CHAPITRE I

PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

I. LA DÉGRADATION DE LA SITUATION DE L'EMPLOI EST CONSÉCUTIVE AU RETOURNEMENT DE LA CONJONCTURE

A. UNE LENTE DÉGRADATION DE LA SITUATION DE L'EMPLOI

De l'été 1997 au printemps 2001, la situation du marché du travail s'était nettement améliorée, le taux de chômage passant du taux record de 12,2 % à un plancher de 8,6 %.

Le nombre de demandeurs d'emploi en fin de mois inscrits à l'ANPE (catégorie 1) avait suivi la même tendance : ils étaient 3,14 millions en juin 1997, et 2,08 millions en juin 2001.

L'objectif de parvenir à moyen terme au plein emploi avait pu ne plus paraître hors de portée.

Cependant, depuis le mois de mai 2001, la situation de l'emploi se détériore à nouveau régulièrement , le nombre de demandeurs d'emploi en fin de mois inscrits à l'ANPE ayant progressé de plus de 8 % de juin 2001 à juin 2002, pour s'établir à 2,26 millions de chômeurs, puis de plus de 6 % de juin 2002 à juin 2003 , pour s'établir à 2,40 millions de chômeurs.

En outre, le nombre de demandeurs d'emploi a cru plus rapidement au premier semestre 2003 qu'au second semestre 2002.

Cette évolution a rehaussé le taux de chômage à 9,5 % de la population active, soit le niveau atteint en juin 2000. Cette progression du chômage peut être en partie attribuée à celle de la population active, qui évolue autour d'une tendance de + 150.000 individus par an (données INSEE) :

en 1999 : + 200.000 personnes ;

en 2001 : + 165.000 personnes ;

en 2002 : + 239.000 personnes ;

en 2003 : + 100.000 personnes.

B. UN NIVEAU DE CHÔMAGE COMPARATIVEMENT ÉLEVÉ, DONT LA COMPOSANTE STRUCTURELLE EST PRÉPONDÉRANTE

1. Le chômage en France se situe à un niveau comparativement élevé

Eurostat, Office statistique des communautés européennes, a évalué le taux de chômage en France au mois de juin dernier à 9,4 % de sa population active.

Il demeure supérieur au taux de chômage dans l'Union européenne, évalué à 8,1 %, et à celui de la zone euro, évalué à 8,9 %.

Au sein de la zone euro, la France, qui a ainsi un des taux de chômage les plus élevés, se situe juste derrière l'Espagne (11,4 %) et à égalité avec l'Allemagne (9,4 %), tandis que de nombreux Etats-membres ont un taux beaucoup plus faible : 8 % en Belgique, 5,4 % en Suède, 4,7 % en Irlande, 4,4 % en Autriche.

Les hausses relatives les plus importantes ont été enregistrées au Portugal (de 4,8 % en juin 2002 à 7,3 % en juin 2003), au Luxembourg (de 3,6 % à 4,2 % sur la même période), et aux Pays-Bas (de 2,7 % en mai 2002 à 4,1 % en mai 2002).

La dégradation observée en France par Eurostat (de 8,9 % en juin 2002 à 9,4 % en juin 2003) est, en valeur relative, d'un niveau comparable à celle que l'office a pu observer concernant l'Union européenne dans son ensemble (de 8,4 % à 8,9 %).

En dehors de l'Union européenne, on peut noter qu'au Japon, le taux de chômage ressort à 5,3 % en 2003 (après 5,4 % en 2002 et 5 % en 2001), et qu'aux Etats-Unis, ce taux s'établit à 6,4 % en 2003 (après 5,9 % en 2002 et 4,8 % en 2001).

2. La précédente amélioration et la nouvelle détérioration de la situation du chômage recouvrent des évolutions contrastées.

a) La précédente amélioration de la conjoncture du marché du travail a particulièrement favorisé les jeunes et les chômeurs de longue durée

Le nombre de demandeurs d'emploi a décru de 29 % entre juin 1997 et juin 2002.

Cette réduction a été très favorable aux jeunes de moins de 25 ans, qui ont en particulier bénéficié des emplois-jeunes, aux chômeurs sans aucun diplôme, et aux chômeurs de longue durée, dont le nombre a diminué de 45 % en cinq ans.

La forte diminution du chômage de longue durée peut être attribuée, pour partie, au recentrage des mesures de politique d'emploi, mais elle résulte aussi mécaniquement de la baisse du nombre d'inscriptions à l'ANPE observées les années précédentes.

b) Le retournement de conjoncture du printemps 2001 affecte davantage les jeunes, les hommes, les plus diplômés et les plus qualifiés.

Entre juin 2001 et juin 2003, le nombre de demandeurs d'emplo i de catégorie 1 a cru de 15 % . Au sein de la catégorie 1, durant la même période, le nombre de demandeurs d'emploi ayant un diplôme de niveau « Bac + 3 » et plus a augmenté de 51 % , les demandes d'emploi des ingénieurs ou cadres se sont accrues de 54 % , celles des jeunes de moins de 25 ans de 20 % , et celles des hommes de 23 % .

Dans le même temps, les demandes d'emploi des femmes n'ont progressé que de 7 %.

Au total, le taux de chômage des femmes, qui s'établit en juin 2003 à 10,6 %, demeure, certes, supérieur à celui des hommes, qui s'établit à 8,6 %. Cependant, jamais l'écart entre ces deux taux n'a été aussi faible.

Le chômage de longue durée (c'est à dire supérieur à un an) présente des évolutions contrastées. Après avoir connu une progression très mesurée de juin 2001 à juin 2002 (moins de 1 %), il a augmenté  de 8 % entre juin 2002 et juin 2003. Toutefois, le nombre de chômeurs de très longue durée (supérieure à 3 ans) a, dans le même temps, décru de 11 %.

3. Sans réforme de la politique de l'emploi, la croissance est moins créatrice d'emplois.

Si le taux de chômage a reculé de plus de trois points de 1997 à 2001, il semble que ce mouvement se soit heurté au socle du chômage structurel, qui a pu être alors évalué, en France, à 8 % de la population active par la Caisse des dépôts et consignations, contre 3 % aux Etats-Unis .

La précédente baisse du chômage ayant donc été de nature essentiellement conjoncturelle, la poursuite d'une croissance vigoureuse n'aurait pu permettre de créations d'emplois en deçà d'un seuil situé à environ 8 % de chômage, sauf à relancer l'inflation et à compromettre ainsi gravement d'autres équilibres.

Le Conseil économique et social avait
relativisé l'amélioration de la situation de l'emploi

Dans son rapport sur la conjoncture au 1 er semestre 2001, le Conseil économique et social, sur les conclusions de M. Pierre Gadonneix, avait noté que « ce récent retournement de tendance, toutefois, ne doit pas faire illusion : plus de 80 % des emplois créés depuis 1997 dans le secteur marchand l'ont été à un niveau de salaire inférieur à 1,3 fois le SMIC [...] . Par ailleurs, la précarité de l'emploi reste un phénomène très préoccupant, qui se transforme sans doute plus qu'il ne se résorbe. En témoigne, notamment, la constitution progressive d'une catégorie de « travailleurs pauvres », pour la plupart titulaires d'un emploi à temps partiel, que la croissance a sauvés du chômage, mais pas du dénuement ».

De surcroît, le rapport insistait sur le fait que « le recul simultané du chômage et de la précarité de l'emploi ne doit pas faire oublier la persistance d'un chômage de masse », avec l'existence de plus de 2 millions de chômeurs.

Par ailleurs, ce rapport mettait en évidence « l'ampleur du phénomène de sous-activité en France ». En effet, le taux d'activité demeure à un niveau faible en France, soit 68,8 % de la population active totale en 1999, contre 80,6 % au Danemark, 75,1 % au Royaume-Uni, 74 % aux Etats-Unis, 72,6 % aux Pays-Bas.

Les taux d'activité « apparaissent particulièrement bas aux âges de transition entre activité et inactivité, c'est-à-dire au début et à la fin de la vie active ». Ainsi, en 1999, le taux d'activité s'établissait à 36 % chez les 15-24 ans. Pour les 55-64 ans, il était de 40 % chez les hommes et de 25 % chez les femmes, contre 63 % et 49 % aux Etats-Unis.

En revanche, comme le montre la situation actuelle, le chômage demeure flexible à la hausse lorsque la conjoncture se dégrade.

Ainsi que l'a déclaré M. François Fillon, ministre des affaires sociales, de l'emploi et de la solidarité, à l'occasion de sa présidence de la réunion des ministres de l'emploi et de du travail de l'OCDE des 29 et 30 septembre 2003 : « Le ralentissement conjoncturel mondial auquel la France est confrontée depuis deux ans souligne la nécessité d'une mobilisation générale des politiques en faveur de l'emploi. Mais nos difficultés ne sont pas que circonstancielles. À l'évidence, nous souffrons d'un taux de chômage structurel trop élevé qui s'accompagne d'une faible mobilisation de la main-d'oeuvre, notamment un taux d'activité très bas chez les jeunes et les travailleurs âgés ».

En toute hypothèse, il sera fructueux, à terme, de lutter contre la composante structurelle du chômage , tout en s'appliquant à soutenir l'offre de travail des jeunes et des « seniors ». Dans cette perspective, il conviendra, en particulier, de pourvoir à un volant d'environ 300.000 offres d'emploi insatisfaites , objectif dont la réalisation sera favorisée par le rapprochement de l'UNEDIC et de l'ANPE, ainsi que par la réforme en cours de la formation professionnelle ( infra ).

Auditionné le 12 novembre 2003 par votre commission des finances, M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, a pu, dans cette perspective, s'engager à une réduction de 100.000 du nombre d'offres d'emploi non pourvues à fin 2004 ( cf. annexe ) .

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