III. AUGMENTER LE TAUX D'EMPLOI DES SENIORS

La loi du 21 août 2003 est une condition nécessaire mais pas suffisante pour garantir sur le long terme le sauvetage du système d'assurance vieillesse. Le Gouvernement et le Parlement ont engagé leur responsabilité dans cette réforme difficile. L'initiative relève désormais très largement des comportements individuels et collectifs des acteurs du marché du travail, ainsi que des négociations entre les partenaires sociaux.

L'objectif est d'augmenter le taux d'emploi des seniors et de mettre un terme à l'utilisation massive des préretraites.

A. LES PRÉRETRAITES, « DROGUE DURE » DE L'ÉCONOMIE FRANÇAISE ?

La persistance du phénomène de préretraite conduit à se demander, pour reprendre les termes d'une intervention d'Yves Barou, directeur général adjoint et directeur des ressources humaines du groupe Thalès 8 ( * ) , s'il ne constitue pas, depuis une vingtaine d'année, la « drogue dure » de l'économie française.

En effet, la cessation précoce d'activité, encore conçue comme exceptionnelle au début des années 1980, s'est depuis institutionnalisée et généralisée. Le « stock » de préretraites au sens large et de dispenses de recherche d'activité avoisine encore aujourd'hui les 500.000 bénéficiaires, soit l'équivalent d'une classe d'âge née pendant la seconde guerre mondiale.

1. Une utilisation massive à compter des années 1980

Le recours aux mesures d'âge - et en premier chef aux préretraites - comme moyen de lutte contre le chômage a été généralisé à partir du début des années 1980. Il a conduit à une éviction durable des salariés les plus âgés du marché du travail, dont les effets continuent de se faire sentir.

Les préretraites ont atteint leur dernier pic en 1997 avec quelque 240.000 bénéficiaires ; elles concernent encore aujourd'hui près de 200.000 personnes.

Dispositifs de préretraite

 

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

Allocation spéciale du Fonds national de l'Emploi (ASFNE)

 
 
 
 
 
 
 
 
 

Nombre d'entrées annuelles

23.683

21.015

21.669

18.672

11.993

7.920

6.740

6.875

7.071

Nombre d'allocataires en cours à la fin décembre

152.409

128.442

107.789

90.654

73.411

59.939

48.045

37.958

31.973

Préretraite progressive

 
 
 
 
 
 
 
 
 

Nombre d'entrées annuelles

26.858

24.262

20.870

16.717

13.372

11.117

12.357

1.406

15.940

Nombre d'allocataires en cours à la fin décembre

52.520

54.672

55.032

52.112

44.675

42.045

42.764

47.275

44.935

Allocation de remplacement pour l'emploi (ARPE)

 
 
 
 
 
 
 
 
 

Nombre d'entrées annuelles

2.650

52.211

35.353

43.438

45.170

37.461

21.354

834

nd

Nombre d'allocataires en cours à la fin décembre

2.622

49.523

65.795

76.917

84.519

86.580

73.121

38.161

nd

Congé de fin d'activité (CFA)

 
 
 
 
 
 
 
 
 

Nombre d'entrées annuelles

 
 

19.168

10.782

15.564

11.888

12.965

14.162

nd

Nombre d'allocataires en cours à la fin décembre

 
 

10.061

12.117

15.142

18.407

21.579

22.664

nd

Cessation d'activité de certains travailleurs salariés (CATS)

 
 
 
 
 
 
 
 
 

Nombre d'entrées annuelles

 
 
 
 
 

5.218

5.313

11.824

15.654

Nombre d'allocataires en cours à la fin décembre

 
 
 
 
 

5.218

9.871

18.753

25.116

Cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (CAATA)

 
 
 
 
 
 
 
 
 

Nombre d'entrées annuelles

 
 
 
 
 

3.894

5.803

8.335

nd

Nombre d'allocataires en cours à la fin décembre

 
 
 
 
 

3.785

9.152

16.681

nd

TOTAL

 
 
 
 
 
 
 
 
 

Nombre d'entrées annuelles

53.191

97.488

97.060

89.609

86.099

77.498

64.532

56.646

 

Nombre d'allocataires en cours à la fin décembre

207.551

232.637

238.677

231.800

217.747

215.974

204.532

181492

 

Source : DARES, premières informations janvier 2004 et questionnaire budgétaire

A la fin de l'année 2000, les préretraites et les dispenses de recherche d'emploi représentaient plus de 90 % des effectifs d'une génération moyenne de seniors âgés de cinquante-cinq à cinquante-neuf ans, contre moins de 70 % dix ans plus tôt. Cette proportion, qui a eu tendance à augmenter dans les années 1990, diminue depuis 2000 pour retrouver le niveau de 1993, soit 75 %.

2. Un consensus national implicite préjudiciable

La croissance des préretraites a résulté d'un consensus social implicite entre les entreprises, renouvelant et rajeunissant plus rapidement leurs effectifs, les salariés, mettant fin plus tôt à leur activité professionnelle, et les pouvoirs publics, comptant sur ces mesures d'âge pour accroître, à court terme, les sorties du marché du travail et ainsi lutter contre le chômage.

Conçue initialement comme une politique de court terme, l'incitation publique au retrait précoce d'activité n'a jamais cessé. Ces mesures, par nature très populaires, sont devenues, malgré leur coût à long terme, difficiles à remettre en cause. Les raisons qui expliquent cette évolution ne sont donc pas uniquement économiques, mais aussi sociales et sociologiques.

3. Un taux d'activité des seniors parmi les plus bas au monde

En France, la baisse du taux d'emploi est très rapide à partir de cinquante ans, et plus encore à partir de cinquante-cinq ans. L'écart entre le taux d'emploi français et la moyenne européenne est sensible pour les personnes âgées de soixante à soixante-cinq ans (9,9 % contre 23,4 %).

La différence est plus nette encore avec la Suède qui conduit une politique spécifique visant à promouvoir l'emploi des seniors : le taux d'emploi des personnes âgées de cinquante-cinq à cinquante-neuf ans s'établit à 77,8 % contre 49,3 % en France, soit 29 points de plus. S'agissant des personnes de soixante à soixante-cinq ans, l'écart atteint 40 points : 50,2 % en Suède contre 9,9 % en France. A l'exception de la Belgique, notre pays est celui dans lequel l'âge moyen de retrait du marché du travail est le plus précoce : 58,1 ans, c'est-à-dire presque deux ans de moins que la moyenne de l'Union européenne (59,9 années), plus de deux ans et demi avant l'Allemagne (60,9 années) et presque quatre ans de moins qu'en Suède (62 années).

B. CONFORTER LA POLITIQUE PUBLIQUE DE RÉDUCTION DES PRÉRETRAITES

La loi du 21 août 2003 a marqué une inflexion majeure de la politique publique en matière de cessation précoce d'activité. Paradoxalement, l'impact de ces mesures s'est trouvé immédiatement amoindri par l'effet contraire du dispositif des carrières longues qui devrait se traduire, d'ici à 2008, par 500.000 départs en retraite avancée avant l'âge de soixante ans. En outre, la persistance d'un taux de chômage, aujourd'hui stabilisé autour de 10 % de la population active, explique le maintien mezzo voce d'une politique de retrait d'activité.

Dans ce contexte, renforcer l'efficacité de la politique décourageant le départ en préretraite constitue donc une ardente obligation.

1. Une charge financière insoutenable

Une certitude : la fragilisation des comptes sociaux

L'usage massif des préretraites fragilise nos régimes de retraites, déjà confrontés à d'importants besoins de financement compte tenu des évolutions démographiques. Sans évolution des politiques de l'emploi, notamment en faveur des salariés âgés, l'équilibre restera particulièrement difficile à atteindre : on estime généralement qu'une hausse d'un point du taux d'emploi ferait diminuer la part des besoins de financement des retraites exprimés par rapport au PIB de 0,2 à 0,4 point d'ici 2040.

Le coût direct des systèmes de préretraite

Le coût global des dispositifs de préretraite s'avère très lourd. Ainsi, les préretraites publiques à destination du secteur privé ont coûté, en 2003, 756,6 millions d'euros à l'État, 359,9 millions d'euros à l'UNEDIC et 450 millions d'euros aux organismes de sécurité sociale, soit au total 1,57 milliard d'euros.

Cette charge se rapporte au financement des mesures suivantes : l'allocation spéciale du fonds national de l'emploi (ASFNE), la préretraite progressive (PRP), la cessation d'activité de certains travailleurs salariés (CATS) et la cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (CAATA).

L'effet des préretraites sur l'économie nationale

Une étude 9 ( * ) portant sur les pays de l'OCDE, a été réalisée en juin 2003 pour évaluer l'impact global des coûts directs et indirects liés aux cessations précoces d'activité. Les estimations ont reposé notamment sur la minoration des taux d'activité aux âges élevés, qui entraînent mécaniquement une perte de la richesse produite, sur l'impact consécutif pour la masse salariale, sur les dépenses budgétaires et sociales supplémentaires et, corrélativement, sur les diminutions de recettes publiques provoquées par les préretraites au sens large. L'instrument de mesure utilisé est le coût global apprécié en pourcentage du PIB potentiel.

Le tableau ci-après présente l'estimation du coût économique de la mise à la retraite anticipée des travailleurs âgés. Ses résultats accréditent l'idée que la France perdrait près d'un dixième de sa richesse en écartant les seniors du marché de l'emploi.

Coût des systèmes de retraite anticipée dans les pays de l'OCDE
(en % du produit intérieur brut potentiel)

 

1980

1990

2000

Belgique

 

15,2

14,1

Allemagne

7,7

9,5

13,2

France

6,2

11,2

10,3

Pays-Bas

8,1

10,5

11,2

Espagne

4,8

9,7

9,3

Royaume-Uni

 

7,5

7,2

Canada

5,5

6,7

7,2

USA

5,8

5,4

5,7

Moyenne OCDE

5,8

6,7

7,9

Source : Tryggvi Thor Herbertsson et J. Michaël Orszag :
« The early retirement burden » juin 2003

2. L'inflexion apportée par la loi portant réforme des retraites

La loi du 21 août 2003 a fait le choix de recentrer les mesures d'âge autour de deux dispositifs : un dispositif visant à prendre en compte la pénibilité du travail, dans le cadre des cessations anticipées d'activité des travailleurs salariés (CATS), et un dispositif « plans sociaux ».

Cinq autres mesures doivent par ailleurs permettre d'infléchir le taux d'emploi des seniors. Il s'agit :

- de promouvoir le maintien dans l'emploi des salariés âgés, en élargissant les cas d'exonération de la contribution « Delalande » à la rupture du contrat de travail d'un salarié âgé de plus de quarante-cinq ans (et non plus de plus de cinquante ans) à son embauche ;

- d'instituer une contribution spécifique à la charge des employeurs sur les préretraites d'entreprise, fixée par décret n° 2003-1316 du 30 décembre 2003 fixe au taux réduit de 12 % pour le régime général jusqu'au 31 mai 2008 ;

- d'inciter à la tenue de négociations triennales sur les questions de l'accès à la formation professionnelle et du maintien dans l'emploi des salariés âgés ;

- de simplifier et harmoniser les règles relatives à la limitation du cumul d'une activité salariée et la perception d'une retraite ;

- d'améliorer le régime de la retraite progressive.

3. L'encouragement implicite au retrait précoce d'activité

Les dispositifs de préretraites et de dispenses de recherche d'emploi ont été restreints, alors même que les générations potentiellement concernées devenaient plus nombreuses. La baisse des entrées a conduit à diminuer le nombre total de bénéficiaires de retraits anticipés d'activité, passé d'environ 510.000 en mai 2001 à 480.000 en novembre 2003. Ces chiffres montrent toutefois que la politique de retrait d'activité est restée efficiente.

Jusqu'en 1994, elle a principalement soutenu le retrait des seniors du marché du travail suivant une approche que l'on peut qualifier de passive. A l'inverse, au cours des dix années suivantes, l'embauche de ces salariés en contrat aidé a fortement augmenté, dans le cadre de politiques dites actives d'emploi. A partir de 1994, en application de la loi quinquennale relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle de décembre 1993, les dispositifs ciblés des politiques d'emploi se sont recentrés sur les publics les plus en difficulté pour accéder au marché du travail. Les chômeurs de plus de cinquante ans ont constitué l'un des objectifs prioritaires des contrats offerts par le secteur non marchand. En conséquence, la part des seniors dans les embauches sous contrat aidé a doublé pour atteindre, en 2001, 12 % des entrées en contrat emploi solidarité (CES), 21 % en contrat emploi consolidé (CEC) et 18 % en contrat initiative emploi (CIE). Parallèlement, le retrait des seniors du marché du travail demeurait important, d'où un impact limité de ces dispositifs sur leur taux d'emploi.

On rappellera que l'article 16 de la loi portant réforme des retraites a admis une dérogation, jusqu'au 1 er janvier 2008, autorisant la mise à la retraite d'office à soixante ans si une convention ou un accord collectif étendu, fixe des « contreparties en termes d'emploi ou de formation professionnelle », sans d'ailleurs que le contenu de ces contreparties n'ait pas été davantage précisé.

Le ministre s'était alors montré réservé sur ce point 10 ( * ) : « La philosophie du projet de loi est, par toute une série de moyens - la surcote, la décote, l'allongement de la durée de cotisation, le cumul emploi-retraite notamment - de convaincre nos concitoyens que, pour améliorer leur retraite, mais aussi pour donner à notre pays les moyens de sa croissance, alors même que nous allons vers une réduction du nombre d'actifs du fait de la démographie, il faut travailler plus longtemps. Je ne vois pas comment on pourrait inciter nos concitoyens à travailler plus longtemps tout en laissant entre les mains des chefs d'entreprise une arme qui leur permettrait de licencier les salariés à soixante ans, quand bien même ceux-ci voudraient continuer à travailler plus longtemps. »

Depuis la promulgation de la loi, vingt-cinq branches professionnelles ont pris des dispositions en application de cet article 16, ce qui a abouti à vider de sa substance la règle de base portant l'âge minimal de mise à la retraite d'office à soixante-cinq ans.

Compte tenu du niveau encore particulièrement bas du taux d'emploi des seniors en France, il est donc indispensable de poursuivre le resserrement amorcé de la politique publique des préretraites.

C. COMMENT AUGMENTER LE TAUX D'EMPLOI DES SENIORS ?

La lenteur avec laquelle se modifient les comportements des acteurs économiques en matière de cessation précoce d'activité incite à s'inspirer d'expériences réussies menées dans d'autres pays industrialisés, comme la Finlande, la Suède ou les Pays-Bas .

1. Un léger renversement de tendance en France

Le taux d'activité, qui rapporte le nombre des personnes en emploi ou au chômage à la population totale considérée, n'est sans doute pas l'indicateur le plus pertinent pour apprécier la situation des seniors sur le marché du travail, car la frontière entre le chômage et l'inactivité est relativement floue aux âges élevés. Il est utile d'observer aussi, parallèlement, les évolutions du taux d'emploi, qui représente la proportion d'actifs occupés dans la population considérée.

Dans son second rapport publié en juin 2004, le COR a observé l'amorce d'un renversement de tendance en France. Alors qu'il avait encore diminué de 35,6 % à 34,2 % entre janvier 1990 et janvier 2000, le taux d'emploi des personnes âgées de cinquante-cinq à soixante-quatre ans, a progressé de plus de cinq points entre mars 2000 et mars 2002 , pour atteindre 39,3 %. Les données les plus récentes confirment cette tendance à la hausse.

Evolution du taux d'emploi des personnes âgées de 55 à 64 ans

 

Janvier 1990

Mars
2000

Mars
2001

Mars
2002

1 er trimestre 2002 ( * )

1 er trimestre 2003 ( * )

Ensemble

35,6

34,2

36,5

39,3

40,9

42,5

Femmes

28,8

30,2

31,8

34,6

36,0

38,3

Hommes

43,0

38,4

41,4

44,2

46,0

46,9

Source : COR

Pour relativiser ces données, la hausse s'expliquerait toutefois pour moitié par l'arrivée dans cette tranche d'âge depuis 2000 des générations nombreuses du baby-boom. Celles-ci contribuent à abaisser l'âge moyen des personnes de la tranche d'âge des cinquante-cinq à cinquante-neuf ans, ce qui conduit à augmenter artificiellement le taux d'emploi global des cinquante-cinq à cinquante-neuf ans.

2. L'adaptation lente des entreprises

Le Gouvernement s'est fixé comme objectif, dans un premier temps, d'augmenter l'âge moyen de cessation d'activité d'un an et demi.

Il s'agit de favoriser le maintien en activité des personnes de plus de cinquante ans, notamment par l'accès à la formation professionnelle (mise en oeuvre de l'accord national interprofessionnel du 5 décembre 2003 et la loi du 4 mai 2004 sur la formation tout au long de la vie et le dialogue social) et par l'adaptation des conditions de travail. Il convient également de dynamiser le marché du travail des seniors afin de favoriser le retour à l'emploi de ce public spécifique.

Pourtant, les entreprises demeurent globalement passives face au vieillissement démographique et l'image des seniors n'a guère évolué semble-t-il. Elles ne sont qu'une infime minorité à avoir développé des missions ponctuelles pour les quinquagénaires, réalisé des bilans de compétences ou instauré des systèmes de tutorat entre salariés d'âges différents.

Dans ce contexte, le Gouvernement accorde la plus grande importance au développement d'une négociation interprofessionnelle sur les relations individuelles et collectives de travail, pour favoriser des pratiques innovantes dans la gestion des ressources humaines. Celle-ci pourrait s'ouvrir au cours des prochains mois.

3. Des exemples de succès étrangers à méditer

En Allemagne , le Gouvernement, les partenaires sociaux et les entreprises ont agi de façon complémentaire. Le Gouvernement a instauré des incitations financières pour les employeurs qui embauchent des chômeurs de plus de cinquante-cinq ans et a soutenu des projets pilotes (organisation de formation à titre préventif pour les travailleurs entre quarante-cinq et cinquante-cinq ans et amélioration des conditions de travail). Les partenaires sociaux et les entreprises ont développé des actions visant à maintenir dans l'emploi les travailleurs âgés. Le groupe Volkswagen a ainsi mis en place un système de préretraite à temps partiel et de compte épargne temps individuel dans le cadre d'une convention collective et d'un accord d'entreprise.

Les Pays-Bas sont passés directement d'une politique de retrait d'activité à une politique de maintien dans l'emploi. Le système de retraite anticipée existant a été progressivement transformé en un régime de retraite flexible. Les bénéficiaires de l'assurance chômage de plus de cinquante-sept ans ainsi que le « stock » des personnes inscrites au régime d'invalidité ne sont plus dispensés de recherche d'activité. Les cotisations sociales des employeurs sont déterminées en fonction de leur propension à licencier ou à embaucher des salariés âgés. Cette politique a dynamisé le marché du travail des plus de cinquante ans, comme en témoigne, par exemple, le succès d'entreprises d'intérim spécialisées dans le placement des travailleurs âgés.

En Suède , il existe traditionnellement un lien très fort entre les politiques d'indemnisation et les politiques actives de l'emploi. Un dispositif de retraite partielle a d'ailleurs été mis en place dès 1976 et les travailleurs âgés bénéficient du même accès à la formation que les autres.

Depuis le milieu des années 1990, plusieurs réformes complémentaires ont été menées :

- les dispositifs ou prestations sociales tendant à promouvoir une cessation précoce d'activité ont été considérablement restreints ou supprimés ;

- la réforme du système de retraite de 1999 a incité à une prolongation de la carrière professionnelle par la promotion du principe de neutralité actuarielle des décisions individuelles de liquidation de pension : plus on travaille longtemps, plus la pension perçue sera élevée ;

- les politiques actives de l'emploi ont été orientées vers les salariés âgés et vers l'aménagement du temps de travail.

En Finlande , la stratégie visant à enrayer la logique du retrait précoce d'activité est un succès grâce au plan national pour l'emploi des plus de quarante-cinq ans. Le taux d'emploi des seniors s'est ainsi accru de 25 % en seulement cinq années et l'âge médian de sortie du marché du travail est passé de 58,2 ans en 1996 à 59,3 ans en 2001.


Le modèle finlandais : un plan national en six volets
pour l'emploi des plus de 45 ans

1. Un effort pédagogique important entrepris par l'État :

- une campagne publique d'information, et de formation, pour changer les mentalités et l'image du vieillissement ;

- des campagnes ciblées en direction des employeurs pour mettre en valeur les atouts des salariés âgés et les manières d'en tirer profit pour l'entreprise.

2. Des actions concernant la santé et la protection au travail : l'objectif est l'amélioration des conditions de travail et la prévention des inaptitudes. Une approche intégrée du vieillissement au travail est privilégiée. Elle vise toutes les dimensions du bien-être au travail : environnementales, psychologiques et sociales. Elle a donné lieu, chaque fois, à une étroite collaboration au sein des entreprises, entre direction, représentants du personnel, experts et autorités publiques.

3. La formation professionnelle : ciblées sur les salariés de quarante-cinq ans ou plus, les actions visent à combler le fossé des niveaux de formation entre jeunes et vieux. Il s'agit d'un programme à long terme (dix à quinze ans), qui s'intègre dans une stratégie nationale pour promouvoir « l'éducation tout au long de la vie ».

4. La réhabilitation des chômeurs âgés : un suivi individualisé des demandeurs d'emploi âgés a été mis en oeuvre dans le cadre de l'action spécifique de retour à l'emploi. A noter que cette action « curative » en faveur des chômeurs âgés n'a pas apporté tous les résultats escomptés. Ce qui prouve la supériorité de la stratégie préventive adoptée, intervenant dès la mi-carrière.

5. Le passage graduel et choisi à la retraite : l'accent est mis sur la promotion du temps partiel : le seuil d'âge ouvrant droit à une retraite partielle est abaissé de cinquante-huit à cinquante-six ans et les droits à pension sont maintenus en cas d'activité partielle. La possibilité d'alterner périodes d'emploi et de congés est offerte.

6. Etudes, recherches et expérimentations : le programme comporte un volet très important d'études et de recherches. Un outil d'évaluation spécifique, « le baromètre du maintien de la capacité au travail » (TYKY) est mis en place. Il permet d'évaluer l'impact du programme national sur les salariés dans les entreprises. D'autres programmes de recherche concernent les attitudes et les pratiques des travailleurs en fin de carrière, l'âge, la santé et les compétences au travail, les pratiques discriminatoires à l'embauche, l'âgisme au travail, la formation professionnelle et les nouvelles méthodes de formation continue.

Le coût total du programme a été de 4,2 millions d'euros pour le seul financement public sur cinq ans.

Source : Anne-Marie Guillemard, Les sociétés à l'épreuve du vieillissement -
Revue Futurible n° 299, juillet 2004

Ces exemples étrangers peuvent inspirer notre pays : ils témoignent du fait qu'il n'existe pas de fatalité et qu'il est possible de revenir sur ce consensus national implicite en matière de cessation précoce d'activité.

*

* *

Sous réserve des observations qui précèdent et des amendements qu'elle propose dans le tome IV du présent rapport, votre commission vous demande d'adopter le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour ses dispositions relatives à l'assurance vieillesse.

* 8 Les rencontres de Liaisons sociales - 30 septembre 2004 - Réforme des retraites et gestion des âges : où en est-on un an après ?

* 9 The early retirement burden assessing the costs of continued prevalence of early retirement in OECD countries - Tryggvi Thor Herbetsson et J. Michaël Orszag - Juin 2003.

* 10 Séance publique du 11 juillet 2003.

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