2. Les familles en difficulté : une réalité inquiétante

Le second thème de travail proposé par Marie-Josée Roig pour la Conférence de la famille de 2005 est malheureusement d'actualité.

De nombreux instituts d'études et de statistiques se sont en effet fait l'écho, en 2004, d'une augmentation du nombre de ménages vivant en-dessous du seuil de pauvreté, phénomène inconnu depuis trente ans. Ainsi, en 2001, 6,1 % des ménages vivaient sous le seuil de pauvreté (qui s'établissait à 602 euros par mois et par adulte, contre 650 euros en 2003), alors qu'ils étaient 15 % dans cette situation en 1970.

Ces chiffres, tirés de l'enquête Revenus fiscaux de l'INSEE, seraient d'ailleurs plus élevés si l'on retenait les critères d'Eurostat, l'office statistique des communautés européennes, qui fixe le seuil de pauvreté à 60 % du revenu médian, contre 50 % en France. A cette aune, la proportion de familles très défavorisées en France s'élèverait à 12,40 % pour l'année 2001, soit plus de 7,1 millions de personnes.

Or, les familles les plus fragiles sont également les plus touchées par la régression. Ainsi, la proportion de familles en butte à des contraintes budgétaires et à des restrictions de consommation a progressé entre 2001 et 2003, d'après l'enquête permanente sur les conditions de vie des ménages, publiée par l'INSEE en octobre 2003. De même, les familles monoparentales sont les plus touchées par les problèmes de surendettement 4 ( * ) .

Une étude complète a été réalisée par l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale 5 ( * ) et traite du poids des transferts sociaux, dont font partie les prestations familiales et l'API, sur le niveau de vie des familles les plus démunies.

Deux catégories de familles y apparaissent particulièrement exposées au risque de pauvreté : les familles nombreuses et les familles monoparentales.

Taux de pauvreté avant et après transferts sociaux des ménages
selon la configuration familiale

 

Avant transfert

Après transfert

Couple un enfant

5,0

4,6

Couple deux enfants

6,5

5,4

Couple trois enfants

14,7

6,1

Couple quatre enfants et plus

44,5

17,5

Familles monoparentales

33,0

15,4

Sources : INSEE-DGI - Enquêtes Revenus fiscaux 2000, calculs DREES

a) Les familles nombreuses

Malgré les transferts sociaux, le taux de pauvreté des familles nombreuses reste plus élevé que pour la moyenne des ménages, avec, au sein des familles ayant des enfants à charge, une forte progression en fonction de leur taille : 5,4 % des familles avec deux enfants sont en dessous du seuil ; c'est le cas de 6,1 % de celles avec trois enfants et de 17,5 % de celles ayant quatre enfants ou plus, notamment en raison d'un faible taux d'activité des mères.

Mais ces écarts sont bien plus élevés avant les transferts sociaux qui ramènent leur taux de pauvreté à un niveau plus proche du taux de l'ensemble des ménages, même s'il reste significativement plus élevé. Ainsi, les prestations accordées au troisième enfant sont beaucoup plus importantes que celles dont bénéficient le premier et le second enfant : allocations familiales plus importantes, octroi du complément familial accordé aux familles modestes à partir du troisième enfant, régime plus favorable des majorations pour âge, majoration de l'aide au logement.

b) Les familles monoparentales

La France a connu, comme d'autres pays occidentaux, une croissance importante de la monoparentalité. En 2000, 15 % des familles avec enfants, soit 1,5 million de ménages, sont des familles monoparentales. Elles ne représentaient que 9 % des familles avec enfants en 1970.

Dans 86 % des cas, c'est la mère qui élève seule ses enfants. La proportion d'enfants vivant ainsi au sein d'une famille monoparentale a augmenté régulièrement sur les dernières décennies : 15 % des enfants de moins de vingt-cinq ans, soit 2,4 millions d'enfants en 1999, contre 11 % en 1990 et 9 % en 1982.

A nombre d'enfants identique, le taux de pauvreté varie du simple au double entre couples et familles monoparentales. Cette situation n'est pas propre à la France. Au niveau européen, les familles monoparentales ont en moyenne un niveau de vie inférieur de 11 % à celui des ménages avec enfants comptant un seul actif et de 23 % à celui de l'ensemble des ménages avec enfants.

Le faible niveau des pensions alimentaires et la fréquence des défaillances dans le paiement expliquent par ailleurs la modestie de leur apport dans les ressources de nombre de ces familles. Là encore, les prestations sociales jouent un rôle essentiel.

Taux de pauvreté (en %) avant et après transferts des familles monoparentales
selon l'âge et le nombre des enfants

 

Avant transferts

Après transferts

Répartition des familles monoparentales

 

Taux de pauvreté

Intensité de pauvreté

Taux de pauvreté

Intensité de pauvreté

Enfant de moins de trois ans

46

78

7

24

9,7 %

Plusieurs enfants dont un de moins de trois ans

70

78

9

26

10,6 %

Enfant de plus trois ans

25

58

13

26

48,9 %

Plusieurs enfants tous de plus de trois ans

40

59

19

23

30,8 %

ENSEMBLE

36

65

14

24

100,0 %

Source : Enquêtes Revenues fiscaux 1996, 1997, 1998, 1999 et 2000 (INSEE-DGI), calculs DREES

Votre commission considère justifiée l'attention qui peut être portée à ces familles fragilisées. Elle observe toutefois que ces situations relèvent davantage de la politique sociale que de la politique familiale. La logique veut que les prestations familiales restent universelles et varient en fonction du nombre d'enfants à charge, les transferts sociaux ayant alors pour objet de corriger les inégalités de revenus.

* 4 DREES - Etudes et résultats n° 251 - Août 2003 - Endettement et surendettement : des ménages aux caractéristiques différentes.

* 5 Le rapport de l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale 2003-2004 - La documentation française.

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