IV. L'INDISPENSABLE AMÉLIORATION DES ACTIVITÉS DE LA PLACE FINANCIÈRE MONÉGASQUE

Depuis 1945, il existe une très large intégration financière entre Monaco et la France. Cette intégration est totale en matière monétaire (Monaco utilisait le franc, et utilise désormais l'euro depuis la convention monétaire du 26 décembre 2001). Elle est forte en matière bancaire : les banques monégasques sont ainsi soumises au droit bancaire français, agréées par le CECEI (Comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement) et contrôlées par la Commission bancaire, sauf en matière de blanchiment, domaine qui relève d'une autorité monégasque (le SICCFIN). En outre, les autorités monégasques participent à l'élaboration de la réglementation financière française. Par ailleurs, en matière fiscale et douanière, les fonctions sont remplies par des fonctionnaires français en détachement.

Un certain nombre de difficultés ont conduit à réexaminer cette situation, et les relations se sont récemment tendues. Le rôle de places financières telles que celle de Monaco, qui font figure de « paradis fiscaux », a été critiqué par de nombreux organismes internationaux, dans le cadre du renforcement de la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. Une mission d'étude de l'Assemblée nationale a publié un rapport très sévère sur ce thème en 2000. En effet, Monaco joue, en la matière, de l'ambiguïté des textes applicables 2 ( * ) .

Un rapport du Directeur du Trésor sur les relations économiques et financières avec Monaco a dressé, en octobre 2000, un état des lieux objectif des relations économiques et financières entre la France et la Principauté de Monaco. Ce rapport met en évidence un certain nombre d'insuffisances et souvent un écart important entre le droit et la pratique monégasque, en particulier dans les domaines où Monaco a développé un droit et des autorités de contrôle spécifiques (lutte contre le blanchiment et activités financières sur titres). Le rapport du directeur du Trésor a donc formulé des propositions d'action afin de remédier à ces insuffisances.

Une partie de ces propositions a pu être mise en oeuvre dans le cadre de la négociation de l'accord sur l'introduction de l'euro à Monaco. D'autres, notamment dans le domaine fiscal, ont pu être réglées dans le cadre d'une mission de suivi de ce rapport (mission « Rouvillois-Cailleteau » de 2001).

Le principal sujet de discussion qui demeure ouvert aujourd'hui entre les autorités monégasques et la direction du Trésor concerne la question de la mise à niveau de la législation financière à Monaco en vue, notamment, de l'adhésion des établissements monégasques au système français de garantie des investisseurs demandée par la partie monégasque. La France est prête à admettre que Monaco ait un droit et des autorités de contrôle propres en matière financière, faisant ainsi droit à une demande monégasque très ancienne et difficilement compatible avec les textes de 1945 3 ( * ) . En contrepartie, Monaco doit admettre que ses autorités de contrôle aient un pouvoir de sanction autonome, conformément aux standards internationaux. Monaco s'y refusait, arguant d'un obstacle constitutionnel. Ceci n'est pas compatible avec sa demande d'adhésion au fonds de garantie des titres.

Une solution de compromis semble s'être dégagée : les commissions de contrôle prononceraient les sanctions et le Ministre d'Etat aurait quinze jours pour s'y opposer. Cette solution semble intéressante, mais doit encore être précisée en ce qui concerne notamment la motivation de l'opposition du Ministre d'Etat, et présentée aux instances de gouvernance du fonds de garantie des titres.

Par ailleurs, la convention monétaire relative à l'introduction de l'euro à Monaco, conclue le 26 décembre 2001, a marqué une étape importante dans le rapprochement du droit interne de la Principauté avec le droit européen. Les engagements pris par Monaco à cette occasion notamment en matière de lutte contre le blanchiment et de fiscalité de l'épargne sont fondamentaux. Il convient aujourd'hui d'assurer la mise en oeuvre concrète de ses principales dispositions.

Concernant le volet fiduciaire de l'accord, la Principauté s'est engagée à collaborer étroitement avec la communauté européenne pour lutter contre la contrefaçon et à réprimer et sanctionner toute contrefaçon éventuelle de billets et de pièces libellés en euro.

Concernant le volet bancaire et financier de la convention, l'intégration monétaire complète de Monaco à la zone euro, et notamment l'accès direct de ses établissements de crédit aux systèmes de paiement de l'Union européenne, rendent indispensable la mise en conformité du droit monégasque avec de nombreuses dispositions communautaires . Il convient notamment de prendre les mesures nécessaires afin d'intégrer dans le droit interne de la Principauté les dispositions indispensables au bon fonctionnement des systèmes de paiement. La Principauté doit notamment se montrer vigilante concernant les modifications des textes communautaires rendus directement applicables par la convention, qu'elle s'est engagée à adopter. Le contrôle du respect de ces engagements intervient dans le cadre du comité mixte de la convention monétaire dont la deuxième réunion s'est tenue le 17 juin 2004.

Des avancées significatives en matière législative et réglementaire ont été obtenues dans le cadre de la mission Rouvillois-Cailleteau et de la convention monétaire relative à l'introduction de l'euro à Monaco du 26 décembre 2003 4 ( * ) . En outre, un accord de coopération entre le SICCFIN et la Commission bancaire a été conclu en 2003 en vue notamment d'organiser un échange d'informations et des contrôles coordonnés au sein des établissements monégasques.

Par ailleurs, Monaco s'est mis en situation d'appliquer les dispositions réglementaires françaises en matière de contrôle des chèques pour la prévention du blanchiment et du financement du terrorisme. Une telle évolution était nécessaire du fait de la participation des établissements de crédit monégasques au système électronique d'échange d'images-chèques français.

Le dispositif de lutte contre le blanchiment et le financement de Monaco a fait l'objet d'une évaluation par le FMI au titre de ses travaux sur les centres offshore et d'une évaluation par Moneyval (groupe régional de type GAFI -groupe d'action financière- rattaché au Conseil de l'Europe). Ces deux évaluations ont souligné que la législation monégasque est globalement conforme aux normes internationales. Ils ont néanmoins souligné la nécessité de renforcer le dispositif pénal notamment en ce qui concerne la lutte contre le financement du terrorisme, la confiscation des produits du crime et l'extension du champ des infractions sous-jacentes au délit de blanchiment. Ils ont également recommandé la nécessité d'une réflexion sur l'adéquation des moyens de SICCFIN au regard de ses missions. Enfin, le rapport de Moneyval relève la mise en oeuvre inégale par les banques des mesures d'identification des clients, notamment dans le cas de clients non-résidents avec lesquels les opérations se font à distance.

Ainsi, Monaco s'est mis à niveau quant à sa réglementation en la matière. Il convient désormais que la pratique de la lutte contre le blanchiment soit conforme aux meilleurs standards internationaux.

En conséquence, et sous le bénéfice de ces observations, je vous propose d'adopter le présent projet de loi.

* 2 Les banques monégasques sont soumises au contrôle de la Commission bancaire, mais celle-ci n'est pas compétente pour contrôler le blanchiment de capitaux.

* 3 Les autorités françaises ont toujours considéré que le texte de l'échange de lettre de 1945 couvre non seulement le droit bancaire mais aussi l'ensemble du droit financier non-bancaire. Dans ces conditions, l'acceptation d'une transposition en droit monégasque des dispositions de la loi françaises en matière de droit financier implique le renoncement, pour les autorités françaises, à voir s'appliquer directement à Monaco le code monétaire et financier dans ses dispositions en matière de droit financier non-bancaire.

* 4 Monaco s'est en effet engagé, dans la Convention monétaire, à adopter des mesures de lutte contre le blanchiment de capitaux équivalentes aux normes communautaires en la matière. Cet engagement a été renouvelé vis-à-vis de la France dans le cadre de l'échange de lettre de 2003 avec le SICCFIN.

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