II. LA DISPARITION DES HOUILLÈRES DE BASSIN ET LA SUPPRESSION PROGRAMMÉE DES CHARBONNAGES DE FRANCE

A. LE PACTE CHARBONNIER DE 1994 : UN RÉGIME DE GARANTIE DES DROITS SOCIAUX DANS LA PERSPECTIVE D'UN ARRÊT DE L'EXPLOITATION EN 2005

La rentabilité de l'exploitation houillère a subi, depuis les années 1960, une baisse constante sous le double effet de la diversification des sources d'énergie et de la concurrence de pays bénéficiant de conditions d'exploitation très favorables. Après avoir atteint un pic en 1958 avec 60 millions de tonnes (MT), la production française de charbon a constamment diminué depuis lors, s'élevant à 3,7 MT en 1999 pour atteindre en 2003 1,41 MT (soit 1,4 MT pour la Lorraine et 0,10 MT pour le Centre-Midi) 4 ( * ) . Anticipant sur ce mouvement, il a, par conséquent, été mis un terme au recrutement de mineurs à partir de 1986.

Prenant acte de cette évolution, le Pacte charbonnier a organisé, en 1994, la fin de l'exploitation minière et prévu un calendrier de fermeture des mines jusqu'en 2005. Celui-ci a été établi et respecté en tenant compte des dimensions sociales, économiques et techniques de l'exploitation. Ainsi la fermeture de la mine de Gardanne, prévue initialement fin 2005, a été avancée à 2003, en raison notamment de difficultés d'exploitation croissantes. Seule la mine de La Houve reste aujourd'hui encore en activité. En outre, l'exploitation de la potasse , engagée il y aura bientôt cent ans, a également vu sa situation concurrentielle compromise à partir de 1960. C'est pourquoi, un accord-cadre a défini, en 1996, les modalités de l'arrêt de son exploitation, devenu effectif en 2002. Quant à l'extraction de minerai d'uranium , elle a été progressivement stoppée à partir de 1991, la dernière mine en activité étant fermée en mai 2001.

Tirant les conséquences de cet arrêt progressif, le Pacte charbonnier a créé un dispositif pour garantir l'emploi des agents des Charbonnages de France et des Houillères de bassin . De ce fait, d'ici à la fin de l'extraction charbonnière 5 ( * ) tout agent de Charbonnages de France poursuit sa carrière dans le groupe jusqu'à ce qu'il relève d'une « mesure d'âge ». La plus importante de ces mesures est le congé charbonnier de fin de carrière (CCFC) , dont les agents peuvent bénéficier à partir de 45 ans, dès lors qu'ils ont une ancienneté égale ou supérieure à 25 ans. L'agent qui choisit ce statut est dispensé d'activité tout en restant inscrit à l'effectif et en conservant les droits et obligations correspondants. Il bénéficie d'une garantie à hauteur de 80 % de son salaire net antérieur. Le protocole signé le 11 février 2003 a complété le régime des congés charbonniers de fin de carrière, en créant, pour les mineurs âgés de 43 à 45 ans une « dispense préalable d'activité » qui leur assure 85 % de leur salaire antérieur.

B. LA DISPARITION PROGRAMMÉE DES EXPLOITANTS ET DE CHARBONNAGES DE FRANCE, SOURCE DE QUESTIONS CRUCIALES POUR LES ZONES MINIÈRES

L'organisation actuelle du groupe Charbonnages de France, consacrée par la loi du 17 mai 1946 portant nationalisation des combustibles minéraux solides, est spécifique puisqu'elle repose sur trois établissements publics distincts. La loi de 1946 et le décret du 4 septembre 1959 ont, en effet, créé une catégorie d'établissement public particulière, articulée autour d'un établissement central et d'établissements locaux de production.

Or cette structure « fédérative » , complexe, a progressivement perdu sa justification, en raison du regroupement et de la suppression progressive de ces établissements. Ainsi en 1946, le groupe comptait neuf houillères de bassin constituées sous la forme d'établissements publics industriels et commerciaux (EPIC). Après le regroupement , en 1968 , de sept houillères de bassin en une seule houillère, les Houillères de bassin du Centre et du Midi , les Houillères du bassin du Nord et du Pas-de-Calais ont été dissoutes en 1992 , et leurs droits, biens et obligations repris par les Charbonnages de France.

Le groupe Charbonnages de France ne comprend donc plus aujourd'hui que trois EPIC distincts . L'établissement public central , dénommé « Charbonnages de France » , est chargé des fonctions de direction, de coordination et de contrôle, de la gestion financière de l'ensemble du dispositif et de la gestion des relations sociales intéressant l'ensemble des personnels. Les Houillères du bassin de Lorraine (HBL) et les Houillères de bassin du Centre et du Midi (HBCM) exercent les activités de production, d'exploitation et de vente. L'extraction de charbon se concentre aujourd'hui sur une seule mine, celle de la Houve, l'activité de carbonisation à Carling constituant l'autre volet de l'activité industrielle des HBL. L'ensemble des trois EPIC comprend, en 2002, 6.328 agents .

Outre ces trois établissements, Charbonnages de France conserve notamment des participations dans la SNET , société anonyme de production d'électricité , créée le 1 er janvier 1995, holding des activités électriques du groupe CdF qui s'est progressivement désengagé de ses filiales, pour ne plus conserver, à terme, une participation que dans sa filiale financière SOFIREM.

Au terme de ce processus, Charbonnages de France apparaît comme une structure complexe et surdimensionnée au regard des effectifs gérés et de l'évolution prévisible de son activité. Le rapport de la Cour des Comptes de 2000 relatif à la fin des activités minières soulignait ainsi à juste titre que : « la taille actuelle de l'entreprise et ses perspectives d'évolution ne justifient plus l'existence d'une organisation aussi complexe, qui constitue un obstacle à la mise en oeuvre des décisions de gestion 6 ( * ) ». Ce constat plaide donc pour la recherche d'une simplification des structures et du fonctionnement du groupe, pour des raisons évidentes de rationalisation et de bonne gestion des deniers publics.

* 4 D'après les informations communiquées par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.

* 5 Les protocoles d'application du Pacte sur les mesures d'âge, la mobilité géographique et professionnelle, les déroulements de carrière et la formation professionnelle, ont été signés en 1995.

* 6 Rapport de la Cour des comptes au Président de la République de décembre 2000 relatif à la fin des activités minières, p. 40.

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