B. CES CONTRAINTES FREINENT LE DEVELOPPEMENT DES ENTREPRISES D'OUTRE-MER

Les entreprises d'outre-mer souffrent de cet ensemble de contraintes géographiques et d'un ensemble d'autres facteurs.

1. Des difficultés de financement

Les investissements en outre-mer sont aux yeux des investisseurs plus risqués qu'en métropole. A l'éloignement s'ajoute en effet la structure particulière de leurs économies : 90 % des entreprises comptent moins de 10 salariés, ce qui souligne la faiblesse du développement et des capacités d'autofinancement réduites.

Le risque est donc perçu comme plus important, alors que les besoins de financement sont considérables que ce soit dans le secteur concurrentiel ou pour les services publics. Les banques commerciales ont, pour la plupart, subi des pertes importantes qui les rendent extrêmement sélectives dans l'attribution des crédits. Il en résulte, dans certaines collectivités, une situation de « rationnement du crédit » et de graves difficultés pour les trésoreries des entreprises.

2. Une crise économique

La situation conjoncturelle de l'outre-mer s'est sensiblement dégradée ces dernières années. Selon le gouvernement, le bilan en 2002 de la « loi Paul » montre, pour les quatre DOM, une diminution de moitié des agréments donnés (ce qui constitue un bon indicateur de l'investissement). La chute est particulièrement sévère en Martinique avec une baisse de 71,3 %.

Dans le même temps, les importations de biens d'équipements ont également diminué, de 25,8 % en Guadeloupe et de 22 % en Guyane. Les défaillances d'entreprises ont progressé de 9,5 % en Guadeloupe en 2002.

Seul le secteur du commerce a continué à progresser suivant un niveau satisfaisant jusqu'à l'été 2002.

3. Le secteur du tourisme en grande difficulté

Le secteur du tourisme, l'un des moteurs de la croissance des collectivités d'outre-mer, subit actuellement une crise extrêmement préoccupante.

Dans le document établi lors de la notification du présent projet de loi à la Commission européenne, le gouvernement distingue trois types de situation :

- en Guadeloupe et Martinique (les Antilles françaises), on observe une baisse de fréquentation de l'ordre de 20 % à 25 % ces trois dernières années ;

- à la Réunion, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, le niveau de l'activité se maintient ;

- en Guyane, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Mayotte, la filière touristique est encore insuffisamment développée.

Éléments d'appréciation de l'importance du tourisme dans les DOM

Guadeloupe

Martinique

Guyane

Réunion

Nombre d'hébergements

672

637

78

531

Nombre de lits

21.233

15. 640

2.279

10.018

Dépenses des touristes (en millions d'euros)

374 (pour 1998)

263

53

276

Nombre d'emplois

20.000

10.093

6.797

1.900

Source : secrétariat d'Etat au tourisme, 2000

Globalement, si la situation est hétérogène, la fréquentation touristique est en baisse ces dernières années. En Martinique par exemple, la diminution a atteint 9 % en 2001. Pour la Guadeloupe, le nombre de touristes est passé de 850.000 à 800.000 entre 2000 et 2001.

Plusieurs éléments concourent à ce phénomène :

- la qualité de l'accueil, qui fait l'objet de critiques, et souffre des conflits sociaux parfois violents et extrêmement médiatisés ;

- la desserte aérienne qui souffre des difficultés de certains transporteurs ;

- l'inadaptation de nombreux centres d'hébergement, pour la plupart construits dans les années 70, qui ne justifie pas des prix relativement élevés ;

- la concurrence particulièrement dynamique de certaines destinations, comme Saint-Domingue ou Cuba.

4. Le poids de la sphère publique

La sphère publique est extrêmement développée dans les départements d'outre-mer.

Agents de la fonction publique pour 100 emplois au 1 er janvier 2000

Guadeloupe

26,5

Guyane

29,6

Martinique

27,3

Réunion

33

France métropolitaine

20,4

Source : INSEE

En outre, les agents de l'Etat en service outre-mer bénéficient de « surrémunérations » dont le régime a longtemps été celui retracé dans le tableau ci-après.

Le régime des surrémunérations jusqu'en 2001

Coefficient multiplicateur de traitement

Indemnité d'éloignement

Guadeloupe

+ 40 % du traitement brut

12 mois pour 4 ans

Départements d'outre-mer

Martinique

+ 40 % de traitement brut

12 mois pour 4 ans

Guyane

+ 40 % du traitement brut

16 mois pour 4 ans

Réunion

+ 35 % du traitement brut + 1,138 appliqué sur le traitement net (3) (4)

12 mois pour 4 ans

Territoires d'outre-mer

Polynésie française * (1)

+ 84 % à 108 % sur le traitement net

10 mois pour 2 ans

Nouvelle-Calédonie * (1)

+ 73 % à 94 % sur le Traitement net x (3)

10 mois pour 2 ans

Wallis et Futuna

+ 105 % sur le traitement net

18 mois pour 2 ans

TAAF * (2)

Siège - St Pierre de la Réunion

Terres australes et antartiques * (1)

+ 35 % du traitement brut + 1,138 appliqué sur le traitement net * (3) (4)

+ 75 % à 85 %

12 mois pour 4 ans

7 mois à 7 mois ½ pour un an

Collectivités à statut spécial

Saint-Pierre-et-Miquelon

Mayotte

+ 40 % sur le traitement brut

+ 1,3067 sur le traitement net * (3)

12 mois pour 4 ans

* (1) Selon subdivision ou terre australe ou antarctique d'affectation, les Iles de la Nouvelle-Amsterdam et de Saint Paul d'une part et l'archipel des Kerguélen, l'archipel des Crozet et la Terre Adélie d'autre part.

* (2) Les décrets des 26 et 27 novembre 1966 ne sont pas applicables dans les TAAF. Depuis la délocalisation du siège à Saint Pierre de la Réunion, les agents permanents du siège perçoivent la rémunération et l'indemnité d'éloignement en vigueur à la Réunion. Les agents affectés dans les terres australes et antarctiques mêmes effectuent un service de dix mois ou de 1 an quand ils font « l'hivernage ».

* (3) Le traitement net est le traitement brut afférent à l'indice nouveau majoré (INM) correspondant au grade et échelon de l'agent augmenté éventuellement de la Nouvelle bonification indiciaire (NBI), du supplément familial de traitement SFT et de l'indemnité de résidence et diminué de la pension civile. Les majorations de traitement, les index de « correction » et les coefficients multiplicateurs ne s'appliquent pas aux primes et indemnités diverses.

* (4) L'index de « correction » appliqué à la Réunion a été instauré pour compenser la disparité entre le franc métropolitain et le franc de la communauté financière africaine (CFA) par le décret n°71-485 du 22 juin 1971, le taux appliqué actuellement a été modifié pour la dernière fois par arrêté du 28 août 1979.

Source : ministère de l'outre-mer

Le « rapport Fragonard », remis au Premier ministre en 1999, pointait les inconvénients du système des surrémunérations :

- « l'importance des surrémunérations dans la sphère publique pèse sur les prix et exerce une influence à la hausse dans le secteur privé » ;

- « une partie de ce pouvoir d'achat est recyclé en métropole sous forme d'importations ou d'épargne » ;

- « l'éclatement de la société des DOM entre un secteur à garantie d'emploi et forte rémunération et un secteur exposé à des salaires inférieurs, et enfin, à la marge de la société, une population en sous emploi ou en chômage massif est profondément malsain » ;

- « les budgets [des collectivités locales] sont exposés à la pression de demandes de titularisation d'un nombre élevé d'agents qui demandent que celle-ci se fasse à la valeur majorée actuelle des titulaires » .

Le coût des surrémunérations s'établissait en 2001 à 771 millions d'euros, contre 815 millions d'euros en 1999. Les surrémunérations représentent donc pour l'Etat un coût équivalent aux deux-tiers du budget du ministère de l'outre-mer.

Le coût pour l'Etat des surrémunérations en 2001

(en millions d'euros)

Majoration de traitement

Indemnité d'éloignement

TOTAL

Education nationale

- enseignement scolaire

478,0

107,3

585,3

- enseignement supérieur

20,0

3,7

24,7

Agriculture

9,2

2,8

12,0

Economie

36,9

11,2

48,0

Intérieur

30,2

7,2

37,5

Outre-mer

13,3

3,4

16,7

Justice

22,1

6,8

28,9

Emploi et affaires sociales

11,4

1,5

12,9

Défense (civils)

5,1

0,3

5,3

TOTAL

627,2

144,3

771,4

L'article 26 de la loi n° 2000-1027 du 13 décembre 2000 d'orientation pour l'outre-mer prévoit que, « dans un délai de trois mois suivant la promulgation de la présente loi », un décret devra supprimer le titre Ier du décret n° 53-1266 du 22 décembre 1953, qui fixe le régime des primes d'éloignement des fonctionnaires exerçant leur activité outre-mer.

Cet article a suscité, non pas un, mais deux décrets d'application. Ces décrets ne se contentent pas de supprimer des indemnités d'éloignement mais créent deux nouvelles indemnités.

Leur contenu est présenté ainsi par le ministère de l'outre-mer dans les réponses au questionnaire budgétaire que votre rapporteur avait adressé, en sa qualité de rapporteur spécial, à l'occasion de la discussion du projet de loi de finances initiale pour 2003 :

« Le décret n° 2001-1226 du 20 décembre 2001 supprime les indemnités d'éloignement et crée, pour une durée de cinq ans, une indemnité particulière de sujétion et d'installation pour les magistrats et les fonctionnaires de l'Etat, titulaires et stagiaires, affectés en Guyane et dans les îles du nord de la Guadeloupe et dont la précédente résidence était située hors de ces zones géographiques. Cette indemnité n'est plus reliée à la notion de centre des intérêts matériels et moraux. Son montant correspond à 16 mois du traitement indiciaire brut de l'agent; elle est versée au taux plein sur la base d'une durée de services de quatre ans.

« En outre, afin de favoriser la mobilité des fonctionnaires de l'Etat en fonctions dans les départements d'outre-mer, le décret n° 2001-1225 du 20 décembre 2001 crée une prime spécifique d'installation , correspondant à 12 mois du traitement indiciaire brut de l'agent, pour les fonctionnaires de l'Etat et les magistrats des départements d'outre-mer affectés pour la première fois en métropole à la suite d'une mutation ou d'une promotion ainsi qu'à ceux qui y sont affectés à la suite de leur entrée dans l'administration ».

Le nouveau dispositif n'entraîne pas pour l'Etat une économie substantielle car, si elles sont plus ciblées, les nouvelles primes d'éloignement sont aussi plus favorables financièrement que les précédentes. Par ailleurs, le champ du dispositif s'est élargi puisque dorénavant les ultramarins bénéficient d'une prime d'éloignement lorsqu'ils sont affectés en métropole pour la première fois.

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