EXAMEN EN COMMISSION

Au cours d'une réunion tenue le 25 février 2004 sous la présidence de M. Jacques Legendre , vice-président , la commission a examiné le rapport de M. Jacques Valade sur le projet de loi n° 209 (2003-2004) adopté par l'Assemblée nationale en première lecture, encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics.

A l'issue de l'exposé du rapporteur, un large débat s'est engagé.

Mme Danièle Pourtaud s'est interrogée sur les conditions d'application de la loi dans les établissements français situés à l'étranger.

Après avoir mis en garde contre d'éventuels risques de dérives, M. Bernard Murat s'est inquiété des modalités selon lesquelles sera organisée la médiation, ainsi que des conséquences de la loi sur la présence, dans les établissements, de parents d'élèves portant des signes religieux. Enfin, il a estimé que la fonction d'éducation appartenait d'abord aux parents, et non à l'école.

Concédant que la loi ne sera pas suffisante en elle-même pour remédier au désarroi des jeunes filles voilées, victimes d'exclusion sociale, M. Ivan Renar a souhaité que son application se fasse de façon sereine et avec discernement. Il a insisté, par ailleurs, sur la nécessité de développer, en parallèle de l'adoption de ce texte, l'enseignement des valeurs et la sensibilisation à la diversité des cultures et au respect de l'autre. Enfin, il a annoncé son intention éventuelle de proposer, lors des débats en séance publique, d'étendre l'application de la loi aux établissements privés sous contrat.

M. Ambroise Dupont s'est déclaré frappé par le désarroi des équipes éducatives venues témoigner devant la commission, et leur sentiment d'impuissance pour faire appliquer les règlements intérieurs des établissements. Il a ensuite estimé que la loi aura des effets positifs, en favorisant l'apprentissage par les élèves de la relation égalitaire entre les hommes et les femmes, et, plus largement, en permettant à l'école de retrouver sa fonction d'éducation.

Constatant que le débat ne portait plus, désormais, sur l'opportunité de la loi, mais sur ses conditions d'application, M. Michel Thiollière a affirmé que la crédibilité de la République reposait sur l'application uniforme et effective de la règle fixée. Il a souligné le rôle du ministère de l'éducation pour prévenir et corriger les disparités d'interprétation d'un établissement à un autre, et pour préparer le monde éducatif à l'entrée en vigueur de la loi, notamment par la mise en place, le plus tôt possible, d'une formation adaptée des enseignants.

Tout en rappelant les évolutions des positions de chacun face à l'idée d'une loi, M. Louis de Broissia a regretté que le texte ne prenne appui que sur le principe de laïcité, et non sur celui de parité entre les hommes et les femmes ou d'égalité des chances.

M. Alain Dufaut a souligné que l'efficacité de la loi dépendra de son application rigoureuse et uniforme. A ce titre, il a exprimé son inquiétude face à la volonté de certains musulmans de tester les capacités de résistance de la République, ce qui risque d'entraîner des dérives lors des phases de médiation.

Après avoir rappelé l'exigence de fermeté qui devra primer dans l'application de la loi, M. Pierre Laffitte a fait remarquer que la France était en avance, en Europe, sur la question de la réaction au communautarisme et que d'autres pays devraient nous suivre dans cette voie.

M. Pierre Martin a considéré que les débats révélaient une certaine perte des valeurs, y compris parmi les enseignants, alors que ces derniers doivent jouer un rôle d'exemple à l'égard des élèves. Il a souhaité que l'application de la loi soit ferme, et ne conduise pas à transiger sur nos principes fondamentaux.

Rejetant toute idée d'uniformisation, M. Fernand Demilly a exprimé ses doutes quant à l'opportunité de la loi, s'interrogeant, de surcroît, sur les critères permettant d'établir une distinction entre les signes ostensibles et les signes visibles. Il a, en outre, soulevé la question des tatouages.

M. Jacques Legendre a affirmé que le projet de loi visait à donner un coup d'arrêt à la volonté de certains intégristes de mettre en place, dans notre pays, une nouvelle religion d'Etat, près d'un siècle après l'adoption de la loi de 1905.

Soulignant les insuffisances de la situation juridique actuelle, telle qu'elle résulte de l'avis du Conseil d'Etat du 27 novembre 1989, il a indiqué que la loi inversait le rapport de force en faveur des chefs d'établissement et des enseignants. Enfin, il a rappelé que, si le dialogue était essentiel, l'application de la règle fixée devrait rester fidèle à l'esprit de la loi.

En réponse à ces intervenants, M. Jacques Valade a formulé les remarques suivantes :

- les conditions d'application de la loi dans les établissements français à l'étranger seront fixées, comme le prévoit l'article L. 451-1 du code de l'éducation, par décret en Conseil d'Etat, afin de tenir compte de la situation particulière de ces établissements et des accords conclus avec des Etats étrangers.

- le présent projet de loi, qui rappelle la règle républicaine de laïcité, marque un avancée majeure par rapport à la situation juridique actuelle, en donnant aux chefs d'établissement une assise législative et une issue possible, l'exclusion, de nature à faciliter le règlement des conflits avec les élèves ;

- lors de son audition devant la commission, le ministre a rappelé qu'une large concertation avec les organisations représentatives des cultes sera organisée dans le cadre de la préparation de la circulaire d'application de la loi, laquelle précisera les modalités de mise en oeuvre du dialogue et de la médiation au sein des établissements ;

- par ailleurs, le ministre a confirmé que les parents d'élèves n'étaient pas concernés par les dispositions de la loi ;

- il sera nécessaire de renforcer la formation à la laïcité et au fait religieux de l'ensemble des enseignants, l'enseignement de la culture des religions ne devant pas reposer sur les seuls professeurs d'histoire ;

- le présent texte de loi est également l'occasion d'aborder la question de l'égalité entre les sexes. Il constitue en outre un test considérable pour la République, afin de barrer la voie à toute nouvelle tentative d'instaurer une religion d'Etat, alors que l'Eglise catholique y a renoncé depuis longtemps ;

- s'il est vain de vouloir codifier dans les détails les signes qui seront, ou non, acceptables, il faudra rester vigilant et attentif sur la façon dont la loi sera appliquée.

Suivant les propositions de son rapporteur, la commission a décidé d'adopter sans modification le projet de loi encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics.

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