ARTICLE 58

Versement à l'agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) des disponibilités du fonds pour le renouvellement urbain (FRU)

Commentaire : le présent article vise à affecter les disponibilités du fonds pour le renouvellement urbain (FRU) constatées au 31 décembre 2004 à l'agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU).

I. LE DROIT EXISTANT

A. LE FONDS POUR LE RENOUVELLEMENT URBAIN DE LA CAISSE DES DÉPÔTS ET CONSIGNATIONS

Le programme de renouvellement urbain de la caisse des dépôts et consignations a pour objet de favoriser des investissements de renouvellement urbain, notamment à travers :

- des prêts pour le renouvellement urbain (PRU) ;

- des prêts projets urbains (PPU) ;

- des concours sur fonds propres, qui, de 2000 à 2003, ont été financés par un fonds, dénommé fonds pour le renouvellement urbain (FRU).

1. Un fonds doté de 457 millions d'euros

Conformément aux décisions prises lors du comité interministériel des villes du 14 décembre 1999, la caisse des dépôts et consignations, après avis favorable de la commission de surveillance et en accord avec l'Etat, a décidé de créer, le 30 décembre 1999, un fonds pour le renouvellement urbain (FRU).

Elle a conclu le 7 juin 2000 avec l'Etat, pour une durée de trois ans, un avenant à la convention du 8 octobre 1998 relative au renouvellement urbain.

Ce document indique les modalités de fonctionnement du FRU . Il prévoit que la caisse des dépôts affecte aux actions de ce fonds la somme de 457 millions d'euros à compter de sa date de création, financée sur ses fonds propres.

2. Des dépenses de plus de 100 millions d'euros par an

Selon le « jaune » budgétaire intitulé Etat récapitulatif de l'effort financier consacré à la politique de la ville et du développement social urbain annexé aux projets de loi de finances pour 2004 et 2005, les engagements de crédits du FRU seraient de l'ordre de 100 millions d'euros par an , y compris après que le FRU ait cessé ses engagements de crédits, comme l'indique le graphique ci-après.

Les engagements sur fonds propres de la caisse des dépôts et consignation en faveur du renouvellement urbain

(en millions d'euros)

(1) Selon le « jaune » annexé au projet de loi de finances pour 2004, 75 millions d'euros étaient prévus pour 2003 au titre du seul FRU.

Sources : « jaunes » « Etat récapitulatif de l'effort financier consacré à la politique de la ville et du développement social urbain » annexés aux projets de loi de finances pour 2004 et 2005

Les interventions du FRU prennent la forme :

- d'investissements en capital dans des opérations de rénovation urbaine ;

- d'aides à l'ingénierie ;

- d'avances aux investisseurs .

Les projets financés par le FRU s'inscrivent dans la géographie prioritaire de la politique de la ville.

3. La disparition programmée du FRU

A l'initiative de sa commission des affaires économiques, l'Assemblée nationale a supprimé, par l'article 8 de la loi du 1 er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, la mention selon laquelle la caisse des dépôts et consignations mobilise ses ressources propres dans le cadre d'un fonds spécifique dont elle est gestionnaire.

Ainsi, l'article 8 précité prévoit que « la caisse des dépôts et consignations participe au financement du programme national de rénovation urbaine par l'octroi de prêts sur les fonds d'épargne dont elle assure la gestion (...) et par la mobilisation de ses ressources propres ».

Le FRU n'engage plus de nouvelles opérations depuis le 30 juin 2003.

Désormais, la contribution sur ses fonds propres de la caisse des dépôts et consignations au renouvellement urbain se fait donc en-dehors du FRU.

B. L'AGENCE NATIONALE POUR LA RÉNOVATION URBAINE

1. Présentation de l'ANRU

L'agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) a été créée par la loi n° 2003-710 du 1 er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine.

La création de l'ANRU vise à simplifier les circuits de financement, en centralisant les moyens destinés au renouvellement urbain. Cette centralisation, associée à des programmations pluriannuelles, sera, sans aucun doute, un facteur d'efficacité pour le suivi de l'ensemble de la politique de rénovation urbaine.

L'ANRU a été installée par un décret en Conseil d'Etat en date du 9 février 2004, et son directeur a été nommé par un décret en date du 10 mars 2004. L'ANRU n'est véritablement opérationnelle que depuis mai 2004.

Dotée du statut juridique d'établissement public à caractère industriel et commercial, elle a pour mission de contribuer à la réalisation du programme national de rénovation urbaine 112 ( * ) dans les quartiers classés en zone urbaine sensible (ZUS) et, à titre exceptionnel après accord du ministre chargé de la ville et du ministre chargé du logement, des territoires urbains présentant des caractéristiques analogues aux ZUS (article 6 de la loi du 1 er août 2003 précitée). La loi offre également à l'ANRU, sous certaines conditions, la possibilité d'exercer des missions de maîtrise d'ouvrage de tout ou partie des projets de rénovation urbaine.

2. Les moyens financiers de l'ANRU

Les moyens de l'ANRU doivent s'élever à 6 milliards d'euros de 2004 à 2008. Ils proviendraient principalement :

- de l'Etat, qui lui consacrerait 2,5 milliards d'euros sur 5 ans ;

- de l'union d'économie sociale pour le logement (UESL), gestionnaire du 1% logement, qui lui affecterait annuellement 550 millions d'euros ;

- de la caisse des dépôts et consignation, qui lui apporterait des fonds propres dans le cadre d'une nouvelle convention signée avec l'Etat ;

- des organismes HLM, par le biais du versement d'une fraction des cotisations additionnelles perçues par la caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS).

C. L'AFFECTATION DES DISPONIBILITÉS NETTES DU FONDS POUR LE RENOUVELLEMENT URBAIN

1. Les règles actuelles d'affectation des disponibilités du FRU

L'article 92 de la loi de finances rectificative pour 2003 (n° 2003-1312 du 30 décembre 2003) détermine les règles d'affectation des disponibilités du FRU.

a) Dans le cas de l'année 2004 : l'affectation à l'ANRU et au budget général de l'Etat

Son I prévoit des dispositions spécifiques à l'année 2004.

Un prélèvement de 106 millions d'euros , opéré en 2004 sur le FRU, a été affecté :

- à raison de 50 millions d'euros , à l'ANRU ;

- pour le solde, soit 56 millions d'euros , au budget général de l'Etat.

Les 106 millions d'euros prélevés sur le FRU correspondaient à ses disponibilités nettes à la fin de l'année 2003.

b) La règle pour les années postérieures à 2004 : l'affectation totale au budget de l'Etat

Le II de l'article 92 précité prévoit que, les années postérieures à 2004 , jusqu'à la clôture du FRU, les disponibilités nettes de ce fonds, constatées au 31 décembre de chaque année, sont versées, dans leur intégralité, au budget général de l'Etat.

En effet, le reliquat disponible à la fin de l'année 2003 ne constitue pas le solde définitif du fonds, ce dernier ayant pris des engagements de long terme (participations, prêts de « haut de bilan ») et devant bénéficier de remboursements de préfinancements.

Votre rapporteur général vous avait proposé d'adopter sans modification cet article, qui augmentait les recettes de l'Etat en 2004 et prévoyait de les accroître également les années suivantes.

II. LA MODIFICATION PROPOSÉE PAR LE PRÉSENT ARTICLE

Le présent article comporte une unique phrase, prévoyant que « par dérogation aux dispositions du II de l'article 92 de la loi de finances rectificative pour 2003 (n° 2003-1312 du 30 décembre 2003), les disponibilités nettes du fonds pour le renouvellement urbain constatées au 31 décembre 2004 sont versées à l'Agence nationale pour la rénovation urbaine ».

Selon l'exposé des motifs du présent article, les disponibilités nettes à la fin de l'année 2004 seraient de l'ordre de 100 millions d'euros.

Ces 100 millions d'euros, qui, en l'état actuel du droit, seraient affectés au budget général de l'Etat, le seraient donc à l'ANRU.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

A. UN OBJECTIF LÉGITIME : PERMETTRE, DANS LES FAITS, LE RESPECT DES ENGAGEMENTS PLURIANNUELS PRIS PAR L'ETAT POUR LE FINANCEMENT DE L'ANRU

1. Un engagement pluriannuel de l'Etat exprimé en crédits de l'Etat, excluant en principe la prise en compte des versements du FRU

Selon l'article 7 de la loi du 1 er août 2003 précitée, « les crédits consacrés par l'Etat à la mise en oeuvre du programme national de rénovation urbaine, ouverts par les lois de finances entre 2004 et 2008, sont fixés à 2,5 milliards d'euros, aucune dotation annuelle au cours de cette période ne pouvant être inférieure à 465 millions d'euros . Ils sont affectés, dans les conditions fixées par les lois de finances, à l'Agence nationale pour la rénovation urbaine ».

Ainsi, l'engagement pluriannuel de l'Etat est exprimé en termes de crédits , ce qui, si on interprète ces dispositions de façon stricte, exclut la prise en compte des versements du FRU. On reconnaîtra cependant qu'un versement direct de ce dernier ou un versement de même montant de l'Etat, alimenté par le FRU, sont strictement équivalents.

2. Des engagements qui ne sont respectés que si l'on raisonne en autorisations de programme, et en prenant en compte les versements du FRU

Le gouvernement a choisi d'interpréter cette programmation en termes d'autorisations de programme , ce qui semble légitime.

En 2004, le montant minimal de 465 millions d'euros a été atteint pour les autorisations de programme (465 millions d'euros), mais pas pour les crédits de paiement (209,5 millions d'euros).

Le projet de loi de finances pour 2005 ne propose de respecter cet objectif ni pour les autorisations de programme (415 millions d'euros) , ni pour les crédits de paiement (226,6 millions d'euros).

Cependant, le gouvernement estime que les engagements de l'Etat pour 2005 seront respectés, grâce aux contributions du FRU. Ainsi, M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué au logement et à la ville, a indiqué, lors de la discussion des crédits de la ville à l'Assemblée nationale, le 19 novembre 2004 : « conformément à la loi Borloo, les 465 millions d'euros qui (...) sont consacrés [à l'ANRU en 2005 ] sont répartis entre les budgets de la ville et du logement et, à hauteur de 50 millions d'euros, le fonds de rénovation urbaine ».

Ces éléments sont synthétisés par le graphique ci-après.

La contribution de l'Etat au financement de l'agence nationale de rénovation urbaine

(en millions d'euros)

AP : autorisations de programme. CP : crédits de paiement.

(1) Le gouvernement considère que le versement effectué par le FRU en 2004 vient abonder les autorisations de programme pour l'année 2005.

(2) Dotation annuelle minimale fixée par l'article 7 de la loi loi n° 2003-710 du 1 er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine pour la période 2004-2008. Le montant indiqué concerne les crédits de l'Etat, ce que le gouvernement a choisi d'interpréter en terme d'autorisations de programme.

Sources : projet de loi de finances pour 2005, présent projet de loi de finances rectificative

B. LE PRÉSENT ARTICLE SUSCITE CERTAINES INTERROGATIONS

Le présent article, pour légitime que soit son objectif, n'en suscite pas moins certaines interrogations.

1. La remise en cause d'une disposition votée il y a seulement un an et qui devait s'appliquer pour la première fois cette année

Tout d'abord, on rappelle que le II de l'article 92 précité de la loi de finances rectificative pour 2003 prévoit que les disponibilités du FRU sont affectées au budget de l'Etat.

Cette disposition devait s'appliquer, pour la première fois, en 2004.

On peut donc se demander pourquoi elle a été inscrite dans la loi de finances rectificative précitée, si c'était pour y déroger dès 2004.

2. Une pratique qui ne contribue pas à la lisibilité de la contribution de l'Etat au financement de l'ANRU

Par ailleurs, le présent article ne contribue pas à la lisibilité de la contribution de l'Etat au financement de l'ANRU.

a) Retour sur les 50 millions d'euros affectés à l'ANRU en 2004

Ce point a été souligné par le rapporteur spécial des crédits de la ville, notre collègue Philippe Dallier, dans le cas du reliquat de 50 millions d'euros du FRU affecté à l'ANRU en 2004 par la loi de finances rectificative pour 2003 précitée, et présenté par le gouvernement comme autant d'autorisations de programme attribuées à l'ANRU pour l'année 2005 , en complément des autorisations de programme inscrites dans le projet de loi de finances pour 2005.

Cette argumentation permet au gouvernement d'affirmer que les engagements de l'Etat vis-à-vis de l'ANRU sont respectés en 2005 - ce qui, si l'on ne s'en tient pas strictement à la « lettre » de la loi précitée du 1 er août 2003, qui prévoit que la contribution de l'Etat doit consister en des crédits de l'Etat, est exact -, tout en limitant la progression des dépenses de l'Etat.

Rappel : la contribution de l'Etat au financement de l'ANRU en 2005 , telle que présentée par le gouvernement

(en autorisations de programme et en millions d'euros)

Comment l'ANRU aurait dû être financée par l'Etat en 2005

La contribution de l'Etat retenue par le PLF 2005 et la LFR 2003

50

Disponibilités du FRU fin 2003

 
 

Disponibilités du FRU fin 2003

Etat

 
 

465

Etat

50

415

 
 
 
 
 

ANRU

ANRU

b) L'affectation de 100 millions d'euros proposée par le présent article : une « mauvaise pratique » budgétaire ?

De même, le présent article ne contribue pas à la lisibilité du financement de l'ANRU par l'Etat.

Il serait plus transparent d'affecter les 100 millions d'euros de disponibilités du FRU fin 2004 au budget de l'Etat de 2005 , comme le prévoit le droit actuel, puis d'affecter ceux-ci à l'ANRU sous forme de crédits de paiement ou, le cas échéant, d'autorisations de programme.

Le présent article prévoit au contraire que ces 100 millions d'euros constitueront des crédits de paiement de l'ANRU en 2004 sans que cela apparaisse dans le budget de l'Etat. Il n'est en outre pas impossible que le gouvernement, lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2006 , présente ces 100 millions d'euros comme autant d'autorisations de programme relatives à l'année 2006 , venant s'ajouter à celles inscrites dans le projet de loi de finances, comme il l'a fait, lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2005 , au sujet des 50 millions d'euros de disponibilités du FRU à la fin de l'année 2003 versés à l'ANRU en 2004.

Certes, l'objectif du présent article est légitime : il s'agit de financer le programme national de rénovation urbaine. Il n'en demeure pas moins que le gouvernement devrait indiquer clairement au Parlement la manière dont ces 100 millions d'euros seront pris en compte pour l'évaluation de la contribution de l'Etat au financement de l'ANRU en 2005 et en 2006.

Cet article a été adopté sans modification par l'Assemblée nationale.

Décision de la commission : sous le bénéfice de ces observations, votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

* 112 La loi n° 2003-710 du 1 er août 2003 précitée définit les objectifs du programme national de rénovation urbaine, comme la constitution d'une offre nouvelle de 200.000 logements locatifs sociaux pour la période 2004-2008, la réhabilitation d'un nombre équivalent de logements dans les zones urbaines sensibles, et la démolition de 200.000 logements locatifs sociaux ou de copropriétés dégradées.

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