III. LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION ET LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION DES LOIS

A. LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION : RENFORCER LE CONTRÔLE POLITIQUE DE L'AGENCE ET MAINTENIR L'OBJECTIF D'UNE POLICE EUROPÉENNE DES FRONTIÈRES

1. Préserver les compétences du Conseil de l'Union européenne

En proposant la création d'une agence de régulation autonome, la Commission s'est inspirée des précédentes expériences.

Il existe aujourd'hui quinze agences européennes, trois ayant été instituées depuis le Livre blanc sur la gouvernance européenne du 25 juillet 2001.

Intervenant toutes dans le champ des compétences communautaires traditionnelles (notamment le marché intérieur), elles ont pour but une meilleure application de la législation communautaire.

Comme l'indique le Livre blanc de 2001, « l'atout des agences réside souvent dans leur capacité à tirer parti d'un savoir-faire sectoriel de haute technicité ». C'est pour la Commission « un moyen utile de recentrer ses ressources sur ses missions essentielles ».

Ce contexte justifie la relative indépendance de ces agences, en particulier vis-à-vis du Conseil, et l'influence de la Commission dans leur fonctionnement. Toutes sont organisées selon un modèle semblable.

Ainsi, l'agence européenne pour la sécurité maritime est composée :

- d'un conseil d'administration comptant un représentant de chaque Etat membre et quatre représentants de la Commission, ainsi que de quatre représentants des secteurs professionnels les plus concernés, nommés par la Commission ;

- d'un directeur exécutif, indépendant dans l'exercice de ses fonctions, nommé par le conseil d'administration à la majorité des quatre cinquièmes et révocable dans les mêmes conditions.

L'autorité européenne de sécurité des aliments se compose elle aussi :

- d'un conseil d'administration composé de quatorze membres désignés par le Conseil en consultation avec le Parlement européen, à partir d'une liste établie par la Commission, ainsi que d'un représentant de la Commission ;

- d'un directeur exécutif, indépendant dans l'exercice de ses fonctions, nommé par le conseil d'administration à la majorité de ses membres sur la base d'une liste de candidats proposée par la Commission.

Enfin, dernier exemple, l'agence européenne de la sécurité aérienne se compose :

- d'un conseil d'administration comptant un représentant de chaque Etat membre et de la commission ;

- d'un directeur exécutif, indépendant dans l'exercice de ses fonctions, nommé et révoqué par le conseil d'administration sur proposition de la Commission à la majorité des trois quarts.

Le dispositif retenu 12 ( * ) pour la future agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures est donc très proche de ces précédents, alors même que le contexte est différent :

- les missions (le contrôle des frontières extérieures) touchent à des prérogatives de puissance publique et à l'exercice des libertés publiques ;

- la Commission européenne n'exerce jusqu'à présent pas ou peu de compétences dans ces matières (il ne s'agit donc pas de créer une agence pour déconcentrer certaines missions assumées par la Commission).

C'est la raison pour laquelle la proposition de résolution adoptée par la délégation pour l'Union européenne du Sénat souhaite que le Conseil définisse les orientations politiques et stratégiques de l'agence et que le directeur exécutif de l'agence soit responsable directement devant lui 13 ( * ) .

Sur le premier point, le considérant (19) de la nouvelle version du projet de règlement du Conseil issue des travaux du groupe de travail « Frontières » du 5 février 2004 est un progrès. Il précise que « la conception de la politique et de la législation en matière de contrôle et de surveillance des frontières extérieures continue de relever de la responsabilité des institutions de l'Union européenne, en particulier du Conseil ». La réserve de la proposition de résolution serait donc partiellement satisfaite si cette version venait à être adoptée.

Sur le second point, le directeur exécutif de l'agence resterait nommé et révocable par le conseil d'administration à la majorité des deux tiers. L'article 22 précise que « le directeur exécutif répond de ses actes devant le conseil d'administration ».

2. Un contrôle de l'agence par les parlements nationaux

La proposition de résolution demande que les parlements nationaux soient tenus informés du fonctionnement et des activités de l'agence, notamment par la création d'une commission de contrôle comprenant des parlementaires nationaux.

Ce souhait rejoint la réserve précédente dans le souci de soumettre cette agence à un système efficace de supervision et de contrôle. Il s'inspire de ce que le Sénat a préconisé s'agissant d'Europol 14 ( * ) .

Le parallèle avec l'Office européen de police peut être fait dans des matières relevant éminemment de prérogatives de puissance publique.

3. Conserver l'objectif de la création d'une police européenne des frontières

Dans sa proposition de résolution, la délégation pour l'Union européenne appelle à réexaminer l'hypothèse d'une police européenne aux frontières, le cas échéant dans le cadre d'une coopération renforcée. L'agence ne serait donc qu'une étape.

Cette police européenne serait composée de contingents nationaux intervenant en appui des polices locales en cas de besoin .

Comme le rappelle la communication de M. Robert Del Picchia sur l'agence européenne 15 ( * ) , la France et l'Allemagne avaient proposé, à nouveau, la création d'une police européenne des frontières dans leur contribution commune à la Convention européenne.

Dans son projet de rapport 16 ( * ) sur la présente proposition de règlement du Conseil, le Parlement européen suggère que l'agence ait pour mission d'étudier la possibilité d'instituer un corps de gardes-frontières européen.

Certes, la création d'une police européenne des frontières rencontre de nombreux obstacles, le principal étant l'absence d'un cadre juridique approprié pour le détachement de personnel disposant de pouvoirs répressifs dans d'autres Etats membres.

Toutefois, l'agence devrait poser les jalons préalables à une telle police, en développant une formation, des modèles d'analyse et des matériels commun.

Votre commission des Lois n'ignore pas que les perspectives ainsi dessinées ne pourront se concrétiser que dans de nombreuses années. Mais le rôle du Parlement en matière européenne est de définir les objectifs souhaitables, quand bien même ceux-ci ne pourraient être atteints que bien plus tard.

* 12 Voir pages 19 et 20.

* 13 A titre d'exemple, le directeur d'Europol est nommé à l'unanimité par le Conseil, après avis du conseil d'administration, et est révocable à la majorité des deux tiers par ce même Conseil, toujours après avis du conseil d'administration.

* 14 Résolution européenne n° 13 (2003-2004) sur le projet de protocole modifiant la Convention Europol proposé par le Danemark. Rapport n° 58 de M. Alex Türk.

* 15 Réunion du mardi 20 janvier 2004 de la Délégation pour l'Union européenne du Sénat.

* 16 Parlement européen - doc. 2003/0273 (CNS) - le 7 janvier 2004.

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