EXAMEN DES ARTICLES

Article premier
(art. L. 2224-5-1 nouveau du code général des collectivités territoriales)
Financement des actions de coopération décentralisée
dans les domaines de l'eau et de l'assainissement

Cet article a pour objet d'insérer un article L. 2224-5-1 dans le code général des collectivités territoriales afin de permettre aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale de financer des actions de coopération internationale dans les domaines de l'eau et de l'assainissement au moyen des ressources affectées à ces services publics.

1. Le droit en vigueur

En l'état actuel du droit, les communes et les établissements publics de coopération intercommunale peuvent déjà mener des actions de coopération décentralisée dans les domaines de l'eau et de l'assainissement, à la condition de les financer sur leur budget général .

L'article L. 1114-1 du code général des collectivités territoriales, qui devrait devenir l'article L. 1115-1 après l'adoption définitive du projet de loi organique relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales, dispose en effet que : « les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent conclure des conventions avec des collectivités territoriales étrangères et leurs groupements, dans les limites de leurs compétences et dans le respect des engagements internationaux de la France . »

Leur intervention est ainsi logiquement circonscrite à leur champ de compétences , subordonnée à la conclusion d'une convention de coopération et tenue de respecter les stipulations des traités et accords conclus par la France avec les pays tiers.

Les services publics de l'eau et de l'assainissement relèvent de la compétence des communes . Elles peuvent donc mener des actions de coopération décentralisée dans ces domaines.

Le service public de distribution de l'eau potable a pour objet de fournir à tout usager une eau courante qui doit satisfaire à toutes les exigences la rendant propre à la consommation humaine.

Les communes en ont la responsabilité depuis une loi de 1790. Il s'agit même d'un monopole puisque ce sont elles qui accordent les autorisations d'occupation du domaine public indispensables à tout réseau de distribution d'eau potable.

Comme pour tout service public, la commune doit offrir aux usagers un service régulier et continu, veiller à ce qu'ils soient traités de manière égale et adapter le contenu du service à l'évolution des besoins collectifs.

Aux termes de l'article L. 2224-5 du code général des collectivités territoriales, le maire doit chaque année, avant le 30 juin, présenter au conseil municipal un rapport annuel sur le prix et la qualité du service public de l'eau .

Il s'expose à la mise en jeu de sa responsabilité pénale si l'eau distribuée par la commune est de mauvaise qualité.

Si la jurisprudence administrative a souligné, il y fort longtemps, que ce service relevait par nature du niveau communal 4 ( * ) , elle considère néanmoins que rien n'empêche un département ou une région d'intervenir lorsque l'intérêt général le justifie, soit à titre complémentaire, soit en cas de « carence » de la ou des collectivités concernées 5 ( * ) .

Depuis la loi n° 92-3 du 3 janvier 1992 sur l'eau, le service public de l'assainissement constitue un service public obligatoire pour les communes , chargé, en tout ou partie, de la collecte, du transport et de l'épuration des eaux usées.

Aux termes de l'article L. 2224-8 du code général des collectivités territoriales, elles ont l'obligation de prendre en charge les dépenses relatives aux systèmes d'assainissement collectif, notamment aux stations d'épuration des eaux usées et à l'élimination des boues qu'elles produisent, et les dépenses de contrôle des systèmes d'assainissement non collectif. En revanche, la prise en charge des dépenses d'entretien des systèmes d'assainissement non collectif constitue une simple faculté qui leur est reconnue.

Aux termes de l'article L. 2224-9, les communes doivent délimiter, après enquête publique :

- les zones d'assainissement collectif où elles sont tenues d'assurer la collecte des eaux usées domestiques et le stockage, l'épuration et le rejet ou la réutilisation de l'ensemble des eaux collectées ;

- les zones d'assainissement non collectif où elles sont tenues, afin de protéger la salubrité publique, d'assurer le contrôle des dispositifs d'assainissement non collectif, et si elles le décident leur entretien ;

- les zones où des mesures doivent être prises pour limiter l'imperméabilisation des sols, assurer la maîtrise du débit et l'écoulement des eaux pluviales et de ruissellement.

Le coût considérable des dépenses ainsi mises à la charge des communes, renchéri par des normes communautaires de plus en plus nombreuses, les conduit le plus souvent à mutualiser leurs moyens au sein d'établissements publics de coopération intercommunale ou de syndicats mixtes .

Le rapport établi par la Cour des comptes en décembre 2003 sur la gestion des services publics d'eau et d'assainissement souligne ainsi que « Le territoire des communes n'est pas toujours d'une taille suffisante et adaptée pour permettre la maîtrise et l'équilibre économique des services. En outre, dans un secteur d'activités dominé par la concentration des entreprises et nécessitant un savoir-faire et une technicité accrue, les collectivités de taille petite ou moyenne ne peuvent rester isolées. Leur dispersion multiplie les contrats avec un même délégataire qui exploite alors un réseau d'alimentation commun dans le cadre de clauses contractuelles et de tarifications pouvant varier substantiellement d'une collectivité à l'autre . »

L'eau, l'assainissement et l'intercommunalité

Plusieurs modalités de coopération intercommunale sont à la disposition des collectivités pour fédérer leurs moyens, qu'elles assurent la gestion directe ou qu'elles aient choisi la gestion déléguée de leurs services d'eau et d'assainissement.

La forme la plus répandue d'intercommunalité en matière d'eau ou d'assainissement est le syndicat intercommunal à vocation unique (SIVU) , spécialisé sur tout ou partie de l'organisation et de la gestion de ces services. Sa compétence peut être limitée à l'alimentation en eau, fournissant la ressource en gros aux communes membres chargées de la distribution, ou couvrir jusqu'à la distribution. En matière d'assainissement, il peut assurer l'ensemble de la chaîne, de la collecte des eaux usées à l'épuration ou, par exemple, n'assurer que le traitement des eaux usées (gestion de la station d'épuration intercommunale).

Le plus important établissement public de production et de distribution d'eau est le syndicat des eaux de l'Ile-de-France (SEDIF), qui groupe 144 communes et dessert 4,2 millions d'habitants avec un régisseur intéressé. D'autres types d'association de collectivités existent, tels des syndicats mixtes exerçant un rôle de péréquation du prix de l'eau (notamment dans l'ouest de la France), ou le syndicat interdépartemental d'assainissement de l'agglomération parisienne (SIAAP) qui exploite, en régie ou en gérance, les quatre stations d'épuration traitant les eaux usées de 8,3 millions d'habitants.

En zone rurale, le syndicat intercommunal à vocation multiple (SIVOM) peut assumer, en sus d'autres attributions, la compétence en matière d'eau ou d'assainissement, voire les deux.

La communauté urbaine est une forme de regroupement réservée désormais aux ensembles urbains de plus de 500.000 habitants (telles les agglomérations de Lyon, Lille, Nantes, Strasbourg...). Elle est obligatoirement compétente en matière de gestion des services d'intérêt collectif tels l'eau et l'assainissement, assurant ainsi un service intégré sur toute l'étendue du territoire communautaire.

La communauté d'agglomération regroupe plusieurs communes sur un territoire d'un seul tenant rassemblant plus de 50 000 habitants autour de l'élaboration d'un projet commun de développement et d'aménagement de l'espace. L'eau et l'assainissement sont pour elle des compétences optionnelles. Cette formule remplace celle du district urbain lorsque cette forme d'association préexistait.

La communauté de communes semble, elle aussi, plus une intercommunalité de projet que de gestion, ce qui ne l'empêche pas de pouvoir choisir l'eau et l'assainissement au titre de ses compétences optionnelles.

51 communautés d'agglomération étaient en place en janvier 2000. A titre optionnel, 16 avaient choisi la compétence eau et 35 la compétence assainissement (1) . Depuis, outre 14 communautés urbaines, ont été constituées au début de 2002 120 communautés d'agglomération et 2 033 communautés de communes.

Source : Rapport de la Cour des comptes sur la gestion des services publics d'eau et d'assainissement - décembre 2003 - pages 67 et 68.

(1) L'assainissement semble susciter plus d'intérêt commun, d'autant que la gestion directe y a conservé plus d'importance, facilitant la mutualisation des moyens, au contraire de la distribution de l'eau, plus éclatée entre une multiplicité de modes de gestion et de contrats.

L'article L. 1114-1 du code général des collectivités territoriales permet explicitement aux groupements de collectivités territoriales de mener des actions de coopération décentralisée dans les mêmes conditions que les collectivités territoriales.

Bien plus, en vertu du principe d'exclusivité, une commune est immédiatement dessaisie, et ne peut donc plus conduire des actions de coopération décentralisée, dès lors qu'une compétence a été attribuée à un groupement 6 ( * ) .

Une circulaire du ministre de l'intérieur et du ministre des affaires étrangères du 20 avril 2001 7 ( * ) précise que « par groupement, il faut entendre tous les établissements publics qui agissent aux lieu et place des collectivités territoriales, à la suite des transferts de compétences que celles-ci leur ont consentis » et en dresse la liste. Il s'agit des établissements publics de coopération intercommunale, des syndicats mixtes, des institutions ou organismes interdépartementaux et des ententes interrégionale, respectivement créés en application de l'article L. 5421-1 et de l'article L. 5621-1 du code général des collectivités territoriales.

Les actions de coopération décentralisée peuvent prendre des formes diverses : jumelages, « jumelages-coopération », programmes ou projets de développement, échanges techniques.... Elles peuvent intervenir entre collectivités ou autorités territoriales de toutes zones géographiques et de tous profils économiques ou sociaux.

La coopération décentralisée s'insère dans le cadre plus large de l'action extérieure des collectivités territoriales, définie par une circulaire du Premier ministre du 26 mai 1983.

Dans ce cadre, les collectivités territoriales peuvent légalement mener à l'étranger des actions qui n'entrent pas dans la définition de la coopération décentralisée, mais qui répondent à un but d'intérêt local (ainsi la présence à une foire-exposition, des actions de promotion économique, touristique ou culturelle, des actions humanitaires, etc.).

L' exigence d'une convention constitue un garde-fou peu contraignant.

La circulaire précitée du 20 avril 2001 indique que : « Par convention il faut entendre tout contrat ou acte signé entre des collectivités territoriales, françaises et étrangères, et leurs groupements, comportant des déclarations, des intentions, des obligations ou des droits opposables à l'autre partie. Sont visées par la loi aussi bien les conventions ayant un caractère déclaratif que celles pouvant avoir des conséquences matérielles, financières ou réglementaires pour ces collectivités .

« Que la collectivité territoriale soit engagée financièrement, matériellement ou non, la convention caractérise la coopération décentralisée pour tous les types d'intervention. Dès lors que des services, des biens ou des financements sont engagés par une collectivité territoriale ou qu'elle est amenée à en recevoir de l'interlocuteur étranger, il convient que les stipulations de la convention permettent de s'assurer que des engagements réciproques peuvent être définis, qu'un contrôle peut être établi et que les éventuels litiges pourront être réglés . »

La mise en oeuvre de ces actions de coopération peut être confiée à divers opérateurs , qu'il s'agisse d'organisations non gouvernementales, de fondations, de sociétés d'économie mixte ou de groupements d'intérêt public. La circulaire du 20 avril 2001 précise qu'une convention d'objectifs doit être conclue entre la collectivité ou le groupement, d'une part, et le prestataire, d'autre part. Au demeurant, cette obligation est prévue par l'article 10 de la loi du 12 avril 2000 pour toute subvention dont le montant annuel dépasse le seuil de 23.000 euros.

Ainsi, il n'est pas possible de verser des subventions annuelles et automatiques, par lesquelles la collectivité territoriale ou le groupement s'en remettrait au prestataire pour fixer les programmes, leur lieu d'application et les projets qui en découlent. Ce ne serait plus de la coopération décentralisée, et l'on se priverait de l'intérêt que présente ce type de relation, de territoire à territoire, sous la responsabilité des élus.

Le principe du respect des engagements internationaux de la France signifie non pas que les actions de coopération décentralisée des collectivités territoriales et de leurs groupements sont subordonnées à la signature d'un traité ou d'un accord spécifique entre la France et l'Etat concerné mais, simplement , qu'il leur est interdit d'enfreindre les stipulations des engagements souscrits par notre pays .

Le caractère de service public industriel et commercial des services de l'eau et de l'assainissement constitue cependant un frein au développement des actions de coopération décentralisée dans ces domaines.

Les services publics industriels et commerciaux se caractérisent par la nature de leur activité, qui s'apparente à celle d'entreprises industrielles et commerciales privées, par leurs recettes d'exploitation, qui proviennent d'un prix payé par les usagers, et par leurs modalités d'organisation et de fonctionnement, qui découlent des deux caractéristiques précédentes.

Aux termes de l'article L. 2224-1 du code général des collectivités territoriales, les budgets des services publics industriels et commerciaux exploités en régie, affermés ou concédés par les communes, doivent être équilibrés en recettes et en dépenses.

Par ailleurs, l'article L. 2224-2 interdit aux communes de prendre en charge dans leur budget propre des dépenses au titre de ces services sauf, notamment :

- si les exigences du service public amènent la commune à imposer des contraintes particulières de fonctionnement ;

- si le fonctionnement du service exige la réalisation d'investissements qui, en raison de leur importance et eu égard au nombre d'usagers, ne peuvent être financés sans augmentation excessive des tarifs.

La prise en charge ne peut se traduire par la compensation pure et simple d'un déficit de fonctionnement et doit, en tout état de cause, faire l'objet d'une délibération motivée.

Cette interdiction ne s'applique pas aux services de distribution d'eau potable et d'assainissement dans les communes de moins de 3.000 habitants et les groupements de communes dont la population est inférieure à 3.000 habitants. Ces communes peuvent par ailleurs établir un budget unique des services de distribution d'eau potable et d'assainissement si les deux services sont soumis aux mêmes règles d'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée et si leur mode de gestion est identique. Le budget et les factures émises doivent alors faire apparaître la répartition entre les opérations relatives à la distribution d'eau potable et celles relatives à l'assainissement.

Enfin, l'article L. 2224-4 dispose que les délibérations ou décisions des conseils municipaux et des autorités locales compétentes qui comportent augmentation des dépenses des services publics industriels et commerciaux exploités en régie, affermés ou concédés, ne peuvent être mises en application lorsqu'elles ne sont pas accompagnées du vote de recettes correspondantes.

Dans ces conditions, la circulaire du 20 avril 2001 souligne que : « les actions de coopération décentralisée des services publics industriels et commerciaux sont légales si elles restent limitées à des échanges d'expériences et de savoir-faire, dont on peut supposer qu'ils peuvent bénéficier aussi aux usagers du service. En revanche, elles ne peuvent financer des infrastructures à l'étranger sur les recettes du service. En effet, le financement de ces services (eau, assainissement,...) repose non sur le contribuable mais sur le redevable qui ne doit payer que la contrepartie du service rendu 8 ( * ) . De telles actions doivent être financées par contributions financières des communes membres . »

Les activités auxquelles participent financièrement les communes et leurs groupements sont susceptibles de dépasser ce cadre autorisé. Il est donc nécessaire de leur donner une base légale.

2. Les dispositions de la proposition de loi

Le texte proposé par le présent article pour insérer un article L. 2224-5-1 dans le code général des collectivités territoriales a un double objet.

En premier lieu, il tend à autoriser les communes et les établissements publics de coopération intercommunale à entreprendre, dans les domaines de l'eau et de l'assainissement, non seulement des actions de coopération décentralisée, dans le cadre des conventions conclues avec leurs homologues étrangers prévues par l'article L. 1114-1 du code général des collectivités territoriales, mais également des actions d'aide d'urgence ou de solidarité internationale en étant exonérées de l'obligation de signer de telles conventions.

Les actions de coopération décentralisée auxquelles il est fait référence sont les actions traditionnelles conduites dans le cadre de conventions de partenariat entre les collectivités territoriales françaises ou leurs groupements et les collectivités territoriales étrangères ou leurs groupements.

En raison de l' urgence , des actions de coopération peuvent être engagées par une collectivité territoriale dans un but humanitaire , par exemple à la suite d'une catastrophe naturelle, sans qu'au préalable une convention ait pu être établie .

La circulaire du 20 avril 2001 précise simplement que : « ces interventions humanitaires d'urgence, si elles doivent se poursuivre, devront rentrer dans le droit commun conventionnel de l'article L. 1112-1, soit au titre d'une compétence d'attribution, soit de la clause générale de compétence. Le cadre conventionnel doit en effet demeurer l'instrument de droit commun de la coopération décentralisée . »

Ainsi, à la suite du récent tremblement de terre d'Al-Hoceima, plusieurs collectivités territoriales françaises ont accordé des aides d'urgence à des collectivités marocaines afin de les aider à pourvoir aux besoins des populations sinistrées et songent désormais à bâtir de véritables partenariats dans le cadre de conventions de coopération.

Enfin, la mention de la possibilité d'entreprendre des actions de solidarité internationale est destinée à permettre aux collectivités territoriales françaises de verser des aides à des organismes étrangers qui, sans avoir cette qualité, jouent un rôle décisif dans les domaines de l'eau et de l'assainissement.

Ainsi les diverses structures de bassin ont un territoire plus vaste que les communes ou même leurs groupements. L'efficacité et la souplesse conduisent à permettre aux collectivités françaises de leur verser directement des aides.

En second lieu, le présent article a pour objet de permettre la prise en charge des dépenses afférentes aux actions de coopération décentralisée, d'aide d'urgence ou de solidarité internationale par les budgets des services de l'eau et de l'assainissement , dans la limite de 1 % des ressources qui leur sont dévolues.

La caractéristique principale des redevances , qui les distingue des taxes fiscales, est de trouver une contrepartie directe dans les prestations fournies par le service qu'elles financent et d'être exclusivement affectées à la satisfaction des besoins des redevables .

Dans sa décision n° 83-166 DC du 29 décembre 1983 sur la loi relative au prix de l'eau en 1984, le Conseil constitutionnel a expressément indiqué que les sommes affectées au financement du service public d'assainissement, dès lors que leur assiette est directement liée au volume de l'eau prélevé par l'usager et que leur produit est exclusivement affecté aux charges de fonctionnement et d'investissement du service, revêtaient le caractère d'un prix versé en contrepartie d'un service rendu.

Dans ces conditions, peut-on considérer que la prise en charge d'actions de coopération décentralisée par les redevances d'eau et d'assainissement aurait pour effet de les dénaturer ? Votre rapporteur ne le pense pas. En effet, les actions ainsi financées :

- auraient un lien étroit avec l'objet des services publics de l'eau et de l'assainissement ;

- présenteraient un intérêt local, en raison de la relation de réciprocité qui serait ainsi créée ;

- resteraient d'une importance modique, puisqu'elles ne pourraient représenter plus de 1 % du budget de ces services.

Si tel était le cas, en perdant leur qualité de redevance, ces recettes devraient être considérées comme des impositions de toutes natures. Elles ressortiraient alors, en application de l'article 34 de la Constitution, du domaine de la loi et non plus de la compétence du pouvoir réglementaire. L'article 72-2 de la loi fondamentale, issu de la réunion du 28 mars 2003,  prévoit cependant que le législateur peut autoriser les collectivités territoriales non seulement à recevoir le produit des impositions de toutes natures mais également à en fixer l'assiette et le taux. Et de nombreuses recettes fiscales sont grevées d'une affectation.

3. La position de votre commission

Votre commission vous propose, dans ses conclusions , de reprendre les dispositions proposées par le présent article, sous réserve :

- de leur insertion dans un article L. 1115-1-1 nouveau du code général des collectivités territoriales car il semble préférable de rassembler l'ensemble des règles relatives à la coopération décentralisée au sein du chapitre qui leur est consacré, le chapitre V du titre unique (« libre administration des collectivités territoriales ») du livre I er (« principes généraux de la décentralisation ») de la première partie (« dispositions générales ») de ce code ;

- de l' extension aux syndicats mixtes des possibilités reconnues aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale , car ils jouent un grand rôle dans les domaines de l'eau et de l'assainissement ;

- de précisions rédactionnelles consistant à distinguer, au sein de la coopération décentralisée, les actions de coopération avec des collectivités territoriales et des groupements de collectivités territoriales étrangers, qui doivent s'inscrire dans le cadre des conventions prévues à l'article L. 1115-1 du code général des collectivités territoriales, d'une part, les actions d'aide d'urgence au bénéfice de ces collectivités ou groupements, d'autre part, les actions de solidarité internationale, dont le bénéfice ne serait pas réservé aux collectivités territoriales étrangères, enfin.

Les actions de coopération devraient, sans qu'il soit besoin de le préciser, faire l'objet d'un bilan dans le cadre des rapports annuels du maire ou du président de l'établissement public de coopération intercommunale sur le prix et la qualité des services publics de l'eau et de l'assainissement prévus par l'article L. 2224-5 du code général des collectivités territoriales. L'exigence de transparence serait ainsi garantie.

Votre commission vous propose d'adopter l'article premier ainsi rédigé .

Article 2
(art. L. 213-5 du code de l'environnement)
Actions de coopération internationale des agences de l'eau dans les domaines de l'eau et de l'assainissement

Cet article a pour objet de compléter l'article L. 213-5 du code de l'environnement afin de permettre aux agences de l'eau, d'intervenir dans le domaine de la coopération internationale, notamment dans celui de la solidarité, le cas échéant en mettant leurs agents à disposition du ministère des Affaires étrangères ou d'organismes européens ou internationaux, à la triple condition de respecter les engagements internationaux de la France, de rester dans les limites de leurs compétences et de ne pas y consacrer plus de 1 % de leurs ressources.

Les agences de l'eau ont été instituées, dans chaque bassin ou groupement de bassins, par la loi sur l'eau du 16 décembre 1964.

Au nombre de six, elles revêtent la forme d' établissements publics de l'Etat à caractère administratif , sont dotées de la personnalité civile et de l'autonomie financière et sont placées sous la tutelle conjointe du ministère de l'écologie et du développement durable et du ministère des finances.

Elles sont administrées par un conseil d'administration composé d'un président nommé par décret, d'un nombre égal de représentants des collectivités territoriales, des usagers de l'eau et de l'Etat, ainsi que d'un représentant de leur personnel.

Leur budget est alimenté à 80 % par le produit des redevances qu'elles perçoivent auprès des différents usagers de l'eau pour la pollution que ceux-ci occasionnent ou pour les prélèvements d'eau qu'ils effectuent. Leur montant s'est élevé à 1,173 milliard d'euros en 2002. En dépit de leur dénomination, le Conseil constitutionnel considère qu'il s'agit d'impositions de toutes natures 9 ( * ) . En conséquence, les règles relatives à leur assiette et à leur taux devraient être fixées par la loi et non par voie réglementaire.

Les agences de l'eau sont devenues l'un des principaux acteurs de la politique de l'eau , grâce à leur programme d'intervention pluriannuel dont les orientations principales sont fixées par une lettre de cadrage du Gouvernement.

Dans leur rapport établi au nom du Conseil économique et social en 2000 sur la réforme de la politique de l'eau, MM. René Boué, rapporteur, Francis Vandeweeghe et Claude Miqueu, rapporteurs pour avis, rappelent qu'« à leur création, elles étaient vues comme une partie d'un dispositif à trois pieds : des maîtres d'ouvrage organisés et spécialisés dans la gestion de la ressource ; des comités de bassin, en charge des arbitrages et de la vision à long terme ; et les agences de l'eau, pour le financement et l'animation technique . »

A l'heure actuelle, les agences jouent un rôle, plus large, de vigilance sur l'état des ressources aquatiques et le développement des connaissances sur la gestion de l'eau, de soutien à la fonction de planification du comité de bassin, par l'appui technique et l'organisation des débats, de financement du secteur de l'eau, selon les termes des programmes pluriannuels d'intervention votés par les comités de bassin, d'encadrement technique des acteurs de l'eau sur le terrain, d'information et de formation des usagers et des acteurs de la gestion de l'eau.

Le présent article tend à donner une base légale à des pratiques anciennes , qui ont été interrompues en 2003 à la suite d'observations provisoires de la Cour des comptes constatant, en décembre 2002, que les activités de l'agence Rhin-Meuse méconnaissaient le principe de spécialité de l'établissement public.

Depuis huit ans, trois agences de l'eau au moins (Seine-Normandie, Rhin-Meuse et Adour Garonne) mènent des actions de coopération internationale diverses, consistant dans des jumelages et des accords de coopération technique, des missions d'appui aux réformes institutionnelles mais également des aides humanitaires. Leurs interventions prennent la forme de financements ou de mise à disposition temporaire d'experts.

Selon le ministère de l'écologie et du développement durable, qui a dégagé 0,275 million d'euros pour financer les projets les plus urgents en 2003, les actions envisagées pour 2004 représentaient au total près de deux millions d'euros , dont un million d'euros à la charge de la seule agence de Seine-Normandie.

Considérant que les actions de coopération internationale menées par les agences de l'eau contribuent non seulement à l'effort de solidarité que la France doit réaliser au profit des pays les plus démunis mais également à la diffusion d'un modèle d'organisation et de savoir-faire français dont la valeur est reconnue dans le monde entier, votre commission a retenu les dispositions proposées par le présent article, sous réserve :

- de les insérer dans l'article L. 213-6 plutôt que dans l'article L. 213-5 du code de l'environnement , car le premier a trait aux missions des agences de l'eau tandis que le second concerne leur organisation ;

- d'encadrer les interventions des agences en prévoyant qu'elles doivent faire l'objet de conventions soumises à l'avis de leur comité de bassin . Ainsi l'utilisation des deniers publics sera-t-elle davantage contrôlée. L'avis du comité de bassin devra, en règle générale, être recueilli avant la signature de la convention mais votre commission n'a pas souhaité le spécifier dans la loi, compte tenu des délais de réunion de cet organisme, afin de permettre la mise en oeuvre d'aides d'urgence ; dans ce cas, la convention pourra faire l'objet d'un avis a posteriori ;

- de préciser la nature et le champ des interventions des agences, en indiquant qu'elles consistent dans des actions de coopération internationale dans les domaines de l'eau et de l'assainissement pouvant se traduire, le cas échéant et suivant les règles statutaires en vigueur pour chaque catégorie de personnels, par le concours de leurs agents . Même si la mise à disposition constituera sans doute la meilleure formule, l'emploi de ce terme est trop restrictif et inapproprié pour des catégories de personnels ayant pour la plupart un statut de contractuels qui devrait être prochainement actualisé par décret.

Les dépenses engagées pour ce type d'interventions seraient soumises au plafond imposé par l'article premier aux communes et à leurs groupements, soit 1 % du budget des agences, étant précisé qu'elles représentaient en 2002 environ 0,1 % de celui de l'agence Seine-Normandie.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 2 ainsi rédigé .

*

* *

Au bénéfice de l'ensemble de ces observations, votre commission vous propose d'adopter la proposition de loi dans la rédaction reproduite ci-après.

* 4 Conseil d'Etat, 27 avril 1877 ville de Poitiers et ville de Blois.

* 5 Conseil d'Etat, 13 mars 1985 ville de Cayenne.

* 6 Conseil d'Etat, 16 octobre 1970, Commune de Saint-Vallier.

* 7 Circulaire NOR/INT/B101/00124/C.

* 8 Cass. com. 4 juin 1991, Blot c/ trésorier principal de Chinon.

* 9 Décision n° 82-124 L du 23 juin 1982.

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