ARTICLE 53 quinquies (nouveau)

Apurement partiel de l'endettement social des producteurs de bananes installés dans les départements d'outre-mer

Commentaire : le présent article, introduit à l'Assemblée nationale à l'initiative du gouvernement, tend à instaurer un plan d'apurement de la dette sociale des producteurs de bananes dans les départements d'outre-mer.

I. UN SECTEUR DE LA BANANE QUI TRAVERSE UNE CRISE DURABLE

Le secteur de la banane dans les départements d'outre-mer connaît, depuis plus de dix ans, une crise profonde et durable, renforcée par les récents accords internationaux.

Ainsi, depuis la mise en oeuvre de l'organisation commune des marchés de la banane (dit « OCM banane ») en 1993, le niveau des prix de la production communautaire a régulièrement chuté.

Plus particulièrement, à partir de 2002, la mise en oeuvre des accords passés entre l'Union européenne et les Etats-Unis a favorisé l'importation par le marché communautaire de bananes des pays tiers au détriment de la production européenne.

Disposant d'un faible pouvoir économique en raison de la dispersion de la production et du nombre important d'opérateurs intervenant sur un marché très concurrentiel, les producteurs ultra-marins, notamment martiniquais, n'ont pu défendre le prix de vente de leurs bananes. En revanche, les producteurs canariens, qui représentent les principaux producteurs communautaires, commercialisent leur production principalement en Espagne sur un marché « captif » où la spécificité de leur production ( platanas ) et la qualité de leur organisation permettent une valorisation plus importante que celle obtenue par les producteurs antillais sur le marché communautaire.

Dans ces conditions, le régime de soutien au revenu prévu par l'OCM a conduit à une « sous-compensation » pour les producteurs martiniquais et une « sur-compensation » pour les producteurs canariens.

Cette situation a entraîné un accroissement de l'endettement des producteurs et de leurs groupements qui a perturbé la production tant au niveau quantitatif que qualitatif.

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Le présent article résulte de l'adoption par l'Assemblé nationale, avec l'avis favorable de sa commission des finances, d'un amendement présenté par le gouvernement.

Il propose :

- d'une part, de permettre le sursis à poursuite pour le règlement , par les producteurs de bananes installés dans les départements d'outre-mer, auprès de la caisse de sécurité sociale compétente de leur département, des créances se rapportant à la période antérieure au 1 er octobre 2004 relatives aux cotisations sociales patronales ainsi qu'aux pénalités et majorations de retard correspondantes ;

- d'autre part, de permettre la signature entre chaque producteur concerné et la caisse de sécurité sociale compétente d'un plan d'apurement des dettes sociales et de faire bénéficier le producteur signataire d'une aide de l'Etat d'un montant plafonné à 50 % des cotisations patronales dues au 30 septembre 2004 .

A ce titre, le dispositif proposé est similaire, sans être identique, à celui destiné aux employeurs de main d'oeuvre agricoles installés en Corse , dans le cadre des dispositions de l'article 52 de la loi n° 2002-92 du 22 janvier 2002 relative à la Corse, modifié par l'article 103 de la loi de finances rectificative pour 2003 88 ( * ) .

A. LE SURSIS À POURSUITE POUR LE RÈGLEMENT DE CRÉANCES RELATIVES AUX COTISATIONS SOCIALES PATRONALES DUES PAR LES PRODUCTEURS DE BANANES D'OUTRE-MER

Le premier alinéa du I du présent article prévoit que les producteurs de bananes, installés dans les départements d'outre-mer, y exerçant leur activité au 1 er janvier 2004 et adhérents à cette même date à un groupement de producteurs reconnu, pourront demander, dans un délai de douze mois à compter de la date de publication de la présente loi, à la caisse de sécurité sociale compétente de leur département, le sursis à poursuite pour le règlement des créances se rapportant à la période antérieure au 1 er octobre 2004 relatives aux cotisations sociales patronales ainsi qu'aux pénalités et majorations de retard correspondantes.

Le deuxième alinéa du I du présent article précise, en outre, que la possibilité de sursis à poursuite pour le règlement des créances susmentionnées est applicable aux créances, même déclarées et constatées après le 1 er octobre 2004, qu'elles aient ou non fait l'objet de notifications ou de mises en demeure.

Enfin, le troisième alinéa du I du présent article dispose que cette demande par les producteurs de bananes, auprès de leur caisse de sécurité sociale, de sursis à poursuite pour le règlement de leurs créances, entraîne de plein droit une suspension de six mois des poursuites afférentes aux dites créances ainsi que la suspension du calcul des pénalités et majorations de retard durant cette période.

B. LA MISE EN PLACE D'UN PLAN D'APUREMENT DES DETTES SOCIALES DES PRODUCTEURS DE BANANES INSTALLÉS DANS LES DOM

1. La signature d'un plan d'apurement des dettes sociales entre chaque producteur de bananes concerné et la caisse de sécurité sociale compétente de son département

Le premier alinéa du II du présent article prévoit que, durant la période de six mois mentionnée au troisième alinéa du I, et postérieurement au reversement effectif de la part salariale des cotisations et contributions sociales dues au titre des périodes antérieures au 1 er octobre 2004 ou à l'engagement du producteur d'y procéder, un plan d'apurement des dettes sociales, assorti, le cas échéant, de l'annulation des pénalités et majorations de retard, est signé entre le producteur et la caisse compétente pour une durée maximale de quinze ans.

2. L'instauration d'une aide de l'Etat au bénéfice des producteurs de bananes engagés dans un processus de désendettement social

Le deuxième alinéa du II du présent article dispose que le producteur bénéficiera alors d'une aide de l'Etat dans la limite de 50 % des cotisations patronales dues au 30 septembre 2004.

En outre, le deuxième alinéa du II du présent article prévoit que le bénéfice de l'aide de l'Etat, par le producteur de bananes engagé dans un processus de désendettement social, est subordonné, pour chaque demandeur, au respect des quatre conditions cumulatives suivantes :

- apporter la preuve, par un audit extérieur, de la viabilité de l'exploitation ;

- être à jour de ses cotisations sociales afférentes aux périodes d'activité postérieures au 1 er octobre 2004 ;

- s'être acquitté, auprès de la caisse de sécurité sociale, d'au moins 50 % de la dette relative aux cotisations patronales de sécurité sociale antérieure au 1 er octobre 2004 et, dans un délai de quatre ans suivant la signature du plan, de la totalité de la part salariale des cotisations et contributions sociales dues pour la même période ;

- autoriser l'Etat à se subroger dans le paiement des cotisations sociales auprès de la caisse de sécurité sociale : cette disposition signifie que l'aide de l'Etat ne sera pas versée directement au producteur mais à la caisse de sécurité sociale.

Enfin, le III du présent article précise qu'un décret en Conseil d'Etat fixera, en tant que de besoin, les conditions d'application du présent article.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

A. UN SOUTIEN NÉCESSAIRE À LA PRODUCTION DE BANANES EN OUTRE-MER

Votre commission des finances est particulièrement sensible aux problèmes de développement en outre-mer. En témoigne l'avis favorable qu'elle a donné à l'adoption de la loi de programme pour l'outre-mer du 21 juillet 2003 89 ( * ) .

Il convient de relever que la production de bananes constitue un atout certain pour les départements des Antilles, qu'il est nécessaire de valoriser au mieux et d'accompagner dans son développement .

En conséquence, compte tenu des bouleversements qu'a connus le secteur, avec, d'une part la concurrence des productions d'origine communautaire (Canaries), d'autre part, celle des pays en voie de développement (avec l'évolution, amorcée en 2004 à l'OMC de l'OCM bananes), votre rapporteur général considère qu'il peut être envisagé d'apporter des réponses spécifiques à la crise que traverse actuellement la production bananière dans les départements d'outre-mer.

B. UNE MESURE QUI DEVRAIT S'ACCOMPAGNER, EN TOUT ÉTAT DE CAUSE, D'UNE RESTRUCTURATION D'ENSEMBLE DU SECTEUR DE LA BANANE

Les mesures proposées par le présent article doivent être mises en parallèle avec les négociations actuelles concernant la refonte du régime des OCM, et la volonté affichée par le ministère de l'outre-mer et le ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité de conforter la production de bananes en outre-mer, et notamment aux Antilles.

Ainsi, les deux ministres ont invité, le 5 février 2003, les professionnels de la filière à un séminaire sur l'avenir de l'OCM banane qui a débouché sur la constitution de quatre groupes de travail axés notamment sur l'évolution du soutien aux producteurs.

Les propositions de ces groupes de travail ont notamment alimenté les négociations menées dans le cadre de l'élargissement de l'Union européenne, qui se sont traduites par l'ouverture aux dix nouveaux Etats membres, d'un contingent additionnel limité à 300.000 tonnes pour les 8 derniers mois de 2004 soit un contingent annualisé de 450.000 tonnes.

Afin de soutenir le redressement de la filière banane, le ministère de l'outre-mer et le ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité ont conclu un contrat de progrès avec les organisations professionnelles le 23 juin 2004. Doté de 25 millions d'euros sur cinq ans, ce contrat porte sur :

- la restructuration de la commercialisation (analyse stratégique, campagne de promotion) ;

- la restructuration de la production (contrats d'agriculture durable, mesures agri-environnementales, soutien aux agriculteurs en difficultés) ;

- les mesures sociales (préretraite).

Pour leur part, les professionnels se sont engagés à poursuivre les réformes nécessaires afin de pérenniser la production de bananes. Selon les informations transmises à votre rapporteur général, les trois engagements suivants ont été pris :

- une réflexion approfondie sur le regroupement des structures ;

- une réflexion relative à l'évolution des volets internes et externe de l'OCM ;

- un dialogue avec les acteurs de la filière en vue de constituer une interprofession.

Votre rapporteur général considère qu'il est aujourd'hui nécessaire de mener de vraies réformes quant à la structure de production et de commercialisation des bananes. C'est pourquoi il sera particulièrement attentif aux modalités concrètes d'application de cette réforme que les producteurs se sont engagés à mener, en concertation étroite avec le ministère de l'outre-mer et le ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité . Il serait en effet particulièrement néfaste que les aides accordées par l'Etat ne s'accompagnent pas d'une réflexion, suivie des réformes nécessaires, afin d'améliorer de manière significative la productivité du secteur.

C. LES INCERTITUDES LIÉES AUX DISPOSITIONS DU PRÉSENT ARTICLE

Votre rapporteur général souhaite, tout d'abord, souligner le peu de temps dont il a disposé pour analyser les dispositions du présent article puisque ce dernier ne figurait pas dans le projet de loi de finances rectificative initial présenté par le gouvernement mais a été introduit par voie d'amendement gouvernemental lors de l'examen du présent projet de loi de finances rectificative à l'Assemblée nationale. Votre rapporteur général estime que, s'agissant d'un problème aussi ancien et profond que l'endettement social des producteurs de bananes dans les départements d'outre-mer, un effort de pédagogie et d'information préalable à destination du Parlement aurait été nécessaire et particulièrement bienvenu.

Votre rapporteur général constate que, lors de l'examen du présent article à l'Assemblée nationale, le gouvernement n'a donné aucune indication quant au coût pour l'Etat de la mise en oeuvre de ce plan d'apurement partiel de la dette sociale des producteurs de bananes ultra-marins.

Toutefois, d'après les informations qu'il a pu obtenir depuis auprès des services du ministère de l'outre-mer, la moitié des 1.000 planteurs de Martinique et un tiers des 500 planteurs de la Guadeloupe pourraient être concernés par la mesure. Leur dette patronale s'élevant à 14 millions, la prise en charge de 50 % correspondrait donc à un coût d'environ 7,5 millions d'euros pour l'Etat. Il convient de relever que l'Etat ne serait amené à prendre cette fraction de la dette sociale à sa charge qu'à la condition que les producteurs en aient eux-mêmes remboursés 50 % dans un délai de quatre ans suivant la signature du plan.

Votre rapporteur général souhaite également souligner les incertitudes juridiques associées aux conditions d'application des dispositions du présent article :

- les conditions associées à l'octroi du sursis à poursuite pour le règlement des créances se rapportant à la période antérieure au 1 er octobre 2004 relatives aux cotisations sociales patronales et aux pénalités et majorations de retard correspondantes sont imprécises ;

- s'agissant de la mise en oeuvre du plan d'apurement des dettes sociales des producteurs de bananes sur une durée maximale de quinze ans, les dispositions du présent article ne font aucune référence au respect d'un échéancier de paiement précis, pourtant indispensable, conclu entre le producteur et la caisse ;

- enfin, les dispositions du présent article ne mentionnent pas de motif d'intérêt général ou de critères objectifs et rationnels en rapport avec un but d'intérêt général poursuivi, qui permettraient de justifier le traitement particulier des producteurs de bananes dans les départements d'outre-mer au regard de leur dette sociale. Cette absence de justification du traitement particulier de ces producteurs pourrait constituer un motif d'invalidation par le Conseil constitutionnel au titre de la rupture de l'égalité de traitement entre les citoyens.

Décision de la commission : votre commission vous propose de supprimer cet article.

* 88 Loi n° 2003-1312 du 30 décembre 2003.

* 89 Loi n° 2003-660.

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