuellement parties à cette convention et quatre l'ont signée sans l'avoir ratifiée.

La convention internationale du 4 décembre 1989 contre le recrutement, l'utilisation, le financement et l'instruction de mercenaires

L'adoption par consensus par l'Assemblée générale des Nations unies, le 4 décembre 1989, de cette convention fut facilitée par l'assassinat, le 26 novembre de la même année, du président comorien Ahmed Abdallah qui fut imputé aux mercenaires de Bob Denard.

Elle a clairement pour objet d' engager les États parties à adopter une législation répressive à l'encontre du mercenariat , qui constitue, au sens de la convention, une infraction devant être réprimée par « des peines appropriées »

Toutefois, cette convention ne recueille qu'un écho limité au sein de la communauté internationale. Elle n'est entrée en vigueur que fin 2001 et a été ratifiée par vingt-quatre États seulement 2 ( * ) , dont deux membres de l'Union européenne, la Belgique et l'Italie.

De nombreux pays, dont la France, jugent en effet que certaines dispositions de la convention du 4 décembre 1989 soulèvent des difficultés .

Il en va ainsi de la définition du mercenariat donnée par cette convention, qui reprend pour l'essentiel les dispositions contenues dans le protocole I de 1977, mais ne précise pas que le mercenaire est celui « qui, en fait, prend une part directe aux hostilités » .

Cette omission introduit une imprécision qui ne permet pas d'exclure clairement de la notion de mercenaire des personnes qui sont envoyées par leur État au titre de l'assistance militaire technique pour assurer des missions d'instruction, d'organisation, d'entraînement ou d'encadrement au profit des forces armées étrangères, et qui pourraient se trouver en péril si elles venaient à tomber aux mains d'un État étranger en conflit avec celui auprès duquel elles sont placées.

Par ailleurs, la complexité des mécanismes pénaux mis en place dans la convention par la règle de compétence juridictionnelle universelle risque de susciter de nombreux conflits de compétence avec les juridictions françaises, voire d'entraîner la condamnation de Français présents à l'étranger pour des faits qui ne sont pas illicites au regard du droit français. La responsabilité pénale de fonctionnaires ou militaires français ainsi que des plus hautes autorités de l'État pourrait ainsi être recherchée pour complicité (article 4 de la convention) ou pour avoir « recruté, utilisé, financé ou instruit des mercenaires » (article 2) et cela aussi bien devant une juridiction française que devant une juridiction de n'importe quel État étranger partie à la convention.

* 2 Arabie Saoudite, Azerbaïdjan, Barbade, Bélarus, Belgique, Cameroun, Chypre, Costa Rica, Croatie, Géorgie, Italie, Libye, Maldives, Mali, Mauritanie, Ouzbékistan, Qatar, Sénégal, Seychelles, Surinam, Togo, Turkménistan, Ukraine, Uruguay.

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