I. UN ENJEU ESSENTIEL : LA CRÉATION PROGRESSIVE D'UN GROUPE INDUSTRIEL DE CONSTRUCTION NAVALE À L'ÉCHELLE EUROPÉENNE

A. L'ÉVOLUTION DE LA STRUCTURE DU MARCHÉ DE LA CONSTRUCTION NAVALE MILITAIRE

1. Des produits plus élaborés...

Les besoins de défense évoluent très vite. Les grandes lignes des évolutions actuelles, telles que l'on peut les percevoir, sont la complexification croissante des systèmes, toujours plus intégrés et « inter-opérés » dans un environnement étendu, à savoir « interarmées » et international .

On peut noter en particulier l'importance croissante des systèmes de combat et des nouvelles technologies comme les drones navals ou les plates-formes réseaux centrées qui s'intègrent dans des systèmes plus globaux qu'on appelle systèmes de systèmes .

Les navires militaires sont ainsi devenus des systèmes très complexes, intégrant de nombreux équipements et des technologies de pointe. Les systèmes d'armes peuvent représenter autour de 50 % du prix total d'un navire militaire. La coque nue (hors appareil propulsif, usine électrique...) ne représente plus qu'entre 10 % et 15 % du prix d'un navire de surface.

2. ...intégrés dans des prestations globalisées

Une autre évolution importante du secteur naval de défense concerne l'organisation contractuelle et industrielle vers l'acquisition de prestations globales incluant les services, l'entretien, la formation.

Les industriels doivent donc désormais être capables de fournir ces prestations globales . Il s'agit de nouveaux métiers et de nouvelles compétences à acquérir.

Les deux sous-marins français Scorpène livrés à la Malaisie illustrent cette évolution. La commande de ces équipements a été passée concomitamment à la vente de la formation de l'équipage et d'un sous-marin français d'occasion (Ouessant) pour la formation. De même, dans le cas du contrat des frégates multi-missions (FREMM), la prestation devrait comprendre outre la construction des navires, le maintien en condition opérationnelle pendant plusieurs années des équipements. Dans le même ordre d'idée, les nouveaux contrats de maintenance des navires se négocient maintenant en taux de disponibilité globale d'une série de navires et non plus en marché à bons de commande pour des interventions forfaitaires. Le Royaume-Uni et la France sont en pointe dans ce domaine.

3. L'évolution des marchés d'exportation

A l'exportation, le secteur subit aussi une mutation importante . La plupart des états acheteurs possèdent désormais une industrie navale .

Le montage et l'assemblage du navire sont alors réalisés localement . Les groupes industriels européens se positionnent alors sur la maîtrise d'oeuvre d'ensemble (prestation globale), la conception et les systèmes de combat, ce qui représente en valeur la plus grande partie du projet.

Ainsi, la réalisation des corvettes Baynunah a-t elle été effectuée aux Emirats Arabes Unis à partir d'une conception et de kits des constructions mécaniques de Normandie (CMN) et d'un système de combat italien. Cette évolution touche même les navires très complexes comme les sous-marins (au Pakistan, au Brésil, ou en Inde par exemple).

4. L'adaptation des industriels aux demandes du marché : le choix de la maîtrise d'oeuvre ou de la construction navale

Face à ces mutations, deux orientations stratégiques sont possibles pour les groupes industriels de la construction navale militaire : la maîtrise d'oeuvre et la construction navale.

a) La construction navale

Certains chantiers s'orientent vers la construction navale en essayant de rationaliser au mieux leurs processus de production .

Schématiquement, ces chantiers conçoivent et assemblent des coques qu'elles soient civiles ou militaires. Les gros volumes et l'effet de série sont importants pour rentabiliser ce modèle. Il s'agit de chantiers comme l'espagnol Izar (avant sa transformation), l'italien Fincantieri ou le français Chantiers de l'Atlantique. Ils entrent en compétition avec les constructeurs de navires asiatiques à faible coût de main d'oeuvre pour les navires civils et leur part sur les grands projets militaires devient de plus en plus faible compte-tenu de l'évolution du secteur où l'électronique devient prépondérante. Ainsi le maître d'oeuvre italien des frégates franco-italiennes Horizon n'est pas Fincantieri mais Orizzonte, joint venture entre Fincantieri et Finmeccanica (électronicien de défense). De même, Fincantieri n'est pas présent au capital d'Eurosynav, joint venture DCN/Thales/Finmeccanica pour la maîtrise d'oeuvre du système de combat des frégates Horizon.

b) La maîtrise d'oeuvre de projets

D'autres acteurs se concentrent sur la maîtrise d'oeuvre de projets complexes , où la construction de coque ne représente qu'une partie du projet global (moins de 20 %).

Ainsi des entreprises comme Thalès, Loockeed Martin ou United Defense sont « prime contractor » sur des projets à dominante navale mais ne possèdent pas de chantiers en propres . Ils remportent des contrats en raison du caractère global de la prestation qu'ils proposent, et sous-traitent l'assemblage à des chantiers. C'est notamment le cas du bâtiment d'écoute militaire français, le MINREM (moyens interarmées navalisés d'origine électromagnétique) assemblé, sous maîtrise d'oeuvre de Thalès, aux Pays-Bas. Les acteurs qui ont fait le choix de la maîtrise d'oeuvre sont en bonne place sur les marchés d'exportation, en association avec des bureaux d'architecture navale.

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