CHAPITRE QUATRE

L'AUGMENTATION DES CHARGES DE PENSION DÉSORMAIS CONTENUE À TERME

I. LA RÉFORME DU RÉGIME DE L'ÉTAT30 ( * ) CONSTITUAIT UNE NÉCESSITÉ FINANCIÈRE

A. SI LE RÉGIME DE L'ETAT CONSTITUE UNE FICTION...

Il convient de rappeler que le régime de l'Etat, à la différence des autres régimes, ne fait pas l'objet d'une individualisation juridique : les fonctionnaires de l'Etat n'ont pas de caisse des retraites, ce qui constitue une différence notable avec les fonctionnaires territoriaux et hospitaliers, qui relèvent de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL).

Il est cependant habituel, afin de raisonner comme si le régime de l'Etat était individualisé (ce qui permet les comparaisons avec d'autres régimes), d'en donner la représentation suivante : des cotisations salariales sont prélevées sur les rémunérations ; ces cotisations sont majorées par une contribution d'équilibre de l'Etat-employeur à due concurrence des charges , qui comprennent principalement les prestations de pensions , et accessoirement la compensation vieillesse 31 ( * ) versée aux autres régimes (en raison d'une situation démographique comparativement plus favorable dans le régime de l'Etat).

Le « jaune » bisannuel « fonction publique » dresse un tableau retraçant les emplois et les ressources du régime de l'Etat, actualisé dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2004, dont voici une version condensée :

Ressources et charges des pensions de l'Etat

(en millions d'euros)

 

exécution 2001

exécution 2002

LFI 2003

PLF 2004

augmentation 2004 / 2003

Emplois

 
 
 
 

Pensions

29.620

31.011

32 . 383

33 . 844

4,5 %

Transferts (essentiellement la compensation démographique )

2.498

3.111

2 . 575

2 . 579

0,1 %

Total emplois

32 . 117

34.122

34 . 958

36 . 423

4,2 %

Ressources

 
 
 
 

Cotisations salariales

4.531

4.583

4 . 702

4 . 684

-0,4 %

Autres ressources (cotisations des employeurs autres que l'Etat et transferts)

4.799

4.764

5 . 004

4.953

-1,02 %

Contribution d'équilibre

22.787

24.775

25 . 252

26.786

6,1 %

Total ressources

32 . 117

34 . 122

34 . 958

36 . 423

4,2 %

Source : rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2004

Il apparaît que, par construction, le régime de l'Etat est toujours équilibré, même si le rapport démographique entre pensionnés et cotisants se détériore : c'est la contribution d'équilibre, assimilable à une cotisation patronale fictive 32 ( * ) , qui augmente. Et cette augmentation, qui constitue un besoin de financement , est préoccupante pour le régime de l'Etat. Mais compte tenu du caractère fictif de ce régime qui ne connaît pas, en réalité, la contrainte de financement, c'est tout simplement l'évolution de la masse des pensions qui pèse sur le budget de l'Etat.

L'article 21 de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances prévoit l'instauration d'un « compte des pensions » en 2006. Il ne doit s'agir que d'une individualisation comptable, et non juridique 33 ( * ) . Un des enjeux principaux de cette clarification est la responsabilisation, au sein des programmes, des gestionnaires qui devront aussi intégrer dans le calcul de leurs coûts les cotisations employeur se rapportant aux fonctionnaires qui en dépendent.

B. ...SA DÉRIVE FINANCIÈRE CONSTITUAIT UNE INQUIÉTANTE RÉALITÉ

En l'absence de réforme, le rapport entre l'effectif des cotisants et celui des pensionnés (rapport démographique), serait passé, dans le régime de l'Etat, de 1,9 en 1998, à 1,1 en 2020 et à 0,9 en 2040 (dans le même temps, celui du régime général serait passé de 1,7 en 1998 à des valeurs proche du régime de l'Etat en 2020 et en 2040 ; le choc démographique y eût donc été un peu moins fort).

Le tableau suivant montre l'accroissement de la masse des pensions et du besoin des régimes de la fonction publique (Etat et CNRACL) en 2010, 2020 et 2040.

Progression de la masse des pensions et du besoin de financement des régimes de la fonction publique

( en milliards d'euros constants )

Année

2003

2010

2020

2040

Masse des pensions

32

44

60

96

Augmentation du besoin de financement

-

9

20

37

Source: premier rapport du Conseil d'orientation des retraites (2001)

Si rien n'avait été fait, ce sont ainsi, d'après le premier rapport du conseil d'orientation des retraites (COR) de décembre 2001, 12 milliards d'euros supplémentaires qui auraient pesé sur le budget dès 2010, 28 milliards d'euros en 2020 (dont presque 21 milliards d'euros pour l'Etat), et 64 milliards d'euros en 2040.

Ces évaluations sont faites en euros constants. Mais elles ne rendent pas compte de l'augmentation du PIB (produit intérieur brut) dont l'effet sera d'amoindrir le poids relatif de ces pensions dans la création de richesse annuelle, et, partant, dans le budget de l'Etat, leurs évolutions respectives étant naturellement fortement corrélées.

D'après le même rapport du COR, le poids des pensions publiques et privées, qui représentait 11,6 % du PIB en 2000, aurait atteint 13,6 % du PIB en 2020, puis 15,7 % du PIB en 2040 .

Il est vrai qu' une personne sur cinq a plus de soixante ans aujourd'hui, et qu' on en comptera une sur trois en 2040 , ce qu'explique principalement le vieillissement de la génération du « baby-boom » , qui franchira ce cap entre 2005 et 2035, et un allongement de la durée de vie évalué à un an et demi tous les dix ans .

Autres éléments chiffrés rendant compte de l'absolue nécessité de la réforme des retraites de la fonction publique

En 2000, les pensions du régime de l'Etat représentaient 2,06 % du PIB et 12 % du budget de l'Etat . Elles auraient correspondu, en 2020 à 2,78 % du PIB , et à 3,27 % du PIB en 2040 . Il en découle :

- la croissance 34 du poids des pensions du régime de l'Etat dans celui de la masse totale des pensions , ce poids augmentant de 17,7 % en 2000 à 20,4 % en 2020, puis à 20,8 % en 2040 ;

- l'importance des ajustements budgétaires qui auraient alors dû être opérés jusqu'en 2020, le poids relatif des pensions de l'Etat augmentant de 35 % 34 . Le poids relatif des pensions de l'Etat augmenterait encore de 17,5 % 2 de 2020 à 2040.

A l'occasion du précédent fascicule, votre rapporteur spécial s'était livré à un travail d'actualisation dont il ressortait que l'augmentation du PIB requise pour que le poids relatif des pensions de l'Etat soit constant, se situait dans des fourchettes très élevées. Ces taux de croissance sont exprimés en termes réels (hors inflation).

Taux de croissances requis pour stabiliser le poids des retraites dans le PIB

Echéance :

2010

2020

2040

Taux de croissance annuel moyen requis à partir de 2003 pour que le poids des pensions de l'Etat dans le PIB soit le même qu'en 2002

4,65 %

3,77 %

3,01 %

Sauf à considérer que l'économie se situait à l'aube d'une période de croissance exceptionnelle par son intensité et sa durée, il ne fallait donc pas compter sur l'« effet PIB » pour absorber l'impact des charges qui s'annonçaient 34 .

* 30 Avertissement : sauf indication contraire, les évaluations qui suivent concernent le régime de l'Etat, et sont effectuées sans préjudice des transferts d'effectifs de ce régime à celui des agents des collectivités locales qui résulteront vraisemblablement de la relance de la décentralisation ; en tout état de cause, les observations qui suivent sont aisément transposables à la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL), dont les règles de liquidation se trouvent, aussi bien avant qu'après la réforme des retraites, similaires à celles du régime de l'Etat.

* 31 Ce mécanisme de solidarité vise en particulier à compenser les différences de situation démographique existant entre les régimes.

* 32 Il est possible de calculer le taux de cotisation employeur qu'il aurait été nécessaire d'appliquer aux rémunérations pour obtenir l'équivalent de la contribution d'équilibre. Ce taux, dit « taux de cotisation implicite », s'élève en 2001, d'après le dernier rapport du Conseil d'orientation des retraites, à 38,6 % pour les fonctionnaires civils de l'Etat . Il ressort, d'après le « jaune » fonction publique pour 2003, à 51,2 % en 2002 pour l'ensemble des fonctionnaires de l'Etat.

* 33 Qui, par ailleurs, ne peut être exclue à terme.

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