Rapport n° 194 (2004-2005) de M. Adrien GOUTEYRON , fait au nom de la commission des finances, déposé le 16 février 2005

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N° 194

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2004-2005

Annexe au procès-verbal de la séance du 16 février 2005

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi autorisant l'approbation de l' avenant entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume des Pays-Bas tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l' évasion fiscale en matière d' impôts sur le revenu et sur la fortune ,

Par M. Adrien GOUTEYRON,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis, président ; MM. Claude Belot, Marc Massion, Denis Badré, Thierry Foucaud, Aymeri de Montesquiou, Yann Gaillard, Jean-Pierre Masseret, Joël Bourdin, vice-présidents ; MM. Philippe Adnot, Michel Moreigne, François Trucy, secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; MM.  Bernard Angels, Bertrand Auban, Jacques Baudot, Mme Marie-France Beaufils, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Mme Nicole Bricq, MM.Auguste Cazalet, Michel Charasse, Yvon Collin, Philippe Dallier, Serge Dassault, Jean-Pierre Demerliat, Eric Doligé, Jean-Claude Frécon, Yves Fréville, Paul Girod, Adrien Gouteyron, Claude Haut, Jean-Jacques Jegou, Roger Karoutchi, Alain Lambert, Gérard Longuet, Roland du Luart, François Marc, Michel Mercier, Gérard Miquel, Henri de Raincourt, Michel Sergent, Henri Torre, Bernard Vera.

Voir le numéro :

Sénat : 156 (2004-2005)

Traités et conventions.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Le présent projet de loi soumis à votre examen a pour objet d'autoriser l'approbation de l'avenant à la convention du 16 mars 1973 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Royaume des Pays-Bas tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôt sur le revenu et sur la fortune, signé le 7 avril 2004.

Cet avenant résulte de la demande du gouvernement néerlandais, formulée à l'occasion des négociations sur la fusion entre les deux compagnies aériennes nationales Air France et KLM, tendant à obtenir la garantie que les opérations de restructuration auxquelles donnerait lieu la constitution d'un groupe combiné ne remettraient pas en cause le droit d'imposer les résultats actuels et futures de KLM, même si l'entreprise venait à être absorbée par Air France.

L'avenant est limité à ce point précis.

I. LA SITUATION INTÉRIEURE DU ROYAUME DES PAYS-BAS ET LES RELATIONS BILATÉRALES AVEC LA FRANCE

Membre fondateur de la Communauté européenne, au coeur de l'Union européenne et de la zone euro, le Royaume des Pays-Bas constitue un partenaire privilégié de la France . Entre les deux pays, compte-tenu de leur proximité géographique, politique et économique, les échanges sont quotidiens

Les Pays-Bas comptent 15,7 millions d'habitants, pour une superficie de 41.864 km².

A. LA SITUATION POLITIQUE ET ÉCONOMIQUE,

1. La situation politique

Un gouvernement de centre droit, alliant les chrétiens démocrates, les libéraux et le parti réformateur, est au pouvoir depuis le 27 mai 2003. Dirigé par Jan Peter Balkenende, ce cabinet axe sa politique sur une stricte rigueur budgétaire et une approche libérale de l'économie, faisant en outre de la sécurité et de la cohésion sociale ses priorités, dans un contexte intérieur difficile après l'assassinat, le 2 novembre 2004, du réalisateur Théo Van Gogh.

Après deux années de difficultés politiques, la priorité est en effet au retour de la stabilité. L'année 2002 a constitué le début d'une période de troubles politiques peu habituels aux Pays-Bas, traditionnellement connus pour leur goût de la stabilité et du consensus. A des problèmes internes à la coalition gouvernementale (suscités notamment par la mise en accusation des autorités néerlandaises dans la tragédie de Srebrenièa 1 ( * ) ), s'est ajoutée une défiance croissance des électeurs envers le « modèle polder » qui s'est traduite par l'apparition sur la scène politique du charismatique responsable populiste, Pim Fortuyn. Son assassinat a suscité un trouble considérable.

Le malaise populaire s'est traduit par un score inattendu aux élections législatives du 15 mai 2002 de la Liste Pim Fortuyn. Ce parti de droite populiste a fait son entrée au gouvernement en juillet 2002, en compagnie du parti chrétien démocrate CDA et du parti libéral VVD, autour d'un programme centré essentiellement sur les questions de sécurité, d'immigration et d'intégration. Les divisions internes à la LPF ont fragilisé ce cabinet qui, trois mois après sa constitution, a annoncé sa démission, en octobre 2002.

Des élections anticipées ont été organisées à la deuxième Chambre, le 22 janvier 2003, qui ont vu la victoire du CDA et du PvdA (sociaux-démocrates). Une nouvelle coalition gouvernementale a été constituée, de centre droit CDA/VVD, avec l'appui du D66 (centre gauche), le 27 mai 2003, toujours sous la direction de M. Jan Peter Balkenende. Cette coalition, qui avait suscité des inquiétudes quant à sa solidité, perdure néanmoins. Malgré quelques tensions épisodiques avec le petit parti D66, la solidarité gouvernementale a pleinement joué, notamment dans la période de présidence néerlandaise de l'Union européenne, qui a contribué au maintien de « l'union sacrée » derrière le Premier Ministre. Entre mai 2003 et l'automne 2004, face à une opposition quasi inexistante et des partenaires sociaux peu actifs, le Premier Ministre Balkenende a ainsi gagné la réputation d'un chef discret et compétent.

La stabilité politique reste néanmoins toujours sous la menace de troubles nouveaux, comme en témoignent les manifestations, organisées fin septembre et début octobre 2004 contre la politique sociale du gouvernement 2 ( * ) , ou encore les grèves des transports qui ont paralysé, mi-octobre 2004, l'ensemble des centres urbains. Surtout, l'assassinat du réalisateur Theo Van Gogh par un musulman fondamentaliste, à la double nationalité néerlandaise et marocaine, a constitué un nouveau choc pour la classe politique et l'opinion publique. Des actes de violence très inhabituels aux Pays-Bas ont été perpétrés contre des mosquées et des écoles confessionnelles islamiques, durant tout le mois de novembre 2004.

Sur le plan partisan, la tentation du populisme reste fortement présente : le député Geert Wilders, qui a créé, à lui seul, un groupe parlementaire après avoir quitté le parti libéral VVD, a choisi cette dernière voie : « ses sujets de prédilection » étant la lutte contre l'islamisme radical et contre la société multiculturelle telle qu'elle existe aux Pays-Bas, il semble, selon les derniers sondages, en mesure de reconstituer la base électorale de Pim Fortuyn (pour obtenir une vingtaine de sièges à la deuxième Chambre). Il est, de plus, un « fervent opposant » de la Constitution européenne et de l'adhésion de la Turquie à l'Union.

2. La situation économique

L'économie des Pays-Bas est, comme les celle des autres pays de la zone euro, affectée par le ralentissement mondial. En 2000, la croissance s'était élevée à 4,2 %, soit la sixième année consécutive de croissance supérieure à 3 %, avant de subir un net ralentissement en 2001 (1,1 %) et en 2002 (0,3 %), sous l'effet de la dégradation de la conjoncture internationale. La croissance néerlandaise avait été tirée, entre 1997 et 2000, par l'ensemble de l'économie, soutenue par le dynamisme des échanges extérieurs et la reprise de l'investissement privé, ainsi que par l'augmentation de la demande intérieure. La situation compétitive des Pays-Bas s'est progressivement dégradée entre 1997 et 2003 et le pays est entré en récession au dernier trimestre 2002 : la croissance de 2003 s'est chiffrée à - 0,9 % du PIB selon la Commission européenne).

Néanmoins, les prévisions de croissance de 1,25 % pour l'année 2004 semblent se vérifier, mais aucune amélioration sensible n'est prévue pour 2005 .

Malgré un programme de rigueur budgétaire, les finances publiques continuent à se détériorer, conduisant pour 2004 à une situation de déficit public excessif, au sens des critères du pacte de stabilité et de croissance (déficit courant estimé à 3,5 % en 2003). La loi de finances pour 2005 affiche toutefois un objectif de déficit budgétaire inférieur à 3 % du PIB.

En ce qui concerne le taux d'inflation, après plusieurs années où celui-ci a été supérieur à la moyenne européenne (5,1 % en 2001, 3,9 % en 2002), la tendance est à un rapprochement avec la moyenne européenne.

Le taux d'occupation de la population en âge de travailler (de l'ordre de 50 %) reste le plus faible parmi les pays industrialisés. En effet, si le taux de chômage officiel avait très fortement diminué depuis 1994 (passant de 9,3 % de la population active à 2,2 % en 2001, 3,1 % en 2002, mais à nouveau 5,5 % en 2003), les statistiques ne correspondent pas à la réalité économique : un système d'incapacité au travail (WAO) extrêmement généreux, mais onéreux pour les finances publiques, permet « d'extraire » du marché du travail, et donc des statistiques du chômage, plus de 900.000 personnes (soit plus de 13 % de la population active). Dès son investiture, le gouvernement Balkenende II a entrepris de réformer ce dispositif de prise en charge de l'invalidité WAO.

B. LES RELATIONS BILATÉRALES

Il convient de rappeler au préalable que la communauté néerlandaise compte en France environ 16.000 immatriculés tandis que l'on recense de l'ordre de 18.000 immatriculés français aux Pays-Bas.

1. Les relations politiques

S'agissant d'un pays qui est au coeur de l'Union européenne, les relations politiques apparaissent extrêmement étroites , comme en témoigne la fréquence de responsables politiques français aux Pays-Bas et néerlandais en France.

Ainsi, en 2004, les ministres néerlandais de la justice, des affaires étrangères, de la réforme administrative et des relations au sein du Royaume, de la coopération, de l'agriculture sont-ils rendus à Paris pour des entretiens bilatéraux avec leurs homologues français.

Le Président de la République a eu un entretien avec le Premier Ministre néerlandais, M. Jan Peter Balkenende le 28 avril 2004, puis, de nouveau, le 13 décembre 2004, lors de sa tournée de président en exercice de l'Union européenne.

Parallèlement, se sont successivement rendus aux Pays-Bas, en 2004, les ministres français de la santé, des affaires étrangères, de l'industrie, du budget, des affaires européennes, du commerce extérieur et de l'intérieur.

Ces contacts ne sont évidemment pas exclusifs des rencontres qui ont lieu dans le cadre multilatéral des conseils européens.

2. Les relations économiques

Les Pays-Bas constituent le septième client de la France et représentent 4,37 % de nos exportations. Ils sont également le septième fournisseur de la France. Leur part dans les importations françaises atteint 4,79 %.

Les exportations françaises vers les Pays-Bas s'établissaient en 2003 à 12,2 milliards d'euros et les importations en provenance de ce pays à 14,4 milliards d'euros, soit un solde commercial négatif de 2,2 milliards d'euros.

L'année 2003 a été marquée par rapport aux années précédentes par une contraction significative des échanges tant à l'import qu'à l'export, conduisant à une diminution limitée du déficit commercial de la France avec les Pays-Bas.

II. LES DISPOSITIONS DU PRÉSENT AVENANT : LE VOLET FISCAL DE LA FUSION ENTRE AIR FRANCE ET KLM

La France et les Pays-Bas sont liés par une convention fiscale, signée à Paris le 16 mars 1973.

Les négociations sur la fusion entre les deux compagnies aériennes nationales, Air France et KLM, afin de constituer le premier opérateur européen ont inclus un volet fiscal . En effet, le gouvernement néerlandais tenait à obtenir la garantie que les opérations de restructuration auxquelles donnera lieu la constitution d'un groupe combiné ne remettront pas en cause leur droit d'imposer les résultats actuels et futurs de KLM, même si cette société devait être absorbée à terme par Air France.

Afin de satisfaire cette demande, la France a accepté de modifier les règles conventionnelles en ce sens. Ce fut l'objet de négociations, à Paris en novembre 2003 et à La Haye en mars 2004, qui permirent d'aboutir au texte signé le 7 avril 2004, qui ne modifie pas la convention elle-même, mais insère dans le protocole qui lui est annexé une disposition destinée à régler le cas particulier du rapprochement Air France - KLM.

Votre rapporteur renvoie pour l'essentiel de la description de la fusion entre les deux compagnies aériennes françaises et néerlandaises aux excellents rapports de nos collègues Jean-François Le Grand 3 ( * ) et Yvon Collin 4 ( * ) sur le projet de loi modifiant la loi n° 2003-322 du 9 avril 2003 relative aux entreprises de transport aérien et notamment à la société Air France visant à tenir compte de la nouvelle organisation en holding du groupe Air France-KLM 5 ( * ) .

A. LA FUSION AIR FRANCE ET KLM : UN PROJET INDUSTRIEL MAJEUR

1. Une alliance prometteuse

La loi n° 2003-322 du 9 avril 2003, en ouvrant la voie d'un désengagement, au moins partiel, de l'Etat du capital de la société Air France, a permis à l'entreprise d'engager des négociations en vue de nouer des alliances capitalistiques. Air France était, en effet, depuis plusieurs années à la recherche d'un partenaire européen majeur.

KLM offrait une complémentarité réelle : quatrième compagnie européenne, ne disposant pas de marché intérieur propre, la compagnie a développé un important réseau international, notamment en direction des anciennes possessions hollandaises.

C'est donc très naturellement que s'est opéré un rapprochement entre les deux compagnies, après des discussions avortées avec Alitalia.

Air France et KLM ont conclu le 16 octobre 2003 un accord en vue de la fusion entre les deux compagnies. Il ouvre la voie à la naissance du premier transporteur aérien mondial en termes de chiffre d'affaires (19,2 milliards d'euros), et le quatrième en nombre de passagers transportés.

Les synergies évoquées proviendraient à 60 % d'économies et, à 40 %, de revenus supplémentaires.

Deux avantages ont de plus évoqués :

- la complémentarité du réseau , en Europe et dans le monde, qui devrait permettre au nouveau groupe de desservir un plus grand nombre de lignes ;

- la complémentarité des « hubs » de Roissy Charles-de-Gaulle et de Amsterdam-Schiphol, qui offre la possibilité de multiplier les correspondances.

2. La structure du nouvel ensemble

Air France a ouvert, le 5 avril 2004, une offre publique d'échange selon les modalités suivantes : 11 actions Air France et 10 bons d'acquisition et/ou de souscription d'actions (BASA) contre 10 actions ordinaires KLM, soit une prime d'environ 40 % par rapport à la valeur du titre KLM à la veille de l'annonce de l'opération. Au terme de la première période de l'offre, Air France détenait 89,22 % des actions de KLM. La part de l'Etat français dans Air France était réduite, par un effet de dilution automatique, de 54 % à 44,7 %. La part des salariés dans la compagnie française représentait 10,5 % du capital et le flottant 44,8 % des titres, dont 17,3 % pour les anciens actionnaires de KLM.

La compagnie aérienne française a ouvert une période complémentaire à son offre, close le 21 mai 2004. A l'issue de cette période complémentaire, Air France détient 96,33 % du capital de KLM . La part de l'Etat français dans Air France est ramenée à 44,07 %, celle des salariés à 10,42 % et le flottant à 45,51 % dont 18,4 % pour les anciens actionnaires de KLM.

Sur le plan de l'organisation, cette nouvelle structure capitalistique devrait se traduire, dans un délai estimé à trois ans, par la création d'une holding préservant l'identité des deux marques.

Structure de la future société Air France-KLM

Source : Air France

Cette nouvelle structure est susceptible d'avoir un impact sur la répartition des recettes fiscales entre la France et les Pays-Bas, selon la localisation du siège de la nouvelle société et le degré d'intégration des filiales à la holding.

B. LE DISPOSITIF TECHNIQUE DE L'AVENANT À LA CONVENTION FRANCE-PAYS-BAS

1. Une dérogation à la convention du 16 mars 1973

Faisant exception au principe d'imposition des entreprises de transport aérien dans l'Etat du siège de leur direction effective, tel qu'il figure dans les articles 4 et 8 de la convention du 16 mars 1973 entre la France et les Pays-Bas, le paragraphe 1 de l'avenant pose le principe du droit exclusif des Pays-Bas d'imposer les revenus, gains en capital et fortune rattachables à l'activité de transport aérien de l'actuelle société Koninklijke Luchtvaartmaatschappij N.V. (dénomination sociale officielle de KLM), quel que soit le lieu où se trouve le siège de direction effective de celle-ci.

Le maintien du droit exclusif de taxer pour les Pays-Bas n'est toutefois maintenu que pour autant qu'il soit effectivement exercé. Cette précaution est nécessaire pour parer à l'éventualité dans laquelle les Pays-Bas décideraient d'accorder des exonérations spécifiques aux entreprises de transport international aux fins de favoriser leur implantation sur le territoire néerlandais.

Les paragraphes 2 et 3 de l'article premier de l'avenant traitent de la situation dans laquelle KLM disparaîtrait ou verrait l'essentiel de son activité transférée à une autre personne. En raison des assurances données par Air France et KLM au gouvernement néerlandais, cette évolution ne peut intervenir avant un délai de huit ans, dans tous les cas de figures.

L'article 2 prévoit que l'avenant entrera en vigueur le trentième jour suivant la date à laquelle la procédure d'approbation aura été menée à bien dans les deux Etats. Ses dispositions prendront effet rétroactivement à compter des exercices comptables commençant à partir du 1 er avril 2004. Les procédures parlementaires requises pour l'entrée en vigueur de l'avenant ont été menées à terme aux Pays-Bas en 2004.

2. Quelle application pratique pour l'accord ?

Si une absorption complète de KLM devrait intervenir, il serait vraisemblablement difficile de déterminer l'assiette taxable revenant en vertu du présent avenant, au gouvernement des Pays-Bas . Il y aurait vraisemblablement une impossibilité pratique à déterminer, du moins sur une base réelle, les bénéfices, gains en capital ou fortune concernés. Pour cette raison, le paragraphe 3 renvoie à une consultation ultérieure des parties et à un éventuel échange de lettres pour la fixation des modalités de mise en oeuvre du principe de répartition du droit d'imposer prévu en cas de disparition ou de transfert de l'essentiel de l'activité de KLM .

3. L'impact financier de l'avenant

L'impact financier n'est pas à proprement parler positif pour la France puisqu'il pose le principe du maintien de recettes fiscales aux Pays-Bas quand bien même la base taxable serait établie en France. En ce sens, l'avenant constitue une exception aux règles communautaires de droit commun . Néanmoins, dans une négociation où le gouvernement des Pays-Bas, en tant qu'actionnaire de KLM, n'était pas absent, cet avenant a constitué une des concessions nécessaires pour parvenir à une alliance stratégique majeure.

Il convient d'observer en outre qu'un cadre fiscal stabilisé est ainsi offert aux deux compagnies pour leur rapprochement. Elles pourront, par conséquent, procéder en toute sécurité aux opérations de restructuration nécessaires à la constitution d'un groupe combiné, avec les retombées économiques favorables que cela comporte pour la France et les Pays-Bas.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 16 février 2005 sous la présidence de M. Jean Arthuis, président , la commission des finances a procédé à l' examen du rapport de M. Adrien Gouteyron sur le projet de loi n° 156 (2004-2005) autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du royaume des Pays-Bas tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (ensemble un protocole).

M. Adrien Gouteyron, rapporteur , a indiqué au préalable que les huit projets de loi soumis à la commission avaient tous pour but, en application de l'article 53 de la Constitution, d'autoriser l'approbation de conventions fiscales signées par le gouvernement français. Il a noté que quatre de ces projets de loi proposaient d'autoriser l'approbation de conventions fiscales nouvelles, permettant ainsi de compléter un réseau de conventions bilatérales déjà dense. Il a précisé que ces accords, selon la formule consacrée, visaient à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et qu'il s'agissait de :

- l'accord signé avec la République d'Albanie le 24 décembre 2002, qui avait fait l'objet d'une approbation du Parlement albanais en mai 2003 ;

- l'accord signé avec la République d'Azerbaïdjan le 20 décembre 2001 et ratifié par le Parlement azerbaïdjanais le 19 février 2002 ;

- l'accord signé avec la République de Croatie le 19 juin 2003 ;

- et enfin, l'accord avec la République Tchèque, signé le 28 avril 2003, approuvé par le Parlement tchèque en mars 2004.

Il a observé que trois autres projets de loi proposaient, par ailleurs, l'approbation d'avenants, le premier à l'entente fiscale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Québec en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu, le deuxième à la convention fiscale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de son altesse sérénissime le prince de Monaco, signée à Paris le 18 mai 1963 et modifiée par l'avenant du 25 juin 1969, et le troisième enfin, très spécifique, rendu nécessaire par la fusion entre Air France et KLM, avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume des Pays-Bas tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune.

Il a indiqué, enfin, qu'un projet de loi autorisait l'approbation d'une convention fiscale multilatérale, en l'occurrence la convention concernant l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale, élaborée conjointement par le Conseil de l'Europe et l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

M. Adrien Gouteyron, rapporteur , a présenté succinctement les conventions fiscales nouvelles faisant l'objet des quatre premiers projets de loi, ainsi que le projet de loi relatif à l'avenant à l'entente fiscale France-Québec, précisant que ces textes appelaient peu de commentaires sur un plan technique. Il a souligné que les conventions conclues avec l'Albanie, l'Azerbaïdjan, la Croatie et la République Tchèque s'inspiraient très largement du modèle de la convention OCDE et comportaient les aménagements habituellement conclus par la France, des précisions ayant été introduites concernant les revenus mobiliers, les plus-values de cession de parts, d'actions ou autres droits dans des sociétés à prépondérance immobilière, la non-discrimination afin que les conventions ne fassent pas obstacle à l'application de la législation fiscale en la matière. Il a fait remarquer, en outre, que les textes des conventions conclues avec l'Albanie et la Croatie étaient assez proches des conventions fiscales conclues par la France avec les autres pays de la région, tels que la Macédoine ou la Slovénie. Il a montré que si la convention avec l'Albanie venait combler un réel vide juridique, puisqu'aucune convention fiscale n'avait jamais été conclue avec ce pays, les autres venaient tirer les conséquences de la disparition de la Tchécoslovaquie, de l'URSS et de la Yougoslavie, l'Azerbaïdjan, la Croatie et la République Tchèque ayant marqué, en effet, leur préférence pour une nouvelle convention fiscale, en quelque sorte « au goût du jour », plutôt que pour le maintien des conventions établies par des Etats aujourd'hui disparus.

S'agissant plus particulièrement de la République Tchèque, M. Adrien Gouteyron, rapporteur , a indiqué que les autorités tchèques avaient souhaité obtenir un rééquilibrage du texte de 1973, qui leur apparaissait exagérément favorable aux intérêts français. Il a noté, néanmoins, que, selon le ministère des affaires étrangères, certaines nouvelles stipulations étaient plus favorables aux investissements français que celles contenues dans le traité précédent, citant par exemple la suppression de la retenue à la source, prévue par l'article 10 en ce qui concernait les dividendes provenant de participations supérieures à 25 %, qui aurait pour effet de ne plus conduire la France à imputer sur l'impôt sur les sociétés l'impôt prélevé à ce titre par la République tchèque, comme tel était le cas auparavant dans le cadre de la convention franco-tchécoslovaque.

En ce qui concernait l'avenant signé, à Paris, le 3 septembre 2002, à l'entente fiscale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Québec en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu, datant du 1er septembre 1987, M. Adrien Gouteyron, rapporteur , a fait remarquer, au préalable, la particularité de cet accord, qui était le seul accord fiscal conclu par la France avec une subdivision politique d'un Etat, la convention fiscale franco-canadienne tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, signée le 2 mai 1975, stipulant en effet, dans son article 29, que « la France et les provinces du Canada pourront conclure des ententes portant sur toute législation fiscale relevant de la compétence provinciale, pour autant que ces ententes ne soient pas contraires aux dispositions de la présente Convention ». La convention fiscale franco-canadienne ayant fait l'objet d'un avenant, en date du 30 novembre 1995, il a indiqué que l'avenant à l'entente fiscale entre la France et le Québec reprenait, dans un souci d'harmonisation, les modifications apportées à la convention franco-canadienne.

Il a noté que ces modifications étaient multiples, conformes pour l'essentiel au modèle de l'OCDE, la principale d'entre elles consistant à étendre les impôts couverts par l'entente fiscale, en ce qui concernait la France, à la taxe sur les salaires, à l'impôt de solidarité sur la fortune et, pour l'application de certains articles, aux droits de mutation à titre gratuit, ce dernier ajout permettant de prévoir un dispositif d'élimination de la double imposition des successions, suite à la suppression, par le Canada et ses provinces, des droits de mutation à titre gratuit et de leur remplacement par une taxation sur les plus-values latentes au jour du décès.

Présentant l'avenant à la convention fiscale du 18 mai 1963 avec Monaco, il a montré que le texte s'inscrivait dans un cadre plus large de modernisation des relations entre la France et la Principauté, un nouveau traité d'amitié et de coopération ayant été en effet signé le 24 octobre 2002 à la demande des autorités monégasques. En ce qui concernait le dispositif, il a précisé que l'article premier de l'avenant visait à corriger les évolutions anormales dans la déduction des rémunérations des dirigeants de l'assiette de l'impôt monégasque sur les bénéfices, l'article 2 permettant d'assujettir à l'impôt de solidarité sur la fortune les résidents français installés à Monaco depuis 1989. Il a fait observer que cette imposition s'appliquait depuis le 1 er janvier 2002 et concernait environ deux cents contribuables, soit une base taxable de plus de 800 millions d'euros. Il a donc considéré que, s'agissant des personnes physiques, l'avenant poursuivait la logique initiale, visant à assimiler les citoyens français résidant à Monaco à des contribuables français classiques, ceci expliquant peut-être la décroissance du nombre de Français résidant à Monaco, revenus de 15.222 à 9.454 immatriculés de 1984 à 2002.

Il a ajouté que l'avenant était, par ailleurs, complété par un échange de lettres, qui contenait des dispositions, très attendues par la France, en matière de partage des recettes de taxe sur la valeur ajoutée. Il a expliqué que la convention fiscale du 18 mai 1963 prévoyait, en effet, un partage du produit total des perceptions opérées sur le territoire des deux Etats dans un sens peu favorable à la France, d'où la nécessité d'un rééquilibrage.

M. Adrien Gouteyron, rapporteur , a indiqué en ce qui concernait l'avenant à la convention fiscale avec les Pays-Bas du 7 avril 2004 que celui-ci tendait à prendre en compte l'accord intervenu entre Air France et KLM, les négociations sur la fusion entre les deux compagnies aériennes nationales, afin de constituer le premier opérateur européen ayant, en effet, inclus un volet fiscal. Il a précisé que le Gouvernement néerlandais tenait à obtenir la garantie que les opérations de restructuration auxquelles donnerait lieu la constitution d'un groupe combiné ne remettraient pas en cause leur droit d'imposer les résultats actuels et futurs de KLM, même si cette société devait être absorbée, à terme, par Air France. Il a expliqué que la France avait accepté, dès lors, de modifier les règles conventionnelles en ce sens et que tel était précisément l'objet de l'avenant précité, qui ne modifiait pas la convention elle-même, mais insérait dans le protocole annexé une stipulation destinée à régler le cas particulier du rapprochement Air France - KLM. Il a montré que le paragraphe 1 de l'avenant posait ainsi le principe du droit exclusif des Pays-Bas d'imposer les revenus, gains en capital et fortune rattachables à l'activité de transport aérien de l'actuelle société KLM, quel que soit le lieu où se trouvait le siège de direction effective de celle-ci.

Enfin, en ce qui concernait la convention concernant l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale, ouverte à la signature des Etats membres du Conseil de l'Europe et des pays membres de l'OCDE, signée par la France le 17 septembre 2003, M. Adrien Gouteyron, rapporteur , a signalé que ce nouvel instrument juridique et fiscal était utile du point de vue français pour trois raisons majeures. Il a noté premièrement que la convention compléterait le réseau de conventions fiscales bilatérales conclues par la France, permettant par exemple d'élargir l'échange de renseignements à d'autres impôts que ceux couverts par les conventions fiscales ou les directives européennes, impôts locaux, droits d'enregistrement, contributions indirectes, TVA et taxes diverses perçues au profit de l'Etat, et d'uniformiser la pratique des pays signataires en matière d'échange de renseignements. Il a fait valoir, deuxièmement, que cette convention organisait l'assistance au recouvrement, rarement visée par les conventions fiscales bilatérales, la convention prévoyant que l'Etat requis devait procéder au recouvrement de la créance fiscale de l'Etat requérant de la même manière que s'il recouvrait ses propres créances, permettant ainsi de lutter contre l'organisation par les contribuables de leur insolvabilité dans l'Etat qui avait établi les impositions. Il a montré, troisièmement, que la convention, en proposant un ensemble de règles en vue de la notification de documents à l'étranger, venait « mettre de l'ordre » dans une pratique administrative internationale aux frontières mal définies. Il a ajouté que onze pays, y compris la France, avaient à ce jour signé la convention qui constituait un complément utile aux conventions bilatérales.

A l'issue de cette présentation, M. Adrien Gouteyron, rapporteur , a proposé de demander au Sénat d'adopter les huit projets de loi précités.

Un débat s'est alors engagé.

M. Jean Arthuis, président , a remercié le rapporteur pour la qualité de sa présentation et la précision de sa description des enjeux liés à la fusion entre Air France et KLM et ses conséquences sur la convention fiscale avec les Pays-Bas.

M. Philippe Marini, rapporteur général , s'est félicité de l'existence d'un accord direct entre la France et le Québec. Il s'est interrogé, par ailleurs, sur la compatibilité avec le droit communautaire de l'avenant à la convention fiscale entre la France et les Pays-Bas concernant KLM, l'imposition des bénéfices devant, en principe, être établie dans le pays du siège de l'entreprise.

M. Jean Arthuis, président , a souligné que cet accord visait à répondre à une préoccupation politique du Gouvernement des Pays-Bas, mais que sa portée pratique était vraisemblablement plus limitée.

M. Adrien Gouteyron, rapporteur , a confirmé cette analyse, donnant lecture de l'exposé des motifs du projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre la France et les Pays-Bas, indiquant qu'afin de tenir compte de la difficulté pratique à déterminer les bénéfices et gains en capital concernés, le texte renvoyait à une consultation ultérieure des parties pour la fixation des modalités de mise en oeuvre du principe de répartition du droit d'imposer prévu en cas de disparition ou de transfert de l'essentiel de l'activité de KLM.

A l'issue de cet échange, la commission a décidé de demander au Sénat d'adopter les huit projets de loi précités, dont le présent projet de loi .

* 1 Cette mise en accusation, par le NIOD (organisme néerlandais d'étude et de prospective), a entraîné la démission du gouvernement Kok le 16 avril 2002.

* 2 En particulier contre la réforme des préretraites ; elles ont réuni plusieurs centaines de milliers de personnes dans les principales villes du pays.

* 3 Rapport n° 384 (2003-2004) de M. Jean-François Le Grand, fait au nom de la commission des affaires économiques

* 4 Avis n° 408 (2003-2004) de M. Yvon Collin au nom de la commission des finances

* 5 Loi n° 2004-734 du 26 juillet 2004.

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