B. LE BILAN DE L'APPLICATION DE LA LOI

Le dispositif adopté en 1999 a permis l'augmentation du nombre des contrôles antidopage diligentés en France. Trois points font pourtant l'objet de préoccupations :

- l'ineffectivité des sanctions prononcées par les fédérations sportives ;

- la relative inefficacité des moyens de prévention ;

- les graves lacunes dans le domaine de la recherche.

1. Le renforcement des contrôles et de l'action disciplinaire, sous réserve de l'ineffectivité des sanctions

La France est l'un des pays du monde qui organise le plus de contrôles antidopage. Le nombre de contrôles en France est en constante augmentation : en 2004, 8 915 contrôles ont été diligentés , soit près de 10 % de plus qu'en 2003 et environ 12 % de plus qu'en 2000.

A titre de comparaison :

- l'agence antidopage américaine a diligenté 8 051 contrôles en 2004, dont 421 pour le compte d'autres organisations antidopage ;

- au Royaume-Uni, 5 770 contrôles ont été organisés entre octobre 2003 et septembre 2004 ;

- en 2003, l'Agence mondiale antidopage avait mené 5 004 contrôles.

Cette performance n'a pu être atteinte que grâce au renforcement des capacités d'analyse du Laboratoire national de dépistage du dopage (LNDD) de Châtenay-Malabry : réalisant près de 9 000 contrôles par an, il a été classé à la première place en termes d'expertises et de résultats par le CIO (Comité international olympique).

S'agissant du taux de sanction, il varie en France selon les substances en cause : en 2003, 209 des 513 échantillons déclarés positifs par le laboratoire de dépistage ont abouti à une sanction à l'encontre du sportif prélevé, soit un taux d'environ 40 %. Autrement dit, 60 % des contrôles positifs ne se traduisent pas par des sanctions disciplinaires, et ne constituent donc pas légalement des cas de dopage.

La principale explication réside dans la production par les sportifs de justificatifs thérapeutiques : près de la moitié des échantillons « positifs » ont conduit à la présentation de ces justificatifs. L'ampleur du phénomène conduit légitimement à s'interroger sur l'authenticité des justifications médicales avancées.

Quant aux sanctions prononcées, leur mise en oeuvre effective reste un sujet de préoccupation.

D'une part, le sportif peut ignorer la sanction : il convient tout d'abord de rappeler à cet égard que le sportif qui ne respecterait pas une décision d'interdiction prononcée à son encontre est passible d'un emprisonnement de six mois et d'une amende de 7 500 euros, en vertu de l'article L. 3633-2 du code de la santé publique 12 ( * ) . Il faut pour cela que le Procureur de la République soit saisi, ce qui est rare en pratique.

D'autre part, les fédérations tolèrent certaines pratiques pourtant interdites : en 2003, les organes disciplinaires des fédérations sportives ont assorti du sursis total les sanctions qu'ils ont prononcées en cas de prise de cannabis notamment, alors même que le cannabis est une substance strictement interdite.

Le CPLD n'a pas manqué de s'inquiéter de cette situation : au cours de l'année 2004, le Conseil a décidé de s'auto-saisir de l'ensemble des dossiers pour lesquels aucune interdiction « ferme » de participer à des compétitions n'avait été prononcée à l'encontre de sportifs convaincus de prise de cannabis.

Le pouvoir d'auto-saisine du Conseil ne pouvant répondre à l'ensemble des cas, il importe aujourd'hui, comme le préconise le CPLD dans son rapport d'activité pour 2005, d'inciter les organisateurs de compétitions à s'assurer qu'aucun des inscrits ne fait l'objet, à la date de la compétition, d'une interdiction de participer.

2. Un bilan mitigé des actions de prévention, faute de coordination

L'enquête réalisée en 2003 par le CPLD 13 ( * ) , en partenariat avec la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT) et le Comité national olympique et sportif français (CNOSF), a révélé que la grande majorité des outils de prévention du dopage n'avait connu qu'une diffusion locale, voire, faute de moyens, aucune diffusion.

Par ailleurs, il s'est avéré qu'aucune stratégie globale n'avait présidé à leur élaboration, alors même que sur les 71 outils examinés, 38 % avaient été réalisés avec le concours des services du ministère de la jeunesse, des sports et de la vie associative et 55 % avec le concours d'un des commanditaires au moins de l'étude précitée.

On peut donc affirmer que la dispersion des moyens et le manque de coordination sont en grande partie responsables des résultats décevants de la prévention.

Tirant les enseignements de ce bilan mitigé, le CPLD a élaboré un certain nombre de recommandations, dans le but de hiérarchiser les priorités et d'améliorer la diffusion d'outils adaptés aux différents publics.

En premier lieu, des réseaux régionaux, animés soit par les médecins conseillers des directions régionales et départementales de la jeunesse et des sports -déjà impliquées dans l'élaboration de plus du tiers des outils recensés dans le bilan- soit par les antennes médicales de prévention et de lutte contre le dopage, devraient être constitués.

En second lieu, la coordination des actions menées par les acteurs institutionnels s'avère indispensable afin de dégager des priorités en matière de prévention du dopage, que chacun pourrait ensuite décliner à travers son action propre.

Enfin, afin d'améliorer la visibilité du réseau de prévention, le CPLD a préconisé que des campagnes d'information permettent aux différents publics ciblés d'identifier les personnes ou les organismes « ressources ». A cet égard, le CPLD envisage la mise en place d'un site Internet, alimenté par les acteurs institutionnels et qui pourrait recenser l'ensemble des réseaux locaux et nationaux de façon à guider les acteurs de terrain.

Il semble aujourd'hui essentiel à votre rapporteur que le recentrage du rôle de l'Etat sur les impératifs de santé publique (article premier du projet de loi) soit l'occasion de redéfinir la stratégie de prévention du dopage, à la lumière des recommandations édictées par le Conseil de prévention et de lutte contre le dopage.

3. Une sous-évaluation de la recherche

Le bilan des activités de recherche dressé par le groupe « Sport et santé » dans le cadre des Etats généraux du Sport (EGS) est inquiétant.

Si les moyens mis à la disposition de la recherche ne sont pas négligeables, il est évident qu'ils ne sont pas convenablement utilisés. A titre d'exemple, les publications françaises dans le domaine de la biologie et de la médecine du sport ne représentent que 2 % environ de la production internationale.

Cette situation est d'autant plus regrettable que la sophistication des produits utilisés pour améliorer artificiellement les performances requiert un accroissement des efforts afin de contrer les progrès de la biotechnologie : les substances les plus innovantes, développées dans d'autres buts que celui de doper des athlètes, restent souvent indétectables par les contrôles, qu'ils soient urinaires ou sanguins.

Selon le groupe de travail « sport et santé », cette insuffisance s'explique en partie par le relatif isolement des équipes universitaires de recherche en sciences et techniques des activités sportives au sein de la communauté scientifique. Elle résulte aussi de la dispersion des moyens et du manque de coordination thématique : tout se passe comme si les différents acteurs nationaux impliqués dans la recherche- les antennes médicales de lutte contre le dopage (AMLPD), le Conseil de prévention et de lutte contre le dopage (CPLD), le Laboratoire national de dépistage du dopage (LNDD), l'Institut national du sport et de l'éducation physique (INSEP), notamment-, travaillaient en « aveugle » les uns par rapport aux autres.

Les résultats obtenus sont pourtant encourageants : l'activité du LNDD en matière de recherche est, à cet égard, exemplaire, puisque ce laboratoire est l'inventeur de deux procédés, l'un pour détecter l'EPO (erythropoïétine), l'autre pour détecter l'hémoglobine réticulée.

L'absence de pôle de référence, qui exclut notamment la participation d'équipes de recherche de haut niveau, et l'isolement des équipes n'en sont que plus regrettables.

Conformément aux préconisations formulées par le groupe de travail des Etats généraux du sport (EGS), votre rapporteur considère qu'il faut aujourd'hui favoriser l'émergence de pôles régionaux, par le développement d'accords de partenariats entre les universités, les différents organismes concernés, les conseils généraux et régionaux, les industries biomédicales (bourses ANVAR), en concertation avec les ministères en charge des sports, de la jeunesse, de l'éducation nationale, de la recherche et de la santé.

Le recentrage des activités du ministère des sports sur la coordination de la prévention et de la recherche en matière de dopage, proposé à l'article 1 er du présent projet de loi, doit être l'occasion de mettre en place ce réseau.

Interrogé lors de son audition par la commission des affaires culturelles dans le cadre de l'examen du projet 14 ( * ) , le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative, M. Jean-François Lamour, a estimé que l'intégration du laboratoire de Châtenay-Malabry à la nouvelle agence inciterait ce dernier à développer de nouveaux partenariats en matière de recherche, tout en rappelant que le LNDD travaillait déjà en réseau avec des laboratoires étrangers, notamment australiens et suisses, et avec des universités.

Votre rapporteur considère qu'il faut aujourd'hui généraliser et structurer ces partenariats, notamment entre les universités et les organismes en place sur le territoire, afin, notamment, de permettre une évaluation des avancées en matière de recherche, qui fait, à l'heure actuelle, cruellement défaut.

Il souhaite également que l'intégration du LNDD à la nouvelle agence soit l'occasion d'optimiser son potentiel matériel et humain, de manière à dynamiser davantage les équipes.

* 12 Article L.3633-2 du code de la santé publique : Est puni d'un emprisonnement de six mois et d'une amende de 7 500 euros le fait de s'opposer à l'exercice des fonctions dont sont chargés les agents et médecins habilités en vertu de l'article L. 3632-1. Est puni des mêmes peines le fait de ne pas respecter les décisions d'interdiction prononcées en application des articles L. 3634-2 et L. 3634-3.

* 13 Précitée, voir page 4 du rapport.

* 14 Voir le bulletin de la commission des affaires culturelles du 6 avril 2005.

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