AVANT PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Outre l'examen des mesures qu'il propose, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 fournit tout naturellement l'occasion de dresser un premier bilan de la réforme des retraites, un an après le vote de la loi du 21 août 2003, de mesurer les premiers effets des changements qui ont été introduits et d'ouvrir d'ores et déjà la réflexion sur les prochaines étapes de l'adaptation de notre système de retraite aux réalités contemporaines.

Il était temps, en effet, après une décennie de rapports d'information et de reports successifs de la réforme, que notre pays cesse de se singulariser, parmi les pays industrialisés, par son immobilisme en la matière.

Une deuxième réforme a été entreprise au cours de l'année écoulée : celle du financement du régime de retraite des industries électriques et gazières, les IEG 1 ( * ) qui trouve sa traduction dans le présente texte.

Faire le point de ces deux réformes essentielles permettra d'approfondir le débat public et de sensibiliser davantage encore l'opinion publique aux questions de l'avenir des retraites.

Loin d'être une réforme unique et figée, la loi du 21 août 2003 ne constitue que la première étape d'une série, destinée à conduire un processus permanent d'adaptation et de pilotage à long terme du régime d'assurance vieillesse. Elle doit aller au delà du « constat partagé » afin de sauvegarder et d'améliorer un système de retraite qui demeure l'un des socles de notre pacte social.

I. UN PREMIER BILAN ENCOURAGEANT DE LA RÉFORME DES RETRAITES

Un peu plus d'un an après son adoption, la loi du 21 août 2003 a permis d'amorcer les changements structurels susceptibles de préserver l'avenir de l'assurance vieillesse sur le plan financier. Mais dans l'immédiat, les mesures généreuses que comporte aussi la réforme présentent un impact significatif sur les comptes de la branche vieillesse.

Repoussée dans le temps jusqu'aux limites du possible, cette réforme apparaissait d'autant plus urgente que le « choc démographique », que l'on annonçait imminent ces dernières années, a déjà commencé à faire sentir ses effets.

A. L'ANTICIPATION DU CHOC DÉMOGRAPHIQUE

Le processus de vieillissement de la population française, qui se poursuit depuis le milieu des années 1960, est sur le point de provoquer une inversion des chiffres de la croissance de la population active. Selon l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), dès la fin de l'actuelle décennie, les départs massifs en retraite des générations d'après-guerre l'emporteront largement sur l'entrée dans la vie active des « classes creuses » nées dans les années 1980.

1. Une lointaine conséquence du baby-boom d'après-guerre

L'allongement de l'espérance de vie a pour conséquence d'accroître chaque année la part relative des personnes âgées au sein de la population totale. A partir de 2006, cette tendance va s'accentuer en raison de l'arrivée progressive à l'âge de la retraite des trente classes d'âges nombreuses du « baby-boom » (1946-1974).

En 2050, selon les différents scénarii retenus, la France métropolitaine compterait entre 58 et 70 millions d'habitants. Le tiers de sa population (22 millions de personnes) serait alors âgé de plus de soixante ans, contre un cinquième en 2000 (12,1 millions de personnes).

Ce vieillissement remet en cause l'équilibre et la pérennité même du régime de retraite par répartition, en raison de la déformation de la structure de la pyramide des âges comme l'illustre le graphique suivant qui projette, à l'échéance 2050, la composition par tranches d'âge, de la population française actuelle.

Source : INED - revue population et sociétés (n° 383 d'octobre 2002).

2. Le régime général et les régimes alignés à la veille de l'échéance de 2006

Jusqu'ici, ce sont les classes creuses de la seconde guerre mondiale qui alimentent les effectifs de retraités du régime général et des régimes alignés. Au cours des dernières années, moins de 600.000 personnes ont procédé à la liquidation de leur pension chaque année. Mais, à compter de 2006, le flux des personnes atteignant soixante ans augmentera chaque année pour se stabiliser, vers 2008, autour de 800.000 personnes par an.

Si, pour le régime général, l'âge moyen de liquidation de la pension des assurés sociaux s'établit à soixante ans, celui de la cessation d'activité intervient deux ans plus tôt, à cinquante-huit ans, en raison de l'importance des dispositifs de préretraite et de dispense de recherche d'activité. Les personnes nées en 1946 quitteront donc majoritairement le monde du travail dès 2004/2005. La Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS) n'est pas encore directement concernée, dans la mesure où elle ne les a pas encore effectivement pris en charge, mais le retournement de tendance est déjà perceptible.

Par ailleurs, le nouveau dispositif dit des « carrières longues » devrait accentuer encore l'impact de ce choc démographique, dans la mesure où il rend désormais possible la retraite anticipée avant soixante ans pour les salariés ayant commencé à travailler tôt (entre cinquante-six et cinquante-neuf ans, selon les cas).

3. Les fonctions publiques déjà concernées

Pour les trois fonctions publiques, le choc démographique a déjà commencé. Les fonctionnaires bénéficient en effet, encore aujourd'hui, de règles beaucoup plus favorables que celles des assurés sociaux du régime général et des régimes alignés en matière d'ouverture des droits à pension avant soixante ans.

Sur la base des données les plus récentes relatives aux flux de départs de l'année 2003, le rapport sur les rémunérations de la fonction publique annexé au projet de loi de finances pour 2005, note ainsi que l'âge moyen de liquidation de la pension est intervenu :

- à cinquante-sept ans et trois mois pour les fonctionnaires civils de l'État ;

- à quarante-quatre ans et onze mois pour les militaires ;

- à cinquante-sept ans et sept mois pour les fonctionnaires territoriaux ;

- et à cinquante-quatre ans et cinq mois pour les fonctionnaires hospitaliers (dont cinquante-trois ans et onze mois pour les seules femmes).

Les départs en retraite concernent donc d'ores et déjà les personnes appartenant aux nombreuses classes d'âge 1946, 1947, 1948 voire 1949. Ceci explique que le rythme d'accroissement, dans le budget de l'État, des charges des pensions civiles et militaires ait plus que doublé au cours des dernières années : + 700 millions d'euros par an en 2002/2003, + 1,7 milliard d'euros en 2004 et 2005.

B. L'AMORCE DE PROFONDS CHANGEMENTS STRUCTURELS

Grâce à la mobilisation des services de l'État et aux efforts déployés par les personnels des services des caisses de retraite, la réforme des retraites est une réalité et l'ensemble de ses dispositions essentielles est applicable.

Quatre réformes structurelles majeures ont ainsi été entreprises : la première refonte globale depuis 1964 du code des pensions civiles et militaires de la fonction publique, le développement de l'épargne retraite, l'accord du 13 novembre 2003 sur les régimes complémentaires AGIRC et ARRCO et la suppression du dispositif de « surcompensation » entre les régimes spéciaux de retraite.


Mise en oeuvre effective de la réforme
des retraites au 1 er novembre 2004 : état de la publication des mesures réglementaires d'application

La loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites apparaît très largement applicable, notamment dans ses dispositions essentielles, à la date du 1 er novembre 2004. Ce texte de 116 articles requerrait l'intervention de nombreuses mesures d'application : il comporte 123 renvois à des mesures réglementaires, cinq références à des rapports, un renvoi à la loi de finances pour 2004, ainsi que l'intervention des partenaires sociaux pour l'application de plusieurs articles importants.

Au total, depuis le 28 octobre 2003, quarante-quatre décrets ont été publiés. On peut estimer qu'à la date du 1 er novembre 2004, plus de 85 % des mesures réglementaires d'application avaient déjà été publiées et les autres seraient en passe de l'être d'ici à la fin de l'année 2004. Le titre III, consacré à la fonction publique, est celui présentant la situation la plus favorable : à l'exception de l'article 77 relatif à la mise en oeuvre de la mobilité professionnelle chez les enseignants, il est intégralement applicable. Les autres articles pour lesquels les mesures d'application manquent encore traitent de la commission de compensation (article 7), la mise en oeuvre du droit à l'information des assurés sociaux (article 10), les modalités de cumul emploi-retraite (articles 64 et 90), le congé de solidarité familiale (article 38), le régime de retraite des avocats (article 97), l'information statistique sur l'épargne retraite (article 114) et l'évolution des institutions de gestion de retraite supplémentaire (article 116).

En conclusion, outre les cinquante-huit articles d'application directe, quarante articles sont désormais totalement applicables, douze autres partiellement applicables et seuls six articles demeurent inapplicables.

1. La réforme du code des pensions civiles et militaires de retraite des fonctionnaires

Le titre III de la loi du 21 août 2003, complété par les décrets n os 2003-1305 et 2003-1306 du 26 décembre 2003, constitue la première modification majeure du code des pensions civiles et militaires de retraite depuis 1964 et opère une véritable refonte du régime des retraites des fonctionnaires :

- la création d'un dispositif autorisant le rachat des années d'études dans les régimes de la fonction publique ;

- la faculté donnée aux fonctionnaires travaillant à temps partiel de cotiser pour leur retraite sur la base d'un équivalent temps plein ;

- la modification partielle du système des bonifications de pensions ;

- la création d'une majoration de la durée d'assurance de deux trimestres au bénéfice des femmes fonctionnaires ayant accouché après le 1 er janvier 2004 ;

- la refonte des règles de liquidation de pension ;

- l'alignement sur le régime général des modalités de revalorisation des pensions des fonctionnaires.

- le changement du régime du cumul emploi-retraite des fonctionnaires ;

- l'augmentation du nombre de quotités différentes de travail à temps partiel pouvant être accordées aux fonctionnaires lors de la prise de congé parental ;

- la modification des modalités de la cessation anticipée d'activité ;

- la création d'un régime public de retraite additionnel obligatoire ;

-  la majoration de la durée d'assurance pour les fonctionnaires hospitaliers classés en catégorie active.

2. Le succès du lancement de l'épargne retraite

Jusqu'au vote de la loi portant réforme des retraites, l'épargne retraite était demeurée en France limitée. S'il existait déjà certains produits financiers spécifiques dédiés à ce mode particulier d'épargne, ils n'étaient accessibles qu'à une partie seulement de la population.

La loi du 21 août 2003 a posé le principe du droit, pour toute personne, d'accéder à l'épargne retraite pour compléter sa pension. Deux dispositifs nouveaux le lui permettent : le Plan d'épargne retraite populaire (PERP) et le Plan d'épargne retraite collectif (PERCO). Le régime fiscal des cotisations versées pour la retraite a été déterminé par l'article 82 de la loi de finances pour 2004.

Pour chaque membre du foyer fiscal, les cotisations ou primes versées au PERP sont déductibles du revenu net global dans la limite d'un plafond égal à 10 % du revenu professionnel de l'année précédente, net des cotisations sociales et des frais (déduction forfaitaire de 10 % ou frais réels), mais avant abattement de 20 %. Ces revenus ne sont pris en compte que dans la limite de huit fois le plafond annuel de la sécurité sociale (soit une déduction maximum de 23.770 euros pour 2004). Ou, si cette formule est plus avantageuse, les versements sont déductibles dans la limite de 10 % du plafond annuel de la sécurité sociale.

Comme il s'agit d'une enveloppe de déduction globale, les sommes versées l'année précédente par l'intéressé à d'autres systèmes d'épargne retraite (régime Madelin pour les non-salariés, contrat Préfon pour les fonctionnaires, contrats collectifs et abondement de l'employeur au PERCO) doivent être retranchées du plafond de déduction applicable.

Le lancement du PERP a connu un large succès. A la fin du mois d'août 2004, quelques semaines seulement après la publication des mesures réglementaires d'application, plus de 600.000 PERP avaient été ouverts, soit plus que la totalité des contrats « Madelin » en dix ans. Le profil des souscripteurs est celui de personnes jeunes, trente-six ans en moyenne.

Le PERP constitue donc un mécanisme attractif et dont le développement semble démentir la soi-disant traditionnelle aversion des Français pour les placements sous forme de rente.

3. L'accord relatif aux retraites complémentaires

Au titre de la mise en oeuvre de la réforme des retraites, un accord est intervenu le 13 novembre 2003 entre les partenaires sociaux portant sur les retraites complémentaires AGIRC et ARRCO. Il a procédé aux adaptations nécessaires pour autoriser l'application ou l'entrée en vigueur du dispositif des « carrières longues » et la possibilité de rachat des années d'études. Il prolonge également le mécanisme de l'Association pour la gestion du fonds de financement de l'AGIRC et de l'ARRCO (AGFF), dont l'objet consiste à assurer la prise en charge des départs en retraite avant l'âge de soixante-cinq ans. Il prévoit enfin l'ouverture d'une négociation interprofessionnelle avant le 31 décembre 2008, sur les modalités de son intégration dans l'AGIRC et l'ARRCO.

Le succès de ce processus paritaire, commencé en 1993, a permis aux partenaires sociaux d'assainir la situation des régimes complémentaires. Leurs paramètres de financement sont fixés pour la période 2004 à 2008. La valeur de service du point évoluera en fonction de l'indice des prix hors tabac, tandis que les cotisations salariales et patronales à l'AGIRC seront relevées sur la période de respectivement 0,36 et 0,18 point.

Il convient en effet de rappeler qu'après huit années consécutives de déficit entre 1992 et 1999, l'AGIRC et l'ARRCO ont retrouvé une situation positive depuis l'année 2000 grâce à l'amélioration de la situation de l'emploi et aux mesures courageuses de redressement prises depuis 1993 par les partenaires sociaux, dont l'acquis a été préservé.

Malgré le retournement de la conjoncture économique, les résultats de l'AGIRC et l'ARRCO sont restés positifs et devraient le demeurer jusque vers 2015. Au-delà de cette date, les effets des départs en retraite massifs des « baby-boomers » l'emporteront sur les économies produites par les réformes de 1993 et 1996.

ARRCO - Données générales

(effectifs au 1 er juillet et montants en milliards d'euros)

 

2002

%

2003

%

2004

%

2005

%

Cotisants vieillesse

17.600.000

0,4

17.740.000

0,8

17.740.000

0,0

18.130.000

2,2

Bénéficiaires vieillesse

10.133.317

1,0

10.359.076

2,2

10.592.919

2,3

10.832.094

2,3

Vieillesse droit direct

7.232.517

1,0

7.404.265

2,4

7.581.967

2,4

7.763.934

2,4

Vieillesse droit dérivé

2.900.800

1,1

2.954.811

1,9

3.010.952

1,9

3.068.160

1,9

Produits

35,93

-

39,63

10,3

39,93

0,8

41,52

4,0

dont cotisations

27,37

-

28,27

3,3

29,04

2,7

30,25

4,2

Poids des cotisations dans l'ensemble des produits

76,1 %

 

71,3 %

 

72,7 %

 

72,9 %

 

Charges

33,03

17,1

34,19

3,4

36,14

5,8

37,68

4,3

dont prestations

28,51

3,2

29,4

4,3

31,58

6,2

32,91

4,2

Poids des prestations dans l'ensemble des charges

86,3 %

 

87,1%

 

87,4 %

 

87,3 %

 

Résultat net

2,90

 

5,48

 

3,80

 

3,84

 

Source : CCSS - Septembre 2004

AGIRC - Données générales

(effectifs au 1 er juillet et montants en milliards d'euros)

 

2002

2003

%

2004

%

2005

%

Cotisants vieillesse

3.489.488

3.538.971

1,4

3.595.595

1,6

3.667.507

2,0

Bénéficiaires vieillesse

1.872.285

1.926.331

2,9

1.981.744

2,9

2.038.812

2,9

Vieillesse droit direct

1.402.028

1.447.094

3,2

1.493.401

3,2

1.541.190

3,2

Vieillesse droit dérivé

470.257

479.237

1,9

488.343

1,9

497.622

1,9

Produits

16,80

18,02

7,3

18,27

1,4

18,83

3,1

dont cotisations

12,91

13,04

1,0

13,33

2,2

13,68

2,6

Poids des cotisations dans l'ensemble des produits

76,9 %

72,4 %

 

73,0 %

 

72,6 %

 

Charges

15,87

16,59

4,5

17,43

5,1

18,21

4,5

dont prestations

14,87

15,51

4,3

16,26

4,8

17,00

4,6

Poids des prestations dans l'ensemble des charges

93,7 %

93,5 %

 

93,2 %

 

93,3 %

 

Résultat net

0,93

1,44

 

0,84

 

0,62

 

Source : CCSS - Septembre 2004

4. La suppression de la surcompensation

La surcompensation ou compensation spécifique désigne un mécanisme financier créé en 1985 afin d'assurer des transferts de ressources entre les régimes spéciaux et de prendre ainsi en compte les disparités démographiques qui les affectent.

L'article 9 de la loi portant réforme des retraites en a prévu l'extinction progressive sur huit ans, d'ici au 1 er janvier 2012, par la diminution progressive des montants transférés. En conséquence, le décret du 29 octobre 2003 a programmé, sur trois exercices successifs, une diminution de trois points du taux d'application de cette compensation : de 30 % en 2002, le taux passe ainsi à 27 % en 2003, 24 % en 2004 et 21 % en 2005.

Les régimes contributeurs versent moins, et les régimes bénéficiaires, reçoivent moins. Parmi ces régimes, certains perçoivent des subventions d'équilibre de l'État (ouvriers de l'État, mines, SNCF, marins, SEITA) : la baisse des transferts de compensation spécifique se traduit donc, pour l'État, par une augmentation de la subvention à verser de 158 millions d'euros en 2003.

Montants de la surcompensation

(en millions d'euros)

Régimes contributeurs

2001

2002

2003

2004

2005

Fonctionnaires civils

1.504

1.471

1.197

977

787

CNRACL

1.268

1.368

1.377

1.294

1.164

IEG

62

56

42

27

24

RATP

 
 
 

3

2

Total

2 834

2.895

2.616

2.301

1977

Régimes bénéficiaires

2001

2002

2003

2004

2005

Fonctionnaires militaires

489

584

519

430

354

FSPOEIE (ouvriers d'État)

189

182

169

152

136

CANSSM (mines)

1.238

1.233

1.117

996

856

SNCF

498

481

430

381

327

RATP

7

2

 
 
 

ENIM (marins)

270

272

256

237

213

CRPCEN (clercs de notaire)

45

45

40

34

32

Banque de France

8

8

7

5

4

SEITA

32

31

29

26

22

CAMR (chemins de fer locaux et secondaires

60

58

49

40

33

Total

2.834

2.895

2.616

2.301

1977

Source : CCSS - septembre 2004

Or, les règles de calcul de cette surcompensation sont contestables. Contrairement à la compensation généralisée, la prestation servant de référence est très supérieure à la pension moyenne la plus faible des régimes bénéficiaires. Il s'agit de la pension moyenne de l'ensemble des régimes participants. Les modalités de calculs aboutissent à des niveaux de transfert tellement élevés qu'ils ont dû être plafonnés à partir de l'année 2000.

La surcompensation n'est en réalité qu'un artifice permettant la captation des réserves de la CNRACL au profit des autres régimes, c'est-à-dire en fait, du budget de l'État lui-même pouvant ainsi réaliser une économie sur le montant de la subvention d'équilibre qu'il verse à ces régimes. La suppression de ce dispositif ouvre également la voie à la nécessaire remise à plat des mécanismes de compensation.

C. UNE RÉFORME GÉNÉREUSE

La loi du 21 août 2003 a choisi de faire appel au sens des responsabilités des citoyens français, en prévoyant un allongement progressif de la période d'activité et l'introduction de nouveaux critères de calcul des pensions.

Pour autant, elle a introduit dans notre droit plusieurs avancées sociales importantes au bénéfice notamment des personnes ayant débuté leur vie professionnel à un âge précoce, des assurés sociaux les moins favorisés, des personnes handicapées et de celles souhaitant prolonger leur activité professionnelle.

1. La prise en compte des carrières longues

Au 31 juillet 2004, sur un total de 150.000 demandes, 130.000 attestations autorisant un départ en retraite anticipée avaient été délivrées et 82.000 demandes de retraite anticipée déjà liquidées par la CNAV 2 ( * ) .

Pour l'année 2004, on estime que 132.000 personnes devraient bénéficier de la mesure, pour un coût d'environ 630 millions d'euros. La montée en charge se poursuivra en 2005, avec 90.000 nouveaux départs prévus, ce qui portera son impact financier pour cette seconde année d'application à 1,3 milliard d'euros. En raison de l'incertitude demeurant sur le taux de recours à la mesure, il est difficile d'évaluer précisément le nombre de bénéficiaires au-delà de 2005. Mais la CNAV considère que près de 500.000 personnes pourraient bénéficier d'un départ avant soixante ans d'ici à 2008.

Comptes de la CNAV

(en millions d'euros)

CNAV

2002

2003

%

2004

%

2005

%

Charges nettes

68.052,8

71.490,7

5,1 %

74.594,5

4,3 %

78.200,9

4,8 %

Produits nets

69.711,8

72.436,5

3,9 %

74.523,9

2,9 %

76.787,6

3,0 %

Résultat

1.659,0

945,9

 

- 70,6

 

- 1.413,3

 

Source : direction de la sécurité sociale (SDEPF/6A) CCSS septembre 2004

L'étude statistique du profil des bénéficiaires montre que les retraités de cinquante-six à cinquante-neuf ans sont des hommes à 86 %. Ils ont débuté leur carrière l'année de leurs quatorze ans mais ont commencé à réellement valider des trimestres l'année des quinze ans, environ quatre ans plus tôt que l'assuré moyen.

La durée de carrière moyenne des femmes s'établit à 45,5 ans, contre 43,4 ans pour les hommes. Cependant, leurs durées cotisées s'élèvent respectivement à 42,7 ans et 43,1 ans. Les personnes éligibles au dispositif liquident leur pension pour 16 % d'entre eux à cinquante-six ans, 27 % à cinquante-sept ans, 28 % à cinquante-huit ans et 29 % à cinquante-neuf ans. Pour ce qui concerne les catégories socioprofessionnelles, les ouvriers qualifiés, chauffeurs, employés ou techniciens, représentent 60 % des bénéficiaires.

L'article 29 du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale ainsi que l'article 73 du projet de loi de finances pour 2005 proposent de transposer ce dispositif dans les trois fonctions publiques.

2. Les dépenses supplémentaires de la loi portant réforme des retraites

La loi du 21 août 2003 comporte de nombreuses sources de dépenses supplémentaires. Cet aspect des choses est méconnu, mais il explique pourtant pourquoi subsistera, après la réforme, un besoin de financement résiduel nécessitant de faire appel aux excédents espérés de l'assurance chômage et de mobiliser des moyens budgétaires supplémentaires sur le budget de l'État.

Le plan de financement de la réforme en fournit une évaluation, en se plaçant à l'horizon 2020. S'agissant du régime général, on relèvera l'impact de la revalorisation du minimum contributif (+ 600 millions d'euros de dépenses par an en 2020), du dispositif des carrières longues (+ 300 millions d'euros à cette date), ainsi que des mesures en faveur des pluripensionnés (+ 900 millions d'euros par an). Pour la fonction publique, le coût annuel de la création du régime additionnel est alors estimé à 800 millions d'euros.

Régime général en 2020

(en millions d'euros 2000)

Besoin de financement initial

- 15.500

Allongement de la durée d'assurance pour le taux plein, proratisation, allégement de la décote et création de la surcote

+ 6.200

Revalorisation du minimum contributif

- 600

Retraite anticipée

- 300

Autres mesures (pension réversion veuvage, rachat d'étude, retraite anticipée, handicapés)

- 200

Mesures en faveur des pluripensionnés

- 900

Augmentation de cotisations de 2006 (0,2 point)

+ 900

Somme des mesures

+ 5.100

Solde après prise en compte des mesures

- 10.400

Transferts potentiels de charges depuis l'UNEDIC dans l'hypothèse d'un chômage à 5 %

+ 15.300

Source : sur la base de la valeur 2003 de l'euro

Régimes des trois fonctions publiques en 2020

(en millions d'euros 2000)

Besoin de financement initial

- 28.000

Allongement de la durée d'assurance pour le taux plein, proratisation, allégement de la décote et création de la surcote

9.300

Indexation sur les prix

4.500

Création du régime additionnel

- 800

Solde des mesures

+ 13.000

Solde après mesures

- 15.000

Effort supplémentaire des employeurs publics

+ 15.000

Solde final

0

Source : Commission des comptes de la sécurité sociale, septembre 2003

En effet, à l'exception de l'augmentation de la durée des cotisations, de la hausse modérée de celles-ci en 2006 et de l'alignement des règles d'indexation du public sur le privé, les autres mesures introduites par la « loi Fillon » présentent un bilan net négatif en termes d'économies. Il s'agit donc bien d'une réforme généreuse.

Le minimum contributif. La loi a assigné à la Nation l'objectif qu'en 2008, aucune retraite versée au titre des régimes obligatoires ne soit inférieure à 85 % du salaire minimum de croissance (SMIC) net, pour les personnes répondant aux critères requis.

Par ailleurs, le minimum contributif a été revalorisé de 3 % en 2004, et le sera encore en 2006 et 2008, soit 9,3 % d'augmentation totale.

Handicap. Une majoration de la durée d'assurance d'un trimestre par période d'éducation de trente mois a été instituée dans la limite de huit trimestres, au bénéfice des parents d'enfants handicapés éligibles à l'allocation d'éducation spéciale. A l'initiative de votre commission, un dispositif de retraite anticipée a également été instauré au profit des personnes handicapées.

Une surcote , majorant les pensions de retraite de 0,75 % par trimestre pour les personnes continuant leur activité après soixante ans et au-delà de la durée d'assurance requise pour bénéficier du taux plein, a été introduite ainsi que la possibilité de racheter des périodes d'études ou des périodes insuffisamment cotisées.

La complexité de ces questions justifie que soit reconnu aux assurés sociaux un droit à l'information sur leur situation individuelle vis-à-vis de la retraite. Un groupement d'intérêt public a déjà été constitué et la parution des mesures réglementaires d'application devrait prochainement intervenir. A l'échéance 2009, ce droit devrait être pleinement mis en oeuvre dès cinquante-cinq ans et les cotisants de trente-cinq à cinquante-quatre ans devraient recevoir, tous les cinq ans, un relevé des droits qu'elles ont acquis, afin d'adapter leur comportement aux mécanismes de décote et de surcote en toute connaissance de cause.

Pour les trois fonctions publiques , qui n'avaient pas été concernées par la précédente réforme des retraites conduite par le gouvernement Balladur en 1993, on relèvera :

- l'extension aux conjoints des femmes fonctionnaires du bénéfice de la réversion d'une pension d'ayant droit ;

- l'extension aux hommes du bénéfice de la réversion au titre d'un conjoint disparu ;

- l'augmentation du nombre des possibilités de travail à temps partiel pouvant être accordées aux fonctionnaires lors de la prise de congé parental ;

- l'élargissement des modalités de la cessation anticipée d'activité ;

- la création d'un régime public de retraite additionnel obligatoire ;

- la possibilité de racheter jusqu'à trois années d'études ;

- la mise en oeuvre de la surcote, au taux de 3 % par an ;

- la faculté donnée aux fonctionnaires travaillant à temps partiel de cotiser pour leur retraite sur la base d'un équivalent temps plein.

3. Equilibrer espérance de vie à la retraite et durée de l'activité professionnelle

La réforme des retraites a précisé les conditions d'allongement de la durée d'assurance des régimes de retraite, les données à prendre en compte ainsi que la procédure à suivre à l'horizon 2020. Elle propose de faire évoluer la durée d'activité de façon à répartir équitablement, sur une longue période, les gains d'espérance de vie entre temps de travail et temps de retraite, en préservant le partage temporel actuel entre travail et retraite.

A partir de 2009, la durée d'activité sera, dans un premier temps, allongée d'un trimestre par an pour atteindre quarante et une annuités en 2012, sauf si cette échéance se trouvait modifiée par décret. Au-delà de 2012, la durée d'assurance devrait continuer à évoluer et s'approcher en 2020 de quarante-deux annuités. Préalablement à chaque ajustement de durée de cotisation en 2008, 2012 et 2016, le Gouvernement devra présenter un rapport au Parlement. Une commission indépendante, la Commission de garantie des retraites, aura en outre pour mission de donner un avis sur les ajustements nécessaires de la durée d'assurance, en tenant compte de l'évolution des données démographiques, économiques et sociales.

D. LA RÉFORME DU FINANCEMENT DU RÉGIME DE RETRAITE DES INDUSTRIES ÉLECTRIQUES ET GAZIÈRES

Depuis sa création en 1946, le financement des retraites du régime spécial de sécurité sociale des personnels gaziers et électriciens, reposait sur les salariés et surtout sur les entreprises de la branche. Il n'était jamais apparu nécessaire de provisionner les charges futures de retraite, dans la mesure où ces entreprises nationales, au demeurant prospères, bénéficiaient alors du statut d'établissement public et opéraient en situation de monopole. Dès lors, la question du financement à venir des retraites semblait ne jamais devoir se poser.

La libéralisation des marchés du gaz et de l'électricité, et surtout l'introduction des nouvelles normes comptables internationales, dites « IAS 19 », ont rendu inévitable une modification en profondeur de ces mécanismes. A défaut, la poursuite du statu quo n'aurait laissé d'autre alternative à EDF et GDF que de provisionner, à la date du 1 er janvier 2005, et en une seule fois, la totalité des engagements de retraite à venir : près de 80 milliards d'euros.

Il est donc apparu indispensable de garantir et d'élargir le mode de financement des retraites d'EDF et de GDF, tout en préservant les spécificités du régime spécial. Une solution inédite et complexe « d'adossement » sur les régimes de droit commun a donc été mise en oeuvre par la loi n° 2004-803du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières.

1. Mode de calcul des soultes et neutralité de l'adossement

a) La nécessité d'un adossement juste et transparent

Votre commission partageait avec le Gouvernement la préoccupation de voir l'adossement financier réalisé dans des conditions de neutralité pour les régimes de droit commun, leurs assurés et leurs cotisants. Elle souhaitait également prendre en compte les inquiétudes des régimes d'accueil et notamment les avis négatifs, émis à l'unanimité les 7 avril et 23 juin 2004 par le conseil d'administration de la CNAV, sur les modalités alors envisagées pour l'opération d'adossement.

A son initiative, quatre amendements ont été adoptés, et ont ainsi permis :

- d'affirmer dans le corps même de la loi le principe de neutralité financière de l'adossement ;

- d'expliciter les paramètres de calcul de la soulte, en ajoutant aux éléments démographiques à prendre en compte les données financières et économiques des régimes d'accueil et du régime adossé ;

- de permettre que les informations relatives à la neutralité de l'adossement fassent l'objet d'un suivi et soient disponibles et publiées dans le rapport annuel de la Caisse nationale des industries électriques et gazières (CNIEG) ;

- et de donner au Parlement les moyens de s'assurer du respect du principe de neutralité du montage, en le faisant destinataire d'un rapport établi tous les cinq ans par la CNAV, les régimes complémentaires et la CNIEG.

b) Le calcul équitable des soultes

Le choix de la méthode de calcul des soultes s'est avéré déterminant. Deux méthodes étaient envisageables : la méthode instantanée, dite de l'indicateur de charge, et la méthode prospective.

La méthode de l'indicateur de charge rapporte de façon instantanée la valeur actuelle des droits acquis par les participants, aussi bien les actifs que les retraités, de chaque régime à la capacité contributive des cotisants.

La méthode prospective consiste à se placer sur un horizon de vingt-cinq ans et à projeter les données financières, économiques et démographiques actuelles et futures du régime adossé et celles du régime d'accueil, afin de prévenir une dégradation des équilibres de ce dernier.

La conseil d'administration de la CNAVTS, souhaitait que, comme dans le cas de l'AGIRC-ARRCO, le choix se porte sur la méthode prospective, dans la mesure où les calculs réalisés s'avèrent plus précis et mieux adaptés à des opérations de grandes tailles, du type des IEG.

2. L'accord sur le niveau de la soulte

En définitive, la négociation sur la soulte à acquitter par les industries électriques et gazières a bel et bien retenu le recours à la méthode dite « prospective », que votre commission aurait d'ailleurs pour sa part souhaité voir consacrée dans la loi elle-même.

L'accord auquel le Gouvernement et la CNAV sont parvenus le 19 octobre 2004 repose en définitive sur les paramètres suivants :

- une projection sur une durée de vingt-cinq ans ;

- un taux d'actualisation de 2,50 % par an ;

- la fixation du salaire de base pour le calcul de la pension des retraites IEG à 100 % du plafond de la sécurité sociale pour 2006, alors que le salaire moyen des salariés des IEG s'établit à 95,6 % de ce même plafond ;

- la prise en charge directe par les IEG de l'écart entre 95,6 % et 100 % dudit plafond ;

- et l'exclusion des prestations familiales, qui seront remboursées in fine par le fonds de solidarité vieillesse (FSV).

Au total, les IEG acquitteront, pour les seuls droits de base équivalant à ceux versés par la CNAV, un droit d'entrée de 7,7 milliards d'euros qui sera assuré de deux façons différentes :

- un versement initial de 40 % de la soulte, soit 3,1 milliards d'euros en valeur 2005, sera confié au fonds de réserve des retraites, pour être placé à long terme jusqu'à l'horizon 2020, la CNAV recouvrant alors ce capital, majoré des intérêts capitalisés ;

- le solde de 4,6 milliards d'euros, en valeur 2005 actualisée, correspondant à 60 % du paiement de la soulte, sera versé de façon échelonnée par la Caisse nationale des industries électriques et gazières (CNIEG) à la CNAV pendant vingt ans, de 2005 à 2024.

Votre commission se félicite que l'adossement des IEG soit parfaitement équitable pour la CNAV : le montant de la soulte apparaît très élevé et pleinement justifié par les prestations particulièrement généreuses versées par le régime des IEG.

Pour autant, elle considère à nouveau que ce schéma d'adossement retenu pour les IEG devra demeurer une exception et pourrait n'être que très difficilement appliqué à l'avenir à d'autres régimes spéciaux ou entreprises publiques. Il s'agit, en effet, d'un mécanisme complexe, d'une opération de grande taille, difficile à réaliser et susceptible de peser sur les équilibres globaux du régime général. La neutralité de l'adossement constitue en pratique un exercice délicat, que seules les garanties apportées par le présent Gouvernement ont finalement rendu possible dans de bonnes conditions.

Les estimations relatives au montant des engagements de retraite des IEG montrent également que la situation au regard de la retraite des personnels gaziers et électriciens est près de deux fois plus favorable que celle des assurés sociaux du secteur privé relevant de la CNAV d'une part, des régimes complémentaires d'autre part. Cet écart s'explique pour moitié par un âge de liquidation plus précoce et pour moitié par des calculs de liquidation plus avantageux. Par ailleurs, contrairement aux assurés sociaux du régime général, des régimes alignés, et désormais des trois fonctions publiques, les gaziers et électriciens sont exclus du champ d'application de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites.

En définitive, votre commission estime que se poseront à terme, tout à la fois les questions de la pérennité du niveau des prestations des IEG au regard de son coût élevé et croissant, de sa légitimité par rapport aux autres régimes de retraites concernés par la réforme et de la mise en extinction de ce régime spécial.

* 1 Avis n° 387 (2003-2004) de M. Dominique Leclerc fait au nom de la commission des Affaires sociales.

* 2 L'écart entre le nombre d'attestations favorables et celui des liquidations a plusieurs origines : délai de décision des personnes quant à leur date de liquidation effective une fois connue la possibilité de départ ; délais de traitement des dossiers par les caisses...

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