N° 210

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2003-2004

Annexe au procès-verbal de la séance du 11 février 2004

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires sociales (1):

- sur le projet de loi pour l' égalité des droits et des chances , la participation et la citoyenneté des personnes handicapées ,

et

- sur la proposition de loi de MM. Nicolas ABOUT, Paul BLANC et Mme Sylvie DESMARESCAUX rénovant la politique de compensation du handicap ,

Par M. Paul BLANC,

Sénateur

Tome II :

Auditions et Tableau comparatif

(1) Cette commission est composée de : M. Nicolas About, président ; MM. Alain Gournac, Louis Souvet, Gilbert Chabroux, Jean-Louis Lorrain, Roland Muzeau, Georges Mouly, vice-présidents ; M. Paul Blanc, Mmes Annick Bocandé, Claire-Lise Campion, M. Jean-Marc Juilhard, secrétaires ; MM. Henri d'Attilio, Gilbert Barbier, Joël Billard, Mme Brigitte Bout, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Jean Chérioux, Mme Michelle Demessine, M. Gérard Dériot, Mme Sylvie Desmarescaux, MM. Claude Domeizel, Michel Esneu, Jean-Claude Étienne, Guy Fischer, Jean-Pierre Fourcade, Serge Franchis, André Geoffroy, Francis Giraud, Jean-Pierre Godefroy, Mme Françoise Henneron, MM. Yves Krattinger, Philippe Labeyrie, Roger Lagorsse, André Lardeux, Dominique Larifla, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Mmes Valérie Létard, Nelly Olin, Anne-Marie Payet, M. André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt, Gérard Roujas, Mmes Janine Rozier, Michèle San Vicente, MM. Bernard Seillier, André Vantomme, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vézinhet.

Voir les numéros :

Sénat : 287 (2002-2003), 183 (2003-2004)

Personnes handicapées.

AUDITIONS

I. AUDITION DE MME MARIE-THÉRÈSE BOISSEAU, SECRÉTAIRE D'ÉTAT AUX PERSONNES HANDICAPÉES, LES MERCREDI 28 JANVIER ET MARDI 3 FÉVRIER 2004

M. Nicolas ABOUT, président - Nous accueillons Mme la ministre, qui va nous présenter les principales dispositions du projet de loi sur l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Il s'agit d'un sujet très important et chacun se rappellera de la part que le Sénat a prise dans le cadre de l'arrêt Perruche et des engagements qu'il a pris dans ce dossier.

Après avoir travaillé considérablement, nous sommes heureux de constater que le texte a été déposé par le Gouvernement et qu'il a été abordé ce matin en conseil des ministres. Nous sommes également heureux de constater que le Président de la République l'a érigé au rang de priorité nationale.

C'est donc un moment important que celui de vous accueillir, afin de débattre avec vous sur le projet que vous avez défendu ce matin. Si vous le souhaitez, vous pouvez nous présenter le projet de loi et ensuite, le rapporteur et les commissaires vous interrogeront.

Madame la ministre, je vous cède la parole.

Mme Marie-Thérèse BOISSEAU, secrétaire d'État aux personnes handicapées - Je vous remercie, monsieur le président.

Mesdames et messieurs les sénateurs, mesdames et messieurs, c'est effectivement un moment important, que celui de la présentation d'un projet de loi sur les personnes handicapées, trente ans après la loi fondatrice de 1975, qui avait largement contribué à une meilleure prise en compte des personnes handicapées dans notre société. L'impact de cette loi de 1975 avait été, de l'avis unanime, déterminant. Mais en près de trente ans, les esprits ont mûri et les attentes sont autres et une nouvelle étape dans la reconnaissance de la personne handicapée doit être franchie. Puisse-t-elle être la dernière ; ce n'est peut-être qu'un rêve, mais il représente, à tout le moins, un souhait très profond.

Certes, le temps n'est plus celui où l'on cachait le handicap. Mais notre société hésite encore souvent entre le rejet et la compassion. Trop de nos concitoyens handicapés se sentent laissés pour compte, abandonnés à des situations douloureuses, voire insupportables, ou a contrario , embrigadés dans des modes, des rythmes de vie qu'on a choisis pour eux et qui ne leur ressemblent pas.

Nous avons le devoir de répondre positivement aux aspirations, à la fois de ceux qui réclament plus d'autonomie et de ceux qui ont besoin d'être soutenus et accompagnés quotidiennement, tout au long de leur vie.

L'ensemble de ces problèmes touche, peu ou prou, 10 % de la population. Tenter d'y remédier est donc un enjeu majeur de cohésion sociale, que ce gouvernement a choisi d'élever au rang de ses priorités nationales, au coeur du pacte républicain.

Ce projet de loi, qui vous est présenté aujourd'hui, est le fruit de dix-huit mois de travaux, qui ont mobilisé de nombreux ministères, des élus nationaux et locaux, les associations représentant les personnes handicapées, les partenaires sociaux, les organismes de protection sociale et de recherche, mais aussi l'ensemble de la société civile, au travers de multiples rencontres sur le terrain, de débats, de consultations organisées par les préfets et des nombreuses manifestations de l'année européenne des personnes handicapées. Le dialogue, entre les différents partis, a été particulièrement riche et exemplaire, même s'il n'a pas toujours été facile.

Je voudrais rendre un hommage particulier au Sénat, pour son investissement dans cette grande cause et le remercier très chaleureusement pour le travail qu'il a fourni : une première fois, au travers du rapport d'information de M. Paul Blanc, qui a été publié en 2002 ; une deuxième fois, avec la proposition de loi que votre président, M. Nicolas About et votre rapporteur, M. Paul Blanc ont rapportée. Ces travaux, mesdames et messieurs les sénateurs, ont contribué un apport non négligeable à notre réflexion. Je suis convaincue qu'ils nous aideront à améliorer encore le texte, tout au long du débat parlementaire.

Le projet de loi que je vous présente est sous-tendu à chaque pas, par le souci de la dignité de toute personne handicapée et de la conviction qu'elle porte en elle des richesses singulières, quel que soit le handicap, qu'il ne s'agit à aucun moment de nier, mais de toujours reconnaître dans sa diversité et dans sa complexité. Nous avons le devoir d'accueillir toute personne handicapée pour ce qu'elle est et de faciliter son insertion et sa participation à la vie en société, en l'aidant à développer ses potentialités et ses richesses.

Il s'agit tout à la fois, de permettre effectivement à ceux qui le peuvent de vivre pleinement dans la cité, et aux plus vulnérables, aux plus fragiles, d'être protégés, sécurisés, sans renoncer jamais, à les écouter, à les entendre, et à les aider à exprimer leurs besoins avant de tenter de les satisfaire. Ce souci d'équilibre est constant : tout au long de l'élaboration de ce projet de loi, il a été présent. Je pense notamment aux avancées qui sont proposées en matière d'accessibilité dans tous les domaines, mais aussi à celles qui concernent la protection juridique pour les plus démunis, comme la reconnaissance des groupes d'entraide mutuelle pour les personnes handicapées psychiques.

Le principe sous-jacent est, bien évidemment, celui de la non-discrimination et de l'accès systématique des personnes handicapées au droit commun, éventuellement complété par des dispositifs spécifiques, lorsque cela est nécessaire. L'instauration d'une prestation de compensation, un des points essentiels de cette loi, procède de cette même volonté, puisqu'elle tend à réduire les charges spécifiques qui pèsent sur les personnes handicapées et surtout, à leur permettre d'exprimer leurs aptitudes et leur potentialité.

Cette logique conduit tout naturellement, à placer la personne handicapée au coeur des dispositifs la concernant. Jusqu'à présent, les instances administratives chargées d'évaluer le handicap et d'orienter la personne handicapée, faute parfois de moyens humains, statuent, trop souvent, sur des dossiers. Désormais, la personne handicapée, quelle qu'elle soit, est reconnue comme une personne à part entière et les choix qui la concernent sont des choix partagés, au moins par les familles, et non plus des décisions subies. C'est un défi difficile à relever, mais nous n'avons pas le choix. C'est un devoir.

L'évaluation du handicap, notamment, est personnalisée. La personne peut exprimer, devant une équipe médico-sociale pluridisciplinaire, ses aspirations et son projet de vie, ses désaccords aussi, accompagnée, selon les cas, par sa famille ou par son représentant légal.

Il signe la fin de la logique d'assistance qui sous-tendait la loi de 1975 et il marque un tournant dans l'approche que notre société doit avoir des personnes handicapées, auxquelles ces dernières, je n'en doute pas, seront très sensibles.

Ce projet de loi s'inscrit dans une perspective de protection sociale étendue, au travers de droits indiscutables qui ne sauraient faire l'objet de tractations ni avec la personne handicapée, ni avec sa famille. La création de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, qui financera le droit à la compensation, incarne bien ce nouvel état d'esprit, dans une logique de protection sociale, ce qui est à souligner, et non plus d'aide sociale.

La loi réaffirme et renforce une autre obligation, qui est celle de l'accessibilité au sens large du terme. En la matière, la prise en compte des besoins des personnes handicapées motrices, sensorielles, mentales et psychiques doit être un impératif démocratique. On reproche souvent à la France d'être en retard dans ce domaine et par rapport à d'autres pays, ce qui est relatif.

Il est exact que nous n'avons pas toujours produit les efforts nécessaires pour rendre notre société accueillante pour les personnes handicapées. Il est exact aussi, que toutes les dispositions de la loi de 1975 à ce sujet, restent à ce jour inappliquées. Des faits viennent nous le rappeler quotidiennement et tristement, qu'il s'agisse de l'accessibilité des personnes handicapées aux transports, aux lieux publics ou privés, à l'école, aux sports, à l'emploi, à la justice ou à la culture, cette liste n'étant pas exhaustive.

L'accessibilité se mesure à la qualité d'usage, mais aussi à l'absence de rupture dans la chaîne de déplacement, élément essentiel de la vie de la personne handicapée. Ses facultés d'adaptation sont, par définition, moindres que celles d'une personne valide, qu'il s'agisse de déplacements dans la cité, de parcours scolaires ou d'activités professionnelles ou sociales. Il faut donc assurer, à tous les niveaux, la continuité. La notion d'accessibilité évoluera constamment et inéluctablement, du fait de la dématérialisation accélérée des procédures administratives, mais aussi, par certains aspects, de la scolarisation et de la vie professionnelle. Quoi qu'il en soit, l'accessibilité sous toutes ses formes restera toujours, avec la compensation, un élément majeur de l'intégration.

Les partenaires se retrouveront, notamment, au sein de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées, qui réunira la commission départementale d'éducation spéciale, la commission technique d'orientation et de reclassement professionnel et les « sites pour la vie autonome ». Ce regroupement permettra, entre autres, d'éviter les dysfonctionnements lors du passage de l'enfance à l'âge adulte et il facilitera les prises de position adéquates. Il permettra une rénovation profonde des procédures.

Le projet de loi ne se contente pas d'affirmer des droits nouveaux ou de rendre plus effectif ce qui existait. Le projet de loi a l'ambition d'humaniser les procédures, de mettre fin au parcours du combattant que trop de personnes handicapées connaissaient, et il prend en compte leurs familles, pour faire valoir leurs droits ou, tout simplement, pour qu'elles puissent demander de l'aide.

Accueil, écoute, information, conseil, évaluation, orientation, médiation et suivi des décisions, telles sont les missions confiées à la « maison départementale des personnes handicapées », interlocuteur unique de l'intéressé et de sa famille et interlocuteur reconnu, comme l'est l'ANPE pour les personnes qui sont à la recherche d'un emploi. Cette identification rapide est essentielle, dans la mesure où le handicap survient toujours de façon brutale, qu'il s'agisse d'un handicap de naissance ou d'un handicap survenu à la suite d'un accident. Il s'agit d'aller vite et de répondre efficacement, dans un souci de proximité.

La nouvelle législation souhaite mobiliser l'ensemble des partenaires de proximité dans ses instances rénovées, les services sociaux des conseils généraux, les services déconcentrés de l'État, les organismes de sécurité sociale, les centres communaux d'action sociale, les « sites pour la vie autonome », les mutuelles ou encore les services publics ou spécialisés de l'emploi. Finalement, tout ce qui a trait au handicap de près ou de loin, doit se retrouver dans une même instance, afin de conjuguer les efforts et faire en sorte que les décisions qui sont prises, soient les plus efficaces possible.

Le pilotage de ce nouveau dispositif reste à préciser, ce qui n'est pas, en soi, satisfaisant. Mais vous savez que ce sujet fait actuellement l'objet d'une réflexion qui a été confiée à MM. Briet et Jamet, dans le cadre de la mise en place de la caisse nationale de la solidarité pour l'autonomie, décidée par le Premier ministre, le 6 novembre dernier.

Je ne doute pas que vous serez attentifs à ce souci de proximité, de simplification, de clarification des compétences et d'efficacité des services rendus, que nous partageons tous. Quelles que soient les orientations retenues par la mission Briet et Jamet, je souhaite affirmer, de nouveau, que l'État restera le garant de la politique en matière de handicap, et de l'égalité de traitement de nos concitoyens handicapés, au travers, mais pas uniquement, des fonctions qui seront celles de la caisse nationale de la solidarité pour l'autonomie.

Vigilante en matière d'égalité de traitement sur l'ensemble du territoire, l'instance nationale qui sera choisie devra, par ailleurs, assurer l'harmonisation des aides techniques, attester de leur qualité et tenir son rôle en matière de recherche.

A mes yeux, il s'agit d'un projet novateur, comportant des avancées nombreuses et majeures pour les personnes handicapées. Avant de répondre à vos questions, mesdames et messieurs les sénateurs, je souhaiterais en dresser une liste, qui ne sera pas exhaustive, mais significative.

Pour la première fois, le handicap psychique est pris en considération, au même titre que les autres handicaps. Ce sont, du même coup, plus de 600.000 personnes, aujourd'hui le plus souvent laissées pour compte, qui sont reconnues et qui se trouvent davantage motivées pour trouver les réponses appropriées à leurs besoins.

Pour la première fois aussi, les personnes handicapées bénéficieront des moyens financiers de faire face aux dépenses supplémentaires qui sont engendrées par le handicap. En effet, la prestation de compensation couvre l'ensemble des aides possibles, comme les aides humaines, les aides techniques, les aides à un éventuel aménagement du logement ou des aides destinées à faire face à des handicaps bien précis. Le Gouvernement a prévu le financement de la compensation avant même le vote de la loi, en créant la caisse nationale de la solidarité pour l'autonomie, qui sera alimentée, vous le savez, à hauteur de 0,3 % par les entreprises dont les salariés travailleront un jour supplémentaire par an, mais également à hauteur d'un taux de prélèvement de 0,3 % sur les revenus du capital. Le budget consacré aux personnes handicapées s'élèvera à 850 millions d'euros par an, à partir de 2005.

Je vous rappelle que les bénéfices du jour férié travaillé s'élèveraient à environ 2,1 milliards d'euros, ce qui permettrait de financer l'APA à hauteur de 400 millions d'euros, et de 1,7 milliard d'euros les aides aux personnes handicapées. Jamais un effort financier d'une telle ampleur n'avait été produit en une seule année et sur le long terme, puisqu'il portera sur une durée de quatre ans, à partir de 2005.

Pour la première fois encore, mesdames et messieurs les sénateurs, la place des « aidants » familiaux est reconnue dans le cadre des aides humaines. La personne handicapée qui reçoit l'assistance de son conjoint pourra le dédommager, dans la mesure où il aura partiellement ou totalement cessé de travailler, pour assurer les fonctions de tierce personne.

Pour la première fois aussi, les obligations en matière d'accessibilité du cadre bâti neuf sont étendues à toutes les constructions neuves, qu'elles soient collectives ou individuelles. Dans ce dernier cas seulement, des possibilités de dérogations, qui seront motivées et donc exceptionnelles, peuvent être obtenues dans des conditions très précises. M. Jean-Louis Borloo affirmait ce matin même, que dans la mesure où l'accessibilité est conçue avant même la construction, le surcoût ne représente que 0,2 % environ, ce qui est finalement très négligeable. Nous avons donc besoin d'un changement de mentalité et d'une préparation des architectes à la conception de l'accessibilité des personnes handicapées. En outre, M. Jean-Jacques Aillagon est très sensible à cette question et une formation sur les handicaps sera dispensée obligatoirement dans les écoles d'architecture, dès la rentrée prochaine.

Les contrôles seront renforcés, afin que ces obligations soient effectives. Des sanctions précises sont prévues, ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent.

La loi prévoit par ailleurs, la mise en accessibilité de l'existant dans des délais précisés par voie réglementaire, en fonction de la nature du bâtiment et des prestations qui sont attendues par les personnes handicapées, et aussi en fonction des études d'impact qui accompagneront la préparation des décrets.

En ce qui concerne les transports, ils disposeront d'un délai de six ans, à compter de l'entrée en vigueur de la loi, pour devenir accessibles.

Pour la première fois encore, les parents d'enfants handicapés pourront faire valoir une demande d'inscription dans l'école la plus proche de leur domicile et je citerai le texte même du projet de loi :

« Les enfants sont inscrits et reçoivent cette formation dans l'école ou l'établissement d'enseignement public ou privé sous contrat, au besoin dans le cadre de dispositifs adaptés, le plus proche de leur domicile ».

L'expression « au besoin » a été introduite, pour que la décision de non-inscription dans le milieu ordinaire, voire dans un le cadre d'un dispositif adapté soit, désormais, expressément motivée. Les moyens nécessaires au suivi de la scolarité de l'enfant handicapé sont proposés, après l'établissement d'un projet individuel pour l'enfant, avec la participation de ses parents. Ce projet pourra conclure à une scolarité en milieu ordinaire individuel ou collectif, ou à un accueil dans un établissement médico-éducatif. Ces décisions sont révisables à tout moment.

Avec le ministre de l'éducation nationale, notre volonté politique, au sens noble du terme, est de tout entreprendre pour qu'un maximum d'enfants puisse bénéficier d'une scolarité ordinaire, ce qui libèrera des places dans les établissements spécialisés, pour les enfants plus lourdement handicapés, dont un nombre important d'entre eux reste, aujourd'hui, à l'entière charge de leur famille.

Pour la première fois aussi, la loi affirme la nécessaire continuité du parcours de formation et la complémentarité souhaitable entre d'une part, la pédagogie et d'autre part, les interventions éducatives et de rééducation. L'abandon du terme « éducation spéciale » est significatif. Il exprime la volonté d'intégrer à l'école et dans la cité le maximum d'enfants handicapés, dès leur plus jeune âge. Le texte témoigne également, tout au long du parcours, d'une attention particulière envers les étudiants handicapés. Mieux, la loi garantit l'obligation d'accueil des étudiants handicapés en université. Enfin, je mentionne la possibilité, pour les parents, d'envoyer leurs enfants à l'école dès l'école maternelle.

Le projet de loi insiste aussi sur la responsabilité des établissements médico-éducatifs et leurs obligations d'accueil des enfants les plus lourdement handicapés.

Pour la première fois, les trois fonctions publiques, dans la mesure où elles n'atteindront pas le quota de 6 %, comme les entreprises privées, devront verser une contribution à un fonds spécifique unique qui servira à l'insertion des personnes handicapées dans le secteur public, à l'instar de ce qui existe dans le secteur privé, avec l'AGEFIPH. Comme cette dernière, ce fonds public financera des formations spécifiques, des aménagements de poste de travail, des moyens de transport pour les déplacements entre le domicile et le lieu de travail.

Dans le domaine de l'emploi, au-delà de la création d'un fonds commun pour l'ensemble de la fonction publique, des mesures nouvelles seront prises, à la fois pour développer le travail des personnes handicapées en milieu ordinaire, et mieux valoriser leur travail en milieu protégé. Des négociations collectives de branche tous les trois ans et d'entreprise tous les ans placeront l'emploi des personnes handicapées au coeur du dialogue social. Les entreprises qui embauchent des handicapés en situation de chômage de longue durée ou qui suivent une formation professionnelle, seront encouragées. A l'inverse, celles qui ne consentent à aucun effort en matière de recrutement seront sanctionnées plus sévèrement qu'auparavant.

Par ailleurs, la loi consacre la transformation des ateliers protégés en entreprises adaptées, leur reconnaissant ainsi une place spécifique, mais entière, dans le milieu de travail ordinaire. Parallèlement, la loi réaffirme l'utilité du travail en milieu protégé, pour certaines personnes qui ne peuvent pas travailler en milieu ordinaire. Le travail en milieu protégé doit pouvoir constituer, dans certains cas, un refuge ou un tremplin vers le milieu ordinaire, ce qui oblige à proposer des réponses souples, évolutives dans l'espace et dans le temps, adaptées à la personnalité et aux capacités de chaque travailleur handicapé. Ces allers et venues ne pourront avoir lieu que si des passerelles sont établies entre les milieux ordinaires et protégés de travail. Le droit au retour en centre d'aide par le travail, en cas de difficulté en milieu de travail ordinaire, sera garanti.

Le statut et la vocation médico-sociale des centres d'aide par le travail (CAT) sont réaffirmés, ce qui n'est pas antinomique avec une reconnaissance du droit des personnes qui y travaillent. Ces dernières peuvent accéder à la formation professionnelle, valider les acquis de l'expérience, prendre des congés, bénéficier de l'allocation parentale d'éducation et mieux, cumuler les ressources provenant de l'activité, avec l'allocation aux adultes handicapés (AAH), grâce à un système d'abattement beaucoup plus favorable. Les activités à temps partiel, qui sont faiblement rémunérées, sont ainsi encouragées.

Ce projet de loi, par ailleurs, éloigne des familles pour la première fois, de toute perspective de retour sur succession, dès lors que la personne handicapée bénéficie de la prestation de compensation ou qu'elle est accueillie en établissement. C'est une preuve de plus que les personnes handicapées ont quitté le champ de l'assistance sociale pour rejoindre clairement celui de protection sociale.

Au-delà de ces priorités, le projet de loi comprend un titre qui est consacré aux compétences professionnelles, afin, dans un souci de démarche de qualité, d'améliorer les prestations offertes pour certains métiers relatifs à l'appareillage, à l'interprétariat en langue des signes française ou en langage codé, parlé et complété.

Dans les derniers articles de la loi, sont proposées un certain nombre de dispositions secondes et non pas secondaires, comme l'élaboration de conventions pour faciliter l'intervention souhaitable et souhaitée des bénévoles, ou la possibilité pour les associations, de défendre ou d'assister les personnes handicapées qui seraient victimes de crimes ou de délits. Ces possibilités s'inscrivent dans le droit-fil des propositions que le Sénat avait suggérées dans son rapport sur la maltraitance.

Je citerai enfin, l'extension de la réduction d'impôt afférente au contrat de rente survie, ou la suppression de la commission départementale des travailleurs handicapés, mutilés de guerre et assimilés.

Mesdames et messieurs les sénateurs, j'ai conscience d'avoir été un peu longue et je vous remercie pour votre attention. A ma décharge, l'exposé que je viens de faire touche à de très nombreux domaines, preuve, s'il en était, que l'intégration des personnes handicapées est un chantier vaste et complexe, auquel beaucoup d'artisans se sont attelés et s'attèleront encore, pour qu'il avance de façon significative.

Ce projet de loi modifie six codes différents. Je suis convaincue que ce texte offre aux personnes handicapées des perspectives nouvelles importantes, qui leur permettront, selon le voeu du Président de la République, d'être des membres plus actifs de la société française.

Par ailleurs, j'ai pleinement conscience du travail qui reste à accomplir, d'abord parce que tout projet législatif n'est qu'une oeuvre humaine et qu'elle est donc perfectible, mais aussi parce que celui-ci, tout particulièrement, doit être complété par des amendements qui tiendront notamment compte des conclusions de la mission Briet-Jamet.

Le projet de loi fera ensuite l'objet de très nombreux décrets, puisque les sujets qui sont évoqués sont extrêmement nombreux et parce que nous avons le souci de délimiter ce qui relève du domaine législatif et ce qui relève du domaine réglementaire. Je sais que les sénateurs sont particulièrement sensibles et qu'ils nous aideront dans ce sens. Ces décrets d'application seront préparés et ils paraîtront dans l'année, dans la mesure où nous avons l'obligation de mettre cette loi en application à partir du 1 er janvier 2005. Je compte beaucoup sur la participation des uns et des autres, afin d'élaborer ces décrets.

Pour l'heure, nous nous situons dans la phase de présentation de la loi. Dès cet instant, j'attends beaucoup de votre collaboration et de votre critique constructive. Il s'agit d'un sujet noble, qui mérite que nous nous y attelions de manière digne et respectueuse.

D'avance, je vous en remercie.

M. le PRÉSIDENT - Madame la ministre, je vous remercie. Nous nous efforcerons de ne point vous décevoir.

Vous avez évoqué les décrets, or il me semble nécessaire que la loi en fixe les limites, pour qu'elle conserve tout son sens. En effet, les années passées ont montré que de nombreux textes n'ont pas été traduits au niveau réglementaire, ou que des textes originaux pouvaient être dénaturés par leurs décrets d'application.

Je sais que nous pouvons faire confiance au Gouvernement, au Premier ministre et au Président de la République, qui ont élevé l'égalité des droits des personnes handicapées au rang de priorité nationale. En outre, nous souhaitons que le Parlement puisse jouer pleinement son rôle sur ce dossier si sensible.

La parole est attribuée à M. le rapporteur.

M. Paul BLANC, rapporteur - Je vous remercie, madame la ministre pour l'exposé très complet que vous avez présenté. Je vous poserai un certain nombre de questions sur le projet de loi, afin de préciser certains éléments.

D'abord, la création d'une prestation de compensation est un progrès incontestable. Certains de ses aspects restent cependant à préciser. Le projet de loi prévoit de prendre en compte les ressources des bénéficiaires : ces ressources conditionneront-elles l'accès à la prestation ou simplement son montant ? Le montant total du plan de compensation sera-t-il lui-même plafonné ?

Pourquoi exclure, a priori, le versement de la prestation de compensation pour les personnes handicapées accueillies en établissement social ou médico-social ?

Ensuite, le projet de loi est peu précis quant à la procédure applicable aux aides autres qu'humaines. Selon quelle procédure seront-elles prises en charge, dans le cadre de la prestation de compensation ?

Etes-vous en mesure, enfin, de préciser ce qu'est l'évaluation du coût de cette nouvelle prestation, tant pour l'État que pour les départements, dans la mesure où cette prestation sera vraisemblablement servie par les départements ?

Mme Marie-Thérèse BOISSEAU, secrétaire d'État aux personnes handicapées - La prestation de compensation est une prestation de protection sociale universelle. Elle n'est donc soumise à aucune condition de ressource et elle n'exclut aucune personne handicapée a priori . En revanche, cela ne signifie pas que la totalité des dépenses liées à cette prestation soient couvertes intégralement. Comme l'article L. 245-4 du projet de loi l'indique, il y aura des taux de prise en charge et des montants plafonds qui ne pourront pas être dépassés. En effet, il nous est paru anormal de faire payer à la collectivité un coût supérieur au coût d'un accueil de la personne handicapée en établissement spécialisé. Ces taux ou ces montants varieront en fonction de la nature des aides et des ressources des bénéficiaires.

En ce qui concerne les ressources, nous ferons en sorte que la solidarité nationale s'exerce de prime abord, en faveur des personnes les moins favorisées. Par exemple, nous ne traiterons pas de la même manière une personne désirant acquérir du matériel informatique et qui perçoit des revenus, qu'une personne qui présente le besoin crucial d'un ordinateur, mais qui ne perçoit aucun revenu. La participation à l'achat de ce matériel ne sera donc pas la même.

En ce qui concerne le versement de la prestation de compensation pour les personnes handicapées qui séjournent dans des établissements sociaux ou médico-sociaux, je rappelle que le droit à la prestation de compensation est prévu pour les personnes handicapées en établissement, mais qu'il est organisé différemment. La loi prévoit que le paiement de la prestation de compensation pourra être suspendu totalement ou partiellement, en cas d'hospitalisation ou d'hébergement, selon l'article L. 245-9. La prestation de compensation a pour objet de couvrir les surcoûts qui sont liés aux handicaps dans la vie quotidienne. Or les personnes handicapées qui sont accueillies en établissement social ou médico-social sont exonérées de fait des charges de la vie quotidienne.

Enfin, les associations ont souhaité intégrer les établissements dans la prestation de compensation, au titre de la compensation collective. Il faut donc en tirer les conséquences et finalement, le fait que la même personne bénéficie de deux compensations dans des conditions identiques à celle qui vit chez elle, paraît illogique. Par contre, en cas d'accueil à temps partiel ou à titre temporaire, il conviendra d'en tenir compte pour le calcul du montant de la prestation de compensation.

Au sujet des procédures applicables aux aides autres qu'humaines et de leur prise en charge dans le cadre de la prestation de compensation, je souligne que la prestation de compensation comprendra quatre types d'aides : les aides humaines, les aides techniques, les aides éventuelles au logement pour améliorer son accessibilité et les aides spécifiques, comme les clubs des centres d'accueil pour les personnes handicapées au niveau psychique, ou encore les couches pour les personnes incontinentes.

Certaines de ces aides font l'objet de dépenses régulières, comme les aides humaines. D'autres aides ont un caractère plus ponctuel, comme l'aide pour l'aménagement d'un logement. Les modalités de leur attribution sont différentes et comme vous l'avez préconisé vous-même, monsieur le rapporteur, certaines pourront faire l'objet d'un versement en capital, alors que d'autres pourront être mensualisées.

S'agissant des aides techniques, deux scénarios sont possibles.

Premièrement, les aides techniques sont remboursées par la sécurité sociale et les améliorations se font dans ce cadre. La prestation de compensation vise alors à minorer, voire à annuler le restant à charge pour la personne, selon le type d'aide. Par exemple, le restant à charge après l'acquisition d'un fauteuil électrique, est très élevé.

Deuxièmement, il est décidé d'élargir le périmètre des compétences de la caisse à la totalité des aides techniques existantes, comme le préconise la mission Briet-Jamet. Cela conduirait nécessairement à se poser les questions relatives au remboursement, de manière différente.

En ce qui concerne l'aide au logement, le décideur prendra connaissance des préconisations établies par l'équipe pluridisciplinaire au sein de la « maison départementale du handicap » et il établira un niveau de prise en charge, qui déterminera le montant des dépenses prises en charge. Ce niveau sera établi en fonction des conventions qui seraient passées au niveau national avec les différents partenaires, comme l'agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH). Je rappelle que l'objectif est de réduire le reste demeurant à la charge des intéressés.

Enfin, en ce qui concerne les aides spécifiques, un forfait mensuel sera attribué à la personne et il pourra varier en fonction de la nature de la dépense, comme des frais d'incontinence ou des piles pour équiper les appareils auditifs, qui coûtent extrêmement cher et dont la charge restante incombe aujourd'hui à la personne handicapée.

Enfin, au sujet de l'évaluation du coût global de la nouvelle prestation, la situation actuelle est connue. S'agissant des aides humaines, l'allocation compensatrice pour l'aide d'une tierce personne (ACTP), qui est un droit ouvert sous conditions de ressources, bénéficie aujourd'hui à plus de 90.000 personnes. Or le nombre de bénéficiaires de l'ACTP est relativement stable depuis plusieurs années. De plus, nous connaissons, grâce à la politique de soutien aux personnes qui sont très lourdement handicapées, de mieux en mieux le nombre de personnes qui nécessitent une veille de plus de 12 heures par jour, soit entre 3.000 et 4.000 personnes. Pour ce qui concerne les aides techniques, nous disposons du rapport du Professeur Leconte, qui a été remis en mars 2004, aux termes duquel si nous financions la totalité des aides techniques disponibles sur le marché, le surcoût s'élèverait à 700 millions d'euros. Enfin, nous savons que le fonctionnement des « sites pour la vie autonome » mobilise environ 30 millions d'euros pour l'État.

C'est sur cette base que le montant pris en compte par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) a été prévu. Il reste à déterminer les sommes affectées à chaque élément de la prestation de compensation, ce qui sera effectué dans le courant de l'année 2004.

L'ajustement de la prestation de compensation s'effectuera sur ces bases, sans transfert de charges aux départements. Ces 850 millions d'euros s'ajoutent aux 50 millions d'euros, qui sont déjà financés par l'État au titre des auxiliaires de vie et aux 30 millions d'euros, au titre des sites pour la vie autonome (SVA).

M. Paul BLANC, rapporteur - J'ai pu remarquer la satisfaction d'André Lardeux, à la suite des paroles que vous avez prononcées.

Par ailleurs, la prestation de compensation s'insère dans un ensemble déjà riche de prestations destinées aux personnes handicapées. Leur articulation mérite à l'évidence d'être clarifiée. Se pose notamment la question de l'allocation aux adultes handicapés.

Avec la création de la prestation de compensation, l'AAH ne se justifie plus qu'en tant que minimum social pour des personnes handicapées dans l'incapacité de travailler. Il est donc légitime d'en encadrer le cumul avec des revenus tirés d'une activité professionnelle. Pourquoi, dès lors, réserver un sort particulier aux revenus des travailleurs de CAT ?

Plus fondamentalement, si les conséquences du handicap sont désormais correctement compensées, pourquoi maintenir un minimum social spécifique aux personnes handicapées ?

Mme Marie-Thérèse BOISSEAU, secrétaire d'État aux personnes handicapées - Monsieur le président et monsieur le rapporteur, si vous me le permettez, je commencerai par répondre sur le sort qui est réservé aux ressources des personnes handicapées. Dans votre rapport et dans votre proposition de loi, le Sénat abordait ce sujet, en estimant que si nous instaurions une prestation de compensation, il n'y avait plus lieu de maintenir un minimum spécifique pour les personnes handicapées. Cette question est légitime, mais nos réponses sont divergentes.

Nous avons estimé, en effet, qu'il était légitime de maintenir une allocation spécifique pour les personnes handicapées. C'est la raison pour laquelle nous proposons de laisser intacte l'AAH. Le fait d'être handicapé engendre la plupart du temps des dépenses supplémentaires, celles qui incombent à une personne valide. Par exemple, un usager du métro non-voyant met 20 minutes de plus qu'une personne valide pour effectuer le même trajet, ce qui à terme, peut coûter de l'argent. Ces dépenses ne sont pas toujours identifiables au titre de la compensation, comme le fait de faire tourner plus souvent des machines à laver ou encore de devoir s'approvisionner dans un commerce de proximité, faute d'un accès au supermarché.

En outre, je rappelle que l'AAH ne s'adresse pas uniquement aux personnes handicapées qui sont frappées d'une incapacité de travailler. En d'autres termes, la capacité de travailler n'est pas un critère d'attribution de l'AAH. Un des objectifs du projet de loi, qui s'inscrit pleinement dans les orientations rappelées par le Président de la République, lors de ses voeux aux Français, consiste à encourager le travail des personnes handicapées qui le peuvent et à privilégier une dynamique d'insertion essentiellement par le travail, plutôt qu'une dynamique d'assistance. Cet objectif est dans l'intérêt de notre société, parce qu'elle ne peut plus se payer le luxe de passer à côté du concours, très précieux, des personnes handicapées.

Pour atteindre cet objectif, les conditions de cumul de l'allocation adultes handicapés, avec des revenus d'activité professionnelle, même à temps partiel, seront améliorées. De plus, le complément d'AAH pourra, désormais, être maintenu pour les personnes exerçant une activité professionnelle, alors qu'aujourd'hui, la perte d'activité se traduit par une perte du complément versé aux personnes en logement autonome bénéficiant de l'APL.

Dans la même logique que celle qui vise à valoriser l'activité professionnelle, les travailleurs handicapés de CAT doivent pouvoir tirer l'essentiel de leurs ressources de leur activité professionnelle et non pas de l'AAH. La réforme qui est proposée va dans ce sens, en revalorisant le niveau moyen de la rémunération servie. De ce fait, l'AAH sera subsidiaire pour ces travailleurs, même si elle ne disparaît pas. Dans le même temps, la réforme vise à simplifier le dispositif de rémunération en CAT, qui est marqué par une complexité. Cette complexité avait été dénoncée, par ailleurs, dans un rapport de l'IGAS et de l'IGF. Désormais, la rémunération des travailleurs en CAT sera composée d'un revenu direct et d'un complément qui sera financé par le biais d'une aide au poste forfaitaire versée à l'employeur. Le montant du revenu direct, fixé par le directeur du CAT en fonction des capacités au travail, devra atteindre un minimum, fixé par décret, et qui sera supérieur aux 5 % actuels. Le complément sera composé d'une partie de l'aide anciennement apportée par l'État au titre de la GRTH, c'est-à-dire la garantie de ressources des travailleurs handicapés, et d'une partie de l'aide anciennement apportée au titre de l'AAH.

La personne handicapée percevra donc une rémunération unique sur son bulletin de paie, versée par le CAT.

M. le PRÉSIDENT - Madame la ministre, dans l'esprit du rapporteur et du mien, lorsque nous n'avions pas prévu d'allocation spécifique complémentaire à l'allocation compensatrice, nous avions considéré que les surcoûts que vous avez évoqués relevaient de la compensation. Bien entendu, ce sont des surcoûts qui sont liés au handicap. Il s'agit bien, en définitive, des éléments de compensation qu'il convient d'apporter à ce surcoût. Par contre, le problème du revenu du travail ou de l'allocation versée en cas d'incapacité de percevoir un revenu du travail se pose.

Nous avons apporté une réponse, vous en apportez une autre. A mon sens, nous essayons d'apporter les mêmes réponses sous des formes différentes.

Mme Marie-Thérèse BOISSEAU, secrétaire d'État aux personnes handicapées - En effet, nos travaux sur le fond sont très proches, d'où la nécessité des auditions et du travail en commission, afin de parvenir à une expression la plus simple et la plus authentique possible du projet de loi, permettant de répondre au mieux aux besoins des personnes handicapées et de les servir.

M. le PRÉSIDENT - Je laisse le soin à monsieur le rapporteur de vous poser sa dernière question.

M. Paul BLANC, rapporteur - Le projet de loi prévoit la création des « maisons départementales des personnes handicapées ». Quelle sera leur forme juridique ? Comment seront-elles administrées et par qui seront-elles dirigées ?

Un groupement d'intérêt public entre l'État, les départements et l'assurance maladie ne serait-il pas la structure la plus adaptée et la plus souple, pour coordonner les différents acteurs intervenant dans le domaine du handicap ?

Mme Marie-Thérèse BOISSEAU, secrétaire d'État aux personnes handicapées - La loi prévoit la création des « maisons départementales des personnes handicapées », de façon à substituer à l'éclatement actuel des commissions et des services, une organisation cohérente et accessible. Les missions des « maisons départementales » et de leurs antennes locales seront supérieures à celles qui sont dévolues aux services existants, puisqu'elles porteront sur :

- premièrement, l'information, l'accueil et le conseil ;

- deuxièmement, l'élaboration médico-sociale personnalisée des besoins ;

- troisièmement, l'ouverture des droits aux prestations ;

- quatrièmement, le suivi des décisions ;

- et enfin, l'accompagnement des personnes handicapées.

Ce que nous souhaitons, c'est la simplification de la vie quotidienne et des démarches, des personnes handicapées et de leur société. Nous souhaitons également créer les conditions d'effectivité et d'un réel suivi des décisions qui seront prises. Et enfin, nous souhaitons garantir une organisation territoriale compatible avec les autres dispositifs d'action sociale.

Le projet de loi laisse votre question ouverte, dans la mesure où le Gouvernement a chargé MM. Briet et Jamet de lui faire des propositions sous deux mois, sur une organisation qui serait à même de concilier le financement par la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie et l'organisation territoriale associant les départements.

Au vu de l'expertise réalisée par ces rapporteurs et des objectifs qui sont affichés, le Gouvernement tirera les conclusions nécessaires sur l'organisation des « maisons départementales », dont on me dit souvent qu'elles concrétiseront les inégalités sur les territoires. Mon opinion consiste à affirmer que ces inégalités existent aujourd'hui, quoi qu'il en soit, entre les territoires. Par maison départementale, nous pensons en termes de proximité et d'efficacité.

Quoi qu'il en soit, l'État entend demeurer le garant de la politique nationale du handicap. Si vous me le permettez, j'évoquerai une « instance nationale », qui sera chargée d'harmoniser les pratiques entre les départements. Même si le nom de cette instance n'est pas déterminé à l'heure actuelle, je peux vous promettre qu'elle existera bel et bien, tant le fait d'établir des référentiels pour les aides techniques, est nécessaire. En outre, l'instance nationale aura un rôle à jouer dans le domaine du traitement des handicaps rares.

Enfin, en ce qui concerne la structure du GIP, je vous réponds qu'il s'agit d'une piste de réflexion intéressante. Aujourd'hui, nous attendons les conclusions de la mission Briet-Jamet.

M. Paul BLANC, rapporteur - Vous avez évoqué les délocalisations des maisons départementales. Il est clair qu'on ne peut pas avoir une seule maison du handicap dans le chef-lieu du département, au risque d'introduire des inégalités territoriales supplémentaires pour les personnes handicapées.

Il me semble donc que la nécessité des antennes locales des maisons du handicap est avérée. Cependant, je ne comprends pas pourquoi on créerait des structures différentes, alors que les départements sont prêts à accueillir ces antennes locales au sein de leurs maisons sociales, cantonales ou communales. Cette question relève du bon sens et j'estime qu'elle ne nécessite pas les conclusions d'un rapport.

M. le PRÉSIDENT - S'agissant des maisons départementales, j'ai compris que nous étions en présence d'un guichet unique et d'un interlocuteur unique. Dès lors, l'interlocuteur unique, qui serait une personne valide, pourrait se déplacer pour aller à la rencontre des personnes handicapées. A mon sens, s'il est toujours nécessaire de faire déplacer les personnes handicapées, il n'y aura pas eu de réelle avancée, par rapport à la législation précédente.

M. Paul BLANC, rapporteur - Concernant la délocalisation des maisons départementales, nous ne pouvons pas nous contenter de doter chaque chef-lieu de département d'une telle structure, sous peine d'introduire des inégalités supplémentaires entre les personnes handicapées.

Les départements, qui ont l'habitude de mener des actions de proximité, possèdent des antennes réparties à travers les communes les plus importantes de leur territoire. De la même façon, il me semble que, par souci de pragmatisme, la maison départementale du handicap doive également être dotée d'antennes locales. Je ne vois pas pourquoi nous opterions pour une structuration différente, alors que les départements sont tout à fait prêts à accueillir ces antennes au sein de leurs maisons sociales, qui sont déjà implantées au coeur des cantons et des communes.

Cette question relève du simple bon sens : nul n'est besoin d'attendre les conclusions d'un rapport pour trancher.

M. le PRÉSIDENT - Pour ma part, j'ai compris qu'il nous était proposé d'appliquer le principe du guichet unique, qui permet aux personnes handicapées d'avoir un seul et même interlocuteur. Ce dernier aura pour rôle de se rendre auprès des intéressés et non de les faire se déplacer. Dans le cas contraire, nous n'aurions pas obtenu de réelle avancée.

M. André LARDEUX - Madame la ministre, je vous remercie de la précision et de la clarté de votre exposé. Nous ne pouvons que partager les objectifs que vous avez présentés. A l'instar de M. Paul Blanc, et en tant que président de conseil général, j'ai bien noté que la prestation et le droit à compensation relèvent de la solidarité nationale.

Vous avez évoqué l'égalité des chances et des droits, qui est notre principal objectif, ainsi que l'harmonisation des dispositifs. Or, l'État et les départements se rejettent la responsabilité de la prise en charge des adultes handicapés, notamment lorsqu'il s'agit de déterminer s'ils relèvent de maisons d'accueil spécialisé (MAS) ou de foyers occupationnels. Dans ce cadre, pourquoi n'êtes-vous pas allée plus loin, en modifiant et en simplifiant le paysage institutionnel ? Pour ma part, je ne serais pas choqué qu'en la circonstance, le seul pilote dans l'avion soit l'État. Le problème du handicap est d'ampleur nationale, puisqu'il est le même dans toute la France, alors que la situation des personnes âgées, par exemple, diffère en fonction des régions.

Par ailleurs, je vous soutiens tout à fait lorsque vous invitez les collectivités à embaucher des adultes handicapés. Cependant, vous avez parié sur le fait que ces dernières ne rempliraient pas leurs obligations, puisque vous prévoyez de financer de nombreuses actions grâce aux pénalités financières imputées aux contrevenants.

Enfin, si l'accessibilité des logements neufs ne devrait pas poser de problèmes insurmontables, les surcoûts restant limités lorsque les aménagements sont prévus dès la conception du bâtiment, je souhaite attirer votre attention sur les difficultés que vont rencontrer certains bailleurs et les propriétaires privés de monuments historiques.

Premièrement, reste à savoir si, lorsqu'ils devront rénover les logements, les petits bailleurs privés auront les moyens de faire face à cette obligation. Dans le cas contraire, ces dispositions risquent de favoriser la dégradation du parc immobilier.

Deuxièmement, lorsque les monuments historiques appartiennent à l'État ou aux collectivités locales, ces derniers effectueront les travaux de mise en conformité. J'ai moi-même contribué à cette obligation pour le compte du département du Maine et Loire. En revanche, les propriétaires de petits monuments historiques n'auront pas les moyens d'y faire face.

Ma dernière question ne relève pas du domaine législatif. Avez-vous prévu un renforcement des sanctions à l'encontre les personnes qui stationnent sur les places réservées aux handicapés ? Lors de la visite que nous avons effectuée au Canada, nous avons constaté que le montant de l'amende appliquée dans ce pays était très dissuasif. Nous devrions peut-être consentir à quelques efforts dans ce domaine.

M. Alain VASSELLE - Au préalable, je me félicite de l'initiative gouvernementale. Cette réforme était attendue depuis longtemps et le Sénat ne peut que se féliciter que le gouvernement ait pris soin de respecter les engagements qu'il avait pris.

Ceci étant, ce texte n'arrive pas au moment opportun, dans la mesure où il sera examiné entre les vacances parlementaires et la période de suspension du travail parlementaire pour cause d'élections cantonales et régionales. Ce calendrier risque de donner le sentiment que ce travail ne peut être effectué dans de bonnes conditions.

Pour ma part, je me sens quelque peu frustré de ne pas pouvoir participer au débat en séance publique sur ce texte, étant donné que je dois me rendre dans mon département pour préparer les élections cantonales. Certains rétorqueront que cet inconvénient est dû au cumul des mandats, mais chacun sait à quel point les fonctions électives locales et nationales sont complémentaires.

Nous attendons ce texte depuis si longtemps, que nous aurions pu reporter son examen jusqu'au mois de mars. Nous n'étions plus à quinze jours près. Je tiens à ce que vous transmettiez mon sentiment à M. Copé. Je m'en suis d'ailleurs ouvert à son directeur de Cabinet, qui m'a expliqué que le Président de la République tenait à ce que ce texte soit examiné de suite. Quoi qu'il en soit, j'approuve réellement cette réforme, qui est très intéressante.

J'aimerais savoir si la notion de handicap social sera prise en compte dans le cadre de ce texte, sachant que ce handicap touche aux difficultés d'insertion dans la vie économique et dans la vie active rencontrées par certaines personnes, malgré les dépenses d'insertion réalisées par les départements et les collectivités territoriales.

Je me réjouis de la création de la prestation de compensation. Si la proposition que vous avez émise est de nature à répondre à mes attentes, pour autant, nous n'avons pas résolu la question de l'insuffisante solvabilité du bénéficiaire de l'AAH. Ce texte sera-t-il accompagné, à l'occasion de la prochaine loi de finances, de mesures permettant une véritable revalorisation de l'AAH afin que les personnes handicapées puissent subvenir aux besoins de la vie courante. Je me suis ouvert de cette préoccupation à plusieurs reprises au ministre des Affaires sociales : aujourd'hui, lorsqu'un adulte handicapé, placé en établissement, a versé la totalité du forfait journalier au conseil général, il ne lui reste pas suffisamment de ressources pour faire face à des besoins essentiels, tels que la couverture maladie.

Aujourd'hui, l'effet de seuil appliqué à la CMU et à la CMUC met le bénéficiaire de l'AAH en dehors du champ d'application de ces dispositifs. La prise en charge par la caisse nationale d'assurance maladie, à hauteur de 10 %, ne couvre pas la totalité des besoins. Outre sa couverture santé, la personne handicapée doit pouvoir répondre à des besoins essentiels, comme l'habillement, le transport ou les loisirs, ce qui n'est pas le cas. En l'absence d'amélioration de la situation financière de la personne handicapée, je crains que les familles ne soient déçues par ce texte, même s'il comporte des avancées tout à fait significatives.

Par ailleurs, je demande que le dispositif concernant les jours de présence dans les établissements médico-sociaux soit assoupli de telle manière que nous ne parvenions pas à des situations perverses, à l'instar de celles dont l'existence a été constatée par la mission du Sénat sur la maltraitance. Cette dernière a observé que dans certains établissements, lorsque l'adulte a exercé son droit de sortie à deux ou trois reprises, il en est privé par la suite, de manière à ce que l'établissement ne perde pas les ressources nécessaires à son équilibre financier.

J'ignore comment se comportent les autres conseils généraux, mais la gestion assurée par le département de l'Oise répond à des impératifs comptables, sans prendre en considération les aspects humains. Or, je n'ai pas trouvé dans le texte présenté aujourd'hui les dispositions qui permettraient de résoudre les problèmes que nous avons relevés dans le cadre de cette mission.

Je souhaiterais enfin aborder la question des aides familiales. L'allocation de compensation versée aux personnes handicapées pourra servir à rémunérer un membre de la famille de l'intéressé. Le bénéficiaire devra-t-il déclarer cette personne et payer des charges sociales et patronales ? Je connais une personne âgée de 80 ans et aveugle qui versait son allocation compensatrice à l'une de ses filles, qui venait l'aider quotidiennement. Lorsqu'on a exigé l'effectivité, une partie de cette allocation a servi à payer les cotisations sociales, diminuant d'autant les sommes versées à sa fille.

Je vous prie de m'excuser de la longueur de mon intervention, mais je tenais à attirer votre attention sur ces questions, ce que je n'aurai peut-être plus l'occasion de faire plus tard.

M. le PRÉSIDENT - Les questions que vous avez soulevées me semblent très importantes, notamment celle portant sur l'allocation compensatrice pour les périodes passées à l'extérieur des maisons d'accueil. Nous devons régler ce sujet en prenant en compte le projet de vie des personnes.

Mme Michelle DEMESSINE - Une fois n'est pas coutume, je partage la révolte de M. Alain Vasselle, tant sur le fond que sur la forme. Il est déplorable d'examiner ce projet de loi dans une période complexe et immédiatement antérieure aux élections, ce qui ne permet pas à tous nos collègues d'être présents, alors même que nous abordons ce texte très important 30 ans après le vote de la loi précédente. Nous n'en discutons donc pas dans les meilleures conditions, d'autant que nos collègues ont été particulièrement sollicités ces derniers temps. Par ailleurs, nous attendons toujours le rapport d'expert, dont nous ne connaissons pas encore le contenu. Nous rencontrons d'autant plus de difficultés pour nous situer raisonnablement dans le débat.

En outre, nous partageons bon nombre des préoccupations dont vous avez dressé la liste et auxquelles vous avez répondu en inscrivant une série de voeux dans la loi. Si vous citez un certain nombre d'actions volontaristes. Nous avons quelques difficultés à comprendre comment vous allez les mettre en oeuvre. Nous ne voyons aucune objection à nous prononcer sur ces voeux. Cependant vous ne nous garantissez pas que de réels moyens seront dévolus à leur mise en oeuvre.

Enfin, j'approuve pleinement la remarque de M. le président, relative aux contours des décrets que ce projet de loi devra s'attacher à dessiner. Il est difficile d'en comprendre la réelle portée, sauf à considérer les ressources financières, qui semblent insuffisantes. En affirmant que la prestation est universelle, vous répondez aux voeux exprimés pendant des années par les acteurs associatifs. Néanmoins, vous assujettissez l'octroi de cette prestation à des conditions de ressources, ce qui est contradictoire avec son universalité.

Vous avez annoncé que vous consacreriez environ 700.000 euros aux aides directes, ce qui laisse une place bien faible aux aides humaines. Ces dernières seront octroyées principalement aux bénéficiaires actuels de l'ACTP. Vous n'apportez rien de plus. Ne pouvions-nous pas demander à l'assurance maladie d'élargir le champ de la prise en charge des aides techniques ? C'eût été une solution.

En ce qui concerne l'AAH, je me réjouis de savoir qu'elle est maintenue. Pour autant, il me semble que son montant est trop faible pour assurer une vie décente aux personnes handicapées et assurer un véritable droit à la citoyenneté chez les intéressés. De la même façon, les mesures concernant les CAT, notamment l'élargissement du nombre de places, sont extrêmement attendues. Vous nous proposez de réformer les CAT, afin de résoudre les dysfonctionnements dénoncés par un certain nombre de rapports. Vous devriez d'abord mettre en place des moyens de contrôle démocratiques, permettant de vérifier l'efficacité du fonctionnement des CAT.

Je crains que l'aide au poste n'entraîne une normalisation de la prise en charge des usagers. D'une manière générale, dans le domaine sanitaire, nous assistons à la volonté de normaliser un certain nombre d'approches en matière de soins, au détriment des besoins réels, qui varient en fonction de la nature du handicap, des besoins des personnes concernées et des innovations mises en oeuvre. Dans cette optique, il me semble que l'aide au poste va pénaliser le système.

Je suis favorable à l'instauration d'un bulletin de paie unique, qui ne fera que souligner la faiblesse des revenus que perçoivent les usagers des CAT (environ 70 % du SMIC). Par ailleurs, un certain nombre d'entre eux sont accueillis en foyer d'hébergement, prestation dont le coût est déduit directement de leur salaire. Il ne leur reste alors qu'une somme modique, qui ne leur permet pas de prendre une réelle autonomie. Ne pas examiner ces problèmes va à l'encontre du droit à la citoyenneté et à l'autonomie. Une expérience était menée, qui consistait à établir des passerelles entre le CAT et le milieu ordinaire du travail et qui était accompagnée par l'État. Il semblerait que cette mesure soit abrogée, alors que 13.000 personnes en bénéficient. Qu'adviendra-t-il de cette disposition ?

La question des transports adaptés mérite également qu'on s'y attarde, car ces derniers représentent un maillon essentiel de la chaîne de l'autonomie des personnes handicapées. Si des transports collectifs adaptés existent, toutes les personnes handicapées ne peuvent pas utiliser ces derniers de façon autonome. Les dispositifs sont concentrés dans les zones urbaines, donnant peu de chance aux personnes handicapées habitant à l'extérieur de ces zones d'accéder au milieu ordinaire du travail. Il me semble qu'un chantier pourrait être ouvert avec les communautés d'agglomérations et les communautés de communes, que nous pourrions aider financièrement à mettre en place des transports adaptés.

Enfin, Mme Hélène Luc rappelait que les assistants d'éducation, sans lesquels l'insertion des enfants handicapés à l'école serait un voeu pieux, sont en nombre insuffisant par rapport aux aides éducateurs. Faute de personnel, les expériences nouvelles qui ont été menées ne pourront être étendues, c'est pourquoi elle demande quelles dispositions financières seront prises en collaboration avec l'Education Nationale pour généraliser l'insertion des enfants handicapés en milieu scolaire ordinaire.

M. le PRÉSIDENT - J'ignore si Mme la ministre disposera de suffisamment de temps pour répondre à toutes ces questions. Quoi qu'il en soit, elle en prendra bonne note et nous communiquera ses réponses, qui seront reportées dans le procès-verbal diffusé auprès de tous les participants. Je souhaite donc que chacun puisse exprimer ses questions, quitte à prendre connaissance des réponses ultérieurement.

M. Jean CHÉRIOUX - Je souhaite émettre une modeste observation, issue de mon expérience. Je tiens à saluer l'esprit de cette loi, qui vise indéniablement à passer de l'assistance aux personnes handicapées à leur intégration dans la vie normale.

Je crains néanmoins que votre projet ne se heurte au corporatisme des CAT. Certes, il faut prévoir des aides aux entreprises afin de les inciter à intégrer les personnes handicapées, mais encore faut-il que les CAT ne manifestent pas quelques réticences à laisser partir leurs meilleurs éléments et à perturber ainsi leur fonctionnement. Ne faisons pas preuve d'angélisme en la matière ! Il serait fort dommage que ces personnes handicapées n'aient pas la possibilité d'accéder à un autre monde du travail !

Par ailleurs, il est difficile d'intégrer les enfants dans le milieu scolaire ordinaire, étant donné les résistances manifestées par l'Education nationale. En la matière, nous pourrions également nous heurter au corporatisme des éducateurs spécialisés. Il faudra prévoir une manière d'associer ces derniers à l'intégration des enfants handicapés dans les écoles.

Vous ne devez pas négliger ces réactions, parfaitement humaines, pour mener à bien votre tâche.

M. Serge FRANCHIS - Vous avez évoqué les personnes souffrant de troubles mentaux ou psychiques, qui seraient susceptibles d'intégrer ce dispositif. Elles seraient éligibles à l'allocation adulte handicapés du fait qu'elles bénéficient de soins médicaux. Cependant, reste à savoir si les mécanismes d'attribution d'aides diverses (AAH, RMI) ne risquent pas d'entrer en conflit.

Par ailleurs, l'éligibilité à l'AAH est évaluée à l'aune des revenus perçus l'année précédente : certaines personnes, qui percevaient des ressources suffisantes un an auparavant et sont dorénavant sans ressources, se trouvent privées de l'exercice de leur droit. Peut-être faudrait-il raccourcir le délai de référence.

J'aimerais également savoir si les contrats d'épargne handicap sont soumis au droit commun ou à un régime spécifique, leur permettant de bénéficier de réductions d'impôts. Enfin, avez-vous prévu un dispositif permettant aux membres de la famille d'une personne handicapée (parents, fratrie...) de prendre des congés spéciaux leur permettant de s'occuper de l'adulte handicapé en question ?

M. Philippe NOGRIX - La commission des Affaires culturelles examinera les deux articles ayant trait à l'accessibilité à l'école. Néanmoins, serait-il possible d'inscrire dans la loi des dispositions à caractère obligatoire, relatives à la formation qui est dispensée dans le cadre de l'IUFM aux futurs professeurs, qui accueilleront à un moment ou un autre de leur carrière, un enfant handicapé dans leur classe ? En effet, la réussite de l'intégration d'un enfant handicapé en milieu scolaire ordinaire dépend essentiellement de la qualité du maître.

M. le PRÉSIDENT - Je me réjouis que l'on évalue la compensation du handicap. Cependant, sommes-nous assurés que l'évaluation des besoins sera effectuée indépendamment des financeurs ? Je ne vois pas d'inconvénient à la présence de ces derniers au sein de l'équipe chargée de cette évaluation, mais il faudrait alors prévoir pour l'intéressé la possibilité de contester les résultats de cette évaluation devant une instance paritaire, au sein de laquelle siégeraient des représentants des personnes handicapées et des financeurs.

Par ailleurs, le texte que vous nous proposez stipule que « le coût des aménagements des postes de travail ne doit pas être disproportionné ». Je crains que cette appréciation soit pour le moins subjective.

Ne pourrions-nous pas envisager de laisser l'AGEFIPH collecter au nom des fonctions publiques, plutôt que d'y consacrer un fond spécifique ? Les sommes issues des pénalités appliquées à un employeur qui ne remplit pas sa mission d'accueil des travailleurs handicapés doivent pouvoir servir à financer n'importe quelle adaptation de poste, que la personne concernée soit salarié ou fonctionnaire.

Pour lever d'éventuels obstacles, nous pourrions suivre la recommandation émise par le rapporteur et moi-même, consistant à transformer l'AGEFIPH en un établissement public autonome. Ce système permettrait d'assurer un meilleur contrôle, notamment de vérifier que tout euro collecté est transféré au profit des personnes handicapées.

Enfin, les sanctions prononçables à l'encontre des contrevenants à l'accessibilité sont peu appliquées. Ne pourrions-nous pas envisager la création d'un système de contribution à un fonds en faveur de l'accessibilité, qui serait plus utile ?

Madame la ministre, nous savons pertinemment que vous n'avez pas beaucoup de temps, c'est pourquoi nous sommes en train d'examiner la possibilité d'organiser une audition vous permettant de nous répondre. Dans le cas contraire, nous vous inviterons à transmettre vos réponses par écrit.

M. Guy FISCHER - Au-delà des positions de principe, je ne répèterai pas ce qui a été dit, mais je crois nécessaire d'insister sur le fait que les conditions de l'examen de ce projet de loi sont détestables. A l'instar de nombreuses associations, je continue à penser qu'il subsiste un écart flagrant entre les intentions qui ont été affirmées au cours de l'exposé des motifs et l'implication réelle des personnes handicapées dans la détermination de leurs choix de vie, de travail et de lutte contre la discrimination dont elles sont trop souvent victimes.

Le fait de traiter du problème de la caisse nationale pour la solidarité et l'autonomie de façon distincte ne nous permet pas d'apprécier si les avantages financiers supplémentaires seront significatifs ou marginaux. Vous contenterez-vous de redéployer des budgets existants ? Quel sera l'apport du jour férié travaillé ? Nous considérerions anormal que le financement de ce nouvel organisme ne concerne que les revenus du travail, et non les revenus financiers.

M. le PRÉSIDENT - Certes, ce texte important est examiné alors que les membres de la commission des Affaires sociales doivent gérer un programme très chargé. Cependant, nous avons pris l'habitude de cette situation, qui perdure depuis de nombreuses années. En outre, depuis deux ans, nous ne sommes plus soumis au principe de l'urgence pour examiner les grands textes, même si nous les abordons lorsque le gouvernement nous le demande. Nous devrions donc disposer du temps nécessaire pour examiner ce texte entre les deux lectures, d'autant plus que nous y avons d'ores et déjà considérablement travaillé. Il faut donc relativiser la difficulté que présente l'étude de ce projet de loi.

M . Guy FISCHER - Même si nous sommes partie prenante du travail qui a été effectué pendant près de deux ans, nous souhaitons réaffirmer que nous n'examinons pas ce texte dans les meilleures conditions.

M. le PRÉSIDENT - Néanmoins, nous ne devons pas examiner ce texte en urgence et de nombreuses interruptions seront organisées, pour permettre aux Sénateurs de se consacrer à d'autres tâches. Je ne doute pas qu'ils en profiteront pour se pencher plus attentivement sur cet important dossier.

Mme Marie-Thérèse BOISSEAU, secrétaire d'État aux personnes handicapées - Je crains d'être contrainte de vous quitter avant d'avoir pu répondre à toutes ces questions.

M. le PRÉSIDENT - Madame la ministre, j'ai noté que vous acceptiez de venir le mardi 3 février, à 11 heures.

Mme Marie-Thérèse BOISSEAU, secrétaire d'État aux personnes handicapées - A mes yeux, toutes les questions que vous m'avez soumises sont pertinentes. Je vous promets que nous y répondrons point par point. Si vous le souhaitez, je reviendrai devant vous le 3 février et consacrerai le temps nécessaire pour vous répondre oralement. Dans le cas contraire, je répondrai par écrit. M. le président s'est engagé à joindre ces réponses au procès-verbal.

Par ailleurs, je tiens à répondre aux interpellations de MM. Guy Fischer et Alain Vasselle. En ce qui concerne la forme, le texte ne vous est pas proposé dans l'urgence, dans la mesure où nous travaillons sur ce thème depuis dix-huit mois. Deux sons de clochent me parviennent, qui sont complètement contradictoires : les uns nous reprochent notre lenteur, les autres, notre précipitation.

M. Jean-François Mattei et moi-même sommes intervenus à plusieurs reprises devant la commission des Affaires sociales, notamment lors de la présentation du budget, et nous vous avons systématiquement informés de l'état d'avancement du projet de loi. Il n'est pas question de demander l'application du principe d'urgence sur ce texte. Ce projet est trop important et a fait l'objet d'un travail collectif colossal, notamment avec certains de vos collègues, qui ont également consulté les représentants de la société civile et des associations.

J'ai une volonté absolue de voir cette loi appliquée à compter du 1 er janvier prochain. Nous avons déclenché un compte à rebours. Si nous avions attendu le mois de mai, d'autres élections auraient pu m'être opposées. Cette année, le calendrier parlementaire sera interrompu à de nombreuses reprises, pour des raisons électorales. Si cette loi pouvait être soumise au Sénat le 24 et le 25 février prochain, nous aurions tout de même suffisamment de temps pour effectuer cette première lecture, dont j'attends énormément.

Si je souhaite que les deux assemblées prennent le temps d'avoir une discussion de fond, j'attire votre attention sur l'énorme travail que représente l'élaboration des décrets d'application. Tous ceux qui le souhaitent seront associés à cette tâche, que nous devons impérativement mener à bien dans les temps. Dans le cadre de l'élaboration de cette loi, nous tentons de résoudre un problème de société majeur.

M. le PRÉSIDENT - Madame la ministre, je vous remercie. Mes chers collègues, je vous rappelle que vous êtes conviés le mardi 3 février, à 10 heures, pour examiner les amendements concernant la formation professionnelle. Nous entendrons les réponses de madame la ministre vers 11 heures et nous nous réunirons ensuite en séance publique.

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M. Nicolas ABOUT, président - Madame la ministre, merci de venir compléter votre dernière audition. Nous n'avions alors eu, en raison du nombre de questions, que le temps de poser celles-ci et non celui d'entendre les réponses. Je pense qu'il est plus intéressant d'échanger verbalement que de lire simplement les réponses dans le compte rendu. Madame la ministre, je vous cède donc la parole.

Mme Marie-Thérèse BOISSEAU, secrétaire d'État aux personnes handicapées - Merci, monsieur le président. Je commencerai par les questions sur l'emploi que vous avez posées, monsieur le président, avec M. Chérioux, concernant la difficulté pour les personnes handicapées à sortir, le cas échéant, du CAT.

Aujourd'hui, un infime pourcentage va en effet vers le milieu ordinaire. C'est là un problème que j'ai souhaité traiter dans la loi, parce que j'y suis très sensibilisée.

Il s'agit d'abord de sécuriser la personne handicapée qui voudrait évoluer. Le projet de loi institue un dispositif passerelle sous forme d'une convention d'appui passée entre l'établissement et l'employeur, permettant de sécuriser ce dernier, ainsi que le travailleur de CAT, auquel un droit à réintégration est reconnu pendant cette période transitoire.

En second lieu, il s'agit de mieux rémunérer le travailleur handicapé, en introduisant dans la loi une rémunération directe, dont le niveau sera fixé par voie réglementaire, ce qui facilitera d'autant le passage de ceux qui le peuvent vers le milieu ordinaire. Pour faire en sorte que davantage de personnes handicapées travaillent demain, il faut évidemment des réponses extrêmement souples et évolutives dans les deux sens, qui sécurisent autant l'employeur que la personne handicapée.

Concernant le terme d' « aménagement raisonnable », vous me demandez si celui-ci n'est pas trop suggestif et quelle est la portée réelle de l'obligation pour les entreprises. Je rappelle que la directive du Conseil de l'Union européenne du 27 novembre 2000, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, introduit, dans son article 5, la notion d'aménagement raisonnable à l'égard des personnes handicapées. La France est tenue de transposer dans son droit interne les dispositions de cette directive, et c'est bien l'objet de l'article 9 de notre projet de loi. Vous avez raison, monsieur le président, de souligner le caractère subjectif de cette notion très anglo-saxonne d'aménagement raisonnable, dont l'appréciation se fonde sur de multiples paramètres liés à une situation nécessairement particulière.

C'est la raison pour laquelle, à l'instar du choix fait par la plupart des États membres de l'Union européenne, cette transposition se borne à s'appuyer sur les deux éléments essentiels constitutifs de l'aménagement raisonnable, tels qu'ils ressortent de la directive : d'une part l'obligation de prendre des mesures appropriées, d'autre part le caractère non disproportionné de la charge qui en résulte pour l'entreprise, apprécié notamment au regard des aides dont elle peut bénéficier. Je ne doute pas que la jurisprudence de la Cour européenne sera amenée à préciser les contours de ce qui relève, dans ce domaine, de ce qui est raisonnable et de ce qui ne l'est pas.

Troisième question posée à propos de l'emploi : celle de l'AGEFIPH et le fait de savoir s'il existe un obstacle juridique à étendre les compétences de celle-ci au secteur public. Il serait juridiquement possible de regrouper tous les employeurs publics et privés sous l'égide d'une AGEFIPH transformée en établissement public. Cette solution, nous le savons bien, n'emporte pas l'adhésion des partenaires sociaux. Un tel regroupement aurait en outre conduit à poser la question délicate de la place des employeurs publics et des représentants des personnels des trois fonctions publiques au sein du conseil d'administration de cette structure. L'entrée des employeurs publics, et notamment de l'État au sein de cet organisme, aurait remis en cause les équilibres existants. De surcroît, la mise en place d'un dispositif unique est apparue moins favorable au développement d'une dynamique commune aux trois fonctions publiques, ce qui était aussi un autre combat. Pour cette raison, le Gouvernement a privilégié le choix d'un fonds unique spécifique aux fonctions publiques, d'ailleurs conforme aux préconisations du Conseil économique et social exprimées dans son avis du 27 mai dernier.

S'agissant du fonctionnement de la maison départementale des personnes handicapées, il m'a été demandé pourquoi la loi ne prévoit pas la participation des personnes handicapées aux instances qui la concerne. La loi prévoit expressément la participation des personnes handicapées. En effet, l'équipe pluridisciplinaire doit prioritairement entendre la personne handicapée ou ses représentants lors de l'évaluation des besoins et de l'élaboration du plan personnalisé de compensation du handicap. Deuxièmement, le texte prévoit que les personnes handicapées sont obligatoirement invitées aux séances de la commission des droits et de l'autonomie, et qu'elles peuvent être assistées. Les associations qui représentent les intéressés sont membres de droit de cette commission. Enfin, la commission doit prendre ses décisions sur la base de l'évaluation réalisée par l'équipe pluridisciplinaire et des souhaits exprimés par la personne handicapée.

D'une manière plus générale, la loi prévoit le droit à la formation, qui peut s'analyser comme un droit pour la personne à être éclairée sur les décisions qui la concernent. La loi pose le principe d'un accueil et d'un accompagnement adaptés des personnes handicapées qui ne peuvent exprimer leurs besoins et confie à la maison départementale des personnes handicapées une fonction d'écoute, d'accompagnement et de médias, qui place la personne handicapée au coeur des décisions la concernant, dès l'expression de la demande jusqu'à la mise en oeuvre des mesures constituant le plan personnalisé de compensation du handicap.

M. About a demandé quels sont les moyens prévus pour assurer l'indépendance de l'équipe pluridisciplinaire par rapport aux financeurs. La loi, en l'état, ne le prévoit pas expressément mais c'est l'autorité gestionnaire de la maison départementale des personnes handicapées qui est responsable de l'organisation et du fonctionnement de l'équipe pluridisciplinaire. Par ailleurs, cette équipe définit le plan personnalisé de compensation du handicap en s'assurant de l'avis de la personne handicapée concernée ou de son représentant. Enfin, l'équipe pluridisciplinaire est composée de différents professionnels compétents par rapport au handicap en cause, qui procèdent à une approche globale des besoins, en plaçant la personne dans son environnement. Ces professionnels agissent bien évidemment conformément aux règles de déontologie et aux pratiques qui garantissent l'indépendance nécessaire à leur prise de décisions. Ils s'appuieront, pour garantir l'égalité de traitement sur le territoire, sur des référentiels d'aide à l'évaluation des besoins et de la capacité élaborés par l'État. La commission des droits se prononce sur la base du plan personnalisé de compensation du handicap et ses décisions s'imposent aux financeurs. Enfin, pourquoi ne pas instaurer un mécanisme d'appel permettant à la personne handicapée de contester le plan qui lui est proposé ?

Les décisions concernant le plan personnalisé de compensation du handicap sont soumises au contentieux technique régi par le décret du 2 juillet 2003, que la loi ne réforme pas, sauf pour ce qui concerne le contentieux des décisions de la COTOREP, première section -  c'est-à-dire reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé - qui est transféré aux tribunaux administratifs. Il existe trois niveaux de juridiction : en premier ressort, le tribunal du contentieux de l'incapacité, en appel, la commission nationale technique et, en dernier ressort, la Cour de cassation. Les instances existantes à ce jour - CDES, COTOREP, Site de la vie autonome - regroupées dans la maison départementale des personnes handicapés, ont toutes organisé la possibilité d'examen des situations au titre du recours amiable. Cette façon de fonctionner devrait être maintenue. Les personnes handicapées ou leurs représentants sont invités, tout au long de la procédure contentieuse, à exprimer leur point de vue.

Pour ce qui est du volet de la compensation des ressources des personnes handicapées, madame Demessine, messieurs Vasselle et Franchis, le sujet appelait de votre part un certain nombre d'interrogations. Mme Demessine a posé plus précisément la question de savoir comment la prestation de compensation peut être à la fois universelle et sous conditions de ressources. La prestation de compensation est universelle, car elle n'est pas accordée sous conditions de ressources. Aucun plafond, qui conduirait à exclure de son bénéfice du fait de ressources trop élevées les personnes dans les besoins justifient son attribution, n'est prévu. Par contre, le montant de la prestation de compensation pourra varier en fonction des ressources du bénéficiaire. Il est en effet justifié, dans la mesure où son fonctionnement s'appuie sur la solidarité nationale, de verser une prestation d'un montant supérieur à ceux qui, compte tenu du faible niveau de leurs ressources, ont le plus de difficultés à couvrir les charges liées à leur handicap. Donner plus à ceux qui ont moins me paraît totalement justifié en la matière.

Mme Demessine pose aussi la question de l'allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP). Pourquoi la prestation de compensation serait-elle limitée aux seuls bénéficiaires de l'ACTP ? La loi ne dit aucunement cela. La prestation de compensation est ouverte à tous. L'élément de la prestation relevant de l'article L. 245-2 du projet de loi - compensation des charges liées aux aides humaine - est accordée aux personnes handicapées nécessitant l'aide effective d'une tierce personne ou requérant une surveillance régulière et ne disposant pas d'un droit ouvert de même nature au titre de la sécurité sociale. En effet, l'allocation d'invalidité de troisième catégorie - majoration pour tierce personne - constitue déjà, pour les pensionnés d'invalidité dans l'incapacité d'exercer une profession, le moyen d'avoir recours à une tierce personne pour les actes ordinaires de la vie. L'élément de la prestation de compensation concernant les besoins d'aide humaine doit donc conserver un caractère subsidiaire par rapport au régime d'invalidité, que la prestation de compensation n'a pas pour effet de supprimer ou de réformer. En revanche, les autres éléments de la prestation de compensation sont ouverts aux bénéficiaires de l'ACTP s'ils réunissent les conditions d'attribution, puisque ces éléments prennent en compte des charges d'une autre nature. Je veux parler des aides techniques, des aménagements éventuels du logement ou d'autres dépenses spécifiques, voire exceptionnelles.

Messieurs Vasselle et Franchis, les aidants familiaux, nous le savons, ont une place irremplaçable dans le soutien aux personnes handicapées, et il est normal que leur reconnaissance vous préoccupe, mesdames et messieurs les sénateurs. Que prévoit la loi pour le dédommagement des aides familiaux dans le cadre de la prestation de compensation, notamment au regard des cotisations sociales ?

La législation actuelle reconnaît des avantages en nature pour les aidants familiaux. Par exemple, les compléments d'allocation d'éducation spéciale permettent la cessation d'activité d'un parent ou l'embauche d'une tierce personne. La loi sur la réforme des retraites prévoit la majoration de la durée d'assurance pour les personnes ayant élevé un enfant handicapé. Le quotient familial est augmenté d'une demi-part lorsque la personne handicapée est à la charge du foyer fiscal. Dans la nouvelle prestation de compensation, le rôle des aidants familiaux est reconnu. Il convient maintenant d'étudier selon quelle modalité cette participation pourra être prise en compte sous forme de financement direct - prestation en espèces - ou indirect - prise en charge de cotisations sociales, avantages fiscaux, par exemple. En revanche, je ne suivrai pas M. le sénateur Franchis sur la création d'un congé spécifique pour ces aidants familiaux, car il me semble que la réponse existe déjà au travers la prestation de compensation. Nous allons améliorer, notamment pour les personnes les plus lourdement handicapées, la prise en charge des besoins en aide humaine. Cette meilleure prise en charge permettra au conjoint d'une personne handicapée dont l'état de santé viendrait à se dégrader, d'être assuré qu'il bénéficie du soutien indispensable à son domicile, sans qu'il soit obligé de renoncer à ses obligations professionnelles.

Enfin, monsieur Fischer, concernant les moyens affectés à la mise en oeuvre de la compensation, je vous rappelle que ce Gouvernement a décidé de consacrer 850 millions d'euros supplémentaires aux personnes handicapées, dont je ne vous rappelle pas l'origine. Cette somme sera gérée par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. Elle sera disponible dès le 1 er janvier 2005 et sera pérenne. Nous verrons par la suite les modalités de dépenses de ces 850 millions d'euros, mais il n'est pas si courant d'avoir le financement d'une loi avant que la loi en question soit votée !

M. le PRÉSIDENT - Il était prévu une augmentation des aides pour les handicapés les plus lourds. Cela ne correspond-il pas aux trois forfaits-postes, qui représentent eux-mêmes 40 % d'un emploi à temps complet, soit 1,20 personne à temps complet ? C'est trop peu pour des handicapés nécessitant quelqu'un en permanence à leurs côtés !

Mme Marie-Thérèse BOISSEAU, secrétaire d'État aux personnes handicapées - Je pense que cela fait plus de trois forfaits-postes, le principe étant de partir des besoins très précis de la personne et d'essayer d'y répondre au mieux.

Concernant les ressources, Mme Demessine ainsi que MM. Franchis et Vasselle ont posé des questions relatives à la reconnaissance du handicap social. La notion de handicap est apparue en France dans les années 80, pour désigner différentes catégories de personnes ayant à affronter des situations d'embauche difficiles, en raison de leur formation insuffisante, ou des difficultés d'insertion sociale antérieures liées à une marginalisation plus ou moins prolongée, ayant elle-même un certain nombre de causes. On peut légitimement qualifier de handicap un échec scolaire précoce et récurrent, de formation insuffisante un milieu culturel défavorisé, etc., mais je crois qu'en ce qui nous concerne, il ne faut pas abuser de l'expression de « handicap ». Certes, nous avons abandonné la vieille définition du handicap en tant que déficience ou incapacité. Dans la définition inscrite dans la loi, l'environnement est pris en compte en ce qu'il entrave la participation de la personne déjà handicapée à la vie de société. Nous tenons beaucoup à l'expression « personne handicapée », parce que nous pensons que c'est une situation première, mais l'environnement, dans un certain nombre de cas, peut aggraver encore ce handicap.

Il me semble que, de ce fait, nous arrivons à une définition équilibrée : d'un côté des déficiences et des incapacité ; de l'autre, un environnement dont l'aménagement peut permettre, dans certains cas, d'atténuer, de réduire, voire parfois, d'éliminer les conséquences de ces déficiences et de ces incapacités. Je crois qu'il faut vraiment maintenir cet équilibre et que si l'on extrapolait au handicap social, cela conduirait à privilégier, voire à retenir exclusivement l'environnement, au détriment de la personne, soit à prendre en considération des caractéristiques de la personne qui sont, à nos yeux, complètement étrangères au handicap.

C'est le handicap stricto sensu qui fait l'objet de la présente loi.

Concernant l'allocation adulte handicapé et son éventuelle revalorisation, ma réponse sera relativement simple : premièrement, cette revalorisation n'est pas d'ordre législatif, mais réglementaire. Comme vous le savez, l'AAH évolue avec le minimum vieillesse, sur lequel elle est indexée. Depuis le 1 er janvier 2004, cette revalorisation est, de par la loi, indexée sur les prix, ce qui garantit à la personne handicapée un maintien de son pouvoir d'achat. Au cours des dix dernières années, la revalorisation de l'AAH a été légèrement plus forte que l'inflation, et l'on peut considérer que son pouvoir d'achat a augmenté de l'ordre de 1,8 % sur cette période. A l'avenir, l'AAH va être améliorée, à mes yeux de façon conséquente, de deux manières : premièrement par la création de cette prestation de compensation, qui évitera désormais à l'AAH de faire face à la fois aux dépenses d'existence et également à certaines dépenses de handicap ; deuxièmement, l'AAH correspondra uniquement à des revenus d'existence, ce qui sera ipso facto beaucoup plus confortable pour la personne handicapée.

Deuxième amélioration : le projet de loi prévoit que l'AAH pourra désormais se cumuler dans des conditions beaucoup plus avantageuses que ce n'est le cas aujourd'hui avec le revenu d'activité. Il s'agit d'encourager beaucoup plus de personnes handicapées à travailler soit en milieu ordinaire, soit en milieu protégé, et de plus jamais entendre dire : « Je n'ai pas intérêt à travailler : je vais perdre mon AAH ! ». Il y aura un meilleur cumul à ce niveau, qui viendra augmenter d'autant les ressources de la personne handicapée.

J'en viens à des sujets plus techniques, qui n'en sont pas moins importants. Ne faut-il pas revaloriser le montant de l'AAH laissé à un bénéficiaire accueilli en établissement, afin de pouvoir, entre autres, prendre une mutuelle ?

Cette question, monsieur Vasselle, est d'ordre réglementaire et non législatif. Je considère pour ma part que c'est une vraie question. Nous allons y réfléchir avec vous, dans le cadre de la rédaction des textes réglementaires d'application de la loi. Les techniciens nous répondent que cela va coûter cher.

Concernant le projet de problème de l'accès à la couverture santé, qui ressort d'une autre de vos questions, monsieur Vasselle, il convient de rappeler que l'accès à la CMU complémentaire est soumis à condition de ressources et que ces conditions de ressources excluent en effet de peu les bénéficiaires de l'AAH. Je compte là aussi réexaminer cette question dans le cadre de l'élaboration des décrets qui accompagneront la loi.

Monsieur le sénateur Franchis, vous m'avez interrogée sur les avantages fiscaux relatifs aux contrats d'assurance-vie spécifiques aux personnes handicapées. Non seulement les avantages fiscaux sont maintenus dans le projet de loi, mais le plafond des réductions autorisées au regard des primes versées est augmenté de 1.070 à 1.525 euros.

Ces améliorations ont pour objectif d'encourager les solidarités familiales.

Vous avez ensuite évoqué le problème des délais de carence entre le moment où une personne handicapée cesse son activité et le moment où elle perçoit son allocation, délai qui tient au fait que l'appréciation des ressources pour le bénéficiaire de l'AAH est opérée sur les bases des revenus prélevés à l'année n - 1. Jusqu'à présent, le fait de prendre l'année n - 1 est favorable aux personnes handicapées. Je ne pense pas qu'il faille remettre ce principe en cause. Toutefois, vous le savez, une appréciation plus fine des revenus des personnes se fait pour d'autres minima sociaux. Ce point peut donc être abordé à nouveau. Il faudra bien en peser les avantages et les inconvénients, notamment au regard des améliorations du cumul du salaire et de l'AAH dans le présent projet de loi. Il faut faire attention que le mieux ne soit pas l'ennemi du bien, mais nous reverrons cette question-là.

S'agissant des problèmes d'intégration scolaire soulevés essentiellement par Mme Demessine, la principale préoccupation était la création de postes supplémentaires pour les auxiliaires d'intégration scolaire. Le dispositif précédent reposait sur des emplois jeunes recrutés par l'Éducation nationale - environ un millier - mais aussi par des associations - environ 2.500 - ou par quelques collectivités territoriales.

Les dispositifs associatifs sont fragiles, et les montages financiers souvent complexes. Ils nous ont amenés à considérer qu'il était dans les missions de l'éducation nationale d'assurer ce type d'accompagnement de manière pérenne et complémentaire. A la rentrée dernière, le nombre d'auxiliaires de vie scolaire recrutés par l'Éducation nationale, uniquement pour s'occuper des enfants handicapés, a été l'ordre de 6.000. Le contrat a été rempli.

Cela s'est fait de manière assez rapide. Il se trouve qu'aujourd'hui, ce contingent d'auxiliaires de vie scolaire est relativement fragile. Il aura besoin d'être conforté dans les mois à venir, notamment pour la rentrée prochaine mais, grâce à cette embauche rapide de 6.000 auxiliaires de vie, globalement et pour la première année, nous n'avons pas eu de problèmes majeurs pour l'intégration scolaire d'enfants handicapés en milieu ordinaire à la rentrée 2003.

Dans les années à venir, comme elle s'y était engagée, l'Éducation nationale accompagnera, en tant que de besoin, la fin des emplois jeunes du secteur associatif, qui doit se faire en douceur et dans l'intérêt à la fois des enfants handicapés et des jeunes embarqués dans ces aventures. Les parlementaires avaient souhaité, lors du débat sur le statut d'assistant d'éducation, que celui-ci prévoit la possibilité pour les collectivités territoriales de financer certains de ces postes. La loi a retenu cette proposition. Les collectivités territoriales peuvent donc, si elles le souhaitent, contribuer au développement de ces dispositifs. Enfin, il s'avère nécessaire de veiller à ce que la présence auprès de l'enfant de ces auxiliaires de vie scolaire contribue bien à développer leur autonomie et, à terme, permette à l'enfant d'être scolarisé autant que faire se peut dans les mêmes conditions que les autres élèves.

M. le PRÉSIDENT - Je souhaite, sur ce sujet, l'assouplissement des règles de recrutement des auxiliaires. On a vu des familles se voir refuser la prise en charge parce que l'auxiliaire n'avait pas le bac, pas l'expérience, etc. !

On refuse l'aide à un enfant handicapé sous prétexte qu'il faut avoir le bac pour porter le cartable et permettre à l'enfant d'accéder à sa classe. Cela n'a pas de sens et ce sont souvent les familles - voire les communes - qui, du coup, paient l'auxiliaire ! Je pense que c'est très abusif ! Il est dit dans le texte qu'il faut avoir soit le bac, soit trois ans d'expérience ; quand on crée un texte, personne n'a d'expérience ! Il faut donc assouplir les choses. Tout le monde a trois ans d'expérience pour porter un sac : on l'a tous fait dans notre jeunesse !

Mme Marie-Thérèse BOISSEAU, secrétaire d'État aux personnes handicapées - Tout d'abord, il me semble qu'il n'y a pas eu de problèmes majeurs à la rentrée dernière.

M. le PRÉSIDENT - Il y en a eu !

Mme Marie-Thérèse BOISSEAU, secrétaire d'État aux personnes handicapées - Pas beaucoup. En second lieu, nous avions recommandé la plus grande souplesse pour les emplois jeunes qui voulaient intégrer l'Éducation nationale et qui n'avaient pas le bac ou les trois d'expérience, afin de leur permettre d'entrer dans ce statut d'auxiliaire de vie scolaire de l'Éducation nationale. Troisièmement, à terme, il faudra vraisemblablement prévoir une formation pour ces auxiliaires de vie scolaire afin de conforter leur démarche.

Je partage votre sentiment : quand il s'agit de personnes handicapées, il faut allers vers les solutions les plus souples et les plus pragmatiques possible, sans refuser pour cette seule raison l'assistance d'un auxiliaire de vie scolaire à un enfant qui ne pourrait en avoir par ailleurs.

M. le PRÉSIDENT - Cela dépend en outre du niveau de l'enfant. La compétence requise pour assister un enfant de maternelle ou de primaire et un enfant de secondaire ou de terminale est différente ! Il faut aussi veiller à ce que l'auxiliaire de vie scolaire n'ait pas un niveau supérieur, dans le cas où il est obligé de rédiger à la place de la personne handicapée. Il y a des exigences de compétences dans certains cas, mais il faut aussi faire attention que les auxiliaires n'aient pas trop de compétences dans d'autres cas. Je me méfie toujours des textes qui obligent à avoir un certain niveau. On refuse des aides financières à des familles au nom de ce critère. Dans mon département, ce sont les familles qui ont assumé !

Mme Marie-Thérèse BOISSEAU, secrétaire d'État aux personnes handicapées - Je partage votre sentiment. C'est extrêmement complexe et chaque cas est un cas particulier, auquel il faut essayer de répondre avec le maximum d'intelligence, celle de l'esprit et, encore plus, celle du coeur. Chaque enfant, chaque personne handicapée - c'est l'occasion pour moi de le répéter - est un cas particulier et nécessite un diagnostic, un projet de vie et un parcours personnalisé.

Mme Demessine, MM. About et Lardeux ont posé un certain nombre de questions à propos des transports et du cadre bâti. S'agissant notamment du transport adapté en milieu rural pour les personnes handicapées ayant un emploi, les transports publics sont principalement constitués par les transports scolaires et les lignes régulières organisées par les départements quand il y en a. La distance des habitations au point d'arrêt peut être importante et la pertinence du transport public pour les personnes handicapées trouve bien sûr là sa limite. Néanmoins, conscients de la nécessité de ne pas laisser des personnes à mobilité réduite dans l'isolement, de nombreux départements organisent des transports à la demande. Ainsi, l'article 27 du décret du 16 août 1985 permet d'organiser certains services réguliers à la demande en faveur de catégories particulières d'usagers, comme les personnes présentant un handicap spécifique.

Le Gouvernement, souhaitant faciliter l'accès aux transports des plus démunis, a par ailleurs prévu, lors du CIAT du 3 septembre dernier consacré au monde rural, la création d'un chèque transport. Au cours du même CIAT, il a été décidé de développer les transports à la demande, qui concernent à l'heure actuelle la moitié des départements et qui desservent 4.000 communes. Une mission d'inventaire et d'information su les transports à la demande en milieu rural a été confiée à l'IGAS et au Conseil général des ponts et chaussées.

Venons-en au cadre bâti. Vous avez souhaité connaître les délais prévus pour sa mise en accessibilité, les sanctions envisagées, tout en vous interrogeant sur les moyens de ne pas pénalise les petits bailleurs privés. Je crois qu'il faut distinguer ce qui relève du logement et des établissements recevant du public. En ce qui concerne ces derniers, le projet de loi prévoit des délais - j'insiste sur ce point - pour leur mise en accessibilité. Ces délais seront fixés par des décrets en Conseil d'État et nécessitent des études d'impact qui sont en cours. Pour ce qui est du logement, il me paraît difficile de poser des délais, puisque c'est à l'occasion de travaux que la mise en accessibilité est rendue obligatoire. La question, par ailleurs, se pose pour les immeubles collectifs d'habitation. On a déjà fait un progrès , puisque la loi prévoit, lorsqu'un copropriétaire en fait la demande, que les travaux d'accessibilité soient votés à la majorité simple et non plus absolue, comme c'était le cas par le passé.

Reste la question essentielle du financement de ces travaux. Un certain nombre d'aides existent déjà. Elles proviennent notamment de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH), ou prennent la forme de réductions d'impôts prévues par la loi de finances. A titre d'exemple, un crédit d'impôt de 15 % est accordé pour la mise en place de gros équipements tels que les ascenseurs. Par ailleurs, dans le parc social, les dépenses engagées par les organismes de HLM pour l'accessibilité et l'adaptation des logements sont devenues déductibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties. Toutes ces dispositions me semblent de nature à améliorer le financement des travaux d'adaptation des logements aux besoins des personnes handicapées. Enfin, concernant les sanctions envisagées, je pense qu'il faut, là aussi, différencier le traitement applicable aux établissements recevant du public (ERP) et aux logements privés. Pour ces derniers, je préfère la voie des incitations et des aides, plutôt que celle des sanctions.

Pour les établissements recevant du public, les règles fixées par le projet de loi me paraissent de nature à garantir une effectivité. Je vous rappelle que des délais sont fixés et que tous ces ERP devront être accessibles, sauf dérogations motivées. Elles seront exceptionnelles et porteront sur un champ limité. Des mesures de substitution devront être acceptées. Tous travaux nécessaires pour la mise en accessibilité faisant l'objet d'une subvention devront répondre aux conditions d'accessibilités fixées par les textes. Enfin, il y aura vérification par un contrôleur technique indépendant. Pour toutes ces raisons, la création d'un fonds spécifique ne m'a pas paru la solution la plus pertinente. Néanmoins, je demanderai à ce que cette proposition soit expertisée.

Dernière question de M. Lardeux : le Gouvernement envisage-t-il de renforcer les sanctions à l'encontre des automobilistes stationnant sans autorisation sur les emplacements réservés aux personnes handicapées ? C'est déjà chose faite puisque, depuis le 11 juillet 2003, les amendes pour stationnement sur les emplacements réservés aux véhicule utilisés par les personnes handicapées ont été majorées. Elles sont passées de 35 à 135 euros. De plus, les maires pourront, s'ils le souhaitent, demander le dépôt en fourrière des véhicules. Il s'agit là, me semble-t-il, d'un renforcement très significatif des sanctions, dans le but d'obtenir un respect complet de la réglementation relative à ces emplacements. Il me semble vraiment que, depuis quelque temps, ces emplacements réservés sont beaucoup mieux respectés. Au-delà de la nécessaire sanction, les mentalités évoluent. Je vous renvoie à ce sujet à une publicité télévisée pour les assurances qui est remarquablement faite.

Ce sera le dernier mot de ces réponses que j'ai essayé de rendre les plus argumentées possible et les plus complètes. La loi n'est que la loi ; au-delà, il faudra que nous soyons persuadés que l'intégration des personnes handicapées dans notre société est vraiment un devoir absolu.

M. le PRÉSIDENT - Merci beaucoup. Monsieur le rapporteur, avez-vous des questions complémentaires à poser à Mme la ministre ?

M. Paul BLANC, rapporteur - Madame la ministre, dans les supermarchés, la police municipale a quelques difficultés à faire respecter les emplacements réservés aux personnes handicapées. Une association avait mis en place un système de carte réservée aux handicapés, qui leur permettait d'avoir des emplacements réservés dans les parkings, mais c'est peut-être quelque chose à ne pas développer.

Ma question porte sur un sujet que vous n'avez pas abordé, madame la ministre, celui du fonctionnement des équipes de préparation et de suites, qui bénéficient de conventionnements pour la partie Cap Emploi, en matière de placement dans les entreprises des travailleurs handicapés. Il semblerait qu'aujourd'hui, les AGEFIPH, dans la convention qu'ils proposent à ces équipes de préparation et de suites, veuillent uniquement prendre en compte les placements. Or, il me paraît essentiel et indispensable que l'on puisse également avoir un accompagnement de ces travailleurs handicapés, et je pense en particulier aux difficultés que rencontrent les handicapés psychiques. Qui va les prendre en charge ? Comment seront financées les équipes de préparation et de suites ?

Mme Marie-Thérèse BOISSEAU, secrétaire d'État aux personnes handicapées - Je partage tout à fait votre analyse. Je crois avoir dit à maintes reprises combien j'attachais d'importance à ce que, demain, il y ait beaucoup plus de personnes handicapées qui travaillent. Il en va de leur dignité, de leur intégration dans notre société et aussi de l'intérêt de la société. Les réponses qui existent sont extrêmement souples, notamment avec du travail à temps partiel. Bien évidemment un accompagnement est particulièrement nécessaire pour les handicapés mentaux et les handicapés psychiques, que nous intégrons enfin dans la loi. Il me semble personnellement que c'est le rôle de l'AGEFIPH. Il est prévu dans la loi un contrat d'objectif entre l'État et l'AGEFIPH, révisable tous les trois ans, et je souhaite personnellement qu'y soit bien présent l'accompagnement des personnes handicapées.

M. Paul BLANC, rapporteur - Ce n'est pas l'intention de l'AGEFIPH de l'accepter. Il est donc probable que je déposerai quelques amendements à ce sujet.

M. le PRÉSIDENT - Il faut protéger le système Cap Emploi.

M. Alain VASSELLE - Je voudrais remercier Mme Boisseau des réponses très détaillées qu'elle a bien voulu m'apporter sur les questions posées la fois précédente.

Je me permettrai de revenir sur deux points. Le premier concerne le handicap social. Je voudrais donner un exemple concret pour que l'on comprenne bien ma préoccupation, qui résulte d'une interpellation récente d'un maire d'une commune rurale de mon canton qui avait fait l'effort de recruter, au titre des emplois jeunes, un garçon classé en COTOREP catégorie C, qui n'est vraiment pas capable de faire autre chose dans sa commune que du balayage. Or, ce jeune est arrivé à la fin de son contrat, qu'il avait pris parce qu'il bénéficiait des aides de l'État. A partir du moment où les emplois jeunes ne peuvent perdurer, il va se retrouver au chômage. Il s'agit d'un jeune adulte quelque peu déséquilibré, dont les parents étaient rassurés de le savoir occupé. Aujourd'hui, il est livré à lui-même et, si la commune ne peut bénéficier d'une aide sous une forme ou une autre, elle ne pourra reprendre ce garçon. Voilà donc un jeune adulte, entre le handicap mental et le handicap social, pratiquement inclassable ! Aucune entreprise ne l'embauchera, car qu'il ne peut apporter de valeur ajoutée à la production du travail qu'il effectuera. Il peut tout au plus trouver une place dans une commune, où on peut l'occuper, mais c'est tout. Que vont devenir ces jeunes qui ont ce profil particulier ?

En second lieu, vous avez évoqué les problèmes que rencontrent les établissements en ce qui concerne le financement des prix de journée.Certains jeunes adultes sont privés de vie de famille pour des questions purement financières. Les conseils généraux ont en effet une gestion comptable des choses, qui n'intègre pas l'aspect humain. C'est un vrai problème sur lequel je me permets d'appeler à nouveau votre attention.

Le dernier problème que je veux évoquer est lié à l'ACTP. Certains parents demandent que leur enfant quitte l'établissement au minimum huit jours afin de pouvoir bénéficier du reversement de l'ACTP à domicile. Il n'est pas normal que quelqu'un qui quitte l'établissement trois ou quatre jours ne puisse bénéficier du reversement de l'ACTP ! Il y a un manque de souplesse dans le dispositif qui concerne surtout les jeunes adultes, plus que les personnes plus âgées qui ne comptent plus de famille. Cela ne relève pas du domaine législatif, mais du domaine réglementaire - à moins que ce ne soit à la limite des deux !

M. le PRÉSIDENT - On pourrait imaginer que la loi considère que lorsque la personne handicapée quitte l'établissement, elle a, dès le premier jour, droit à une aide qui lui permette de vivre à l'extérieur de l'établissement. Elle a donc droit à l'ACTP.

C'est une règle établie par la voie réglementaire, mais qui pourrait être contrée par une décision législative. Il faut bien y réfléchir. Je ne vois pas comment une personne handicapée peut se débrouiller seule, sans soutien, à l'extérieur !

Mme Marie-Thérèse BOISSEAU, secrétaire d'État aux personnes handicapées - S'agissant du cas particulier que vous évoquez - mais je souhaiterais que l'on en reparle en aparté pour essayer de trouver une réponse - il me semble qu'il ne s'agit pas là de handicap social. Ce garçon est en catégorie C ; il est passé devant la COTOREP : il s'agit donc d'une personne handicapée au sens de la loi. Il peut y avoir des problèmes d'adaptation et d'emploi qui se greffent ensuite là-dessus, surtout si le cas relève d'un handicap psychique mais, pour moi, la personne handicapée sociale est celle qui n'est pas passée devant la COTOREP.

M. le PRÉSIDENT - Une sorte de misère physiologique...

Mme Marie-Thérèse BOISSEAU, secrétaire d'État aux personnes handicapées - Misère physiologique, affective, etc. On sait où cela commence, mais non où cela finit. C'est un autre problème - un réel problème - mais ce n'est pas le sujet abordé par la loi, alors que le cas que vous évoquez rentre pleinement dans la loi sur les personnes handicapées.

Pour le reste, il s'agit du problème de la dotation journalière et de la dotation globale. Un certain nombre de départements - dont un que je connais bien - pratiquent depuis longtemps la dotation globale et n'ont pas les problèmes que vous abordez. Il faut donc absolument que tous les départements aillent vers la dotation globale, pour éviter ce genre de raideur.

En ce qui concerne la CTP, on peut voir éventuellement si l'on peut préciser les dispositifs législatifs, mais j'en tirerai évidemment la même conclusion que vous, dans ce domaine comme dans tous les domaines concernant les personnes handicapées : souplesse !

M. Alain GOURNAC - Il n'est pas facile de faire tourner une maison pour personnes handicapées. Si l'on retire l'argent qui sert au fonctionnement global de l'établissement, on va le mettre en difficulté ! Attention !

M. le PRÉSIDENT - Le débat est effectivement important. La grande question est de savoir si l'on admet que la personne accueillie en institution a droit à un projet de vie ou si elle a pour seul avenir le maintien en institution. On pourrait admettre que, lorsqu'elle quitte l'institution dans le cadre de son projet de vie ou pour vivre simplement autre chose un certain nombre de jours par mois, il y ait une part réduite de moyens donnée à l'établissement, qui a des frais inférieurs, et qu'un surplus soit versé à la sortis. Cela constitue une surcharge, mais ceci fait partie du projet de vie ! Dans le projet de vie, il y a aussi la possibilité de prendre l'air et de quitter l'établissement. Il y a des charges incompressibles pour l'établissement, mais il n'a pas non plus toutes les charges, puisque la personne n'est pas là durant plusieurs jours. Il faudrait peut-être réfléchir à cela. Cela me paraît aller dans le sens de ce texte, qui veut être un texte plus humain.

Mme Marie-Thérèse BOISSEAU, secrétaire d'État aux personnes handicapées - Il me semble que, quels que soient les impératifs et les obligations, l'établissement doit être au service du projet de vie de chaque pensionnaire.

M. le PRÉSIDENT - Vous comprenez, madame la ministre, à travers ce que vient de dire Alain Gournac, l'importance du point que nous avons soulevé avec le rapporteur : il est nécessaire que les personne handicapées soient défendues par des représentants qui ne fassent que cela, sans avoir en même temps l'obligation de gérer un établissement. On voit bien que les intérêts peuvent être opposés. Il faut faire très attention à ce point et j'insiste là-dessus car, bien entendu, ceux qui gèrent les établissements penseront aussi à l'équilibre des comptes.

M. Gilbert CHABROUX - J'ai suivi la plus grande partie de votre exposé avec beaucoup d'intérêt, madame la ministre. Je trouve qu'il y a des avancées, mais je voudrais avoir une idée plus précise de l'importance de l'effort financier. Vous avez parlé de 850 millions d'euros, mais M. Jean-Marie Spaeth nous a dit, mercredi dernier, que le budget des personnes handicapées, tout compris, était de 24 milliards d'euros en 2001. Est-ce vrai ? Il s'y ajouterait donc 850 millions d'euros, ce qui ferait une augmentation de 3,5 %, ce qui n'est pas beaucoup. Y a-t-il d'autres financements, ou cette basse de calcul est-elle la bonne, avec quelques ajustements possibles ? Quels sont les ordres de grandeur ?

M. Guy FISCHER - Pourquoi n'examine-t-on pas en même temps le projet de loi sur le jour férié ? On pourrait ainsi y voir plus clair !

M. Alain VASSELLE - Dommage que l'on n'examine pas non plus les décrets en même temps que le texte ! On n'exerce plus notre mission de contrôle depuis que la session unique a été mise en place : on n'en a plus le temps !

Mme Marie-Thérèse BOISSEAU, secrétaire d'État aux personnes handicapées - Il me semblait m'être expliquée sur la nécessité d'examiner cette loi assez vite si nous voulons avoir le temps - je compte sur la participation des parlementaires - de rédiger tous les décrets de loi qui y sont attenants, l'objectif étant de faire en sorte que cette loi soit applicable à partir de 2005.

Monsieur Chabroux, il faut comparer ce qui est comparable. Je suis d'accord avec les chiffres donnés par M. Spaeth, mais ils comprennent à la fois les personnes handicapées - c'est l'objet de notre loi -, les invalides, les accidentés du travail, ainsi que les sommes consacrées au fonctionnement des établissements. Concernant les personnes handicapées, le budget actuel est de l'ordre de 15 milliards d'euros. 6 milliards relèvent de l'État, 6 milliards de la Sécurité sociale, et la participation des collectivités territoriales est d'environ 3 milliards. Il s'agit d'une augmentation de l'effort de l'État en faveur des personnes handicapées non de 3 %, mais de l'ordre de 15 % !

M. le PRÉSIDENT - Merci de toutes ces précisions, madame la ministre. Cette réunion complémentaire était nécessaire et a permis de nouveaux échanges.

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