Rapport n° 456 (2004-2005) de M. Philippe MARINI , fait au nom de la commission des finances, déposé le 6 juillet 2005

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N° 456

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2004-2005

Annexe au procès-verbal de la séance du 6 juillet 2005

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi, MODIFIÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , portant diverses dispositions d' adaptation au droit communautaire dans le domaine des marchés financiers ,

Par M. Philippe MARINI,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis, président ; MM. Claude Belot, Marc Massion, Denis Badré, Thierry Foucaud, Aymeri de Montesquiou, Yann Gaillard, Jean-Pierre Masseret, Joël Bourdin, vice-présidents ; M. Philippe Adnot, Mme Fabienne Keller, MM. Michel Moreigne, François Trucy secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; MM.  Bernard Angels, Bertrand Auban, Jacques Baudot, Mme Marie-France Beaufils, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Mme Nicole Bricq, MM. Auguste Cazalet, Michel Charasse, Yvon Collin, Philippe Dallier, Serge Dassault, Jean-Pierre Demerliat, Eric Doligé, Jean-Claude Frécon, Yves Fréville, Paul Girod, Adrien Gouteyron, Claude Haut, Jean-Jacques Jégou, Roger Karoutchi, Alain Lambert, Gérard Longuet, Roland du Luart, François Marc, Michel Mercier, Gérard Miquel, Henri de Raincourt, Michel Sergent, Henri Torre, Bernard Vera.

Voir les numéros :

Sénat : Première lecture : 267 , 309 et T.A. 101 (2004-2005)

Deuxième lecture : 432 (2004-2005)

Assemblée nationale ( 12 ème législ.) : 2281 , 2351 et T.A. 457

Union européenne.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Votre commission des finances a examiné en deuxième lecture le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine des marchés financiers, tel qu'il résulte des délibérations de l'Assemblée nationale, sur le rapport de notre collègue député Richard Mallié au nom de la commission des finances.

Ce projet de loi, qui prévoit de transposer les conséquences législatives du dispositif communautaire relatif à l'abus de marché 1 ( * ) , et d'habiliter le gouvernement à prendre par ordonnance les mesures législatives de transposition de la directive 2004/39/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 concernant les marchés d'instruments financiers, s'inscrit dans un processus continu de modernisation des marchés financiers . Amorcé avec la loi de la loi de sécurité financière du 1 er août 2003 (n° 2003-706), celui-ci s'est traduit par de multiples initiatives, qu'il s'agisse du projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie dont le Sénat a débattu les 4 et 5 juillet derniers, ou du projet de loi portant divers dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de l'assurance, examiné en commission des finances le 7 juin dernier mais non encore inscrit à l'ordre du jour du Sénat.

En dépit des vicissitudes institutionnelles, l'espace économique européen se construit à mesure que se mettent en place des marchés toujours plus unifiés et intégrés : c'est le cas au niveau des marchés financiers, pour le plus grand profit de l'économie réelle, qui peut donc trouver les moyens de financer les investissements, gages de la modernisation de nos économies et donc du maintien de notre niveau de vie comme de notre capacité à faire face à la concurrence internationale.

Cette Europe-là progresse tous les jours, sans que le législateur n'ait parfois même à intervenir, comme en témoigne le fait qu'une large part des dispositions du règlement et des quatre directives communautaires relatifs à l'abus de marché, à caractère réglementaire, a déjà été transposée dans le règlement général de l'Autorité des marchés financiers (AMF).

D'où l'intérêt de ces textes qui donnent l'occasion au Parlement de manifester l'attention qu'il porte aux textes conçus à Bruxelles en accélérant l'introduction en droit français de directives communautaires - ce que votre commission des finances a fait en introduisant l'article 6 du présent projet de loi 2 ( * ) - alors que la France a tendance à se singulariser par le retard qu'elle prend en matière de transposition.

Au-delà de leur caractère extrêmement technique, ces dispositions affectent de façon importante et concrète l'environnement des professionnels des marchés financiers , et, à travers eux, les épargnants eux-mêmes auxquels il s'agit d'apporter des garanties et, plus généralement, des possibilités nouvelles de nature à leur permettre de bénéficier pleinement de la libéralisation des marchés financiers.

A cet égard, on ne saurait trop insister sur la révolution que constitue le changement du mode d'organisation des marchés qui, sous l'influence anglo-saxonne, ne reposeront plus sur le primat de la concentration des ordres sur des marchés réglementés, mais sur la coexistence de plusieurs modes d'exécution des transactions.

Sur sept articles, cinq restent en discussion à l'issue de la première lecture de ce texte par l'Assemblée nationale.

Pour une première série d'articles, il ne s'agit que d'amendements de précision rédactionnelle ou de coordination . Tel est le cas de :

1°) l'article premier, qui créé une obligation de déclaration, imposée aux intermédiaires financiers, des opérations suspectes portant sur des instruments financiers cotés, sur le modèle de ce qui existe en matière de blanchiment des capitaux ;

2°) l'article 2, qui procède à diverses coordinations pour tenir compte de l'article premier ;

3°) l'article 4, qui tend à compléter le code monétaire et financier en vue de l'établissement d'une liste d'initiés par les émetteurs et certains tiers ;

4°) l'article 5, transposant par ordonnance la directive 2004/39/CE relative aux marchés d'instruments financiers.

La novation introduite par l'Assemblée nationale à l'initiative de notre collègue député Richard Mallié, contre l'avis du gouvernement, concerne l'article 3 qui a trait à l'obligation de déclaration des opérations effectuées par les dirigeants d'un émetteur - ainsi que par les personnes qui leur sont liées - sur les titres dudit émetteur .

Celui-ci a considéré qu'il fallait, comme l'avait proposé initialement votre commission des finances à l'initiative de votre rapporteur général, prévoir que les personnes physiques effectueraient directement leur déclaration à l'AMF, et non par l'intermédiaire des émetteurs .

Votre rapporteur général approuve ces dispositions qui correspondent à la conception qu'il a souhaité faire prévaloir dans ses propositions initiales. Il y a là, selon lui, un facteur de simplification des procédures.

Sous réserve de ces observations et compte tenu de ce que l'Assemblée nationale a accepté les apports du Sénat en première lecture , votre commission des finances vous demande d'adopter conforme le présent projet de loi.

EXAMEN DES ARTICLES

ARTICLE PREMIER

Déclaration d'opérations suspectes à l'Autorité des marchés financiers

Commentaire : le présent article crée une obligation de déclaration, imposée aux intervenants professionnels sur les marchés financiers et établie auprès de l'Autorité des marchés financiers (AMF), des opérations suspectes portant sur des instruments financiers cotés.

I. LE VOTE DU SÉNAT

En application des dispositions de la directive cadre « abus de marché » du 28 janvier 2003 3 ( * ) et des articles 7 à 11 de la directive d'application 2004/72/CE du 29 avril 2004 4 ( * ) , le présent article instaure une obligation de déclaration à l'AMF des opérations suspectes portant sur des instruments financiers cotés, inspirée du mécanisme de lutte contre le blanchiment des capitaux . Sont ainsi successivement abordés les conditions de l'obligation de déclaration et les personnes qui y sont assujetties, les modalités d'échange d'informations entre l'AMF et le parquet, le contenu de la déclaration, le régime de confidentialité et de responsabilité 5 ( * ) des personnes procédant à la notification et destinataires de celle-ci, et la procédure d'échange d'informations entre l'AMF et une autorité compétente d'un autre Etat membre de la Communauté européenne.

Lors de son examen en première lecture, le Sénat, à l'initiative de votre rapporteur général et avec l'avis favorable du gouvernement, a adopté quatre amendements tendant à :

- parfaire la transposition des dispositions communautaires dans le texte proposé pour l'article L. 621-17-1, en précisant que la déclaration d'opérations suspectes concerne non seulement les opérations portant sur des instruments financiers cotés sur un marché réglementé, mais encore sur ceux dont l'admission à une telle cote est sollicitée ;

- modifier le texte proposé pour l'article L. 621-17-3 du code monétaire et financier, afin de rendre obligatoire, et non pas facultative, la demande formulée par l'AMF de confirmation écrite d'une déclaration orale. Il a en effet été jugé que cette disposition était à la fois plus proche de l'esprit du texte de la directive, renforçait la responsabilité de l'AMF et prévenait un recours abusif aux notifications sans fondement ;

- modifier la rédaction proposée pour l'article L. 621-17-4 du code monétaire et financier, afin de parfaire la transposition des mesures communautaires et de préciser que les dirigeants ou préposés des personnes établissant la déclaration ne peuvent porter à la connaissance de quiconque , et non pas uniquement des personnes soupçonnées, l'existence de la déclaration ou les suites réservées à celle-ci ;

- préciser enfin, dans le texte proposé pour l'article L. 621-17-5 du code précité, les modalités de transmission, par l'AMF, d'informations à une autorité de tutelle d'un autre Etat membre, lorsque les opérations ayant fait l'objet de la déclaration relèvent de la compétence de cette autorité. Il a été proposé, dans un souci de parallélisme des formes, que ces compléments d'information soient d'abord communiqués à l'AMF , qui les transmet ensuite à l'autorité étrangère compétente.

II. LES MODIFICATIONS ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

A l'initiative de notre collègue député Richard Mallié, rapporteur au nom de la commission des finances, et avec l'avis favorable du gouvernement, l'Assemblée nationale a confirmé les modifications proposées par le Sénat et adopté six amendements de coordination ou de précision :

- un amendement tendant à remplacer , dans le II du présent article, les références aux articles L. 621-17-1 à L. 621-17-6 du code monétaire et financier, par des références aux articles L. 621-17-2 à L. 621-17-7, dans la mesure où la référence à l'article L. 621-17-1 est déjà utilisée par l'article 8 du projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie, dont l'examen en première lecture par le Sénat a eu lieu les 4 et 5 juillet 2005 ;

- un amendement rédactionnel tendant à substituer deux fois, dans le texte proposé pour l'article L. 621-17-1, les termes « aux négociations » sur un marché réglementé aux termes « à la négociation », conformément à la lettre de la directive 2004/72/CE ;

- quatre amendements précisant que certains articles auxquels le présent article fait référence se rapportent au code monétaire et financier.

Notre collègue député Richard Mallié a retiré un amendement , auquel le gouvernement était défavorable, permettant aux personnes physiques employées par un intermédiaire financier assujetti à l'obligation de déclaration, ainsi qu'aux associations d'actionnaires, de procéder à une déclaration de soupçon auprès de l'AMF.

Faisant référence au débat sur le « whistleblowing » 6 ( * ) et au régime existant en matière de prévention du blanchiment d'argent, Mme Christine Lagarde, ministre déléguée au commerce extérieur, a fait valoir qu'une telle faculté offerte aux salariés risquerait d'introduire une dilution des responsabilités et de créer au sein des intermédiaires financiers des conflits entre l'employeur et ses salariés , et n'était pas conforme à la lettre de la directive comme à la logique de la réglementation française applicable aux prestataires de services d'investissement, qui est de confier non aux personnes physiques mais à la personne morale la responsabilité de l'organisation et du respect des règles professionnelles. S'agissant des associations d'actionnaires, elle a indiqué que l'article L. 621-19 du code monétaire et financier leur permettait déjà de saisir l'AMF de faits dont elles étaient informées et qui leur paraissaient devoir être sanctionnés.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur général n'a pas d'observations particulières à formuler sur ces amendements de précision et approuve la rédaction proposée par l'Assemblée nationale.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 2

Coordination

Commentaire : le présent article procède à une coordination au sein du code monétaire et financier, afin de tenir compte des dispositions de l'article premier relatives à la notification d'opérations suspectes.

Par coordination, cet article tend à insérer dans le second alinéa de l'article L. 532-18 du code monétaire et financier une référence aux articles L. 621-17-1 à L. 621-17-6 du même code, afin que les personnes physiques ou morales agréées à l'étranger et établies en France en libre prestation de services d'investissement, puissent être également soumises à l'obligation de déclaration d'opérations suspectes prévue par l'article premier du présent projet de loi.

En première lecture, le Sénat a adopté cet article sans modification.

Sur proposition de notre collègue député Richard Mallié, rapporteur au nom de la commission des finances, et avec l'avis favorable du gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté un amendement de coordination avec la nouvelle numérotation des articles du code monétaire et financier proposés par l'article premier du présent projet de loi.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 3

Adaptation du régime de déclaration d'opérations sur titres effectuées par les dirigeants d'un émetteur et les personnes qui leur sont liées

Commentaire : le présent article a pour objet d'actualiser les dispositions de l'article L. 621-18-2 du code monétaire et financier, issu de la loi de sécurité financière du 1 er août 2003 et relatif à l'obligation de déclaration des opérations effectuées par les dirigeants d'un émetteur, et les personnes qui leur sont liées, sur les titres de cet émetteur.

I. LE VOTE DU SÉNAT

Conformément aux dispositions de l'article 6 de la directive cadre « abus de marché » du 28 janvier 2003 et des articles premier et 6 de la directive d'application 2004/72/CE du 29 avril 2004, précitées, le présent article modifie l'article L. 621-18-2 du code monétaire et financier, qui avait été introduit par l'article 122 de la loi n° 2003-706 du 1 er août 2003 de sécurité financière, afin d'étendre les champs rationae personae et rationae materiae de l'obligation de déclaration à l'AMF des opérations effectuées sur les titres d'un émetteur coté. Cette obligation vise ainsi également les instruments financiers liés aux titres de l'émetteur, et concerne trois catégories de personnes ayant réalisé ces opérations :

- les membres des organes sociaux de l'émetteur ;

- toute autre personne exerçant un pouvoir de décision sur l'évolution et la stratégie de l'émetteur et disposant d'un accès régulier à des informations privilégiées concernant directement ou indirectement cet émetteur ;

- et les personnes ayant « des liens personnels étroits » avec les personnes sus-mentionnées, notion précisée par un communiqué de l'AMF du 27 décembre 2004 et par un futur décret en Conseil d'Etat.

Le présent article tend également à alléger la responsabilité de l'émetteur au regard de la collecte des informations portant sur les transactions qui font l'objet de la notification à l'AMF.

Lors de l'examen en première lecture du présent projet de loi, votre rapporteur général avait proposé un amendement de réécriture de l'article L. 621-18-2 du code monétaire et financier, comportant les trois dispositions suivantes :

- il faisait peser sur les seules personnes physiques l'obligation de déclaration et de transmission à l'AMF des transactions qu'elles réalisent sur les titres d'une personne faisant appel public à l'épargne à laquelle elles sont liées. L'émetteur ne devait donc plus être soumis à l'obligation de centralisation et de communication à l'AMF de ces transactions. L'amendement prévoyait également que les déclarants adressent une copie de leur déclaration à l'émetteur, et que l'AMF assure la publicité des déclarations qui lui sont transmises ;

- il tendait à réorganiser d'une manière plus lisible le deuxième alinéa de l'article L. 621-18-2 précité, afin de bien distinguer les trois catégories de personnes physiques sur lesquelles pèse l'obligation de déclaration des transactions, c'est-à-dire les dirigeants sociaux, les responsables de haut niveau exerçant un pouvoir décisionnel et disposant d'un accès régulier à des informations privilégiées sur l'émetteur, et les personnes entretenant des liens personnels étroits avec les précédentes ;

- il précisait enfin que l'information privilégiée détenue par les personnes soumises à l'obligation de déclaration concerne « directement ou indirectement » l'émetteur, conformément à la rédaction du point 1 de l'article premier de la directive 2004/72/CE du 29 avril 2004.

Lors des débats en séance, votre rapporteur général avait souhaité obtenir des précisions sur la responsabilité éventuelle encourue par les émetteurs lors de l'acte de transmission à l'AMF des informations qu'ils reçoivent des déclarants personnes physiques, considérant en particulier les dispositions communautaires, qui font peser l'obligation de déclaration sur ces personnes physiques.

M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, avait alors précisé que le responsable était bien le déclarant, mais qu'il semblait préférable au gouvernement que la transmission de l'information ne fut pas effectuée directement à l'AMF, mais via l'émetteur . Votre rapporteur général avait alors indiqué que cette démarche devait être comprise comme attribuant aux émetteurs une tâche purement matérielle de recensement, sans contrôle sur les déclarations et n'affectant pas l'intégrité de l'information issue des personnes physiques elles-mêmes.

Le Sénat avait dès lors adopté une version rectifiée de cet amendement , maintenant la disposition du projet de loi initial relative à la transmission des informations via l'émetteur, tout en conservant les autres dispositions de clarification prévues dans l'amendement.

II. LES MODIFICATIONS ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

A l'initiative de notre collègue député Richard Mallié, rapporteur au nom de la commission des finances, et avec l'avis défavorable du gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté un amendement tendant à rétablir la proposition initiale du Sénat , relative à la transmission des déclarations à l'AMF, directement par les personnes physiques elles-mêmes et non via les émetteurs.

Notre collègue député Richard Mallié a en effet considéré que cette déclaration directe auprès de l'AMF, avec copie à l'émetteur (afin que l'entreprise sache bien que des cadres dirigeants ont vendu ou acheté des titres), constituait un réel facteur de simplification et permettait de lever certaines interrogations portant sur le délai de cinq jours comme d'éviter que la responsabilité de la transmission ne soit in fine reportée sur l'émetteur , ce qui serait contraire à l'esprit du dispositif.

Mme Christine Lagarde, ministre délégué au commerce extérieur, a néanmoins estimé que le système actuel de déclaration via l'émetteur fonctionnait et répondait à un souci de pragmatisme 7 ( * ) . Elle a également précisé que l'émetteur ne pouvait être ni tenu pour responsable ni sanctionné s'il n'avait pas effectué des déclarations pour lesquelles il n'aurait pas été informé dans les temps.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur général approuve les dispositions adoptées par l'Assemblée nationale , qui correspondent à la conception qu'il avait initialement souhaité faire prévaloir. La transmission directe par les personnes physiques permet en effet de lever toute éventuelle ambiguïté sur la responsabilité des émetteurs , et constitue un facteur de simplification des procédures.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 4

Etablissement d'une liste d'initiés par les émetteurs et certains tiers

Commentaire : le présent article complète le code monétaire et financier pour créer une obligation d'établissement d'une liste d'initiés par les émetteurs et les tiers entretenant des relations professionnelles avec ces derniers.

I. LE VOTE DU SÉNAT

En application de l'article 6 de la directive cadre « abus de marché » du 28 janvier 2003 et de l'article 5 de la directive d'application 2004/72/CE du 29 avril 2004, précitées, le présent article impose l'établissement, l'actualisation et la transmission à l'AMF d'une liste d'initiés, c'est-à-dire des personnes travaillant au sein d'un émetteur coté et des tiers entretenant des relations professionnelles avec ce dernier, qui ont accès à des informations privilégiées concernant directement ou indirectement cet émetteur . Cette obligation doit être remplie non seulement par les émetteurs, mais encore par les tiers précités tels que les avocats ou banques conseillant l'entreprise, dans le cadre d'un système décentralisé de déclaration incluant ainsi l'ensemble des collaborateurs et consultants directs ou indirects des émetteurs.

Elle ne s'impose pas, en revanche, aux analystes et journalistes financiers comme aux collaborateurs des agences de notation , dans la mesure où ils ne sont pas réputés disposer d'informations privilégiées sur l'émetteur.

Sur proposition de votre rapporteur général, et avec l'avis favorable du gouvernement, le Sénat a adopté un amendement tendant à préciser que les informations privilégiées auxquelles ont accès les personnes inscrites sur la liste d'initiés concernent « directement ou indirectement » l'émetteur, conformément à la rédaction du point 1 de l'article 5 de la directive 2004/72/CE précitée.

II. LES MODIFICATIONS ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

A l'initiative de notre collègue député Richard Mallié, rapporteur au nom de la commission des finances, et avec l'avis favorable du gouvernement, l'Assemblée nationale a confirmé la modification proposée par le Sénat et adopté un amendement rédactionnel , analogue à l'un de ceux adopté à l'article premier, substituant les termes « aux négociations » sur un marché réglementé aux termes « à la négociation ».

Notre collègue député Richard Mallié a retiré un amendement , auquel le gouvernement était défavorable, prévoyant que le champ de pouvoir de sanction de l'AMF, défini par l'article L. 621-15 du code monétaire et financier, inclue explicitement la bonne tenue des listes d'initiés par les émetteurs et certains tiers. Mme Christine Lagarde, ministre délégué au commerce extérieur, a précisé que l'article 10 du projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie, tel que modifié par l'Assemblée nationale, aménageait cet article afin d'inclure sans ambiguïté dans le champ du pouvoir de sanction de l'AMF l'ensemble des obligations créées en vue de prévenir les opérations d'initiés, la fausse information ou les manipulations de cours. Cet article a été adopté conforme par le Sénat, lors de l'examen de ce projet de loi les 4 et 5 juillet 2005.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur général approuve la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale pour le présent article.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 5

Transposition par ordonnance de la directive 2004/39/CE relative aux marchés d'instruments financiers

Commentaire : le présent article a pour objet d'habiliter le gouvernement à transposer par ordonnance la directive 2004/39/CE concernant les marchés d'instruments financiers. Cette directive tend en particulier à consolider l'harmonisation du cadre juridique des services et entreprises d'investissement, et consacre l'existence de modes de négociation des ordres autres que ceux transitant par les marchés réglementés.

I. LE VOTE DU SÉNAT

Le présent article propose d'habiliter le gouvernement à prendre les mesures techniques de transposition de la directive 2004/39/CE du 21 avril 2004 concernant les marchés d'instruments financiers, dite « directive MIF », dont l'échéance de transposition a été reportée de six mois, au 31 octobre 2006. Cette transposition devra tenir compte des dispositions d'application, encore en cours d'élaboration, précisées par les niveaux 2 et 3 du « processus Lamfalussy ».

Rappelons que cette directive, qui a donné lieu à d'âpres négociations entre les tenants du marché régi par les prix (configuration essentiellement anglo-saxonne) ou par les ordres, constitue la pièce maîtresse du Plan d'action pour les services financiers mis en oeuvre par la Commission européenne entre 2000 et 2004, car elle exerce un impact majeur sur la conception des marchés financiers, en ce qu'elle consacre l'existence de trois modes distincts d'exécution des ordres : sur un marché réglementé, sur un système multilatéral de négociation non réglementé, ou directement par un prestataire de services d'investissement dans le cadre d'un système bilatéral internalisé.

En outre, la directive rénove et complète la réglementation afférente aux services d'investissement , dont elle propose une nouvelle définition, et précise les règles de conduite des entreprises d'investissement, en permettant notamment de mieux proportionner leurs obligations selon la nature professionnelle ou non du client, point qui avait été mal pris en compte par la directive sur les services d'investissement du 10 mai 1993.

Sur proposition de votre rapporteur général, et avec l'avis favorable du gouvernement, le Sénat a adopté un amendement de réécriture du présent article, afin d'y intégrer deux dispositions :

- l'insertion d'un I tendant à proposer l'abrogation des articles L. 421-12 et L. 421-13 du code monétaire et financier, relatifs à la centralisation des ordres sur les marchés réglementés . Le Sénat a en effet jugé nécessaire que cette conséquence majeure de la directive MIF sur l'organisation de nos marchés financiers puisse figurer explicitement dans le présent projet de loi, plutôt que dans l'ordonnance de transposition, et suscite ainsi un débat parlementaire cohérent avec les enjeux de la transposition. Par coordination, il a également été proposé que cette abrogation prenne effet au même moment que les autres mesures législatives et réglementaires de transposition, soit à compter de la date d'entrée en vigueur de l'ordonnance ;

- un encadrement plus précis du champ de l'habilitation à transposer la directive MIF, afin de renforcer les garanties de prévention de certains risques inhérents au nouveau cadre des marchés. Le Sénat a ainsi adopté une formulation disposant que « dans ce cadre, (le gouvernement) veille plus particulièrement à définir les principes et modalités garantissant la meilleure exécution possible des ordres et la fluidité de leur circulation entre les infrastructures de marché, la prévention des conflits d'intérêt au sein des prestataires de services d'investissement, et une définition équitable des dérogations accordées à la transparence des négociations ».

II. LES MODIFICATIONS ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

A l'initiative de notre collègue député Richard Mallié, rapporteur au nom de la commission des finances, et avec l'avis favorable du gouvernement, l'Assemblée nationale a confirmé la rédaction proposée par le Sénat et adopté un amendement de coordination , prévoyant l'abrogation du 3° du VII de l'article L. 621-7 du code monétaire et financier, relatif au champ d'application du règlement général de l'AMF, qui fait référence aux conditions de dérogation à l'obligation de centralisation des ordres prévue à l'article L. 421-12 précité.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur général n'a pas d'observations particulières à formuler sur cet amendement et approuve la rédaction proposée par l'Assemblée nationale.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 6 juillet 2005, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président , la commission a procédé à l'examen, en deuxième lecture, sur le rapport de M. Philippe Marini, rapporteur général , du projet de loi n° 267 (2004-2005) portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine des marchés financiers.

Après un exposé liminaire de M. Philippe Marini, rapporteur général , rappelant les principales dispositions de ce texte et les apports du Sénat en première lecture, elle a adopté conforme ce projet de loi, dans sa rédaction telle qu'adoptée par l'Assemblée nationale en première lecture.

* 1 Qui, rappelons le, comporte une directive-cadre 2003/6/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2003 sur les opérations d'initiés et les manipulations de marché (directive dite « abus de marché »), et quatre textes d'application, dont un règlement communautaire n° 2273/2003 de la Commission du 22 décembre 2003 portant modalités d'application de la directive 2003/6/CE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les dérogations prévues pour les programmes de rachat et la stabilisation d'instruments financiers.

* 2 Cet article introduit à l'initiative de votre commission des finances, a pour objet de proposer la ratification explicite de deux ordonnances portant, respectivement, sur la transposition de la directive 2002/87/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2002 relative à la surveillance complémentaire des établissements de crédit, des entreprises d'assurance et des entreprises d'investissement appartenant à un conglomérat financier (ordonnance n° 2004-1201), et sur la simplification des règles de transfert de propriété des instruments financiers (ordonnance n° 2005-303).

* 3 Directive 2003/6/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2003 sur les opérations d'initiés et les manipulations de marché.

* 4 Directive 2004/72/CE de la Commission du 29 avril 2004 portant modalités d'application de la directive 2003/6/CE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les pratiques de marché admises, la définition de l'information privilégiée pour les instruments dérivés sur produits de base, l'établissement de listes d'initiés, la déclaration des opérations effectuées par les personnes exerçant des responsabilités dirigeantes et la notification des opérations suspectes.

* 5 Afin de préserver l'efficacité du dispositif et l'incitation des intermédiaires financiers à procéder aux déclarations et à faire preuve de prudence, les déclarants de bonne foi bénéficient d'une protection juridique élevée par la limitation de leur responsabilité pénale et civile, sauf concertation frauduleuse avec l'auteur de l'opération litigieuse.

* 6 Cet anglicisme désigne la faculté, pour des salariés ou des fonctionnaires, de « donner l'alerte » ou de transmettre à une instance des faits jugés délictueux constatés, par exemple, sur le lieu de travail.

* 7 La ministre déléguée a ainsi déclaré :

« Le rôle central joué par l'émetteur permet de limiter les échanges entre de multiples déclarants et l'AMF. Contrairement à la plupart des personnes physiques, les émetteurs ont mis en place des canaux permettant de transmettre à l'AMF toutes sortes d'informations légales. Ce texte, rappelons-le, ne s'applique qu'à des sociétés cotées, qui sont par conséquent équipées pour s'acquitter de leurs obligations à l'égard de l'AMF, même si toutes n'ont pas de « déontologue ». C'est pourquoi, dans la pratique, le délai de communication de cinq jours prévu par la directive pourra être respecté ».

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