II. LA FRANCE ET LE MERCENARIAT

Apparue à l'occasion de la mise en cause de certains de nos ressortissants, l'inadaptation de la législation française fragilise la volonté de notre pays de lutter contre le surcroît d'instabilité et de violence entraîné par le recours à des mercenaires, tel qu'on le constate par exemple dans les crises du contient africain.

Le projet de loi comble ce vide juridique à la faveur d'une définition précise et bien circonscrite du mercenariat, assortie de sanctions pénales sévères.

Si ce texte laisse entier le débat sur le développement d'activités privées dans le domaine de la sécurité et des questions militaires, sujet qui dépasse très largement l'objet du projet de loi, votre commission reconnaît à ce dernier le mérite de donner une définition claire et précise des types d'activité qu'il s'agit de proscrire. Elle approuve donc l'esprit général de ce texte sur lequel elle proposera deux amendements d'ordre rédactionnel.

A. UNE LÉGISLATION ACTUELLEMENT LACUNAIRE

Les moyens légaux pour combattre efficacement le mercenariat sont actuellement lacunaires en droit français.

Une première série de dispositions vise à éviter que des militaires français agissent directement au profit de forces étrangères. L'article 413-1 du code pénal précise que « le fait, en vue de nuire à la défense nationale, de provoquer des militaires appartenant aux forces armées françaises à passer au service d'une puissance étrangère est puni de 10 ans d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende » , mais, ne pouvant être invoqué que lorsque les intérêts de la défense française sont directement mis en cause, il s'applique assez mal aux cas les plus habituels de mercenariat. Par ailleurs, le statut général des militaires interdit aux militaires en activité d'exercer « à titre professionnel une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit ». Il les soumet également à un contrôle, durant une période de cinq ans, après la cessation leur activité.

En dehors de ce premier cas de figure, l'article 23-8 du code civil dispose que « perd la nationalité française le Français qui, occupant un emploi dans une armée ou un service public étranger ou dans une organisation internationale dont la France ne fait pas partie ou plus généralement leur apportant son concours, n'a pas résigné son emploi ou cessé son concours nonobstant l'injonction qui lui en aura été faite par le Gouvernement ». Ce dispositif limité à la privation de la nationalité ne peut guère être considéré comme un moyen de réprimer le mercenariat.

En ce qui concerne les organisations qui auraient pour objet de recruter ou de fournir des mercenaires, aucun dispositif particulier n'est applicable, si ce n'est l'article 1833 du code civil, imposant à toute société, pour être reconnue en droit français, d' « avoir un objet licite ».

La législation relative aux sociétés fournissant des services dans le domaine de la sécurité se limite à régir les activités de recherche privée 3 ( * ) et les activités privées de surveillance, de gardiennage et de transport de fonds, actuellement réglementées par la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983 qui fixe le régime administratif de ces activités, des conditions d'exercice de la profession et du contrôle administratif des entreprises.

Il apparaît donc que la justice française se trouve aujourd'hui peu armée pour réprimer efficacement des activités de mercenariat.

Si l'assassinat du président comorien Abdallah a pu donner lieu à un procès en France, qui s'est soldé par un acquittement faute de preuve, notre législation permet plus difficilement d'agir contre des faits mois clairement caractérisés. Ainsi, les mercenaires français qui avaient débarqué en décembre 2001 sur l'île de Moheli, en vue de procéder à un coup d'État aux Comores, ont été mis en examen pour association de malfaiteurs, qualification peu adaptée au type de problèmes soulevés par le mercenariat.

* 3 Loi n° 80-1059 du 28 décembre 1980. Elle fixe un régime d'interdiction d'exercice de l'activité lorsque l'intéressé a fait l'objet de certaines condamnations ou d'une faillite et subordonne cet exercice à une condition de nationalité et, pour les anciens fonctionnaires de la police nationale, à l'autorisation du ministre de l'intérieur. Elle prévoit enfin un régime de suspension administrative provisoire d'activité et définit les sanctions pénales attachées au non respect de ses dispositions.

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