N° 296

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2002-2003

Annexe au procès-verbal de la séance du 14 mai 2003

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi de programme pour l' outre-mer ,

(Urgence déclarée)

Par M. Roland du LUART,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis, président ; MM. Jacques Oudin, Gérard Miquel, Claude Belot, Roland du Luart, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Aymeri de Montesquiou, vice-présidents ; MM. Yann Gaillard, Marc Massion, Michel Sergent, François Trucy, secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; MM. Philippe Adnot, Bernard Angels, Bertrand Auban, Denis Badré, Jacques Baudot, Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Gérard Braun, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Jean Clouet, Yvon Collin, Jean-Pierre Demerliat, Eric Doligé, Thierry Foucaud, Yves Fréville, Paul Girod, Adrien Gouteyron, Hubert Haenel, Claude Haut, Roger Karoutchi, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, François Marc, Michel Mercier, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, René Trégouët.

Voir les numéros:

Sénat : 214 , 292, 293, 298 et 299 (2002-2003)

Outre-mer.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Le présent projet de loi, sur lequel l'urgence a été déclarée, constitue la traduction législative des engagements pris par M. Jacques Chirac, Président de la République, et par le gouvernement de M. Jean-Pierre Raffarin, afin de promouvoir le développement économique et social de l'outre-mer. Après la loi constitutionnelle du 28 mars 2003, qui permet des évolutions statutaires propices à la responsabilisation des acteurs locaux, le gouvernement propose par le présent projet de loi de programme d'accompagner les initiatives économiques des entreprises d'outre-mer.

Les départements et collectivités concernés ont, en effet, à faire face à un certain nombre de difficultés spécifiques qu'il convient de traiter par des dispositions particulières.

Votre rapporteur a eu l'occasion d'examiner de manière approfondie l'un des leviers de développement pour l'outre-mer, à savoir la défiscalisation 1 ( * ) . C'est avec satisfaction qu'il note que son constat aussi bien que certaines de ses propositions sont partagés par le gouvernement, et que le présent projet de loi constitue une avancée certaine dans la création d'un cadre stabilisé permettant d'envisager un développement économique et social plus efficace pour l'outre-mer.

I. L'OUTRE-MER RENCONTRE DES DIFFICULTÉS QUI LUI SONT PROPRES

Les départements et collectivités d'outre-mer sont des entités spécifiques au sein de la République, en termes aussi bien juridiques - comme l'a souligné la réforme constitutionnelle du 28 mars 2003 - que géographiques ou économiques. Sur ce dernier point, les handicaps structurels rencontrés sont nombreux et appellent des mesures spécifiques.

A. LES HANDICAPS STRUCTURELS DE L'OUTRE-MER

1. Les contraintes liées à la géographie

a) L'éloignement.

La distance qui sépare les collectivités d'outre-mer de la France varie de 7.000 kilomètres à 9.500 kilomètres. Si cette situation géographique permet à la France de revendiquer le troisième rang mondial pour la « zone économique exclusive » avec 11 millions de km² de domaine maritime, et constitue un atout géostratégique réel, il n'en reste pas moins qu'elle revêt un coût certain et freine le développement économique de ces régions.

Trois des quatre départements d'outre-mer (DOM) sont des îles : la Réunion dans l'océan indien, la Martinique et la Guadeloupe dans les Caraïbes. La Guyane, pour sa part, est enclavée dans le vaste continent sud-américain.

Ainsi, le prix moyen dans les DOM reflète à la fois le coût du transport et le coût du stockage : ils dépassent ceux de la métropole de 15,3 % à la Réunion et de 20,5 % en Guyane.

b) La singularité des situations et des climats.

Au coût de l'éloignement se surajoutent ceux nés des contraintes particulières, comme celles liées aux risques cycloniques, sismiques ou volcaniques. La Guadeloupe, pour sa part, est un archipel constitué de six groupes d'îles, ce qui génère des surcoûts en terme d'équipement et d'exploitation.

La Guyane est une enclave de 90.000 km² dans le nord-est de l'Amérique du Sud. Cette immensité n'est qu'apparente, puisque 94 % du territoire est recouvert par la forêt équatoriale. De par leur situation géographique, ces régions se trouvent, à des niveaux divers, confrontées à des Etats non-membres de la Communauté européenne et qui entretiennent avec celle-ci des relations particulières, notamment dans le cadre de la politique de coopération mise en place par les accords de Lomé, puis de Cotonou.

Les départements d'outre-mer sont donc soumis à une double influence : l'une vient de leur environnement régional et de l'impératif de s'y intégrer, l'autre de leur appartenance à la République française et donc à l'Europe.

c) La dépendance économique vis-à-vis d'un petit nombre de produits.

L'agriculture constitue l'essentiel de l'activité économique des DOM. Les productions sont très spécialisées, notamment la banane, le rhum et le sucre, et tournées vers l'exportation. Pour autant, l'agriculture contribue faiblement à la création de valeur ajoutée. Par exemple, si elle représente de loin la première source d'exportation de la Guadeloupe, sa part dans la valeur ajoutée n'y est que de 4 %.

Le secteur de la pêche est le deuxième en importance pour la Guadeloupe et le troisième pour la Martinique.

Le tourisme représente un secteur à la fois d'une grande importance (le premier en Guadeloupe), et avec de fortes possibilités de développement. Cependant, si les capacités d'hébergement ont beaucoup augmenté ces dernières années (de plus de 80 % en 11 ans pour la Guadeloupe), le tourisme connaît aujourd'hui une grave crise (voir infra ). Ainsi, en Martinique, la fréquentation touristique a baissé de 3 % par an entre 1998 et 2000. En Guadeloupe, le tourisme de croisière a connu une forte dégradation.

Cet ensemble de contraintes a été reconnu par les institutions communautaires. Ainsi, les DOM figurent parmi les régions ultra-périphériques d'Europe au sens de l'article 299-2 du traité d'Amsterdam, qui reconnaît leur singularité et la nécessité de compenser ces handicaps par des adaptations du droit communautaire. De leur côté, les anciens territoires d'outre-mer bénéficient du Fonds européen de développement.

2. L'étroitesse des marchés locaux

La théorie économique montre qu'une condition primordiale du développement est la possibilité de réaliser des économies d'échelle, c'est à dire de rentabiliser la production sur le marché le plus vaste possible. Or, d'une part les populations sont peu importantes, d'autre part l'accès au marché national et européen est rendu particulièrement délicat par des coûts de transport en rien comparables à ceux des entreprises de la métropole.

L'intégration éventuelle aux économies régionales ne peut pas résoudre cette question de manière satisfaisante : ces Etats sont pour la plupart peu développés, donc peu susceptibles de fournir une demande solvable, et ils entretiennent dans leur grande majorité des relations privilégiées avec leurs anciennes métropoles.

3. Une productivité faible

Deux problèmes cumulatifs se posent dans le rapport capital/travail :

- la formation générale et professionnelle des salariés est inférieure à celle constatée en métropole. Ainsi, le niveau de l'illettrisme dépasse 30 % pour la population de plus de 46 ans ;

- le prix des intrants 2 ( * ) indispensables à la production subit les effets du coût du transport. Le différentiel est de l'ordre de 10 % à 15 % selon les DOM.

La valeur ajoutée par salarié est donc mécaniquement plus faible. Le rapport avec la métropole varie de 0,42 (Guadeloupe) à 0,61 (Réunion).

Le handicap lié à la faiblesse de la productivité se situe donc entre 30 % et 60 % par rapport à la métropole.

4. La dépendance économique et commerciale vis-à-vis de la métropole.

Comme les échanges sont difficiles avec les pays en développement qui sont leurs voisins, et que, de surcroît, ces pays offrent une concurrence fondée sur la faiblesse des salaires, la majorité des échanges s'opère avec la métropole.

Part de la métropole dans les importations et les exportations

(pourcentage en valeur, année 2000)

Importations

Exportations

Guadeloupe

59,2 %

56,3 %

Martinique

64,8 %

83 %

Guyane

56 %

63,3 %

Réunion

62,9 %

60,3 %

Mayotte

57,6 %

81,5 %

Nouvelle-Calédonie

38,8 %

66,1 %

Polynésie française

36 %

14 %

Saint-Pierre-et-Miquelon

36,7 %

2,8 %

Source : direction générale des douanes

Cette dépendance est d'autant plus préoccupante qu'elle implique des déplacements fréquents, que ce soit pour les produits ou pour les personnes (à des fins de formation par exemple ou, en sens inverse, pour les touristes). Or la continuité territoriale est peu assurée. Les déboires des compagnies aériennes ont placé Air France en situation de quasi-monopole sur le marché.

* 1 Sénat, rapport d'information « Une défiscalisation efficace pour l'outre-mer », n° 51 (2002-2003).

* 2 Biens et services entrant dans le processus de fabrication.

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