EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er -

Mesures de codification et dispositif de garantie des droits de trafic
des compagnies aériennes cotées

Cet article se décompose en trois éléments :

- au 1°), la modification du titre du chapitre du code de l'aviation civile (CAC) regroupant les articles L. 330-1 à L. 330-9. Le titre III du Livre III du CAC ne comprenait jusqu'à aujourd'hui qu'un chapitre unique intitulé « Contrôle technique d'exploitation ». Le projet de loi prévoit que ce chapitre soit désormais intitulé « Dispositions générales ».

- au 2°), l'ajout à ce même chapitre d'un nouvel article L. 330-10 prévoyant la détermination par décret en Conseil d'Etat des conditions d'application des articles L. 330-3 (prise en compte du programme d'exploitation dans la délivrance de l'autorisation d'exploitation de services de transport aérien public), L. 330-4 (mise sous séquestre des appareils exploités sans autorisation régulière) et L. 330-6 (obligation de contrôle technique). Cet article L. 330-10 nouveau ne modifie en rien le droit positif, puisqu'il ne fait que déplacer des dispositions auparavant prévues à l'article L. 342-4 du CAC.

- au 3°), l'ajout d'un chapitre II nouveau au Titre III du Livre III du CAC, intitulé « Dispositions applicables aux entreprises de transport aérien dont les titres sont admis aux négociations dur un marché réglementé ».

Ce chapitre II comprendrait quatre articles nouveaux, mettant un place de préservation des droits de trafic des compagnies aériennes cotées, ceux-ci étant liés à la nationalité de l'entreprise considérée :

- article L. 330-11. Cet article prévoit la mise au nominatif des actions de la société de transport aérien considérée. Cette disposition est commune dans le secteur, dans la mesure où elle constitue le point de départ du contrôle de l'identité de l'actionnariat. Les statuts de l'entreprise peuvent prévoir que les détenteurs de titres ne s'étant pas pliés à cette formalité sont privés de leur droit de vote pour toute assemblée d'actionnaire. Enfin, élément ultime du dispositif, les statuts de l'entreprise peuvent prévoir des conditions d'agrément par la société des cessions d'actions, même entre actionnaires. Ce dernier point doit permettre qu'un investisseur étranger contraint à la cession forcée ne puisse revenir immédiatement au capital en rachetant des actions à un autre actionnaire.

Il importe de remarquer que ce dispositif lourd garantit que l'actionnaire étranger ait bien conscience de la particularité de l'entreprise lors de son investissement, et du risque de cession forcée dès lors que la part du capital détenue par des intérêts étrangers approcherait les 50 %.

- article L. 330-12. Cet article donne la possibilité à l'entreprise d'enjoindre à certain de ses actionnaires de vendre leurs titres, dès lors que la nationalité de l'entreprise et donc ses droits de trafic, seraient exposés. Ce risque sera apprécié au regard de seuils définis ultérieurement par décret en Conseil d'Etat.

Sont visés par ce dispositif, en premier lieu, les actionnaires non ressortissants des Etats membres de la Communauté européenne. Seront contraints à la cession les actionnaires entrés le plus récemment au capital.

Il convient de noter qu'un tel recours à la contrainte n'est prévu qu'après une phase d'information des actionnaires et du public. En réalité, cette information devrait aboutir à faire baisser la participation des actionnaires étrangers les plus récents. British Airways a ainsi fait baisser la part de l'actionnariat étranger dans son capital après une campagne d'information en août 2002. Pour l'actionnaire étranger, il n'y a pas de rationalité à rester au capital d'une société dont la valorisation pourrait s'effondrer brutalement du fait même de ce maintien. Du reste, il convient de noter que cet aspect propre au secteur aérien est bien connu des investisseurs, qui l'intègrent dans leur comportement.

L'information du public sera déclenchée à partir d'un seuil d'alerte, par exemple 45 %, ce qui permettra d'éviter toute fluctuation aux abords immédiats du seuil de nationalité.

- article L. 330-13. Cet article prévoit la possibilité d'une cession forcée, dès lors que des actionnaires ne se seraient pas pliés à l'injonction de vendre qui leur aurait été faite. La société peut saisir le président du tribunal de grande instance de Paris pour qu'il désigne une entreprise d'investissement ou un établissement de crédit agréé chargé de vendre ces titres sur le marché.

Là encore, cette disposition apparaît largement théorique. Toutefois, au vu des enjeux et afin de garantir aux investisseurs la pérennité de l'entreprise et de ses droits de trafic, il est opportun de prévoir un tel mécanisme, qui garantit l'effectivité de l'ensemble du dispositif en toutes circonstances.

- article L. 330-14. Cet article vise à garantir qu'en cas de cession forcée, l'actionnaire ne soit pas spolié par une vente dans un marché peu liquide, qui se ferait à un cours sous-évalué. Cette disposition permet à des investisseurs étrangers redoutant que le seuil maximal de participation étrangère ne soit proche de continuer à investir, avec l'assurance qu'en cas de cession impromptue, leurs actions seraient vendues à un cours conforme à la valorisation de l'entreprise par le marché. Ce dispositif permet de maintenir la liquidité du titre même aux abords des seuils définis par le décret en Conseil d'Etat.

L'article L 330-14 ajoute une sécurité supplémentaire, en permettant à l'entreprise de racheter ses propres titres, au delà de la limite de droit commun de 10 % du capital prévue par les articles L. 225-206 à L. 225-217 du code de commerce. Toutefois, les titres en sus des 10 % du capital doivent être revendus dans le délai d'un an, afin de conserver à cette faculté son caractère exceptionnel et limité dans le temps.

Ce dispositif complexe vise donc à multiplier les assurances que l'équilibre de l'entreprise ne puisse être remis en cause par une prise de contrôle par des intérêts étrangers. Il ne s'agit là en rien d'un dispositif discriminatoire, mais d'un système exorbitant du droit commun, obligatoire au vu des spécificités du secteur du transport aérien.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 2 -

Composition du conseil d'administration
et du conseil de surveillance d'Air France

L'article 2 du projet de loi modifie l'article L. 342-3 du CAC, introduit par la loi de janvier 2001 10 ( * ) . Comme en 2001, l'objectif de la disposition proposée est d'adapter le droit social commun aux spécificités de l'entreprise, qui accordent une représentation supérieure des salariés au conseil d'administration de l'entreprise.

Quoique l'objectif du projet de loi et de la privatisation soit de rapprocher Air France du droit commun, dans toute la mesure du possible, il importe de tenir pleinement compte de la réalité sociale de cette entreprise à statut. Les dispositions envisagées permettent donc le maintien d'une représentation des salariés par six administrateurs, là où le droit commun n'en permettrait pas plus de cinq 11 ( * ) .

La répartition de ces administrateurs est de un administrateur pour chacun des quatre collèges salariés : PNT, PNC, PS cadres et PS non-cadres. S'ajoutent ensuite des représentants des PNT actionnaires et des autres salariés actionnaires, dans un nombre déterminé par les statuts, mais qui est à l'heure actuelle de un par catégorie 12 ( * ) .

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 3 -

Prolongation du statut du personnel jusqu'à deux ans après la privatisation pour permettre la conclusion d'un accord collectif

L'article 3 du projet vise à organiser un passage harmonieux du personnel du statut au droit du travail. Afin que les salariés ne pâtissent en rien de cette évolution, il convient que les partenaires sociaux de l'entreprise aboutissent à un accord collectif. Pour ce faire, le projet prévoit une période pouvant aller jusqu'à deux ans avant que ne s'applique le droit commun du travail.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 4 -

Prolongation du conseil d'administration après la privatisation jusqu'à l'élection d'un nouveau conseil d'administration

Cet article organise la permanence du conseil d'administration d'Air France durant la période transitoire entre la privatisation et l'élection d'un nouveau conseil d'administration, selon les dispositions de l'article L. 342-3 nouveau du CAC. Là encore, le texte vise à permettre un passage harmonieux de l'entreprise au secteur privé, en prenant en compte la spécificité des administrateurs représentant les salariés, pour lesquels la période de transition peut être prolongée de quatre mois.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 5 -

Echange salaire contre actions et condition d'accession des salariés
aux titres mis sur le marché

Cet article modifie l'article 51 de la loi du 2 juillet 1998 13 ( * ) dans ses dispositions qui visaient Air France et prévoyaient, à l'occasion de l'ouverture du capital, d'une part un échange salaire contre actions et d'autre part une accession prioritaire des salariés au capital mis sur le marché. Cet article aborde plusieurs points successifs :

- la cession par l'Etat, à titre préférentiel ou gratuit, de jusqu'à 6 % du capital d'Air France aux salariés qui auront consenti des réductions de salaires ;

- le remboursement avant deux ans par Air France à l'Etat du coût de cet échange salaire-actions ;

- la conclusion, à cette fin, d'une convention entre Air France et l'Etat qui précisera les modalités de ce remboursement. Cette convention devra être approuvée par la commission de privatisation14 ( * ), et par le conseil d'administration, où les représentants de l'Etat, par dérogation à l'article L. 225-40 du code de commerce, prendront part au vote ;

- ces actions gratuites ne seront pas considérées comme des éléments de salaire, et ne seront pas imposées comme telles. En revanche, lors de leur revente, qui ne pourra intervenir avant un certain délai fixé par décret et n'excédant pas cinq ans, les salariés seront imposés sur l'intégralité de la plus-value réalisée, qui équivaudra en l'espèce à leur prix de vente15 ( * ) ;

- le plafond d'un quart de la rémunération annuelle, prévu par l'article L. 443-2 du code du travail, ne s'applique pas à cet échange salaire-action ;

- l'échange salaire-actions et l'accès prioritaire des salariés à 10 %16 ( * ) des titres mis sur le marché sont cumulables. Ainsi, les salariés qui auraient accepté un échange salaire-actions pourraient en outre se porter acquéreur de titres mis sur le marché, avec la garantie que leur demande soit intégralement servie à hauteur de 10 %17 ( * ) des titres ;

- l'opportunité de l'échange salaires-actions et de l'accès prioritaire aux titres mis sur le marché ne vaudra plus lorsque la participation de l'Etat sera devenue inférieure à 20 %, conformément à l'article 2 de la loi du 19 juillet 1993 précitée.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 6 -

Mise à jour du code de l'aviation civile

Cet article porte des dispositions de coordination et de toilettage du CAC. La suppression des articles L. 341-1, L. 342-1 et L. 342-2 du code traduit le retour d'Air France au droit commun, et le prise en compte de l'obsolescence des dispositions visées.

Votre commission des Affaires économiques a adopté un amendement de rectification d'une erreur matérielle au I de cet article, la référence à l'article L. 341-4, inexistant, étant remplacée par celle à l'article L. 342-4.

Votre commission vous propose d'adopter cet amendement, et l'article ainsi modifié.

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* *

Lors de sa réunion du mercredi 5 février 2003, la commission des affaires économiques, après examen du rapport, s'est déclarée favorable à l'adoption du projet de loi relatif aux entreprises de transport aérien et à la société Air France tel qu'amendé lors de sa discussion, les groupes socialiste et communiste, républicain et citoyen votant contre.

* 10 Loi n° 2001-5 du 4 janvier 2001 précitée.

* 11 Cf. art. L. 225-27 du code de commerce.

* 12 Le traitement particulier réservé aux PNT, qui a souvent été la source de tensions internes à l'entreprise, s'explique par le fait que ces salariés ont les moyens financiers d'investir plus massivement dans le capital de l'entreprise.

* 13 Loi n°98-546 du 2 juillet 1998 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier.

* 14 L'article 3 de la loi n° 86-912 du 6 août 1986 définit la composition et les fonctions de cette commission.

* 15 Conformément à l'article 150-0 D du code général des impôts.

* 16 « Si les demandes excèdent 10 %, le ministre chargé de l'économie peut décider qu'elles seront servies à concurrence de 15 % au plus » (article 51, III de la loi n° 98-546 du 2 juillet 1998 précitée).

* 17 Idem .

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