CHAPITRE II :
PRÉSENTATION GÉNÉRALE DES CRÉDITS

I. UN BUDGET SOUMIS A D'IMPORTANTS MOUVEMENTS DE CRÉDITS DANS UN CONTEXTE ÉCONOMIQUE DÉGRADÉ POUR LE SECTEUR

A. UN CONTEXTE TOUJOURS INCERTAIN POUR LE SECTEUR DE LA PRESSE

1. Une hausse des effectifs malgré le plafonnement de la distribution

Les entreprises du secteur économique de la presse, comptant 20 personnes ou plus, emploient 28.000 actifs pour l'édition des journaux et 22.000 actifs pour l'édition de revues et périodiques. Entre 2000 et 2001, ces effectifs ont augmenté de 2 % pour les journaux et de près de 5 % pour les revues et périodiques.

La diffusion totale est stable à 7 milliards d'exemplaires par an depuis 1990 (pour un tirage moyen de 8,2 milliards d'exemplaires). Elle a légèrement baissé en 2001 par rapport à 2000 (- 1,6 %). Cette stabilité masque toutefois une diminution de la diffusion totale de la presse d'information générale et politique (42 % de la diffusion totale), tant nationale (- 12 % entre 1990 et 2001) que locale (- 5 % au cours de la même période) et de la presse spécialisée technique et professionnelle (- 31 %), au profit de la presse spécialisée grand public (+ 6 % entre 1990 et 2001) et de la presse gratuite d'annonces (+ 12 % au cours de cette période).

La diffusion des quotidiens en France reste ainsi inférieure à la moyenne européenne. Elle n'atteignait que 164 quotidiens pour 1.000 habitants adultes en 2002 (contre 402 %o au Royaume-Uni, 333 %o en Allemagne, 329 %o aux Pays-Bas, 127 %o en Espagne et 118 %o en Italie). En tête des quotidiens français d'information politique et générale pour sa diffusion, Ouest-France se plaçait au quatrième rang en Europe en 2002 (avec une diffusion moyenne de 785.000 exemplaires), mais loin derrière les quotidiens Bild (Allemagne, 4.220.000 exemplaires), The Sun (Royaume-Uni, 3.461.000 exemplaires) et juste après De Telegraaf (Pays-Bas, 795.000 exemplaires). Ouest France se situait au 69 ème rang mondial 1 ( * ) .

2. Des ressources fragiles pour un secteur concurrentiel marqué par l'essor des quotidiens gratuits

Le chiffre d'affaires du secteur s'est établi à 10,35 milliards d'euros en 2002 , soit un recul de 2,0 % par rapport à 2001, plus marqué (- 7,2 %) pour la presse spécialisée technique et professionnelle (10,3 % du chiffre d'affaires du secteur) et la presse d'information générale et politique nationale (- 3,8 % ; 15,2 % du chiffre d'affaires du secteur) que pour la presse spécialisée grand public (- 1,7 % ; 39,9 % du chiffre d'affaires du secteur) et la presse d'information générale et politique locale (- 0,1 % ; 28,3 % du chiffre d'affaires). Seuls les journaux d'annonce gratuits ont enregistré une progression de leur chiffre d'affaires (+ 1,4 %), mais leur part dans le chiffre d'affaires du secteur reste faible (6,4 %).

Compte tenu du plafonnement de la diffusion totale de la presse (5,95 milliards d'euros en 2001 et en 2002, soit 57 % du chiffre d'affaires 2002), la poursuite en 2002 du recul du chiffre d'affaires est imputable à la contraction des recettes publicitaires (4,40 milliards d'euros, - 4,6 % par rapport à 2001).

La diminution des recettes publicitaires est particulièrement marquée pour les petites annonces (- 8,7 %), qui représentent un cinquième du marché publicitaire de la presse.

Les recettes publicitaires provenant des grands médias ont fléchi de 3,9 % en 2002, ce qui traduit une forte sensibilité à la conjoncture économique. Dans ce domaine, la presse représentait 49,6 % des parts de marché : les fortes positions qu'elle occupe expliquent les inquiétudes des professionnels face à la levée partielle de l'interdiction de publicité à la télévision.

Le développement des recettes publicitaires liées à l'exploitation de sites Internet est resté très faible en 2002 (0,4 % des recettes presse des éditeurs ayant une activité sur Internet).

Le prix du papier de presse, en diminution de 14 % entre 2001 et avril 2003, constitue un facteur favorable à l'amélioration de la situation financière du secteur

L'augmentation en 2002 du prix de vente plus rapidement (2,6 %) que l'inflation (1,9 %) a contribué au léger recul des ventes. L'absence en France de journaux quotidiens d'un prix unitaire inférieur à 0,65 euro apparaît comme un des facteurs majeurs de la diffusion des quotidiens moins élevée que dans d'autres pays occidentaux : en Allemagne, en Grande-Bretagne, aux Etats-Unis et au Japon, le coût unitaire des quotidiens les moins chers était compris entre 0,25 et 0,42 euro en 2002.

La diminution des prix de vente pourrait aussi être favorisée par l'entrée sur le marché français en 2002 de deux quotidiens gratuits d'information : Métro , titre d'un groupe suédois, diffusé dans les transports en communs parisiens, lyonnais et marseillais, et 20 minutes , quotidien à capitaux norvégiens diffusé principalement dans les gares SNCF et RER.

Les deux titres n'ont pas adopté la même stratégie de coûts : l'essentiel de l'information de Métro provient des dépêches de l'AFP, alors que 20 minutes dispose d'une importante équipe de journalistes.

Les deux journaux ont atteint un lectorat conforme aux plans de lancement, avec respectivement 1,2 million et 1 million de lecteurs pour 20 minutes et Métro , ce qui les place derrière Le Parisien mais devant Le Monde et Le Figaro . L'audience de la presse quotidienne a été élargie : une part importante de leurs lecteurs ne lisait pas régulièrement de quotidiens, notamment parmi la génération des 15-35 ans.

L'objectif d'équilibre financier de ces titres prévu fin 2004 semble pouvoir être atteint. La récente entrée de TF1 dans le capital de Métro France à hauteur de 34,3 % pourrait lui permettre d'élargir son audience publicitaire.

S'il n'est pas montré que la baisse des ventes de Libération et France Soir peut s'expliquer par la concurrence des quotidiens gratuits, celle-ci semble plus marquée pour le marché publicitaire, et plus particulièrement les petites annonces d'offres d'emplois, du fait des tarifs très attractifs pratiqués par les quotidiens gratuits.

Face à l'essor des quotidiens gratuits, plusieurs quotidiens payants ont choisi d'adapter leurs stratégies. Le groupe Hachette, éditeur de La Provence , a réagi en lançant le gratuit d'information Marseille Plus , concurrent de l'édition locale de Métro . Pour leur part, le groupe Ouest France et l'éditeur du Parisien ont choisi d'entrer respectivement au capital de 20 minutes France et de l'hebdomadaire gratuit de la RATP A nous Paris .

La concurrence de Métro et de 20 minutes a suscité des protestations et des menaces de grève, le syndicat du Livre CGT ayant mené des opérations d'entrave et de destruction des exemplaires. Des accords ont permis l'impression de Métro sur les rotatives de France Soir et celle de 20 minutes en partie sur celles du Monde .

3. La distribution de la presse toujours marquée par des tensions sociales principalement liées à la réorganisation des NMPP

Après les mouvements sociaux qui ont affecté principalement la distribution des titres du groupe Amaury ( Le Parisien , Aujourd'hui en France , L'Equipe ), le climat social dans le secteur de la distribution est resté tendu. La volonté du groupe Amaury de maîtriser sa propre chaîne de distribution et d'impression a en effet été interprétée comme susceptible de bouleverser l'organisation traditionnelle du secteur, caractérisé par un système coopératif d'impression décentralisé et une réorganisation des Nouvelles Messageries de la Presse Parisienne (NMPP) en cours depuis 2000.

Les NMPP assurent la quasi-totalité de la distribution de la presse. Le capital des NMPP est détenu à 49 % par le groupe Lagardère et à 51 % par des coopératives de titres de presse qui confient aux NMPP la distribution de leurs exemplaires.

Les NMPP ont enregistré un résultat net positif de + 0,7 million d'euros en 2002 , soit une amélioration de 6,2 millions d'euros par rapport au résultat de l'exercice 2001 (- 5,5 millions d'euros). L'amélioration du résultat d'exploitation (de - 22,2 millions à - 7,4 millions d'euros) provient principalement d'une contraction des charges d'exploitation (392,4 millions d'euros), du fait d'une réduction de 8 % des charges de personnel. L'augmentation de 1,6 % (soit 6 millions d'euros) des produits d'exploitation (385 millions d'euros) n'est toutefois imputable qu'à l'aide de 12,2 millions d'euros versée au titre de l'aide à la distribution de la presse quotidienne nationale (Paris) d'information politique et générale 2 ( * ) , actuellement prévue pour les seules années 2002 à 2004.

L'amélioration des résultats des NMPP montre que la première étape de leur restructuration paraît bien engagée. Des départs en préretraite sur la base du volontariat ont contribué à une diminution de l'effectif des NMPP de 608 personnes entre janvier 2000 et janvier 2003. La reconquête de parts de marché en 2001 et 2002 par les NMPP sur leur principal concurrent, les Messageries Lyonnaises de Presse (MLP), atteste également d'une amélioration de l'organisation commerciale de l'entreprise qui a diminué son coût d'intervention tarifaire.

La réforme du réseau des dépositaires est également en cours, leur nombre devant diminuer de 274 à 210 au cours de l'année 2003, parallèlement à une réduction progressive des taux de base de 8 % à 7,1 % d'ici le 1 er janvier 2005. A terme, le plan de restructuration des dépositaires prévoit un réseau d'environ 200 dépôts et de 30 plates-formes complémentaires dédiées aux quotidiens.

Les NMPP préparent un nouveau plan de modernisation pour les années 2004 à 2007 comportant de nouveaux efforts tarifaires et un plan de réduction d'effectifs, dont le financement nécessiterait la reconduction de l'aide à la distribution de la PQN d'information politique et générale. Le versement de cette aide, à hauteur de 12,2 millions d'euros par an, n'est actuellement prévu que jusqu'à la fin de l'année 2004.

En revanche, la situation de Paris Diffusion Presse reste préoccupante. Au sein des NMPP, Paris Diffusion Presse (PDP) s'est vu confier la distribution de la presse sur Paris et la petite couronne et a repris les déficits liés à cette activité, estimée à 36 millions d'euros. L'augmentation des ventes au numéro enregistrée en 2002 (+ 3,7 % par rapport à 2001) ne s'est expliquée que par la progression des produits hors presse (tels que les encyclopédies, DVD, cassettes et vidéos), les ventes de quotidiens ayant diminué de 6,9 %, en raison de la perte du Parisien qui a décidé d'assurer lui-même sa distribution.

Le plan de restructuration de PDP présenté par la direction des NMPP a prévu la filialisation à travers 5 établissements, la constitution de PDP en filiale détenue à 100 % par les NMPP sous forme d'une société par actions simplifiées et une diminution des effectifs de 405 à 244 personnes. Le déficit annuel de PDP serait ramené de 30 millions à 9 millions d'euros par an.

Les protestations du syndicat du livre CGT ont conduit à l'occupation du siège des NMPP le 7 mai 2003 puis à la non parution des titres parisiens à plusieurs reprises entre mai et octobre 2003. Les discussions semblent d'autant plus difficiles que les différentes branches du syndicat CGT du Livre - notamment les distributeurs et les rotativistes - ne semblent pas toujours poursuivre des objectifs convergents.

Dans ce contexte, votre rapporteur tient à rappeler l'évolution de la situation des kiosquiers .

En trois ans, le nombre de kiosquiers à Paris a diminué de 370 à 310 et la profession apparaît peu attractive. Cette situation n'est pas propre à la capitale, puisque 569 points de vente ont fermé en province en 2002, souvent remplacés par des boutiques de téléphonie mobile ou de vêtements.

Les kiosquiers ont le statut de diffuseurs de presse, mandataires des dépositaires (ou de l'éditeur s'il assure lui-même sa distribution), s'ils sont commerçants-détaillants propriétaires de leur fonds de commerce, inscrits au Conseil supérieur des messageries de presse. La Ville de Paris assure en grande partie la gestion des kiosquiers.

Afin d'améliorer leur rémunération, une enveloppe de 0,75 million d'euros a été dégagée à compter du 1 er octobre 2002 sur une période de 6 mois en faveur des kiosquiers percevant moins de 45.000 euros de commissions par an. Cette aide est intervenue dans le cadre d'un accord signé le 16 juillet 2002 entre les représentants de la profession, la Ville de Paris, les éditeurs de presse, les distributeurs de presse et les concessionnaires des kiosques. La Ville de Paris a également consacré 0,15 million d'euros sous forme d'une baisse en 2002 de la redevance d'occupation du domaine, cette aide étant maintenue en 2003.

L'autre demande principale des kiosquiers porte sur la possibilité de décider de leur nombre de références et de pouvoir les refuser, alors que le nombre de produits hors presse a fortement augmenté et qu'un diffuseur de presse spécialisé consacrerait quotidiennement 4 à 5 heures aux seules opérations de mise en place et de gestion des invendus.

Afin d'enrayer la diminution du nombre de points de vente, l'Assemblée nationale a par ailleurs adopté en première lecture un article 69 septies (nouveau) au projet de loi de finances pour 2004 , sur l'initiative de nos collègues députés Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial des crédits de la communication de la commission des finances, et Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances de l'Assemblée nationale.

Cet article additionnel vise à étendre le régime d'abattement de la base de taxe professionnelle en faveur des diffuseurs de presse .

Le régime en vigueur, codifié à l'article 1469 A quater du code général des impôts, résulte des dispositions de l'article 79 de la loi de finances pour 1996 3 ( * ) : il autorise les collectivités territoriales et leurs groupements dotés d'une fiscalité propre à appliquer un abattement de 1.524 euros sur la base d'imposition à la taxe professionnelle de l'établissement principal en faveur « des personnes physiques ou morales qui vendent au public des écrits périodiques en qualité de mandataires inscrits au conseil supérieur des messageries de presse ». L'application de ces dispositions est actuellement limitée aux zones d'aménagement du territoire, aux territoires ruraux de développement prioritaires et aux zones de redynamisation urbaine.

L'article additionnel adopté par l'Assemblée nationale propose d' étendre ce dispositif à l'ensemble du territoire national et de relever le montant de l'abattement applicable de 1.524 euros à 1.600, 2.400 ou 3.200 euros , au choix de la collectivité territoriale ou du groupement à fiscalité propre.

4. L'intérêt soutenu de la presse pour la mise en place de la télévision de proximité

L'entrée récente de certains groupes de presse dans le capital de chaînes locales existantes ou en cours de création a témoigné d'un regard nouveau sur la télévision de proximité, qui n'est plus perçue seulement comme un concurrent mais également comme un possible vecteur de reconquête du marché publicitaire national et de pénétration des titres parmi les générations les plus jeunes. La presse locale dispose pour sa part d'une connaissance fine des enjeux et des territoires locaux. La levée partielle et progressive des interdictions sectorielles de publicité télévisée 4 ( * ) apparaît comme un encouragement au développement des synergies.

Suite au lancement par le CSA en avril 2002 de deux appels à candidatures pour les fréquences analogiques sur les agglomérations de Nantes et Grenoble, le projet TV Nantes Atlantique de la Socpresse (propriétaire de Presse-Océan et du Télégramme de Brest ) a été retenu par le CSA le 15 juillet 2003, de préférence au projet TVB Nantes qui associait Ouest-France et TV Breizh. TV Nantes Atlantique devra toutefois partager la fréquence avec l'association Télé Nantes, autorisée pour une durée maximum de cinq heures par jour. A Grenoble, le CSA a dû déclarer l'appel à candidatures infructueux après le retrait de la Socpresse, propriétaire du Dauphiné Libéré .

En avril 2003, le CSA a lancé une consultation portant sur l'opportunité et la faisabilité d'ouvrir des appels à candidatures pour la création de chaînes hertziennes analogiques dans huit métropoles régionales, la question d'une télévision de proximité en Ile-de-France n'étant pas posée actuellement : Angers, Lille, Le Mans, Marseille, Montpellier, Nîmes, Orléans et Tours. Parmi les quarante-trois réponses reçues, sept ont émané de titres de la presse quotidienne régionale (PQR) : Le Courrier de l'Ouest (Angers), La Voix du Nord (Lille) et Le Maine Libre (Le Mans), tous trois titres de la Socpresse ; La République du Centre (Orléans), La Nouvelle République du Centre-Ouest (Tours) et, pour le groupe Le Monde , Le Midi Libre (Montpellier et Nîmes).

L'attribution des fréquences pourrait donner lieu à une concurrence entre les chaînes de télévision nationales et les titres de la presse quotidienne régionale qui souhaitent l'interdiction du cumul des fréquences nationales et locales afin de permettre à la PQR de disposer de chances égales pour concourir. En pratique, la fréquence sur Nantes a été toutefois attribuée à la Socpresse et non à TF1.

Concernant la télévision numérique terrestre (TNT), le CSA a décidé d'affecter aux chaînes locales au moins trois canaux numériques partout en France. Le lancement des premiers appels à candidatures est prévu en 2004, après la publication du décret sur le régime juridique applicable aux chaînes locales numériques. Les enjeux se posent à plus long terme que pour la télévision analogique.

* 1 Source : Association mondiale des journaux.

* 2 Les modalités de cette aide sont précisées au paragraphe II A 4.

* 3 Loi n° 95-1346 du 30 décembre 1995.

* 4 Cf. infra (« dossiers d'actualité »), § III A.

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