B. LA LIMITATION DE LA DURÉE CUMULÉE DES MISSIONS : PRÉSERVER L'ORIGINALITÉ DE LA DÉMARCHE DE VOLONTARIAT

1. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

Dans sa rédaction initiale, le projet de loi fixait à six ans la durée maximale cumulée des missions accomplies par un volontaire de solidarité internationale.

En première lecture, cette durée a fait l'objet d'un débat approfondi au Sénat. La durée de six ans, entendue de façon continue, a été considérée comme excessive. La démarche de volontariat nécessite un souffle et un élan qu'une durée ininterrompue de six ans conduirait à épuiser.

Le risque d'un décalage trop important entre le volontaire et son pays d'origine peut nuire à sa réadaptation au retour d'une mission trop longue ou de l'accumulation de missions sur une trop longue durée, d'autant plus que le volontaire, n'ayant eu durant cette période d'expatriation que des revenus très limités, peut se trouver dans une situation financière difficile.

Votre commission, avec l'avis favorable du Gouvernement, avait donc proposé au Sénat de limiter à deux ans la durée des contrats éventuellement renouvelables dans la limite de 6 ans, considérant qu'un examen sur l'opportunité de prolonger la mission au delà de la durée initiale de 2 ans était indispensable. Cette durée correspond d'ailleurs à la pratique de nombreuses associations agissant dans le secteur du développement.

A l'initiative de M. Jean-Paul Bacquet, député, reprise par la commission des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale, celle-ci a adopté, contre l'avis du Gouvernement, un amendement réduisant cette durée à trois ans maximum et prévoyant l'application automatique du droit commun du travail au delà de cette durée par la requalification du contrat de volontariat en contrat de travail à durée indéterminée. L'auteur de l'amendement a évoqué en séance publique le risque de « précarisation des volontaires » que serait susceptible d'entraîner une durée supérieure à trois ans. Votre commission ne partage pas cette conception du contrat de volontariat comme « contrat précaire » qui témoigne d'une méfiance profonde à l'égard de l'idée de bénévolat, toujours suspecté de concurrence avec le salariat.

2. Un débat sur la nature du volontariat

Au coeur du débat sur la durée du volontariat, se retrouve la question de la nature du volontariat.

Le volontaire n'est pas un « amateur », dont l'absence de professionnalisme justifierait un salaire au rabais ; c'est bien un professionnel dont les compétences peuvent être valorisées sous la forme d'un salaire sur le marché du travail de son pays d'origine, par exemple. Il n'est ni un stagiaire, ni un contractuel en période d'essai.

Le faible montant de l'indemnité perçue n'est pas la sanction d'une différence de qualité du travail accompli par le volontaire. Il ne s'agit précisément pas d'une rétribution sous la forme d'un salaire.

Ce qui différencie le volontaire du salarié, ce n'est pas la qualité du travail réalisé mais la démarche qui conduit à sa réalisation . Le volontaire est dans le registre du don, alors que le salarié doit recevoir une juste rétribution pour la mise à disposition de son temps et de ses compétences.

Toute l'originalité de ce projet de loi est de reconnaître la nature de la démarche de volontariat, sans le considérer comme une forme dégradée de contrat de travail, qui serait systématiquement subie par son titulaire et ferait, par force, concurrence à l'emploi salarié .

Votre rapporteur considère qu'à l'évidence, on ne peut « faire carrière dans le volontariat » et que le temps de volontariat est nécessairement un épisode au cours de la vie professionnelle. Certains volontaires font le choix de poursuivre leur engagement sous d'autres formes en étant salariés d'organisations humanitaires. Il s'agit alors d'une autre forme d'engagement.

3. Une régulation nécessaire

Le risque de recours abusif au volontariat au détriment du salariat existe. Il tient également à la relative « jeunesse » de structures qui ont acquis la taille de sociétés internationales et se sont professionnalisées très rapidement tout en conservant un discours fondé sur le don de soi et la générosité. Les travers des « entreprises de charité » illustrent la difficulté du management associatif où la démarche personnelle se mêle à l'engagement professionnel et où l'affectif occupe une part très importante.

Si la qualité de la gestion des ressources humaines laisse à désirer au sein de certaines organisations de solidarité internationale, comme certains témoignages recueillis par votre rapporteur peuvent le laisser supposer, et que la question de la réinsertion des volontaires n'y est pas prise en considération, la limitation de la durée des missions ne suffira pas à y remédier. Les auditions menées par votre rapporteur ont fait apparaître une grande différence de culture entre les associations « de développement » et les associations dites « urgentistes ». Au sein de ces dernières, l'enchaînement de missions de courte durée sur longue période rend le retour des volontaires d'autant plus difficile que leurs missions se sont effectuées dans des contextes particulièrement déstabilisants. Le cadre du salariat est peut-être, dès lors, plus adapté, lorsque les missions se multiplient.

Une seule mission très courte effectuée par un volontaire désireux de percevoir un véritable salaire pour ses compétences constituerait un premier dévoiement du dispositif, il ne s'agit plus dès lors de volontariat et le statut de salarié doit s'imposer d'emblée. Si l'on considère que le volontariat est, par essence, un « sous-contrat », il conviendrait de ne pas rechercher sa promotion. Il reviendra au ministère des Affaires étrangères d'être vigilant dans l'examen des demandes d'agrément et dans le suivi des associations.

Votre rapporteur considère que le volontariat doit rester une démarche ouverte à ceux qui souhaiteraient la renouveler à différentes étapes de leur vie ou qui auraient la possibilité de s'engager pour une durée prolongée .

La durée de trois ans ne laisse en pratique place qu'à une seule expérience de volontariat dans une vie . Dans l'hypothèse de l'enchaînement ininterrompu de missions de courte durée, on peut considérer que la durée de trois ans est encore trop longue pour favoriser la réinsertion de jeunes n'ayant pas connu d'expérience professionnelle préalable.

Or, les volontaires ne sont pas dans leur majorité des jeunes dépourvus d'expérience professionnelle ; ce profil n'est, au demeurant, pas le plus recherché par les associations.

Votre rapporteur considère qu'une nécessaire régulation du dispositif doit être assurée par le ministère compétent par le biais de l'agrément, afin de préserver la démarche même du volontariat.

L'organisation même des cofinancements, qui s'appuie sur un système de remboursements de frais réels sur facture, permet de disposer de toutes les informations nécessaires. Le recours abusif au contrat de volontariat pourrait donc être « diagnostiqué » et conduire à une remise en cause de la capacité à contracter de l'association concernée. Les cas de violation manifeste du droit du travail, tels que le travail sans contrat, relèvent, quant à eux, à l'évidence, de la compétence des inspecteurs du travail et des juridictions compétentes.

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