Rapport n° 57 (2004-2005) de M. Gérard DÉRIOT , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 10 novembre 2004

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N° 57

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2004-2005

Annexe au procès-verbal de la séance du 10 novembre 2004

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

Par M. Gérard DÉRIOT,

Sénateur.

Tome IV : Accidents du travail et maladies professionnelles

(1) Cette commission est composée de : M. Nicolas About, président ; MM. Alain Gournac, Louis Souvet, Gérard Dériot, Jean-Pierre Godefroy, Mmes Claire-Lise Campion, Valérie Létard, MM. Roland Muzeau, Bernard Seillier, vice-présidents ; MM. François Autain, Paul Blanc, Jean-Marc Juilhard, Mmes Anne-Marie Payet, Gisèle Printz, secrétaires ; Mme Jacqueline Alquier, MM. Henri d'Attilio, Gilbert Barbier, Daniel Bernardet, Claude Bertaud, Mme Brigitte Bout, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Mmes Isabelle Debré, Christiane Demontes, M. Gérard Dériot, Mme Sylvie Desmarescaux, M. Claude Domeizel, Mme Bernadette Dupont, MM. Michel Esneu, Jean-Claude Étienne, Guy Fischer, Jacques Gillot, Jean-Pierre Godefroy, Mmes Françoise Henneron, Marie-Thérèse Hermange, Christiane Kammermann, M. André Lardeux, Mme Raymonde Le Texier, MM. Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Roger Madec, Jean-Pierre Michel, Alain Milon, Georges Mouly, Jackie Pierre, Mmes Catherine Procaccia, Janine Rozier, Michèle San Vicente, Patricia Schillinger, Esther Sittler, MM. Jean-Marie Vanlerenberghe, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vézinhet.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 12 e législ . ) : 1830 , 1876, 1877 et T.A. 341

Sénat : 53 et 58 (2004-2005)

Sécurité sociale.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale propose de fixer l'objectif de dépenses de la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) à 10,5 milliards d'euros en 2005. Ce chiffre correspond, conformément au périmètre habituellement retenu, aux dépenses de l'ensemble des régimes obligatoires de base comptant plus de 20.000 cotisants actifs ou retraités titulaires de droits propres. Il progresse de 8,2 % par rapport à l'objectif de dépenses de l'an dernier (9,4 milliards d'euros) et de 4 % par rapport au niveau de dépenses qui devrait effectivement être atteint en 2004 (10,1 milliards d'euros).

Objectif de dépenses et dépenses réalisées depuis 1997

(en milliards d'euros)

 

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004 (p)

2005 (p)

Objectif de dépenses

8,4

7,7

8,1

8,3

8,8

9

9,4

9,7

10,5

Dépenses réalisées

8,4

7,8

8

8,1

8,5

9,3

9,8

10,1

 

Écart

0,0

0,0

0,0

- 0,3

- 0,3

0,3

0,4

0,4

 

(p) : prévision Source : Direction de la sécurité sociale

Ces dépenses représentent 3,25 % de celles de l'ensemble des régimes de base en 2003, dernière année pour laquelle des chiffres définitifs sont connus. Elles relèvent à 92 % du régime général : en 2003, les dépenses de la branche AT-MP de la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM) se sont élevées à un peu plus de 9 milliards d'euros, contre 9,8 milliards d'euros pour l'ensemble des régimes de base comptant plus de 20.000 cotisants.

L'augmentation des dépenses résulte principalement de la hausse des transferts consentis par la branche aux deux fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante. La hausse des dépenses de prestations devrait être en ligne avec l'ONDAM et donc s'établir à 3,2 %.

Déficitaire depuis 2003, la branche devrait connaître une nouvelle dégradation de son résultat financier l'an prochain.

La situation financière de la branche AT-MP du seul régime général est particulièrement tendue, puisque le déficit devrait être de l'ordre de 705 millions d'euros en 2005, après 505 millions en 2004 et 475,6 millions en 2003.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 crée cependant les conditions d'un redressement futur de la situation financière de la branche : d'abord, par une progression mieux maîtrisée des dépenses de prestations, qui s'inscrit dans le contexte plus général de modération des dépenses de santé ; ensuite, par la création d'une contribution nouvelle à la charge des entreprises ayant exposé leurs salariés à l'amiante afin d'abonder le Fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (FCAATA). Cette ressource nouvelle devrait limiter à l'avenir les transferts financiers de la branche accidents de travail et maladies professionnelles vers ce fonds.

De plus, le Gouvernement s'est engagé dans la mise en oeuvre d'un vaste plan « santé au travail » afin de renforcer la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles. Comme votre commission le soulignait dans son rapport de l'an dernier, la prévention doit être un axe majeur de toute politique sérieuse en ce domaine. Les dépenses effectuées aujourd'hui à ce titre doivent être considérées comme autant de sources d'économies futures.

I. LES RISQUES PROFESSIONNELS : DES SITUATIONS CONTRASTÉES

L'analyse de la situation financière de la branche suppose, au préalable, de décrire l'évolution du risque professionnel, dans la mesure où celui-ci pèse directement sur les dépenses de la branche et donc sur les conditions générales de son équilibre financier.

Le nombre d'accidents du travail et le nombre de maladies professionnelles évoluent en sens contraire : le premier a diminué ces dernières années ; le second est, en revanche, en forte augmentation : + 45% entre 2000 et 2003.

L'interprétation de ces données demeure cependant délicate en raison des incertitudes qui affectent encore notre connaissance des risques professionnels.

A. ACCIDENTS DU TRAVAIL ET MALADIES PROFESSIONNELLES : DES ÉVOLUTIONS DIVERGENTES

Les dernières données statistiques disponibles relatives aux accidents du travail confirment l'évolution à la baisse observée depuis une trentaine d'années. Entre 1970 et 2000, le nombre d'accidents du travail ayant occasionné un arrêt de travail a diminué d'environ un tiers. Ce bon résultat s'explique, pour partie, par les progrès réalisés par les entreprises dans le domaine de la sécurité au travail, mais aussi par la transformation structurelle de la composition de la population active française, moins présente dans les industries lourdes, qui sont aussi les plus dangereuses et plus présente dans les services. Il doit cependant être relativisé compte tenu de l'augmentation de l'indice de gravité des accidents du travail.

Les données relatives aux maladies professionnelles sont plus préoccupantes. Le nombre de maladies reconnues est en forte progression, notamment en raison du développement des pathologies liées à l'amiante.

1. Des accidents du travail moins nombreux, mais plus graves

a) Diminution du nombre global d'accidents du travail

Les données provisoires pour 2003 font ressortir une diminution de 3,74 % du nombre d'accidents du travail et de 5,87 % du nombre d'accidents de trajet.

Évolution du nombre et de la fréquence des accidents du travail depuis 1999

 

1999

2000

2001

2002

2003*

Nombre d'accidents du travail

1.362.068

1.361.259

1.345.608

1.326.355

1.276.732

Nombre d'accidents de trajet

136.923

131.886

130.601

127.567

120.074

Indice de fréquence (1)

82,7

79,2

76,6

73,7

71,1

(1) L'indice de fréquence correspond au nombre d'accidents du travail reconnus par milliers de salariés.
* Données provisoires

Source : CNAMTS

Les mesures de prévention permettent d'éviter les accidents les plus bénins, mais il reste un « noyau dur » d'accidents graves difficiles à éradiquer.

b) Un indice de gravité en hausse

L'indice de gravité des accidents du travail se définit comme la somme des taux d'incapacité permanente rapporté au nombre d'heures travaillées (en millions).

Seuls les accidents les plus graves donnent lieu, en effet, à une incapacité permanente. Le taux d'incapacité permanente est évalué par la caisse primaire et détermine le montant de la rente perçue par la victime.

On n'observe pas de tendance franche à la baisse de cet indice de gravité depuis la fin des années 1990. Il progresse même nettement (+ 2,2 points) en 2003 par rapport à 2002.

Évolution de la gravité des accidents du travail depuis 1999

 

1999

2000

2001

2002

2003*

Nombre d'accidents du travail avec incapacité permanente

46.085

48.096

43.078

47.009

48.774

Indice de gravité

15,6

16,1

14,5

16,0

18,2

* données provisoires

Source : Direction de la sécurité sociale

c) Une forte hétérogénéité sectorielle

Ainsi qu'il a été suggéré précédemment, la fréquence des accidents du travail, et notamment des accidents graves, varie d'un secteur d'activité à l'autre.

Les données recueillies par la CNAM montrent que la fréquence moyenne des accidents du travail ayant entraîné une incapacité permanente ou un décès est de 2,7 o /oo équivalents temps plein pour l'ensemble des secteurs d'activité couverts par le régime général. Mais elle est de 7,9 o /oo pour le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP) et de 9,9 o /oo pour l'agriculture.

Les accidents causés par un véhicule représentent une part importante des accidents de travail les plus graves. Ils représentent 3,2 % des accidents du travail avec arrêt en 2002 mais 6,3 % des accidents avec incapacité permanente et 37 % des décès. L'insécurité routière a donc partie liée avec l'insécurité au travail.

2. Une augmentation rapide du nombre de maladies professionnelles reconnues

La tendance la plus préoccupante est certainement la forte progression du nombre de victimes de maladies professionnelles.

a) Une progression de 45 % depuis l'an 2000...

Alors que le nombre de maladies professionnelles reconnues était seulement de 3.834 en 1980, il est estimé à 43.847 pour l'année 2003. Au cours des quatre dernières années, le nombre de maladies professionnelles reconnues a progressé de 45 %. Le nombre de cas mortels a plus que doublé entre 2000 et 2003.

Évolution du nombre de maladies professionnelles depuis 1999

 

1999

2000

2001

2002

2003*

Nombre de maladies professionnelles constatées et reconnues

24.208

30.224

35.715

39.919

43.847

Nombre de maladies professionnelles mortelles

161

239

365

426

485

* données provisoires

Source : Direction de la sécurité sociale

Cette tendance est inquiétante sur le plan sanitaire comme sur le plan économique. Elle n'est pas sans conséquences financières, en raison notamment de la fréquence des cas d'invalidité permanente occasionnés par des maladies professionnelles. Alors que les accidents du travail ne s'accompagnent d'une incapacité permanente que dans 4 % des cas environ, ce taux est de 27 % pour les maladies professionnelles. Comme on le verra, la dégradation de la situation financière de la branche s'explique, en grande partie, par le développement de nombreuses pathologies, souvent cancéreuses, liées à l'amiante.

b) ... liée au développement de quelques affections

Deux grands types d'affections sont en progrès rapide et expliquent l'essentiel de la hausse qui vient d'être décrite :

les affections périarticulaires (287 cas en 1980, 21.126 en 2002) : elles sont causées par certains gestes ou postures de travail ;

les affections dues aux poussières d'amiante (146 cas en 1980, 4.494 en 2002).

80 % des maladies professionnelles se rattachent aujourd'hui à l'un ou l'autre de ces types d'affections. Ils devraient naturellement constituer une priorité, en matière de prévention, pour l'État comme pour la CNAM.

B. DES DONNÉES À INTERPRÉTER AVEC PRÉCAUTION

Ces chiffres révèlent une tendance, mais doivent être interprétés avec prudence. En effet, plusieurs facteurs rendent imparfaite notre connaissance des risques professionnels. Ils tiennent à certaines lacunes de notre système d'information statistique, ainsi qu'aux phénomènes connus de « sous-déclaration » et de « sous-reconnaissance » des maladies professionnelles et des accidents du travail.

1. Les faiblesses de l'information statistique

Si le régime général et le régime agricole collectent des données statistiques relativement fiables, il n'en va pas de même des autres régimes, notamment de ceux de la fonction publique et des grandes entreprises nationales. Il est difficile, dans ces conditions, d'appréhender les risques professionnels dans leur ensemble.

2. Le phénomène de « sous-déclaration »

Les accidents du travail doivent être déclarés par l'employeur à la caisse de sécurité sociale compétente tandis que les maladies professionnelles doivent être déclarées par la victime.

De multiples phénomènes, analysés par la Cour des comptes dans son rapport public particulier de septembre 2002, alimentent une tendance à la « sous-déclaration » des accidents du travail et des maladies professionnelles.


Extrait du rapport public particulier de la Cour des comptes
sur la gestion du risque accidents du travail et maladies professionnelles

« La question de la sous-déclaration est évoquée de longue date. Elle concerne à la fois les accidents du travail et les maladies professionnelles. Les facteurs de sous-déclaration cités par divers rapports et études sont multiples. Une grande partie de la sous-déclaration viendrait d'une méconnaissance de l'origine potentiellement professionnelle des affections, par les salariés mais aussi par le système médical, y compris beaucoup de médecins traitants. Certains chercheurs considèrent pour leur part que l'objectif « zéro accident », assorti de primes, que se sont fixé certaines entreprises aurait un effet pervers, en incitant les salariés à ne pas faire déclarer les accidents par l'employeur et en provoquant des pressions en ce sens de la part de leurs collègues de travail. Selon eux, ce phénomène serait un facteur explicatif décisif de la contradiction entre la baisse du taux de fréquence et la croissance du nombre de jours d'arrêt par accident, les salariés ne déclarant plus les accidents qu'au-delà d'une certaine gravité.

« D'autres ouvrages et articles mettent en avant de manière plus générale les pressions qui seraient exercées par beaucoup d'employeurs, notamment dans le but d'éviter l'imputation à leur charge des dépenses consécutives aux accidents. Selon certains, la règle selon laquelle c'est l'employeur qui doit effectuer la déclaration, peut être considérée comme lui donnant une forme de pouvoir d'appréciation sur l'opportunité de déclarer ou non un accident de travail, même si tels ne sont ni la lettre ni l'esprit de la loi. Le salarié peut aussi craindre, s'il pousse à déclarer l'accident, de paraître mettre lui-même l'accent sur la gravité de celui-ci, sur les séquelles qu'il pourra en conserver, et de nuire ainsi à l'appréciation qui pourra être portée sur ses aptitudes s'il souhaite une promotion. Le fait que, lorsque l'accident n'est pas suffisamment grave pour entraîner l'attribution d'une rente, le salarié n'a souvent pas d'avantage à ce qu'il soit déclaré comme accident du travail, le fait que l'indemnisation par l'assurance AT-MP soit en certains cas moins favorable que l'indemnisation de droit commun (...) peuvent également jouer dans le sens de la sous-déclaration.

« (...) Outre cette sous-déclaration, dont l'ampleur exacte et même l'ordre de grandeur demeurent inconnus mais dont l'existence est recoupée par les études épidémiologiques, deux autres phénomènes faussent la connaissance du nombre et de l'évolution des maladies professionnelles. Le premier est le retard dans l'adoption ou la modification des tableaux de maladies professionnelles, lié notamment aux difficultés de fonctionnement du conseil supérieur des risques professionnels. Le second tient aux pratiques des caisses dans la reconnaissance des maladies professionnelles qui peuvent conduire à une sous-reconnaissance. La CNAMTS ne dispose pas d'informations précises sur les taux de reconnaissance par les caisses de son réseau. Depuis 1997, elle leur demande d'intégrer cette information dans leur rapport annuel. Les informations recueillies, même si elles se sont progressivement améliorées, ne sont toutefois pas totalement significatives, notamment parce que certaines caisses ne tiennent aucune comptabilité du nombre des décisions de reconnaissance qu'elles prennent. Selon ces indications, les disparités seraient assez faibles pour la reconnaissance des accidents du travail mais très fortes pour les maladies professionnelles. »

L'ampleur de la « sous-déclaration » est délicate à évaluer. Pourtant, la branche AT-MP doit, depuis 1997, effectuer un reversement annuel à la branche maladie du régime général pour compenser les charges indûment supportées par celle-ci au titre d'accidents du travail ou de maladies professionnelles non déclarés.

3. La « sous-reconnaissance » des maladies professionnelles

Une maladie est reconnue d'origine professionnelle si :

- elle figure dans un tableau, fixé par décret en Conseil d'État, qui recense les maladies présumées être d'origine professionnelle ;

- ou si le salarié est reconnu atteint d'une maladie professionnelle par le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP), dont l'avis s'impose à la caisse de sécurité sociale.

Cette procédure peut ne pas être exempte de défaillances. Des pathologies émergentes ou mal connues peuvent ne pas figurer sur les tableaux de maladies professionnelles. Pour faciliter leur renouvellement, le Parlement s'apprête cependant à habiliter le Gouvernement à modifier, par ordonnance, la législation applicable, afin de prévoir que les tableaux seront désormais révisés par décret simple, plutôt que par décret en Conseil d'État. Cette modification devrait permettre de raccourcir la procédure de révision.

Un autre problème, de nature scientifique cette fois, tient à la difficulté à déterminer parfois la cause exacte d'une affection. Cette difficulté est aggravée lorsqu'une pathologie est multifactorielle, c'est-à-dire combine des causes professionnelles et extraprofessionnelles. La ligne de partage entre les maladies professionnelles et les autres peut donc être difficile à déterminer.

II. UNE SITUATION FINANCIÈRE DÉGRADÉE EN RAISON DE L'AUGMENTATION DES TRANSFERTS FINANCIERS

La branche AT-MP connaît une situation financière difficile depuis maintenant trois ans, et devrait voir son déficit augmenter encore en 2005.

Elle se distingue, sur ce point, des autres branches de la sécurité sociale qui tablent, au contraire, sur l'amélioration de leur situation financière l'an prochain.

Le déficit de la branche s'explique, pour une part, par le moindre dynamisme des recettes, conséquence de la faible croissance de l'économie française depuis 2002. Assises sur les salaires, les ressources de la branche sont, en effet, directement influencées par la vigueur des créations d'emplois, qui dépend elle-même du rythme de croissance de l'économie. La reprise attendue en 2005 devrait engendrer un surcroît de recettes. Toutefois, l'amélioration de l'emploi suit en général avec retard le retour de la croissance et la fin des versements exceptionnels de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) viendra modérer l'an prochain la progression des recettes.

La cause principale du creusement du déficit de la branche réside, surtout, dans la montée en puissance des dispositifs d'indemnisation des victimes de l'amiante. La branche assure une part déterminante de leur financement, par des transferts financiers vers le FCAATA et le FIVA. Les prestations servies par la branche tendent en revanche à décélérer et devraient, en 2005, progresser au même rythme que l'ONDAM.

A. LE DÉFICIT DE LA BRANCHE DEVRAIT SE CREUSER EN 2005

La branche AT-MP du régime général est déficitaire depuis 2002, après avoir connu des résultats excédentaires entre 1995 et 2001. Depuis 2003, l'ensemble des régimes de base de la branche affiche un résultat négatif.

1. Le régime général

Le tableau ci-dessous retrace, pour les années 2000 à 2005, le montant des résultats nets de la branche AT-MP de la CNAM, en droits constatés.

CNAM AT-MP

2000

2001

2002

2003*

2004

2005

Résultat net

350,0

19,5

- 45,4

- 475,6

- 505,0

- 704,3

Source : Direction de la sécurité sociale

Le résultat prévisionnel de l'année 2005 est quasiment identique à celui figurant dans le rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 2004. Il prend en compte les dotations prévues au FCAATA et au FIVA.

Le déficit de la branche est devenu significatif à partir de 2003, en raison d'une augmentation des charges de la branche plus rapide que celle de ses produits. La progression des charges a été de 7,4 % en 2003, pour une progression des recettes limitée à 2,4 %. En 2004, ces chiffres furent, respectivement, de 4,8 % et de 4,3 %. En 2005, la croissance des charges (+ 4,3 %) devrait encore excéder celle des produits (+ 2,8 %), et provoquer une nouvelle aggravation du déficit.

2. Les régimes de base

Compte tenu du poids de la branche AT-MP du régime général dans l'ensemble des régimes de base, il n'est guère surprenant que son résultat influe sur la situation financière de l'ensemble des branches.

Le résultat net global des régimes de base de la branche est devenu déficitaire en 2003, à hauteur de 362 millions d'euros, après avoir été excédentaire en 2001 (+ 61 millions d'euros) et en 2002 (+ 52 millions d'euros). Il devrait encore se dégrader en 2004, pour atteindre 430 millions d'euros, puis en 2005 (- 602 millions d'euros).

Le tableau suivant présente les résultats nets des différents fonds et régimes de base de la branche accident du travail et maladies professionnelles :

Situation financière des branches accidents du travail et maladies professionnelles des régimes de base

(en millions d'euros)

RÉSULTAT NET

CNAM AT-MP

Salariés agricoles

Exploitants agricoles

FCATA

Régimes agricoles (RA)

Fonctionnaires

FATIACL

CANSSM

EDF-GDF (Base)

SNCF

RATP

ENIM

Banque de France

Petits régimes spéciaux

Régimes spéciaux (RS)

FCAT

Autres régimes de base (ARB)

RA + RS + ARB

Tous régimes de base

- 15 -

399

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

2001

20

- 2

0

2

- 1

0

40

0

0

0

0

0

0

1

41

1

1

42

61

2002

- 45

11

43

3

57

0

41

0

0

0

0

0

0

- 1

40

1

1

98

52

2003

- 476

37

57

0

94

0

55

- 8

0

0

0

- 31

1

2

18

1

1

113

- 362

2004

- 505

27

13

0

40

0

55

- 23

0

0

0

0

0

1

33

1

1

75

- 430

2005

- 704

38

9

0

47

0

55

0

0

0

- 1

0

0

0

55

1

1

102

- 602

ENIM : Établissement national des invalides de la marine Source : Direction de la sécurité sociale

FCAT : Fonds commun des accidents du travail

FCATA : Fonds commun des accidents du travail agricole

FATIACL : Fonds d'allocation temporaire d'invalidité des agents des collectivités locales

CANSSM : Caisse nationale de sécurité sociale pour les mines

B. UNE PROGRESSION DES RECETTES PÉNALISÉE PAR LE FAIBLE DYNAMISME DE LA MASSE SALARIALE

Les ressources de la branche accidents du travail et maladies professionnelles, composées quasi exclusivement de cotisations patronales, sont très sensibles à l'évolution de l'emploi et des salaires.

1. La croissance des recettes

Après avoir progressé à un rythme élevé pendant plusieurs années (+ 6,1% en 2001), les recettes de la branche AT-MP évoluent désormais plus lentement (+ 3,4% réalisé en 2003, + 3 % prévu en 2004 et + 2,7 % prévu en 2005).

Produits de la branche AT-MP (CNAMTS)

CNAM AT-MP

2002

2003

%

2004

%

2005

%

PRODUITS

8.255,3

8.537,3

3,4

8.790,6

3,0

9.031,3

2,7

PRODUITS DE GESTION TECHNIQUE

8.248,4

8.529,0

3,4

8.782,4

3,0

9.023,1

2,7

Agrégat cotisations effectives

6.770,6

6.941,5

2,5

8.382,9

20,8

8.622,7

2,9

Cotisations patronales nettes

6.555,4

6.755,5

3,1

6.891,8

2,0

6.866,5

- 0,4

Cotisations patronales

6.631,7

6.748,8

1,8

6.875,4

1,9

6.940,1

0,9

Recettes nettes de provisions (créances sur cotisations)

- 8,3

80,4

--

86,4

7,5

- 3,6

- 104,1

Pertes sur créances irrécouvrables (sur cotisations)

- 68,0

- 73,7

8,3

- 70,0

- 5,0

- 70,0

0,0

Cotisations prises en charge par l'État

215,2

186,0

- 13,6

1.491,2

701,7

1.756,2

17,8

Transferts entre organismes de sécurité sociale

1.123,9

1.199,8

6,8

0,8

- 99,9

0,8

0,0

Cotisations prises en charge par le FOREC

1.122,1

1.199,0

6,9

0,0

--

0,0

0,0

Autres transferts

1,8

0,8

- 56,7

0,8

0,0

0,8

0,0

Divers produits techniques

353,9

387,7

9,6

398,7

2,8

399,7

0,3

Recours contre tiers

273,8

327,1

19,4

348,0

6,4

362,0

4,0

Produits financiers

62,1

42,9

- 30,9

33,0

- 23,2

20,0

- 39,4

Autres divers produits techniques

18,0

17,7

- 1,6

17,7

0,0

17,7

0,0

PRODUITS DE GESTION COURANTE

6,9

8,2

19,5

8,2

0,0

8,2

0,0

Source : Direction de la sécurité sociale

En 2003, les recettes de la branche AT-MP du régime général se composaient de 79 % de cotisations patronales nettes, de 16 % de cotisations prises en charge par l'État ou le FOREC (fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale) et de 5 % de produits divers (recours contre tiers, produits financiers, produits de gestion courante...). Les cotisations patronales globales (soit les cotisations patronales nettes augmentées des remboursements d'exonérations de cotisations par l'État et le FOREC) représentaient 95 % des recettes de la branche.

En 2003 et en 2004, les recettes de la branche ont été gonflées par deux versements de 90 millions d'euros effectués par la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) pour compenser la reprise d'une créance détenue par la branche sur le FOREC au titre de l'exercice 2000. La fin de ces versements exceptionnels explique que la progression annoncée des recettes de la branche l'an prochain soit plus faible, à + 2,7 %, que celle prévue pour 2004 (+ 3 %), en dépit de la reprise attendue sur le marché de l'emploi.

2. Une forte sensibilité à l'évolution de la masse salariale dans un contexte de stabilité des taux de cotisation

Sur longue période, le taux de cotisation a eu tendance à diminuer, en conséquence de la réduction du nombre d'accidents du travail et de maladies professionnelles constatés. Le taux de cotisation atteignait ainsi 3,93 % en 1970 et n'était plus que de 2,185 % en 2002. Il est resté stable depuis lors : la dégradation de la situation financière de la branche interdit désormais d'envisager de reprendre ce mouvement baissier.

Évolution du taux net moyen national de cotisation

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2,262

2,210

2,2

2,2

2,193

2,185

2,185

2,185

2,185

Source : CNAMTS

Il convient de préciser que le taux indiqué est une moyenne. Il peut différer du taux de cotisation appliqué à une entreprise individuellement. Celui-ci dépend de la nature de l'activité de l'entreprise, de ses effectifs et du montant des prestations servies en réparation d'accidents du travail ou de maladies professionnelles imputables à l'entreprise au cours des trois dernières années écoulées. Ces règles de tarification complexes sont résumées dans l'encadré suivant :


La détermination du taux de cotisation d'une entreprise

Les principes de tarification

Le système de tarification est fondé sur un triple principe :

- une prise en charge par le seul employeur,

- un souci de prévention, le montant de la cotisation étant fixé selon le risque survenu dans chaque entreprise,

- un principe de mutualisation, intrinsèquement lié à la nature assurantielle de notre système de sécurité sociale.

Le calcul du taux de cotisation

En application de ces principes, le taux de cotisation est actualisé chaque année et déterminé pour chaque entreprise selon la nature de son activité et selon ses effectifs.

Le taux net , qui est en fait le taux exigible, est la somme d'un taux brut et de trois majorations spécifiques.

Le taux brut est le rapport, pour les trois dernières années de référence, entre les prestations servies en réparation d'accidents ou de maladies imputables à l'entreprise et les salaires.

Selon la taille de l'entreprise, ce taux brut est :

- celui calculé pour l'ensemble de l'activité dont relève l'établissement : c'est le taux collectif pour les entreprises de moins de 10 salariés ;

- celui calculé à partir du report des dépenses au compte de l'employeur : c'est le taux réel pour les entreprises de 200 salariés et plus ;

- pour les entreprises dont les effectifs sont situés entre 10 et 199 salariés, la tarification est dite mixte, le calcul se faisant en partie selon le taux collectif et en partie selon le taux réel, la part de ce dernier augmentant avec les effectifs.

Au taux brut sont ajoutées trois majorations forfaitaires identiques pour toutes les entreprises et activités, pour tenir compte :

- des accidents de trajet (M1) ;

- des charges générales, des dépenses de prévention et de rééducation professionnelle (M2) ;

- de la compensation entre régimes et des dépenses qu'il n'est pas possible d'affecter à un employeur, inscrites au compte spécial « maladies professionnelles » (M3).

Le rôle de la branche

La commission des AT-MP est chargée de fixer, avant le 31 janvier, les éléments de calcul des cotisations, conformément aux conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale déterminées par les lois de financement. A défaut, ils sont déterminés par arrêté interministériel.

Ce sont alors les caisses régionales d'assurance maladie qui, à partir des informations collectées régionalement et des éléments fixés par la commission, déterminent le taux de cotisation de chaque entreprise. Les caisses disposent en outre d'une possibilité d'appliquer soit des cotisations supplémentaires, soit des ristournes pour inciter les entreprises à mieux encadrer les risques professionnels.

Ces dernières années, ce sont donc les variations de la masse salariale qui ont constitué le principal facteur explicatif de l'évolution des recettes de la branche (si l'on exclut l'impact des versements exceptionnels de la CADES). Après une période de forte croissance entre 1997 et 2000, l'économie française a connu une phase conjoncturelle moins favorable, avec un point bas atteint en 2003 (baisse de 0,1% de l'emploi salarié).

Les paramètres de l'évolution des recettes de la CNAM AT-MP

 

2001

2002

2003

2004

2005

Masse salariale du secteur privé

5,9 %

3,3 %

1,9 %

2,8 %

4 %

- effectifs du secteur privé

2,8 %

0,9 %

- 0,1 %

0,4 %

1,2 %

- salaire moyen du secteur privé

2,9 %

2,4 %

2,4 %

2,4 %

2,8 %

Taux net de cotisations employeurs

2,193 %

2,185 %

2,185 %

2,185 %

2,185 %

Source : Direction de la sécurité sociale

Pour 2005, le projet de loi de financement est construit sur une hypothèse de croissance du PIB de 2,5 %, s'accompagnant d'une reprise modérée des créations d'emplois. Il existe traditionnellement un décalage de deux ou trois trimestres entre la reprise de l'activité et celle des effectifs, qui a vraisemblablement été allongé par le fait que l'emploi salarié ne s'est pas totalement ajusté à la baisse dans la phase descendante du cycle.

C. UNE PROGRESSION DES DÉPENSES ACCÉLÉRÉE PAR L'ÉVOLUTION DES TRANSFERTS FINANCIERS

Les charges de la branche AT-MP du régime général se composent d'environ trois quarts de dépenses de prestations (légales, extralégales et autres, augmentées des dotations nettes aux provisions pour prestations et des pertes sur créances irrécouvrables sur prestations) et d'un peu moins d'un cinquième de charges de transfert vers d'autres régimes et fonds : régime des mines, régime des salariés agricoles, fonds commun des accidents du travail non agricoles (FCAT), branche maladie du régime général, FIVA, FCAATA, etc. Le reste est constitué de charges de gestion courante et de diverses charges techniques.

Globalement, les dépenses ont progressé à un rythme soutenu ces dernières années. Elles ont ainsi augmenté de 4,2 % en 2002, puis de 8,6 % en 2003, principalement sous l'effet de la hausse des dépenses de prestations. En 2004 et 2005, les dépenses de prestation devraient connaître une évolution plus modérée, dans un contexte général de meilleure maîtrise des dépenses de santé. Mais les transferts au profit du FCAATA et du FIVA devraient augmenter significativement l'année prochaine et conduire à un rythme de progression des dépenses encore soutenu (+ 4,7 %).

Dépenses de la CNAM accidents du travail - maladies professionnelles

(en droits constatés et en millions d'euros)

2001

2002

%

2003

%

2004

%

2005

%

7.971,1

8.300,7

4,2

9.012,9

8,6

9.295,6

3,1

9.735,7

4,7

Source : Direction de la sécurité sociale

1. Vers une modération des dépenses de prestations ?

En 2003, les dépenses de prestations ont progressé de 7,3 % en raison de l'accroissement des dépenses liées à l'indemnisation des victimes de l'amiante et aux rentes d'accidents du travail. Cette évolution a été accentuée par un niveau élevé de dotations nettes aux provisions (134,8 millions d'euros, contre - 84 millions d'euros en 2004) afin de compenser un sous-provisionnement en 2002.

En 2004, elles devraient progresser de 4,5 %, soit à un rythme un peu plus modéré que l'augmentation des prestations du champ de l'ONDAM (+ 5,2 %).

En 2005, cette décélération devrait se confirmer, puisque le projet de loi de financement est construit sur une hypothèse de progression des dépenses de prestations de 3,2 % seulement, au taux identique de l'ONDAM qui prend en compte les premiers effets de la réforme de l'assurance maladie.

Cette prévision pour 2005 doit, bien sûr, être considérée avec prudence, dans la mesure où l'on observe depuis plusieurs années des dépassements par rapport aux objectifs de dépenses (écart de 400 millions d'euros en 2003 et 2004).

2. Une nouvelle augmentation des dépenses de transfert

Les dépenses de transfert à la charge de la branche vont progresser de 12,1 % en 2005 par rapport à 2004. Si les transferts de la branche AT-MP vers les autres organismes de sécurité sociale devraient rester stables, à 942,4 millions d'euros, les transferts vers les divers fonds d'indemnisation devraient, pour leur part, fortement progresser, passant de 664,6 millions d'euros en 2004 à 858,8 millions d'euros l'an prochain, soit une augmentation de 29,2 %.

Le poids des transferts dans le total des dépenses de la branche a fortement progressé depuis 2000. Il représentait, à cette date, l'équivalent de 11,9 points de cotisations ; ce taux est passé à 18,8 % en 2004.

Charges de transferts de la branche AT-MP (CNAMTS)

(en droits constatés et en millions d'euros)

 

2001

2002

%

2003

%

2004

%

Transferts entre organismes de sécurité sociale

867,1

941,1

+ 8,5

942,4

+ 0,1

942,4

0,0

Compensations

726,5

795,0

+ 9,4

795,0

0,0

795,0

0,0

Compensations intégrales

0,0

0,1

++

0,1

0,0

0,1

0,0

Compensation avec le régime des Mines (CANSSM)

426,9

464,9

+ 8,9

464,9

0,0

464,9

0,0

Reversement à la CNAM/Maladie

299,6

330,0

+ 10,1

330,0

0,0

330,0

0,0

Transferts divers et autres

140,5

146,1

+ 4,0

147,4

+ 0,9

147,4

0,0

Compensation avec le régime des salariés agricoles

109,0

108,8

- 0,2

108,8

0,0

108,8

0,0

Dotation au FNGA ACOSS

29,3

36,0

+ 23,0

37,3

+ 3,5

37,3

0,0

Autres transferts

2,3

1,3

- 42,0

1,3

0,0

1,3

0,0

Autres transferts techniques

553,4

710,9

+ 28,5

664,6

- 6,5

858,8

+ 29,2

Contribution au FCAATA

300,0

450,0

+ 50,0

500,0

+ 11,1

600,0

+ 20,0

Contribution au FIVA

180,0

190,0

+ 5,6

100,0

- 47,4

200,0

+ 100,0

Contribution au FCAT

71,7

64,4

- 10,1

58,0

- 10,0

52,2

- 10,0

Contribution au FMES-FMCP

1,2

3,6

193,2

3,8

+ 4,4

3,8

0,0

Contributions aux autres fonds nationaux

0,0

2,5

++

2,5

0,0

2,5

0,0

Subventions

0,0

0,0

+ 63,1

0,0

0,0

0,0

0,0

Participations

0,5

0,3

- 42,4

0,3

0,0

0,3

0,0

Source : Direction de la sécurité sociale

a) Stabilité des transferts vers les organismes de sécurité sociale

La branche AT-MP du régime général effectue des transferts de compensation vers les régimes de sécurité sociale à effectifs décroissants, notamment les régimes des mines et des salariés agricoles, afin de les aider à faire face à leurs obligations financières. Ces dépenses sont stabilisées depuis quelques années. Si elles pèsent sur les comptes du régime général, elles ne se traduisent pas, en revanche, par une dégradation du solde net de la branche AT-MP de l'ensemble des régimes de base.

Il n'en va pas de même pour le transfert de la branche AT-MP du régime général vers la branche maladie du même régime. Ce transfert vise à compenser les charges supportées de manière indue par l'assurance maladie, en raison du phénomène de sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles.

Le transfert de 330 millions d'euros inscrit au budget de la branche en 2003 et 2004 est reconduit en 2005. Il s'agit vraisemblablement d'un transfert a minima , puisque la commission « Lévy-Rozenwald » indiquait, dans son rapport de septembre 2002 1 ( * ) , que la dépense imputée à tort, à l'assurance maladie se situait plutôt entre 368 et 550 millions d'euros par an.

b) Des transferts vers les « fonds de l'amiante » en forte progression

L'indemnisation des victimes de l'amiante repose sur deux dispositifs principaux : le fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (FCAATA), institué par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 et le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA), institué par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001.

Le FCAATA verse aux salariés victimes de l'amiante une allocation de cessation anticipée d'activité et s'assimile donc à un régime de pré-retraite. Le FIVA, quant à lui, complète l'indemnisation offerte par les régimes de sécurité sociale afin que les victimes de l'amiante obtiennent une réparation complète de leur préjudice.

Ces deux fonds connaissent une montée en charge rapide. Le montant des prestations du FCAATA pour l'exercice 2003 s'élève à 516 millions d'euros (pour environ 25.000 bénéficiaires), soit une progression de 50 % par rapport à l'exercice 2002. Le FIVA a reçu depuis sa création environ 15.000 dossiers de demande d'indemnisation, dont 10.000 depuis juin 2003.

Situation financière du FCAATA

Les prestations sur l'exercice 2004 devraient atteindre 660 millions d'euros ; l'estimation pour 2005 est de 752 millions.

Le financement du fonds est assuré, pour l'essentiel, par la branche AT-MP du régime général. Le versement d'une partie des droits de consommation sur le tabac permet au fonds de bénéficier d'environ 30 millions d'euros supplémentaires de recettes. La contribution de la branche AT-MP du régime des salariés agricoles est plus marginale.

Ressources du FCAATA

(en millions d'euros)

 

2001

2002

2003

2004

2005

Contributions de la branche AT-MP du régime général

205,8

300

450

500

600

Contributions de la branche AT-MP des salariés agricoles

 
 

0,1

0,5*

0,7*

Contribution des entreprises (mesure nouvelle LFSS pour 2005)

 
 
 
 

120*

Droits sur les tabacs

31,5

34,3

32,4

29*

29*

Total

237,3

334,3

482,4

529,5

749,7

* estimation

Source : Direction de la sécurité sociale

L'augmentation des dépenses du fonds, même si elle tend à ralentir, demeure encore très rapide (+ 28 % en 2004 par rapport à 2003; + 14 % prévu en 2005).

Évolution du budget du fonds de 1999 à 2005

(en millions d'euros)

FCAATA

1999

2000

%

2001

%

2002

%

2003

%

2004

%

2005

%

CHARGES

8,6

54,4

533

166,4

206

324,6

95

515,7

59

660,3

28

752,8

14

Source : Direction de la sécurité sociale

Le FCAATA a accusé un déficit de 33 millions d'euros en 2003, qui devrait s'aggraver et atteindre 130 millions cette année. Pour ramener le fonds vers l'équilibre, la loi de financement pour 2005 prévoit deux mesures :

- une augmentation de 100 millions d'euros de la contribution de la branche AT-MP ;

- la création d'une nouvelle contribution mise à la charge des entreprises qui ont exposé leurs salariés à l'amiante, pour un rendement attendu de 120 millions d'euros.

Situation financière du FIVA

La situation financière du FIVA est moins difficile dans la mesure où les dotations qu'il a obtenu ont excédé ses dépenses jusqu'en 2003, ce qui lui a permis d'accumuler d'importantes réserves.

(en millions d'euros)

 

2001

2002

2003

2004

2005

contributions de la branche accidents du travail /
maladies professionnelles

438,3

180

190

100

200

contributions de l'État

 

38

40

0

nd

Total dotations

438,3

218

230

100

nd

Dotations cumulées

438,3

656,3

886,3

986,3

nd

Dépenses

0

14,1

176,7

470*

600

Réserves

438,3

642,2

695,5

325,5*

nd

* prévisions

Source : Direction de la sécurité sociale

En 2004, la contribution de la branche AT-MP au FIVA a été limitée à 100 millions d'euros et l'État n'a effectué aucun versement. Le Fonds a donc largement puisé dans ses réserves pour financer ses dépenses. La poursuite d'une telle politique n'étant pas envisageable, la loi de financement pour 2005 propose de porter à 200 millions d'euros la contribution de la branche. La contribution de l'État n'est pas encore connue mais elle pourrait osciller entre 50 et 130 millions d'euros.

La dégradation de la situation financière de la branche AT-MP rend sa réforme d'autant plus impérieuse ; celle-ci doit porter sur les paramètres financiers, mais également veiller à améliorer le dispositif de prévention afin d'éviter que des catastrophes sanitaires de l'ampleur de celle de l'amiante ne se reproduisent à l'avenir.

III. LE RETOUR À L'ÉQUILIBRE DE LA BRANCHE EST INDISSOCIABLE D'UNE MEILLEURE GESTION DES RISQUES PROFESSIONNELS

La négociation d'une convention d'objectifs et de gestion avec l'État marque une étape importante dans la réforme de la gestion de la branche. La création d'une nouvelle contribution destinée à financer l'indemnisation des victimes de l'amiante contribue à assainir sa situation financière, sans dispenser toutefois d'une clarification plus poussée des conditions de financement des « fonds de l'amiante ».

L'État a décidé de donner une nouvelle impulsion à la prévention des risques professionnels grâce à l'élaboration, aujourd'hui en cours, d'un plan « santé au travail », dont il est cependant possible de retracer les grandes lignes.

La réflexion sur l'avenir de la réparation des risques professionnels doit enfin être poursuivie à la lumière des études réalisées pour évaluer le coût du passage à une réparation intégrale.

A. VERS LA CONCLUSION D'UNE CONVENTION D'OBJECTIFS ET DE GESTION AVEC L'ÉTAT

L'article 56 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 a permis à l'État et à la branche accidents du travail et maladies professionnelles de conclure une convention d'objectifs et de gestion (COG).

Votre commission avait alors approuvé cette initiative, voyant dans la COG un instrument utile d'accompagnement de la modernisation de l'activité de la branche, par la redéfinition des objectifs prioritaires et la programmation des moyens, et un cadre adapté pour préciser les engagements réciproques de la branche et de l'État dans une logique pluriannuelle.

Une quinzaine de réunions de travail et cinq séminaires de la commission accidents du travail et maladies professionnelles de la CNAMTS ont permis de négocier un projet de convention qui est, depuis plusieurs mois, en attente de signature. Ce retard est préoccupant dans la mesure où il risque de compromettre le respect de l'échéancier des engagements négociés, notamment ceux relatifs à la prévention des risques professionnels. Le Gouvernement a cependant fait connaître son intention de signer la convention dans les plus brefs délais.

La convention se décline autour de six objectifs principaux :

- la prévention des risques professionnels : la convention prévoit, notamment, l'actualisation du programme pluriannuel d'actions de prévention mis en oeuvre par la branche via le réseau des caisses régionales d'assurance maladie (CRAM) et l'Institut national de recherche et de sécurité (INRS) et une participation plus étroite aux priorités de l'action gouvernementale, telles que la prévention du risque routier ou la lutte contre le cancer ;

- la modernisation de la branche : à cet effet, il est prévu de mener des études pour simplifier la tarification des risques professionnels par une réduction du nombre d'éléments pris en compte pour son calcul et de travailler à l'amélioration du système statistique de la branche pour une meilleure connaissance du risque professionnel et un meilleur pilotage du réseau ;

- l'élargissement de la gamme des services offerts par la branche : l'indemnisation doit désormais être complétée par un accompagnement individualisé des victimes, sur le plan médical, mais aussi en vue de leur réinsertion professionnelle, et par une meilleure information des médecins traitants sur les risques professionnels ;

- l'amélioration de la qualité de service : la simplification de la réglementation et des procédures concourent à cet objectif, de même qu'une plus grande homogénéisation de la gestion des risques professionnels sur le territoire ; les délais de traitement des dossiers doivent être réduits et les victimes et les employeurs mieux informés de leur situation ;

- la participation de la branche AT-MP à l'amélioration de la qualité des services de base partagés avec la branche maladie : les engagements communs aux deux branches doivent à l'avenir être définis conjointement ;

- la clarification et la dynamisation de la gestion budgétaire de la branche : le financement du Fonds national de prévention des accidents du travail et maladies professionnelles (FNPATMP) doit devenir plus prévisible; la contribution de la branche au financement des frais de gestion supportés par la CNAMTS est précisée.

Ces orientations paraissent très positives à votre commission, qui observe qu'elles répondent, pour bon nombre d'entre elles, aux propositions qu'elle avait avancées ces dernières années.

B. L'ÉVOLUTION DES FINANCEMENTS

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 introduit une nouvelle contribution destinée à alimenter le FCAATA. Cette ressource supplémentaire devrait permettre de limiter les transferts financiers mis à la charge de la branche pour abonder ce fonds et contribue donc au rétablissement de sa situation financière. Cette mesure n'épuise cependant pas la réflexion qu'il convient de mener sur la nécessaire clarification du financement des « fonds de l'amiante ».

1. La création d'une contribution venant alimenter le FCAATA

Comme cela a été indiqué, le financement du FCAATA repose aujourd'hui principalement sur la branche AT-MP du régime général et, pour une part plus modeste, sur les droits prélevés sur la consommation de tabac.

L'augmentation continue des dépenses de ce fonds et la situation financière dégradée de la branche imposent de trouver des ressources complémentaires pour venir l'abonder.

Tel est l'objet de l'article 21 du projet de loi de financement qui propose de mette en place une contribution spécifique pour les entreprises ayant exposé leurs salariés à l'amiante. Son montant est de 15 % du coût de l'allocation de cessation anticipée d'activité sur la période de versement, c'est-à-dire jusqu'aux soixante ans du salarié. La contribution est cependant plafonnée à 2,5 % de la masse salariale et à deux millions d'euros par entreprise.

Cette contribution permettra donc d'accroître la participation des entreprises responsables de l'exposition de salariés, tout en conservant un coût économiquement raisonnable.

2. La question de la participation de l'État au financement des « fonds de l'amiante »

Un rapport 2 ( * ) , publié en octobre 2003, estimait que le coût de l'indemnisation des victimes de l'amiante dans les vingt prochaines années serait compris entre 26,8 et 37,2 milliards d'euros, dont environ les trois-quarts seraient à la charge du FIVA et du FCAATA.

Face à l'ampleur des enjeux financiers en cause, la question de la participation de l'État au financement de ces fonds reste posée. Il est peu probable, sauf à supposer le retour d'une croissance durablement forte et créatrice d'emplois, que la branche AT-MP puisse supporter seule l'essentiel de ces dépenses. De plus la création de ces fonds s'inscrit dans une logique de solidarité nationale et il n'est donc pas illogique que la participation de l'État à leur financement soit significative.

Or, l'évolution des dotations des différents financeurs se traduit par des mouvements erratiques. En 2004, par exemple, le FIVA n'a perçu aucune dotation de l'État mais a touché 100 millions de la branche AT-MP. En 2005, le versement de la branche AT-MP est doublé et la participation de l'État reste encore, à ce jour, indéterminée. Ces incertitudes et ces fortes variations des versements d'une année sur l'autre, nuisent à la programmation financière des fonds, comme de la branche AT-MP.

Il serait donc souhaitable de définir une clé de répartition stable des contributions des différents financeurs, qui permettrait une anticipation plus aisée des versements à effectuer, en fonction de l'évolution attendue des dépenses liées à l'amiante.

C. UNE NOUVELLE IMPULSION DE LA POLITIQUE DE PRÉVENTION

Plusieurs initiatives gouvernementales devraient avoir pour effet d'améliorer la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles. Cette question revêt une importance certaine sur le plan financier, dans la mesure où chaque accident ou maladie évité représente une économie pour la branche.

1. Le plan « santé-environnement »

Le plan « santé-environnement », présenté le 21 juin par le Premier ministre, contient plusieurs mesures qui ont des incidences sur la santé au travail.

Les pouvoirs publics ont l'intention de prendre, dès 2005, des mesures destinées à réduire l'exposition en milieu de travail aux agents cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques 3 ( * ) (poussières de bois, benzène, plomb...). Sont ainsi évoqués l'utilisation de nouvelles techniques de mesure pour déceler plus rapidement la présence de ces substances dans l'atmosphère, l'abaissement de certains seuils d'exposition, la diffusion de guides de bonnes pratiques et le renforcement des moyens de contrôle de l'inspection du travail.

Il est également prévu de renforcer les capacités d'évaluation des risques sanitaires provoqués par certaines substances chimiques dangereuses, qui se rencontrent notamment en milieu professionnel, comme les éthers de glycol, les fibres minérales artificielles ou les pesticides. Une surveillance de l'exposition de la population et des études d'imprégnation seront mises en oeuvre.

On peut également rappeler que la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique consacre quatre de ses objectifs à la santé au travail (nombre d'accidents routiers mortels liés au travail, contraintes articulaires, expositions au bruit et expositions cancérigènes).

2. Le plan « santé au travail »

Le Gouvernement poursuit son effort en faveur de la prévention des risques professionnels. Il élabore actuellement un plan « santé au travail », dont on peut, à ce stade, décrire les grandes orientations.

Le plan serait structuré autour de quatre axes majeurs :

- l'amélioration des connaissances sur les risques professionnels, par un soutien à la recherche scientifique et un accès facilité à l'information sur les accidents du travail et les maladies professionnelles ;

- une plus grande effectivité des contrôles : l'une des pistes envisagées consisterait à faire travailler en commun des ingénieurs, des médecins et des inspecteurs du travail, afin que les compétences des différents partenaires s'additionnent ; la formation des corps de contrôle dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail pourrait être renforcée ;

- le développement de la concertation au niveau national et au niveau local, pour mieux prévenir les accidents du travail et les maladies professionnelles ;

- l'incitation des entreprises à se mobiliser pour la santé et la sécurité au travail : plusieurs outils pourraient être mis en oeuvre autour de cet objectif, tels qu'une réforme de la tarification des AT-MP ou une révision des règles juridiques relatives à l'inaptitude au travail ; il est cependant encore trop tôt pour préciser le contenu des mesures envisagées.

Votre commission ne peut qu'approuver ces grandes orientations. Elles rejoignent ses propres réflexions lorsqu'elle soulignait, l'an dernier, la nécessité de rénover le système de prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles et insistait sur l'importance de « décloisonner » les interventions des différents acteurs.

D. UNE RÉFLEXION À POURSUIVRE SUR LA RÉPARATION DU RISQUE PROFESSIONNEL

A la suite du rapport de Michel Yahiel, inspecteur général des affaires sociales, un comité de pilotage associant la direction de la sécurité sociale, la direction des relations du travail et la CNAMTS a été mis en place, afin d'étudier de manière approfondie l'hypothèse du passage d'une réparation forfaitaire à une réparation intégrale des risques professionnels.

Ses travaux ont débouché sur la publication d'une note d'étape en juillet 2003, puis d'un rapport remis au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, en mars 2004.

Ces études mettent en évidence le coût élevé du passage à un système de réparation intégrale, qui occasionnerait un surcoût de près de trois milliards d'euros au régime général.

Comparaison de la réparation actuelle
et de la réparation intégrale de tous les AT/MP
1

Types de préjudices

Réparation AT-MP
Nombre de victimes 2

Réparation AT-MP
Coût global (hors PN, IJ et ayants droit) 2

Réparation intégrale
Nombre de victimes
(hors PN, IJ et ayants droit)

Réparation intégrale
% victimes
(hors PN, IJ et ayants droit)

Réparation intégrale
Coût global
(hors PN, IJ et ayants droit)

Préjudice physiologique

ACCIDENTS ET
MALADIES AVEC INCAPACITÉ PERMANENTE

 

62.000

4 %

659 M€

Préjudice professionnel

8.000

< 0,5 %

1.418 M€

Pretium doloris

1.400.000

89 %

1.326 M€

Préjudice esthétique

199.400

13 %

194 M€

Préjudice d'agrément

85.000

5 %

144 M€

Total

63.000 (4 %)

813 M€

1.400.000

89 %

3.741 M€

NB : chaque victime peut avoir subi plusieurs préjudices.

1 Le tableau représente la comparaison de deux types d'indemnisation, hors prestations en nature, indemnités journalières et indemnisation des ayants droit, étant entendu que l'indemnisation de l'incapacité permanente en AT/MP ne distingue pas les chefs de préjudice, contrairement au droit commun.

2 Données 2002.

Source :Rapport sur la rénovation de la réparation des accidents du travail
et des maladies professionnelles.

On observe que le nombre de salariés susceptibles d'être indemnisés au titre du préjudice professionnel serait modeste (8.000), mais que le montant élevé des indemnisations en ferait le principal poste de dépenses.

Le passage à une réparation intégrale conduirait à indemniser la quasi-totalité des victimes au titre du pretium doloris (prix de la douleur endurée jusqu'à la date de guérison ou de consolidation). Le montant de chaque indemnité serait modeste, mais aboutirait, compte tenu du très grand nombre de bénéficiaires, à des dépenses considérables.

Le rapport propose trois autres simulations correspondant à différentes hypothèses d'application de la réforme :

- aux seuls accidents du travail et maladies professionnelles ayant entraîné une incapacité permanente : le surcoût par rapport au système actuel serait limité à 1,6 milliard d'euros ;

- aux seuls accidents du travail et maladies professionnelles ayant entraîné une incapacité permanente d'au moins 10 % : le surcoût s'élèverait à 1,2 milliard d'euros ;

- aux seuls accidents du travail ayant entraîné une incapacité permanente d'au moins 20 % : le surcoût serait alors de 0,7 milliard d'euros.

Une analyse fine montre par ailleurs que le passage à la réparation intégrale serait désavantageux pour certaines victimes. Les personnes plutôt âgées, à salaire relativement élevé, avec des taux d'incapacité moyen, les retraités et, dans de nombreux cas, les ayants droit, seraient pénalisés. Au contraire, les personnes jeunes présentant des taux d'incapacité élevés, entraînant un fort préjudice professionnel, et les personnes ayant subi des préjudices entraînant une incapacité faible ou nulle gagneraient à la réforme.

L'ampleur des montants financiers en jeu conduit à s'interroger sur la faisabilité, à brève échéance, d'une telle réforme. Est-il envisageable d'accroître considérablement les dépenses d'indemnisation, alors que la branche AT-MP s'éloigne depuis plusieurs années de l'équilibre et que l'on peut anticiper une poursuite de la montée en charge des dépenses liées à l'indemnisation des victimes de l'amiante ? Le financement d'une telle réforme supposerait une augmentation sensible des cotisations, qui serait en contradiction avec l'orientation générale de la politique gouvernementale, axée sur la baisse des prélèvements obligatoires, et risquerait de pénaliser l'emploi en renchérissant le coût du travail.

De plus, le passage à une réparation intégrale remettrait en cause le compromis passé entre employeurs et salariés au moment de la création du régime d'indemnisation des accidents du travail et maladies professionnelles, en 1898, qui associe réparation forfaitaire, présomption d'imputabilité et immunité civile de l'employeur, sauf faute inexcusable. Il requiert donc l'approbation des partenaires sociaux.

Votre commission juge donc nécessaire d'attendre les conclusions de la concertation que doivent engager les partenaires sociaux avant de statuer sur cette question.

Il faut rappeler, en effet, que l'article 54 de la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie invite les partenaires sociaux à engager des discussions et à faire des propositions au Gouvernement et au Parlement d'ici le mois de juillet 2005, sur la réforme de la gouvernance de la branche, ainsi que, le cas échéant, sur l'évolution des conditions de prévention, de tarification et de réparation des accidents du travail et maladies professionnelles.

*

* *

Sous réserve des observations et des amendements qu'elle vous présente, votre commission vous demande d'adopter le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour ses dispositions relatives aux accidents du travail et aux maladies professionnelles.

* 1 L'article L. 176-2 du code de la sécurité sociale prévoit qu'une commission présidée par un magistrat de la Cour des comptes remet tous les trois ans au Parlement et au Gouvernement un rapport évaluant le coût réel pour la branche maladie de la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles. Mme Lévy-Rozenwald préside actuellement cette commission.

* 2 Rapport du Gouvernement au Parlement présentant l'impact financier de l'indemnisation des victimes de l'amiante pour l'année en cours et pour les vingt années suivantes.

* 3 Les agents mutagènes sont susceptibles de provoquer des mutations génétiques ; les agents reprotoxiques nuisent à la fertilité humaine.

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