C. DES GARANTIES INSUFFISANTES

Faute de fondements suffisamment précis, le Conseil constitutionnel n'a pu éviter l'érosion progressive de l'autonomie financière des collectivités territoriales.

1. Des dispositions constitutionnelles elliptiques

Dans sa rédaction antérieure à la révision du 28 mars 2003, la Constitution de la V ème République posait simplement le principe de la libre administration des collectivités territoriales par des conseils élus (article 72) et confiait à la loi le soin de lui donner une traduction concrète (article 34).

Le principe de l'autonomie financière n'était nullement mentionné mais le Conseil constitutionnel l'a déduit de celui de la libre administration, dont il constitue le corollaire, et en a esquissé une définition.

En premier lieu, il a posé les limites dans lesquelles des charges peuvent être imposées aux collectivités territoriales, en précisant que : « si le législateur est compétent pour définir les catégories de dépenses qui revêtent pour les collectivités territoriales un caractère obligatoire (...), toutefois les obligations ainsi mises à la charge d'une collectivité territoriale doivent être définies avec précision quant à leur objet et à leur portée et ne sauraient méconnaître la compétence propre des collectivités territoriales ni entraver leur libre administration 6 ( * ) . »

En deuxième lieu, le Conseil constitutionnel a considéré, d'une part, que « le législateur [pouvait] déterminer les limites à l'intérieur desquelles une collectivité territoriale peut être habilitée à fixer elle-même le taux d'une imposition établie en vue de pourvoir à ses dépenses 7 ( * ) », d'autre part, que les ressources globales des collectivités territoriales devaient être maintenues à un niveau suffisant et être composées pour partie de recettes fiscales 8 ( * ) .

Enfin, le Conseil constitutionnel a admis, dans une décision relative au Fonds de solidarité de la région Ile-de-France, que la mise en place de dispositifs de péréquation n'était pas contraire au principe de libre administration des collectivités locales 9 ( * ) .

2. Une jurisprudence peu protectrice

Audacieuse en apparence, la jurisprudence du Conseil constitutionnel s'est, en réalité, avérée peu protectrice de l'autonomie financière des collectivités territoriales.

En effet, le Conseil constitutionnel a tout d'abord admis des entorses au principe du maintien des ressources globales des collectivités territoriales .

Il a considéré qu'une disposition réduisant, pour certaines catégories de communes, la garantie de progression minimale de la dotation globale de fonctionnement ne constituait pas une entrave à la libre administration des collectivités territoriales dans la mesure où elle n'était susceptible d'entraîner qu'une diminution minime de la progression des dotations 10 ( * ) .

Peu après, il a admis la suppression d'une recette fiscale sans compensation au motif « qu'eu égard au montant du prélèvement en cause par rapport à l'ensemble des recettes de fonctionnement de la ville de Paris, sa suppression n'est pas contraire au principe de libre administration des collectivités locales 11 ( * ) ».

S'il a clairement affirmé que « les règles posées par la loi ne sauraient avoir pour effet de restreindre les ressources fiscales des collectivités territoriales au point d'entraver leur libre administration 12 ( * ) », le Conseil constitutionnel s'est toujours refusé à définir le seuil en deçà duquel toute nouvelle suppression de recettes fiscales serait considérée comme une entrave à la libre administration , se contentant de constater les atteintes successives portées à l'autonomie fiscale des collectivités territoriales.

Aussi le Sénat avait-il souhaité, en adoptant le 26 octobre 2000, sur le rapport de notre excellent collègue M. Patrice Gélard au nom de votre commission des Lois, une proposition de loi constitutionnelle présentée par MM. Christian Poncelet, Jean-Paul Delevoye, Jean-Pierre Fourcade, Jean Puech et Jean-Pierre Raffarin, tendant à inscrire ce seuil dans la Constitution afin de mettre un frein à la remise en cause de l'autonomie financière des collectivités territoriales.

Cette initiative a inspiré la révision constitutionnelle du 28 mars 2003.

* 6 Décision n° 90-274 DC du 29 mai 1990.

* 7 Décision n° 90-277 DC du 25 juillet 1990.

* 8 Décision n° 91-298 DC du 24 juillet 1991.

* 9 Décision n° 91-291 DC du 6 mai 1991.

* 10 Décision n°91-291 DC du 6 mai 1991.

* 11 Décision n°91-298 DC du 24 juillet 1991.

* 12 Décision n° 91-298 DC du 24 juillet 1991.

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