III. LA CONVENTION FISCALE FRANCO-ARGENTINE DU 4 AVRIL 1979

La convention fiscale entre la France et l'Argentine en vue d'éliminer les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôt sur le revenu et sur la fortune a été signée le 4 avril 1979 et est entrée en vigueur en 1981. Elle a été la seconde convention signée par la France avec un pays membre du MERCOSUR (marché commun du sud, organisation qui réunit l'Argentine, le Brésil, le Paraguay, l'Uruguay et le Chili).

Cette convention fiscale est conforme à la politique conventionnelle de la France à cette période avec les pays non-membres de l'OCDE (Organisation pour la coopération et le développement économique), et dispose de plusieurs clauses se rapprochant du modèle de convention fiscale établi par l'ONU (Organisation des nations unies), telles que :

- une durée de 6 mois plutôt que de 12 mois pour qu'un chantier de construction ou de montage constitue un établissement stable 6 ( * ) ;

- des taux relativement élevés de retenue à la source en matière de dividendes (15 %), d'intérêts (20 %) et de redevances (18 %). Ces revenus, imposés en Argentine, donnent droit en France à un crédit d'impôt correspondant au montant de l'impôt versé, mais qui ne peut toutefois excéder le montant de l'impôt français afférent à ces revenus ;

- une définition large des redevances, incluant notamment les travaux d'étude ou de recherche de nature scientifique ou technique ;

- une durée de séjour totale supérieure ou égale à 183 jours pour que le résident d'un Etat soit imposable dans l'autre Etat au titre de ses revenus tirés de l'exercice d'une profession indépendante 7 ( * ) (au lieu du concept de la « base fixe » retenu par l'OCDE) ;

- les modalités d'élimination de la double imposition du côté français, qui combine la méthode de l'imputation de l'impôt argentin (dividendes, intérêts, redevances, gains en capital, revenus des professions indépendantes, rémunération des administrateurs, artistes et sportifs et les autres revenus non visés dans les autres articles de la convention) et la méthode de l'exonération pour tous les autres revenus imposables en Argentine en application de la convention ;

- l'octroi par la France d'un crédit d'impôt fictif de 15 % pour les intérêts payés au titre d'un prêt consenti, avalisé ou assuré par la BFCE (Banque française du commerce extérieur) ou la COFACE, et de 20 % pour certaines redevances de source argentine.

Il convient de noter que certaines dispositions de la convention fiscale franco-argentine ne sont plus applicables aujourd'hui . En effet, alors que l'Argentine appliquait le critère de la territorialité à l'époque de la signature de cette convention, elle retient aujourd'hui le critère du revenu mondial 8 ( * ) . Cette modification explique le souhait de l'Argentine d'engager la négociation d'un avenant à la convention fiscale avec la France.

L'encadré ci-après présente les différentes modalités d'élimination des doubles impositions.

Principes fondamentaux de la fiscalité internationale

La fiscalité internationale se compose essentiellement de conventions internationales de double imposition. Ces conventions solutionnent des conflits entre les pays qui se partagent un même contribuable ou un même revenu. Le droit d'imposer de chaque pays est créateur de double imposition.

1) Définitions de la double imposition

Les doubles impositions internationales des revenus trouvent leur origine dans l'entière souveraineté fiscale des états qui ont chacun le droit d'imposer. L'un parce qu'il se considère comme l'état de résidence du bénéficiaire du revenu, l'état résidence, et l'autre, parce qu'il estime que le revenu trouve sa source sur son territoire, l'état source.

Le groupe se distingue fiscalement de l'entreprise nationale par trois points principaux :

- l'existence de deux taux d'imposition : celui de la filiale et celui de la mère ;

- l'existence de législations fiscales différentes en matière d'imputation de déficits, de crédits d'impôts, de détermination de base fiscale ou de politique d'incitations fiscales par exemple ;

- l'existence d'une imposition spécifique au transfert des revenus, les retenues à la source, atténuées, non modifiées ou supprimées par les conventions de double imposition. L'existence d'une imposition à la source constitue le principe de base de la fiscalité internationale .

D'une manière générale, on peut définir deux types de doubles impositions . Pour les doubles impositions juridiques , qui résultent du fait pour un même contribuable d'être imposé au titre d'un même revenu par plus d'un état, c'est la notion de résidence qui est appelée à être définie . Les doubles impositions économiques sont définies par le comité fiscal de l'OCDE comme étant la situation dans laquelle deux personnes différentes sont imposables au titre d'un même revenu . Il en est ainsi lorsque deux sociétés d'Etats différents (par exemple une société mère et sa filiale ou des sociétés soeurs) se versent des revenus imposés dans les deux états.

Le pays de la société versante refuse la déduction des sommes payées alors que le pays de la société bénéficiaire les inclut dans la base d'imposition. Cette double imposition présente un caractère d'inégalité et constitue également un frein important au développement des échanges entre les pays. Aussi, sur la base de conventions bilatérales les états ont-ils voulu la diminuer ou la faire disparaître.

Eviter la double imposition c'est transférer exclusivement le droit d'imposer à l'état source ou à l'état de résidence (méthode de l'exonération) ou encore partager le droit d'imposer entre les deux Etats (méthode de l'imputation) .

2) Choix d'une méthode de partage d'imposition

En matière de fiscalité internationale, trois interrogations déterminent la stratégie fiscale des firmes internationales :

- Qui a priorité en matière d'imposition ? C'est le problème de la source qui définira le revenu considéré comme national ou étranger ;

- Quelle est la base taxée ? Le revenu imposable d'un état sera délimité en application du principe de la mondialisation ou du principe de la territorialité ;

- Donc comment éviter la double imposition ? En partageant le droit d'imposer ou en le transférant à l'un des deux états.

La méthode de l'exonération consiste tout simplement à attribuer le droit d'imposer à l'un des deux états qui peut être soit celui de la source du revenu soit celui de la résidence du bénéficiaire.

La méthode de l'imputation consiste à autoriser les deux états à percevoir un impôt sur les revenus considérés mais en permettant au contribuable de l'état de résidence de déduire un crédit d'impôt représentatif de l'impôt payé dans l'état source . Les modalités sont variables selon qu'il s'agit d'une imputation intégrale, d'une imputation ordinaire ou d'une imputation selon un mécanisme de crédit pour l'impôt fictif. L'imputation intégrale permet de déduire la totalité de l'impôt payé dans l'état source de l'impôt du, l'imputation partielle limite le crédit d'impôt accordé dans l'état de résidence au montant de l'impôt du dans cet état sur les revenus concernés et l'imputation d'un crédit pour impôt fictif permet au contribuable de bénéficier d'un crédit d'impôt même s'il n'y a aucun impôt prélevé dans l'état source ou de bénéficier d'un crédit d'impôt supérieur au taux de droit commun. Le système de l'imputation appelle cependant trois remarques :

- l'imputation du crédit d'impôt n'est possible que si une convention le prévoit ;

- l'imputation se fait sur l'impôt dû si le revenu concerné est dans la base d'imposition ;

- et le crédit d'impôt constitue un revenu imposable pour le bénéficiaire.

D'une manière générale la méthode de l'imputation est retenue pour les revenus qui font l'objet d'une imposition limitée à la source tels les dividendes et les intérêts . Un système d'imputation cohérent (sans limitation du montant des crédits ni sans qu'ils soient différés) permet de faire en sorte que le montant total de l'impôt dû sur le bénéfice mondial est déterminé uniquement par la législation fiscale nationale. Un système d'exemption implique que le montant total de l'impôt dû puisse être réduit par le transfert de bénéfices des pays à niveau d'imposition élevé vers les pays à faible niveau d'imposition par la fixation des prix de transfert.

La limitation des crédits d'impôt peut s'appliquer aux impôts versés dans chaque pays étranger considéré isolément (limitation par pays) ou la législation fiscale peut prévoir que le montant total du crédit d'impôt ne doit pas excéder le montant total d'impôt à verser dans le cadre national sur l'ensemble des revenus des sources étrangères (limitation mondiale ou globale). Le tableau ci -après résume les différents systèmes de neutralisation applicables.

Neutralisation de la double imposition

Méthode de l'exonération Méthode de l'imputation

(= transfert de l'impôt à l'état source (= partage du droit d'imposer entre les
ou à l'état de résidence) deux états)

? exonération totale de l'état source ? imputation intégrale de l'état de résidence

? exonération totale de l'état de résidence ? imputation partielle de l'état de résidence

? exonération avec progressivité de ? imputation d'un crédit pour impôt
l'état de résidence fictif

? imputation selon la méthode du crédit d'impôt

La firme multinationale française pourra récupérer les crédits d'impôts étrangers en fonction du système de neutralisation figurant dans la convention fiscale. L'application d'un système de neutralisation est fonction du pays signataire de la convention, du pays source du revenu et de la nature du flux transféré . Si les fonds rapatriés sont des flux déductibles du revenu, la firme se trouve en présence d'un différentiel qu'elle doit gérer. Dans le contraire, les fonds rapatriés prennent la forme de dividendes est le principe d'imposition, mondial ou territorial, induit deux situations fiscales divergentes. En fonction des contraintes légales, la firme devra gérer son coût fiscal.

Source : Marie-Pierre Mairesse, « Opportunités d'arbitrage fiscal et politique de rapatriement des flux financiers des firmes multinationales françaises », pages 2 à 4

* 6 La convention fiscale entre la France et l'Argentine dispose que les bénéficies d'une entreprise d'un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'entreprise n'exerce son activité dans l'autre Etat par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. L'expression « établissement stable » désigne une installation fixe d'affaires par l'intermédiaire de laquelle une entreprise exerce tout ou partie de son activité. C'est le concept qui permet de répartir l'imposition des bénéfices des entreprises d'un Etat contractant qui exercent une activité dans un autre Etat contractant : l'établissement n'est imposable dans l'autre Etat que si son activité y est exercée par l'intermédiaire d'un établissement stable et uniquement à raison des bénéfices dégagés par celui-ci. Pour le modèle de convention de l'OCDE, l'implantation d'un établissement stable doit excéder 12 mois.

* 7 Telle que les artisans, les industriels, les commerçants et les membres des professions libérales.

* 8 L'imposition a donc lieu dans l'Etat de résidence des personnes morales sur l'ensemble de leurs revenus mondiaux, à moins que cette entreprise n'exerce son activité dans un autre Etat par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé.

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