EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Le projet de loi organique portant statut d'autonomie de la Polynésie française et le projet de loi ordinaire le complétant, déposés l'un et l'autre en premier lieu sur le bureau du Sénat, répondent au souhait d'une autonomie renforcée manifesté par cette collectivité.

Le projet de statut s'inscrit dans un cadre constitutionnel profondément modifié par la réforme du 28 mars 2003 . La Polynésie française entre désormais dans la catégorie des « collectivités d'outre-mer » que l'article 74 révisé de la Constitution a substitué à celle des territoires d'outre-mer. Parmi les collectivités territoriales de la République, les collectivités d'outre-mer sont celles qui disposent des compétences les plus étendues, conformément à la volonté du constituant de tenir compte de leurs « intérêts propres » au sein de la République.

Encore l'article 74 distingue-t-il au sein même de cette catégorie les collectivités qui, dotées de l'« autonomie », peuvent bénéficier à ce titre de dispositions particulières : contrôle juridictionnel du Conseil d'Etat en premier et dernier ressort sur leurs actes entrant dans le domaine de la loi ; faculté d'abroger ou de modifier, sous réserve de l'accord du Conseil Constitutionnel, les dispositions législatives empiétant dans leur champ de compétence ; possibilité d'adopter des mesures préférentielles en faveur de leur population en matière d'emploi ou de protection du patrimoine foncier ; enfin, faculté de participer à l'exercice de compétences en principe réservées à l'Etat.

Sous une formulation à caractère général, ces principes novateurs visaient à répondre aux préoccupations manifestées par les autorités de la Polynésie française. Il était donc logique qu'ils trouvent à s'appliquer à bref délai, en l'espèce à cette collectivité, à moins de neuf mois après leur adoption. Tel est le premier dessein du présent projet de statut : conférer à la Polynésie française les prérogatives et les spécificités institutionnelles instituées par la révision constitutionnelle au profit des collectivités d'outre-mer dotées de l'autonomie.

Mais le projet de loi organique présente d'autres apports. Il renforce en particulier, comme l'avait déjà souhaité votre commission des Lois lors de l'examen du statut de 1996 1 ( * ) , la capacité d'action des communes , échelons essentiels à la vie démocratique d'un territoire marqué par la dispersion et l'éloignement de ses archipels.

En 2004, la Polynésie française célèbrera vingt années d'autonomie. Entre le statut de 1984 qui, le premier, avait reconnu l'autonomie à la collectivité et le projet de statut soumis à l'examen de la Haute Assemblée, l'évolution institutionnelle de la Polynésie française a suivi une voie cohérente, conduisant la collectivité à assumer une part croissante de responsabilités. Seule la Nouvelle-Calédonie dispose aujourd'hui -et dans certains domaines- de prérogatives plus étendues. Néanmoins, la comparaison entre les deux collectivités présente des limites évidentes car leurs évolutions s'inscrivent dans des cadres constitutionnels distincts. Le titre XIII de la constitution définit les « dispositions transitoires relatives à la Nouvelle-Calédonie » et prévoit notamment, à l'article 77, que la loi organique détermine les « conditions et les délais dans lesquels les populations intéressées de la Nouvelle-Calédonie seront amenées à se prononcer sur l'accession à la pleine souveraineté ».

Les « intérêts propres » de la Polynésie française peuvent être reconnus dans le respect de l'indivisibilité de la République et des intérêts supérieurs de la Nation . C'est là la conviction de votre rapporteur qui se trouve parfaitement confirmée par le projet de statut soumis à l'examen du Sénat.

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Après avoir rappelé les grandes étapes de l'évolution institutionnelle de la Polynésie française et le nouveau cadre constitutionnel issu de la révision du 28 mars 2003, votre rapporteur évoquera les grandes lignes du projet de loi organique portant statut d'autonomie de la Polynésie française et du projet de loi simple le complétant ainsi que les amendements soumis à l'examen du Sénat par votre commission des Lois.

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* *

I. L'ÉVOLUTION STATUTAIRE DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE : DU PROTECTORAT À L'AUTONOMIE

Sous protectorat français depuis 1842, Tahiti et ses dépendances devinrent une colonie française, par un traité conclu avec le roi Pomaré V ratifié le 30 décembre 1880, qui fit accéder les tahitiens et les marquisiens à la nationalité française.

Faisant désormais partie des Établissements français de l'Océanie, les archipels furent dotés d'un statut par un décret du 28 décembre 1885 et placés sous l'administration d'un gouverneur.

En 1946 la Polynésie française est devenue un territoire d'outre-mer, catégorie juridique nouvelle créée par l'article 8 de la Constitution de la IVème République.

A. 1946-1977 : VERS L'AUTONOMIE ADMINISTRATIVE ET FINANCIÈRE

Au lendemain de la seconde guerre mondiale, la loi n° 46-2152 du 7 octobre 1946 dotait les Établissements français de l'Océanie d'une assemblée représentative chargée de délibérer sur le budget du territoire.

Celle-ci avait en outre la possibilité d'« adresser au ministre de la France d'outre-mer les observations qu'elle aurait à présenter dans l'intérêt du territoire, à l'exception des problèmes d'ordre politique, ainsi que son opinion sur l'état et les besoins des différents services publics ».

Les règles relatives à la composition et à la formation de l'assemblée territoriale de la Polynésie française ont par la suite été déterminées par la loi n° 52-1175 du 21 octobre 1952 qui, modifiée à plusieurs reprises, est toujours en vigueur.

« Afin d'associer plus étroitement les populations d'outre-mer à la gestion de leurs intérêts propres », la loi n° 56-619 du 23 juin 1956 dite « loi- cadre Defferre » autorisait le Gouvernement à doter les assemblées territoriales d'un pouvoir délibérant élargi et à instituer des conseils de gouvernement chargés d'assurer l'administration des intérêts territoriaux.

En application de cette loi, un décret du 22 juillet 1957 relatif à la Polynésie française a prévu la création d'un gouvernement dont les membres étaient désignés par l'assemblée territoriale, celle-ci étant dotée de pouvoirs élargis puisque dans certaines matières, elle était susceptible de prendre des délibérations portant réglementation territoriale immédiatement exécutoires.

Le système institutionnel mis en place par le décret de 1957 ne fut cependant qu'une parenthèse : l'instabilité politique dans le territoire conduisit, par l'ordonnance du 23 décembre 1958, à restituer la maîtrise de l'exécutif local au représentant de l'Etat.

La Polynésie française attendit 1977 pour bénéficier d'un statut consacrant une certaine dose d'autonomie.

La loi n° 77-772 du 12 juillet 1977 a ainsi accru les pouvoirs conférés aux institutions territoriales, son article premier dotant le territoire de « l'autonomie administrative et financière ». L'assemblée territoriale recevait une compétence de droit commun, les attributions du conseil de gouvernement étaient renforcées alors que celles de l'Etat, limitativement énumérées, se trouvaient réduites à due concurrence. Le haut-commissaire, représentant de l'Etat sur le territoire, conservait cependant la fonction d'exécutif de cette collectivité territoriale. Un comité économique et social était par ailleurs institué afin d'assurer la représentation des organismes socio-professionnels.

Ces institutions permirent à la vie politique polynésienne de se structurer et rapidement l'ensemble des courants politiques demanda un renforcement de l'autonomie de gestion pour les affaires locales. Ce souhait aboutit en 1984 à l'adoption d'un nouveau statut pour la Polynésie française.

* 1 Rapport n° 214 (Sénat, 1995-1996) de M. Lucien Lanier au nom de la commission des Lois sur le projet de loi organique portant statut d'autonomie de la Polynésie française et le projet de loi complétant le statut de la Polynésie française.

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