IV. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

A. RENFORCER ET SÉCURISER LE CONTRÔLE EXERCÉ PAR LES RÉGULATEURS

1. Revoir l'articulation entre les procédures de sanction

On peut regretter que la rationalisation et le renforcement des autorités de régulation ne se soient pas accompagnés d'une réflexion sur l'organisation, les moyens et les procédures de la justice financière.

Votre commission des finances vous propose un premier pas dans cette direction en modifiant l'articulation entre, d'une part, la procédure de sanction administrative par l'AMF et, d'autre part, les poursuites devant le juge pénal. Cette proposition est destinée à la fois à clarifier une organisation peu compréhensible par les acteurs des marchés financiers et à poser les jalons d'une réforme de l'organisation et des procédures judiciaires en matière financière.

Dans le droit actuel, que le présent projet de loi ne propose pas de modifier, il peut en effet y avoir double poursuite et double peine pour des mêmes personnes et des mêmes faits. Afin de mieux articuler les deux procédures, votre commission des finances vous propose une répartition des rôles plus claire, dans le temps, entre l'AMF et le juge pénal ( article 14 ).

Clarification des rôles de l'AMF et du juge pénal en matière de sanctions : le dispositif proposé par votre commission des finances

- en cas de délit boursier mis en évidence dans un rapport d'enquête, le collège doit le transmettre au procureur de la République du tribunal de grande instance de Paris ;

- celui-ci dispose à compter de cette transmission de 10 jours pour indiquer à l'AMF si il compte ou non mettre en mouvement l'action publique ;

- s'il compte mettre en mouvement l'action publique, l'AMF dispose alors d'un délai de 6 mois pour achever sa procédure de sanction et l'action publique n'est déclenchée qu'une fois ces sanctions prises (au bout de six mois, si l'AMF est hors délai, sa procédure devient caduque et l'action publique peut être enclenchée de toute façon) ;

- si le procureur de la République ne souhaite pas mettre en mouvement l'action publique, ou si il le décide plus tard (soit qu'il ait changé d'avis, soit qu'il soit saisi par une partie civile), l'AMF poursuit sans contrainte particulière sa procédure de sanction. De plus, si la gravité de l'affaire le mérite à ses yeux, l'AMF décidera de se porter partie civile dans les conditions prévues à l'article 15 du présent projet de loi : elle demandera au parquet l'ouverture de l'action publique, se portera partie civile et ne pourra plus faire usage de sa propre procédure de sanction.

Dans le même ordre d'idée, il vous est également proposé une centralisation des délits boursiers au tribunal de grande instance de Paris afin de faciliter les relations entre l'autorité boursière et le juge pénal et de spécialiser ce juge sur des affaires qui présentent toujours un haut degré de technicité, et de favoriser la constitution d'un véritable pôle de compétences. La clef du succès de la mise en oeuvre de ces propositions tient évidemment à l'octroi au juge financier de moyens réellement adaptés aux enjeux ( article additionnel après l'article 14 ).

Votre commission des finances profite, par ailleurs, de l'examen du présent projet de loi pour mettre fin à des survivances du passé dans notre ordre juridique. Les raisons pour lesquelles, en matière boursière, les délits commis par des professionnels relèvent du juge administratif tandis que les délits commis par des particuliers sont soumis au juge judiciaire sont historiques. Votre commission des finances vous propose d'unifier ce contentieux au profit du juge judiciaire ( article 19 ).

2. Donner à la CCAMIP les moyens de son indépendance

Votre commission des finances souhaite renforcer l'indépendance de la nouvelle CCAMIP en lui conférant un statut adapté à l'étendue de ses missions et à ses besoins humains et financiers.

La personnalité morale lui permettrait de percevoir directement la contribution pour frais de contrôle sur les acteurs de l'assurance, d'en décider l'emploi, notamment afin de renforcer ses moyens humains. La qualité et la quantité des contrôles dans le secteur des assurances ne pourront en être qu'améliorées. Cela serait bénéfique tant aux entreprises concernées qu'à leurs assurés ( article 26 ).

3. Un cadre adéquat pour les analystes financiers et les agences de notation

Les analystes financiers et les agences de notation diffusent une information financière dont l'influence sur les marchés est croissante.

? S'agissant des analystes financiers, il n'existe actuellement en France aucune norme législative ou réglementaire les concernant , mais seulement des dispositions dans le règlement général du Conseil des marchés financiers.

Le règlement dispose que les personnes physiques placées sous l'autorité ou agissant pour le compte d'un prestataire habilité doivent être titulaires d'une carte professionnelle lorsqu'elles exercent les fonctions d'analyste financier. Les cartes professionnelles sont attribuées par l'employeur.

Le règlement évoque également les règles de bonne conduite applicables aux prestataires habilités, notamment concernant l'analyse financière. Les « règles de bonne conduite » édictées dans le règlement général du CMF ont été précisées dans sa décision n° 2002-01.

Une réglementation croissante de la profession des analystes financiers

- aux Etats-Unis, la loi Sarbanes-Oxley entrée en vigueur le 30 juillet 2002 a confié à la Securities and Exchange Commission (SEC), équivalent de la COB française, le soin, dans un délai d'un an, de prendre des mesures pour prévenir les conflits d'intérêts des analystes financiers, et renforcer l'objectivité de la recherche financière. La SEC est également chargée, dans un délai d'un an, de prendre des mesures pour exiger de tout analyste une publication, dans chaque rapport de recherche, des conflits d'intérêts à la date de distribution du rapport ;

- la réflexion sur la recherche financière existe également en Grande-Bretagne où la Financial Services Authority (FSA), a publié un rapport au mois de février 2003 sur le thème des analystes financiers 25( * ) ;

- le paragraphe 5 de l'article 6 de la directive 2003/6/CE du Parlement européen et du Conseil sur les opérations d'initiés et les manipulations de marché (dite « directive abus de marché ») dispose que « les États membres s'assurent qu'il existe une réglementation appropriée pour garantir que les personnes qui réalisent ou diffusent des travaux de recherche concernant des instruments financiers ou des émetteurs d'instruments financiers ou les personnes qui produisent ou diffusent d'autres informations recommandant ou suggérant une stratégie d'investissement, destinés aux canaux de distribution ou au public, veillent, avec une attention raisonnable, à ce que l'information soit présentée de manière équitable et mentionnent leurs intérêts ou l'existence de conflits d'intérêts en rapport avec les instruments financiers auxquels se rapporte cette information. Ils portent cette réglementation à la connaissance de la Commission. ».

Votre commission des finances considère que la liste des professions dont les conditions d'exercice sont précisées dans le règlement général de l'Autorité des marchés financiers 26( * ) ne serait pas complète si elle n'incluait pas les analystes financiers. Il vous est donc proposé de confier à l'Autorité des marchés financiers un véritable rôle dans la réglementation ( article 8 ), le contrôle ( article 10 ) et la sanction ( article 14 ) de la profession.

Il importe également d'affirmer dans la loi le principe selon lequel les dirigeants d'entreprises qui produisent de l'analyse financière doivent s'abstenir de toute action auprès des analystes qui compromettrait l'information du marché . Il s'agit en quelque sorte de transposer aux analystes les dispositions de l'article L. 533-11 du code monétaire et financier relatif aux règles de bonne conduite applicables aux prestataires de services d'investissement ( article additionnel après l'article 33 ).

? S'agissant des agences de notation , dont il faut rappeler qu'à l'exception d'une seule, les grandes agences internationales ont leur siège sur le territoire des Etats-Unis, toute législation sur le sujet se heurte à la question de l' extraterritorialité . En outre, contrairement aux règles applicables à la recherche financière, la loi Sarbanes-Oxley du 30 juillet 2002 se contente de demander à la SEC un rapport dans les six mois sur le rôle et le fonctionnement des agences de notation 27( * ) .

Le rapport de la SEC a été rendu public en janvier 2003 . Il ne prévoit toutefois aucune mesure de régulation immédiate, mais renvoie à un nouveau rapport qui sera publié dans les deux mois.

Votre commission des finances vous propose sur ce point de désigner l'AMF comme l'interlocuteur des autres grands régulateurs mondiaux en la matière , et de lui confier le soin d'adapter, le moment venu, les règles internationales à appliquer à ce secteur. C'est pourquoi il est précisé que, de même que pour les analystes, l'AMF serait compétente en matière de contrôle ( article 10 ) et de sanction ( article 14 ) des agences de notation.

? Votre commission des finances vous propose également de prévoir l'obligation pour les analystes financiers et les agences de notation de conserver leurs documents préparatoires pendant une période minimale de trois ans, afin de les tenir à disposition de l'Autorité des marchés financiers ( article additionnel après l'article 33 ).