II. LA PROPOSITION DE RÈGLEMENT DU CONSEIL PORTANT CRÉATION D'UNE AGENCE EUROPÉENNE POUR LA GESTION DE LA COOPÉRATION OPÉRATIONNELLE AUX FRONTIÈRES EXTÉRIEURES : PRÉSERVER LES COMPÉTENCES DES ÉTATS MEMBRES TOUT EN OPTIMISANT LA COOPÉRATION OPÉRATIONNELLE

Dans la communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil en vue du Conseil européen de Thessalonique sur le développement d'une politique commune en matière d'immigration clandestine, de trafic illicite et de traite des êtres humains, de frontières extérieures et de retour des personnes en séjour irrégulier, le 3 juin 2003 9 ( * ) , la Commission européenne a proposé que l'Instance commune continue à fixer les orientations politiques et stratégiques sous le contrôle du Conseil des ministres, tandis que les tâches de nature plutôt opérationnelle pourraient être confiées à une nouvelle structure communautaire permanente , qui serait en mesure d'exécuter ces tâches quotidiennes de gestion et de coordination et d'apporter une réponse rapide en cas d'urgence.

Lors de sa réunion des 19 et 20 juin 2003, le Conseil européen de Thessalonique a donc invité la Commission à faire des propositions en ce sens.

Le 11 novembre 2003, la Commission a déposé la présente proposition de règlement après que le Conseil a approuvé le principe de la création d'une agence communautaire.

L'article 66 figurant au titre IV du traité instituant la Communauté européenne constitue la base juridique du règlement 10 ( * ) . Le Conseil statue donc à l'unanimité sur proposition de la Commission ou à l'initiative d'un Etat membre et après consultation du Parlement européen.

La politique communautaire en matière de gestion intégrée des frontières extérieures constituant un acquis de Schengen, le projet de création de l'agence constitue un développement des dispositions de cet acquis. En conséquence, sa mise en oeuvre devra tenir compte des différents protocoles convenus avec le Danemark, la Norvège, l'Islande, le Royaume-Uni et la République d'Irlande. Mais d'ores et déjà, ces pays à l'exception du Danemark ont annoncé leur volonté de participer pleinement aux activités de l'agence.

Cette proposition de règlement ne remplace pas un texte communautaire normatif mais se substitue partiellement au Plan de gestion intégrée des frontières extérieures des Etats membres de l'Union de juin 2002. Elle ne devrait pas impliquer de modifications de notre législation nationale.

A. LES MISSIONS DE L'AGENCE

Les articles 2 à 9 définissent les missions de l'agence. Celles-ci sont pour l'essentiel similaires à celles de l'Instance commune .

L'agence devrait néanmoins s'acquitter d'une tâche supplémentaire consistant à fournir aux Etats membres l'appui technique nécessaire pour coordonner des opérations conjointes d'éloignement.

L'agence ne pourrait pas définir d'orientations politiques, ni présenter de propositions législatives. Elle assisterait simplement les Etats membres dans la mise en oeuvre de la législation communautaire en matière de gestion des frontières extérieures.

Six grandes missions peuvent être distinguées.

1. Coordonner la coopération opérationnelle entre les Etats membres en matière de contrôle et de surveillance des frontières extérieures

L'agence coordonnerait les opérations conjointes aux frontières. A cette fin, elle pourrait créer et s'appuyer sur des bureaux spécialisés prévus à l'article 13 de la proposition de règlement. En réalité, ces bureaux déconcentrés seraient la reprise des centres existant pour les frontières terrestres, aériennes et maritimes. Ils étudieraient les meilleures pratiques et relaieraient l'agence localement aux fins de l'organisation concrète des opérations conjointes et projets-pilotes.

L'agence pourrait avoir l'initiative de telles opérations conjointes, les co-financer et devrait évaluer systématiquement les résultats.

Toutefois, à la demande du Conseil dans ses conclusions du 28 novembre 2003, il a été précisé que « la participation des Etats membres à des activités opérationnelles communes se ferait sur une base volontaire ». Dans le même sens, plusieurs Etats membres au sein du groupe de travail « Frontières » du Conseil ont demandé à ce qu'il soit ajouté un paragraphe prévoyant explicitement que les compétences de l'agence sont sans préjudice des compétences des Etats membres. L'agence n'aurait donc pas de monopole .

2. Assister les Etats membres dans la formation des gardes-frontières nationaux

Outre le développement d'un tronc commun de formation déjà initié par l'Autriche et la Suède dans le cadre du plan de gestion intégrée, l'agence proposerait directement aux agents des services nationaux compétents des stages et des séminaires.

3. Evaluer les risques

L'agence reprendrait les activités du centre d'analyse des risques, dont les activités ont commencé à Helsinki le 1 er avril 2003.

Cette mission est indispensable au succès de l'agence et lui donnerait toute sa plus-value.

En effet, quelle que soit la nature des mesures à renforcer ou à créer, celles-ci reposent sur une analyse de risque préalable. Elle permet d'identifier et de dénombrer les flux migratoires ainsi que de mesurer l'efficacité des pratiques mises en oeuvre selon le type de frontières.

Cela suppose d'entretenir des liens étroits avec les services de police aux frontières des Etats-membres, avec les officiers de liaison dans les pays tiers et avec Europol . Les articles 10 et 11 prévoient de tels échanges d'informations, le groupe de travail « Frontières » du Conseil ayant à cet égard élargi le champ de la coopération possible entre l'agence et Europol. Le texte initial limitait les accords entre l'agence et l'Office européen de police aux seuls échanges d'informations stratégiques non personnelles. La nouvelle version a supprimé cette précision restrictive.

4. Suivre l'évolution de la recherche en matière de contrôle et de surveillance

L'agence reprendrait les activités assumées actuellement par le centre d'excellence de Douvres.

5. Aider les Etats-membres confrontés à une situation exigeant une assistance opérationnelle et technique renforcée à leurs frontières extérieures

Outre la coordination des opérations, l'agence pourrait détacher des experts spécialisés. Ils auraient à leur disposition des équipements techniques de contrôle et de surveillance acquis par l'agence . Précisons que les experts ne disposeraient d'aucun pouvoir répressif.

Par ailleurs, comme le prévoit l'article 7 du projet de règlement, l'agence établit et gère « un inventaire des équipements techniques de contrôle et de surveillance des frontières extérieures appartenant aux Etats membres que ceux-ci sont prêts à mettre volontairement et temporairement à la disposition d'autres Etats-membres, après évaluation des besoins et des risques par l'Agence ».

6. Fournir aux Etats membres l'appui technique nécessaire pour organiser des opérations conjointes d'éloignement

Dans le cadre du Plan de gestion intégrée, la France s'est proposée d'être le chef de file d'un projet-pilote visant à rationaliser les mesures d'éloignement au moyen de vols groupés.

Des réunions d'experts ont abouti à l'adoption d' « orientations communes sur les mesures de sécurité à prendre pour les opérations communes d'éloignement par voie aérienne ». Ces orientations harmonisent les règles de sécurité lors de l'organisation de ces vols.

Plusieurs vols ont été organisés dans ce cadre, avec les Pays-Bas, le Royaume-Uni, l'Allemagne et l'Espagne.

La proposition de règlement présentée par la Commission européenne en novembre 2003 a prolongé ces travaux en confiant à l'agence la coordination et l'organisation des opérations conjointes de retour. Toutefois, le Conseil JAI du 28 novembre 2003, dans ses conclusions, a marqué sa réticence à aller aussi loin et a souhaité que l'agence fournisse uniquement un appui technique pour organiser ces vols. Ajoutons que le projet de rapport du Parlement européen sur ce texte se prononce contre l'attribution à l'agence d'une quelconque compétence en matière d'éloignement.

En conséquence, le groupe de travail « Frontières » du Conseil a modifié la proposition de règlement initial en supprimant l'idée d'une organisation directe de ces vols par l'agence.

Celle-ci pourrait néanmoins disposer des ressources financières de la Communauté consacrées à la politique de retour. La Commission européenne a de nouveau proposé d'affecter 30 millions d'euros pour les années 2004-2006 afin de financer cette politique 11 ( * ) .

* 9 COM (2003) 323 final.

* 10 Art. 66 : Le Conseil, statuant conformément à la procédure visée à l'article 67, arrête des mesures pour assurer une coopération entre les services compétents des administrations des Etats membres dans les domaines visés par le présent titre, ainsi qu'entre ces services et la commission.

* 11 Cette somme inclurait les retours forcés, les retours volontaires et des aides aux pays tiers pour rapatrier des étrangers dans leur pays d'origine. Seule la partie de ces fonds destinée aux retours forcés serait gérée par l'agence.

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