Rapport n° 376 (2004-2005) de M. André BOYER , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 8 juin 2005

Disponible au format Acrobat (872 Koctets)

N° 376

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2004-2005

Annexe au procès-verbal de la séance du 8 juin 2005

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant l'approbation de la convention relative au renforcement de la Commission Interaméricaine du Thon Tropical établie par la Convention de 1949 entre les États-Unis d'Amérique et la République du Costa Rica (ensemble quatre annexes),

Par M. André BOYER,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Serge Vinçon, président ; MM. Jean François-Poncet, Robert Del Picchia, Jacques Blanc, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Jean-Pierre Plancade, Philippe Nogrix, Mme Hélène Luc, M. André Boyer, vice-présidents ; MM. Simon Loueckhote, Daniel Goulet, Jean-Guy Branger, Jean-Louis Carrère, André Rouvière, secrétaires ; MM. Bernard Barraux, Jean-Michel Baylet, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Pierre Biarnès, Didier Borotra, Didier Boulaud, Robert Bret, Mme Paulette Brisepierre, M. André Dulait, Mme Josette Durrieu, MM. Jean Faure, Jean-Pierre Fourcade, Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, Gisèle Gautier, MM. Francis Giraud, Jean-Noël Guérini, Michel Guerry, Robert Hue, Joseph Kergueris, Robert Laufoaulu, Louis Le Pensec, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Charles Pasqua, Jacques Pelletier, Daniel Percheron, Jacques Peyrat, Xavier Pintat, Yves Pozzo di Borgo, Jean Puech, Yves Rispat, Josselin de Rohan, Roger Romani, Gérard Roujas, Mme Catherine Tasca, MM. André Trillard, André Vantomme, Mme Dominique Voynet.

Voir le numéro :

Sénat : 139 (2004-2005)

Traités et conventions.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

La Commission interaméricaine du thon tropical (C.I.T.T.) a été la première organisation régionale consacrée à la gestion durable des stocks de ces poissons. Cette commission, chargée de réglementer la pêche dans l'Océan Pacifique oriental, a été instituée en 1949 par les deux principaux pays intéressés, les Etats-Unis et le Costa Rica. Par la suite, dix autres pays riverains, ou ayant une flotte de pêche active dans cette région, y ont adhéré.

La France l'a ainsi rejoint en 1975, pour le compte de l'île de Clipperton, située à 1 300 km au large du Mexique. Cette île étant inhabitée, il convenait de se doter d'instruments juridiques de protection de sa ZEE (zone économique exclusive).

Organisation pionnière en matière de gestion des stocks halieutiques, la Commission interaméricaine a vu, au fil du temps, ses statuts devenir inadaptés aux réalités juridiques et économiques actuelles.

C'est pourquoi ses Etats membres ont adopté, à l'unanimité, le texte d'une nouvelle Convention, lors de leur soixante-dixième session, réunie à Antigua, en juin 2003. C'est ce texte qui nous est soumis, dont le but principal est de rénover les structures et les moyens d'action de la CITT.

I. LA CRÉATION DE LA CITT DÈS 1949 A CONSTITUÉ UN MODÈLE POUR LA GESTION RAISONNÉE DES STOCKS HALIEUTIQUES

Créée par un accord bilatéral entre les Etats-Unis et le Costa-Rica en 1949, la CITT a progressivement regroupé les principaux acteurs de la pêche aux thons dans la zone du Pacifique Est. Ainsi, cette commission rassemblait-elle quatorze Etats membres en 2002, avec les dates d'adhésion suivantes :

- 1953 : Panama

- 1961 : Equateur

- 1964 : Mexique

- 1968 : Canada

- 1970 : Japon

- 1973 : France

- 1973 : Nicaragua

- 19990 : Vanuatu

- 1990 : Venezuela

- 1997 : Salvador

- 2000 : Guatemala

- 2002 : Espagne

Durant cette période, la CITT a adopté des décisions touchant aux mesures d'encadrement et de limitation de l'effort de pêche et des captures de thonidés, et de réglementation des captures accidentelles de dauphins.

La pression croissante exercée partout dans le monde sur les stocks de poissons, et particulièrement sur ceux de thons, a fait émerger la nécessité d'instaurer d'autres organisations régionales de pêche sur le modèle de la CITT. Ainsi, une commission portant sur la conservation du thon de l'Atlantique a-t-elle été créée, en 1969, une autre consacrée à la gestion des thons de l'Océan indien l'a été, en 1996, et une troisième pour la zone du Pacifique occidental et central, en 2000.

Il faut rappeler que les prises de thons ne cessent de croître dans l'ensemble des océans, et que les thons tropicaux ont constitué à eux seuls 80 % des captures globales durant la décennie 1984-1993.

II. LA CONVENTION D'ANTIGUA CONCLUE EN 2003 RÉNOVE LES STRUCTURES ET LES MÉTHODES DE LA CITT

Maintenant le siège de la Commission à San Diego, en Californie, tout comme le personnel administratif et scientifique déjà en place, la nouvelle convention rappelle que ses résolutions antérieurement adoptées demeurent en vigueur. En revanche, les compétences de la CITT sont élargies : ainsi, les stocks de poissons relevant de sa réglementation sont étendus aux espèces couramment capturées par les navires pêchant les thons et espèces apparentées dans la zone de la convention .

Cette extension vise les thons albacores et les espèces apparentées, ce qui résulte d'un compromis entre les pays souhaitant maintenir la compétence de la CITT aux seules espèces d'origine, comme les pays d'Amérique latine, et les Etats-Unis, qui cherchent à promouvoir la préservation de l'écosystème dans sa globalité, et voulaient y voir inclus les requins et espèces voisines. Le champ d'application de la Convention est géographiquement élargi à l'ensemble de l'Océan Pacifique situé à l'Est du méridien de 150° de longitude Ouest. Cette extension englobe désormais 80 % de la ZEE de la Polynésie française .

Les zones sous juridiction des Etats côtiers sont également incluses dans le champ de la nouvelle convention , sous réserve que cette dernière préserve les ressources biologiques présentes dans ces zones. Cette précision a pour but d'intégrer les dispositions de l'accord de 1995 sur les stocks chevauchants et les poissons grands migrateurs, dont l'objet est de préserver l'unicité de ces stocks.

La Convention est ouverte à la signature des membres de l'actuelle CITT, mais également à celle des Etats riverains, et des Etats pêchant dans la nouvelle zone ainsi délimitée depuis au moins quatre ans. Le Canada, la Chine et la Corée ont ainsi fait part de leur intention de rejoindre la Convention.

Du point de vue juridique, il faut rappeler que les éventuels intérêts français portant sur les unités de pêche métropolitaine de haute mer dans la zone de la CITT sont représentés par la Communauté européenne. Dans les faits, aucun navire français métropolitain n'y opère. La France y défend donc spécifiquement les ZEE de Clipperton, et de la Polynésie française. En effet, les mesures de gestion et de conservation de cette ZEE relèvent, en principe, de la compétence des territoires jouissant d'un statut d'autonomie interne, comme c'est le cas de la Polynésie française, mais cette collectivité n'a pas manifesté le souhait d'y disposer d'une représentation spécifique.

La contribution financière annuelle de la France s'élève à environ 70 000 dollars US. Le budget global annuel de la CITT est déterminé par les Etats membres, puis réparti entre eux en fonction, d'une part, du montant de leur produit intérieur brut et, d'autre part, de l'estimation des captures de thons effectuées dans leur zone de compétence.

La Communauté européenne pourra adhérer à la nouvelle CITT, au titre des possibilités offertes à l'adhésion des organisations régionales d'intégration économique.

Cette rénovation a déjà été largement approuvée par les Etats membres, qui ont signé la Convention d'Antigua selon le calendrier suivant :

- Mexique : 14 novembre 2003 (ratification le 14 janvier 2005)

- Pérou : 14 novembre 2003

- Etats-Unis : 14 novembre 2003

- France : 14 novembre 2003

- Costa Rica : 14 novembre 2003

- Nicaragua : 21 novembre 2003

- Guatemala : 6 janvier 2004

- Chine : 3 mars 2004

- Equateur : 14 avril 2004

- Venezuela : 12 mai 2004

- Salvador : 13 mai 2004 (ratification le 10 mars 2005)

- Union Européenne : 13 décembre 2004

- Canada : 22 décembre 2004

- entité de pêche de Taiwan 14 novembre 2003

CONCLUSION

La création de la CITT dès 1949 a été une démarche pionnière, qui a inspiré la mise en place de plusieurs autres organisations régionales aux missions similaires dans l'Atlantique, l'Océan Indien, et le Pacifique occidental et central. L'actualisation des statuts et des compétences de la CITT, permise par le présent texte, montre le souci de ses membres de l'adapter à des réalités économiques et juridiques évolutives.

La France ne peut qu'approuver cette actualisation, nécessaire à une protection efficace du stock de thons tropicaux, sur lesquels se concentre actuellement l'effort de pêche .

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l'examen de ce projet de loi lors de sa réunion du 8 juin 2005.

A l'issue de l'exposé du rapporteur, la commission a adopté le projet de loi.

PROJET DE LOI

(Texte proposé par le Gouvernement)

Article unique 1 ( * )

Est autorisée l'approbation de la convention relative au renforcement de la Commission interaméricaine du Thon Tropical établie par la Convention de 1949 entre les Etats-Unis d'Amérique et la République du Costa Rica (ensemble quatre annexes), signées à Washington le 14 novembre 2003, et dont le texte est annexé à la présente loi.

ANNEXE I -
ETUDE D'IMPACT2 ( * )

Projet de loi autorisant l'approbation de la convention relative au renforcement de la Commission Interaméricaine du Thon Tropical établie par la Convention de 1949 entre les Etats-Unis d'Amérique et la République du Costa Rica (ensemble quatre annexes)

I - Etat du droit actuel

La politique commune de la pêche ne s'applique pas aux territoires d'outre-mer français. La France a donc adhéré à la Commission interaméricaine du thon tropical au titre de ses territoires d'outre-mer. Ses engagements au titre de la future commission concernent essentiellement les zones économiques exclusives de Polynésie française et de Clipperton.

Certains des domaines traités par la présente convention relèvent de la compétence des territoires jouissant d'un statut d'autonomie interne (Polynésie française), ce qui s'avère être, notamment, le cas des mesures de gestion et de conservation portant sur les ressources biologiques de la zone économique exclusive (ZEE). D'autres dispositions demeurent de la compétence exclusive de la France (obligations de l'Etat du pavillon, mise en oeuvre de poursuites judiciaires, police des pêches dans la ZEE, règlement des différends...). Il faut relever, cependant, que le gouvernement de la Polynésie française n'a pas manifesté le souhait de disposer d'une représentation propre, comme il l'a fait dans le cadre des conférences ayant précédé et suivi l'adoption de la convention d'Honolulu qui couvre le Pacifique central et occidental.

Les intérêts français pour les unités de pêche métropolitaine dans la haute mer couverte par la zone de la convention sont représentées par la Communauté européenne. Il n'y a pas de navire métropolitain actif dans la zone couverte par la future Commission, mais des navires communautaires (espagnols) sont présents. Comme la Communauté européenne ne pouvait pas adhérer à la convention de 1949, à titre temporaire pour faire face à des « circonstances exceptionnelles », le texte initial de l'accord ayant été modifié pour permettre l'adhésion des organisations régionales d'intégration économique, la Communauté pourra désormais déposer son instrument d'adhésion à la Convention d'Antigua après que celle-ci soit entrée en vigueur. L'Espagne sera alors tenue à cette date de dénoncer la convention de 1949.

II - Absence de modification du droit interne

L'adhésion de la France à cette convention ne suppose aucune modification du droit existant.

ANNEXE II -
ETATS MEMBRES DE LA CONVENTION DE SAN DIEGO

ANNEXE III -
TABLEAU DESCRIPTIF DE L'ÉVOLUTION DES COMPÉTENCES DE LA CITT OPÉRÉE PAR LA CONVENTION D'ANTIGUA

ANNEXE III - TABLEAU DESCRIPTIF DE L'ÉVOLUTION DES COMPÉTENCES DE LA CITT OPÉRÉE PAR LA CONVENTION D'ANTIGUA ( Source : Société française pour le Droit international (SFDI)

ANNEXE IV -
LE THON, UNE ESPÈCE PÉLAGIQUE MIGRATRICE

Les trois principales espèces de thons tropicaux : albacore (Thunnus albacares), listao (Katsuwonus pelamis) et patudo (Parathunnus obesus) ont représenté environ 68% des captures mondiales de thon sur la période 1984-1993

Les localisations et concentrations des thons dépendent plus ou moins étroitement des conditions environnementales suivantes : températures de surface et de subsurface de la mer ; taux d'oxygène dissous ; productivité primaire par zone. Le premier et le dernier de ces paramètres peuvent être évalués par des images satellitales.

- La température de surface est, pour les thonidés, un paramètre fondamental. En effet, même lorsqu'ils fréquentent les eaux froides plus profondes, ils effectuent de rapides déplacements verticaux en direction de la surface pour y réchauffer leur organisme.

- La profondeur de la thermocline (frontière thermique entre la couche superficielle chaude des océans et les couches profondes froides) est également un paramètre important mais sur lequel on ne peut avoir d'information directe par imagerie satellitale. Elle peut cependant être évaluée à partir de mesures altimétriques.

- Le taux d'oxygène dissous : il est favorisé par les mouvements verticaux ou horizontaux des eaux de mer.

- La productivité primaire  peut être évaluée à partir des images satellitales sur la couleur de l'eau (Nimbus 7, SeaWifs).

- Les effets d'El Nino sur les migrations thonières ont pu être mis en évidence ainsi qu'en témoignent des chercheurs de l'IRD

Les principales techniques de pêche utilisées pour leur capture :

- La pêche à la senne. La senne est un filet qui encercle le banc de thon sur une profondeur d'environ 200 m. La longueur des plus grandes est de l'ordre de 1km5. Les navires, de capacité souvent importante, sont des thoniers-senneurs qui congèlent le thon à bord. Ils pratiquent trois "modes de pêche" principaux : sur bancs libres (les mattes), sur objets flottants (épaves) ou associée à des dauphins. Les objets flottants sont souvent placés artificiellement pour attirer les poissons (DCP : dispositif de concentration de poissons).

- La pêche à la palangre flottante : ce sont de longues lignes dormantes (souvent plus de 100 km de long) munies d'hameçons à appâts morts et placées entre 100 et 400 mètres de profondeur. Cette pêche est pratiquée par des palangriers de tonnage très variable selon les flottilles.

-  La pêche à la canne à l'appât vivant pratiquée par les canneurs. Cette dernière technique nécessite un équipage nombreux.

Source : Société française pour le Droit international (SFDI)

* 1 Voir le texte annexé au document Sénat n°139 (2004-2005)

* 2 Texte transmis par le Gouvernement pour l'information des parlementaires.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page