Annexe 72 - LES NORMES DE PLOMB DANS L'EAU POTABLE

1. La norme actuelle

La teneur limite autorisée du plomb dans l'eau destinée à la consommation humaine a été fixée par la directive 98/83/CE du 3 novembre 1998 (article 2 et annexe 1 partie B), reprise en droit français par le décret n° 2001-1220 du 20 décembre 2001 (articles 4 et 53, et annexe 1 partie B).

La teneur aujourd'hui (2003) autorisée est de 50 microgrammes par litre (ìg/l). Elle est abaissée en deux temps : une valeur transitoire de 25 ìg/l à respecter à partir du 24 décembre 2003, et une valeur limite de 10 ìg/l devant être atteinte d'ici le 24 décembre 2013.

Ce seuil reprend une valeur guide recommandée par l'Organisation Mondiale de la Santé en 1993. Cette recommandation a été déterminée à partir de la dose journalière tolérable (DJT) de 3,5 ìg/kg/j, préconisée en 1993 par le comité mixte sur les additifs alimentaires (JECFA). La valeur guide (VG), qui ne prend en compte que les apports par l'eau d'alimentation, est calculée suivant la formule :

VG = DJT x P x F

C

Où DJT = 3,5 ìg/kg/j, P = Poids corporel, F = part de DJT attribuée à l'eau, C = quantité d'eau consommée par jour.

La valeur guide a été calculée sur le groupe de la population jugé le plus sensible, en l'occurrence les nourrissons, choisis pour trois raisons : l'incidence de la plomberie est plus grave et se manifeste à de faibles teneurs en plomb dans le sang, l'absorption digestive du plomb est de 30 à 50 %, alors que chez l'adulte, seulement 10 % du plomb ingéré passe la barrière digestive, et la part de l'eau dans l'exposition au plomb est la plus importante : 50 % contre 24-27 % pour les autres âges.

La répartition des apports de plomb s'établit comme suit :

Nourrisson
(13 mois)

Enfant (2 ans)

Adulte

Air

4,2 %

15 %

7 %

Eau

50,5 %

24,1 %

27,4 %

Aliment

35,1 %

46,8 %

61,4 %

Poussière

10,2 %

24,1 %

4,2 %

Total

100 %

100 %

100 %

Sachant que le poids d'un jeune enfant est estimé à 5 kg et la part de la DJT attribuée à l'eau de boisson est de 50 %, pour une quantité d'eau consommée de 0,75 l, l'application de la formule aboutit à une valeur guide de 11,6ug/l arrondie à 10 ug/l d'eau de boisson.

On observera que ce seuil de 10 ug/l recouvre deux choses différentes. Il s'agit pour l'OMS d'une recommandation, sous forme de « valeur guide » reprise dans la directive européenne et en droit français sous forme de « teneur limite » ou de « concentration maximale admissible ». Les autorités américaines ont d'ailleurs proposé une CMA différente de 15 ug/l.

2. Les controverses

Cette concentration a été et reste contestée par de nombreux scientifiques, notamment le professeur Hartemann de la faculté de médecine de Nancy :

« Il me semble ni raisonnable ni légitime d'imposer une CMA pour l'eau qui ne serait pas respectée pour les autres boissons des enfants, notamment pour les boissons venant en concurrence avec l'eau et c'est le cas du lait (15 ug/l) et des jus de fruits (30 ug/l).(...) Il semblerait plus rationnel de considérer l'apport global plutôt que l'apport spécifique de l'eau des boissons (...). La baisse importante de la part du plomb dans l'air, du fait de l'élimination du plomb dans l'essence doit être prise en compte (...). C'est l'apport total qui ne doit pas dépasser la quantité tolérable. La fixation d'un taux maximum à échéance de 15 ans paraît, dans ces conditions, prématurée. »

Ainsi, pour le professeur, si l'objectif intermédiaire de 25 ug/l paraît pleinement justifié, la réduction à 10 ug/l à échéance de 15 ans est plus discutable. Compte tenu de l'évolution des autres sources d'exposition, une réduction à 15 ug/l paraît tout aussi pertinente. Cette valeur serait beaucoup plus facile à respecter que la valeur européenne de 10 ug/l.

Les teneurs en plomb sont comptées au robinet du consommateur. On observera toutefois que chaque Etat est libre de déterminer les conditions de mesure de l'échantillonnage. Les prélèvements doivent être représentatifs de l'eau réellement consommée, mais des différences dans les conditions d'échantillonnage peuvent influer sur le résultat.

Une des formules proposées consiste à effectuer soixante séries de prélèvements comprenant un prélèvement aléatoire, un prélèvement après 30 minutes de stagnation, un prélèvement après écoulement. La mesure au robinet de l'usager est à l'évidence une difficulté supplémentaire, source de contentieux.

Votre rapporteur rappellera à cette occasion la position qu'il avait prise lors de son précédent rapport sur « les effets des métaux lourds sur l'environnement et la santé » (Sénat n° 261 - 2000-2001) :

« Le coût d'élimination de canalisations en plomb étant estimé à 120 milliards de francs en France au moment où la décision fut prise, l'estimation, corrigée à la baisse, est aujourd'hui de 70 milliards de francs.

Trois questions se posent alors :

- le coût doit-il intervenir dans une décision sanitaire ? Tout dépend bien évidemment des risques et de l'arbitrage entre le principe de précaution et le principe « ALARA », -reasonably acceptable ». D'ailleurs, on peut aussi renverser la question : le coût peut-il être exclu d'une décision sanitaire ?

- le but peut-il être atteint à un coût moindre ?

- enfin, la dépense pouvait-elle être mieux utilisée ? La France va dépenser 70 milliards pour limiter un risque faible. Tandis que dans le même temps il existe des contaminations et des expositions beaucoup plus importantes et plus graves (l'exposition liée aux vieilles peintures, l'arsenic dans l'eau..) qui peuvent être éradiquées pour un coût bien inférieur.

La France, l'Europe a-t-elle établi des priorités, une véritable stratégie sanitaire ? Il est permis d'en douter.

Les traitements uniformes sont coûteux et inopérants. Une politique ciblée, modulée serait, de loin, beaucoup plus efficace. Il ne faut pas chercher à réduire les risques partout en dépensant des moyens importants sur des zones où ils n'existent pas.

La fixation d'une concentration maximale admissible à 10 ug par litre appelle donc quelques réserves. L'Office regrette que la France n'ait pas su faire valoir une autre logique, fondée sur l'appréciation des risques et l'action sur des groupes ou lieux à risques. On rappellera que, contrairement à la France, un certain nombre d'Etats de l'Union européenne, pour des raisons historiques ou géographiques, ne sont pas affectées par cette décision, qui n'entraîne pour eux aucune dépense. »

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