B. UNE NOUVELLE ÉTAPE DE L'ÉVOLUTION DE DCN

Le présent projet de loi soumis au Sénat constitue en fait une « boîte à outils » tendant à donner à DCN les instruments nécessaires à sa participation active aux mouvements de consolidation de la construction navale militaire .

En pratique, ce dispositif doit permettre de consolider la position de DCN au plan national, et au plan européen, en donnant à l'entreprise la possibilité de constituer des filiales avec des partenaires privés (filiales qui resteront majoritairement détenues par DCN, directement ou indirectement), et d'ouvrir son capital, de façon minoritaire.

Les dispositions prévues par le présent projet de loi permettent d'assurer l'unité du groupe DCN et l'application du contrat d'entreprise aux filiales de DCN participe à cet objectif.

La constitution de filiales pourrait être mise en oeuvre très rapidement notamment dans le cadre de la réalisation des frégates multimissions (FREMM), qui pourrait donner lieu à une coopération entre DCN et Thalès.

1. La constitution de filiales de DCN par apport d'actifs : un objectif de très court terme

Le présent projet de loi permet à DCN d'apporter une partie de ses actifs à une filiale, créée en coopération avec un partenaire ou existant déjà, dont elle détient, directement ou indirectement la majorité du capital .

Les conditions d'apport d'actifs sont strictement encadrées.

Si l'apport d'actifs de DCN prévu pour la création d'une filiale, ou pour la prise de participation de DCN au sein d'une filiale existant déjà, dépasse le seuil de 375 millions d'euros de chiffre d'affaires ou si le nombre de personnes affectées aux activités transférées dépasse 250 , il devra faire l'objet :

- d'une autorisation préalable des ministres de la défense et de l'économie ;

- d'un avis conforme de la commission des participations et des transferts, qui fixera elle-même la valeur des actifs apportés.

Il convient de noter que ces règles sont dérogatoires, les règles de droit commun étant beaucoup moins contraignantes. Le ministère de la défense a ainsi souhaité, selon les informations communiquées à votre rapporteur, donner des assurances aux personnels de DCN.

Aucun établissement de DCN ne comprend actuellement moins de 250 personnes (cf. annexe 4 du présent rapport), et le ministère de la défense comme la direction de DCN ont indiqué à votre rapporteur que la scission d'unités de production n'était pas envisagée. Il ne semble pas que le découpage en sous-unités des sites de production puisse d'ailleurs avoir une quelconque cohérence économique.

De plus, il apparaît que l'intervention de la commission des participations et des transferts est une garantie essentielle pour l'Etat que le patrimoine de DCN ne sera pas sous-évalué lors d'un apport, et il n'a donc aucun intérêt à tenter de contourner les seuils que fixe le présent projet de loi.

2. L'ouverture du capital : un objectif de moyen terme

L'article 78 précité de la loi de finances rectificative pour 2001 imposait la détention intégrale du capital de DCN par l'Etat. Le présent projet de loi permet l'entrée de partenaires minoritaires dans le capital de DCN ou d'une de ces filiales .

Selon les informations communiquées à votre rapporteur, les hypothèses relatives à l'ouverture du capital de DCN ne prévoient pas la cession des titres actuellement détenus par l'Etat, mais via une augmentation de capital, une prise de participation d'un partenaire au capital de l'entreprise, ou des participations croisées.

Aucun seuil minimum ou maximum n'a été fixé (en dehors du principe d'une participation minoritaire), laissant la porte ouverte à toutes négociations. Il reviendra aux partenaires de DCN et à l'entreprise elle-même de déterminer les seuils de participation.

3. Des règles communautaires dérogatoires dans le domaine de la défense

Les Etats membres de l'Union européenne ont toujours considéré que l'armement ne faisait pas partie du champ d'action de la Communauté européenne (1 er pilier), dans la mesure où il n'entrait pas dans le domaine économique classique.

C'est pour cette raison que l'article 223 du Traité de Rome, devenu aujourd'hui l'article 296 du Traité d'Amsterdam , pose une dérogation aux principes de libre circulation et de libre concurrence en matière de défense . Plus précisément il indique « qu'aucun Etat membre n'est tenu de fournir des renseignements dont il estimerait la divulgation contraire aux intérêts essentiels de sa sécurité et que tout Etat membre est susceptible de prendre des mesures qu'il estime nécessaires à la protection des intérêts essentiels de sa sécurité ». Le domaine de l'armement ne faisant pas partie du 1 er pilier, la Commission européenne n'avait pas compétence en la matière.

La diminution des budgets consacrés aux équipements militaires, en réduisant les parts de marché, a incité les industriels à se regrouper, au niveau national puis européen, pour qu'ils deviennent plus compétitifs. Ces restructurations se sont effectuées avec le soutien des Etats et sous le contrôle de plus en plus affirmé de la Commission européenne dès lors que ces opérations revêtaient une dimension européenne . La Commission a également saisi l'occasion d'étendre sa compétence, reconnue dans le domaine civil du contrôle de la concurrence, au domaine des biens duaux , c'est-à-dire ayant une application à la fois civile et militaire. Dès lors, la Commission a défendu sans discontinuer la nécessité de constituer un espace intégré de l'armement, en étendant, autant que possible sa compétence dans ce domaine .

Ainsi les initiatives de la Commission européenne se sont-elles multipliées et concernent :

- le régime du contrôle des exportations de biens à double usage ;

- les transferts intracommunautaires ;

- l'ouverture des marchés publics ;

- les dossiers de fusions et de concentrations ;

- et le régime fiscal des importations de matériels militaires dans l'union européenne.

La Commission a considéré que ces domaines intéressant le secteur de l'armement, certes particulier, étaient toutefois soumis aux règles du marché et au droit communautaire, sauf invocation restrictive de l'article 296 par les Etats membres. Cette interprétation restrictive de l'article 296 a été régulièrement confirmée par la jurisprudence de la Cour de justice. De leur côté, les Etats membres ont continué à systématiquement se prévaloir des dispositions de l'article 296 précité .

La consolidation de la construction navale militaire au niveau national, voire la mise en oeuvre de coopérations au niveau européen, devrait donc bénéficier de l'application des dispositions de l'article 296 du Traité d'Amsterdam .

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