III. LES DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI

Visant à améliorer l'efficacité du dispositif de lutte contre le dopage, le projet de loi adopté en première lecture par l'Assemblée nationale le 6 avril 2005 propose, d'une part, de renforcer la protection de la santé de tous les sportifs et, d'autre part, de clarifier les responsabilités des acteurs internationaux et nationaux chargés de la lutte contre le dopage, notamment pour adapter la législation française au code mondial antidopage.

A. LE RENFORCEMENT DE LA PROTECTION DE LA SANTÉ DE TOUS LES SPORTIFS

Le constat dressé par le rapporteur du projet de loi de lutte contre le dopage en 1998 15 ( * ) pour dénoncer la « banalisation » du dopage dans le sport reste aujourd'hui valable.

Le développement du « sport spectacle » et la pression des intérêts financiers, qui sont allés en s'accroissant depuis une dizaine d'années, ont renforcé les incitations au dopage : la promotion et l'exploitation des « stars » du sport ont engendré une course aux records et aux performances spectaculaires.

L'engouement des médias pour les retransmissions sportives a, par ailleurs, abouti à surcharger les calendriers des compétitions, génératrices de droits de diffusion et de recettes publicitaires, conduisant les sportifs à repousser les limites de leurs capacités physiques.

Dans le secteur professionnel, un certain nombre de révélations surprenantes ont prouvé qu'il était très difficile de préserver les athlètes de la tentation du dopage : un rapport d'écoute effectué dans le cadre d'une enquête judiciaire en octobre 2003 a, par exemple, dévoilé que l'Australien Baden Cooke, 25 ans, maillot vert du Tour du centenaire en 2003 et chef de file d'une équipe qui se prévalait de son engagement dans la lutte contre le dopage, consommait des amphétamines au point de mettre sa santé en danger.

On sait aujourd'hui que ces tentations n'épargnent pas le monde amateur : parmi les cas les plus choquants, citons le décès en course, en septembre 1998, d'un jeune cycliste amateur du CMA Aubervilliers, Sébastien Grouselle, dont l'autopsie a révélé la présence massive de corticoïdes.

Face à ces drames, le CPLD 16 ( * ) a lancé, le 14 avril dernier, un registre national de la mort subite du sportif, qui devrait permettre de déterminer la fréquence des cas, d'identifier les sujets à risques et de proposer des mesures pour améliorer la survie.

Votre rapporteur se félicite de cette initiative, mais estime que, s'il est essentiel de recenser pour mieux prévenir, il est aujourd'hui indispensable de renforcer les dispositifs visant à sensibiliser et à protéger les sportifs contre l'utilisation abusive et détournée de certains produits.

1. Le renforcement du suivi longitudinal pour les sportifs de haut niveau

Dans le but de préserver la santé des sportifs, la loi du 23 mars 1999 a confié aux fédérations sportives le soin d'assurer l'organisation de la surveillance médicale particulière à laquelle sont soumis leurs licenciés inscrits sur la liste des sportifs de haut niveau (SHN), ainsi que des licenciés inscrits dans les filières d'accès au sport de haut niveau (article L. 3621-2 du code de la santé publique).

Jusqu'en 2003, seuls les sportifs de haut niveau bénéficiaient de cette surveillance médicale, en attendant la publication des derniers textes d'application en 2004 (décret n° 2004-120 du 6 février 2004 et arrêté du 11 février 2004) qui, d'une part, prévoient l'élargissement de cette surveillance médicale aux sportifs inscrits dans les filières et, d'autre part, précisent le contenu des examens médicaux de celle-ci.

En réalité, il s'avère que les fédérations sportives rencontrent des difficultés pour assurer la surveillance de l'intégralité de leurs sportifs de haut niveau.

a) La difficulté pour les fédérations de mettre en oeuvre le dispositif

A la lecture des dossiers de conventions d'objectifs signées avec le ministère de la jeunesse, des sports et de la vie associative (MJSVA), il apparaît que les difficultés rencontrées sont avant tout d'ordre logistique (déficience dans la structuration de la médecine fédérale) plutôt que d'ordre financier.

Les résultats communiqués au ministère par les fédérations sportives montrent néanmoins une amélioration récente. Le nombre de sportifs de haut niveau qui ont bénéficié du suivi médical réglementaire, dans sa totalité ou de manière partielle, est en croissante augmentation : 58 % en 2001, 72 % en 2002 et 83 % en 2003.

Il convient de rappeler que depuis 2000, le budget 17 ( * ) alloué à la médecine fédérale, et en particulier au suivi médical des sportifs de haut niveau, est en augmentation constante.

Le tableau ci-dessous retrace l'évolution des dotations :

En millions d'euros

Crédits attribués en 2001

Crédits attribués en 2002

Crédits attribués en 2003

Crédits attribués en 2004

Suivi médical

2,3

2,36

2,28

2,76

Encadrement médical et paramédical des compétitions et stages

1,88

1,98

2,14

2,19

Soutien logistique

0,50

0,76

0,95

0,98

Total

4,68

5,10

5,37

5,93

b) Le contenu du suivi médical

Identique pour les sportifs de haut niveau et les sportifs inscrits dans les filières, le suivi médical se compose, chaque année, de deux examens médicaux comprenant à chaque fois un entretien avec le médecin du sport, un examen physique, des mesures anthropométriques, un bilan diététique, des conseils nutritionnels, un bilan psychologique et deux recherches par bandelette urinaire. Une fois par an, ces examens sont complétés par un examen dentaire, une électrocardiographie de repos et un bilan sanguin pour les plus de 15 ans.

Tous les quatre ans une épreuve d'effort maximale doit aussi être réalisée. D'autres examens complémentaires spécifiques à certaines disciplines sont exigés 18 ( * ) .

Enfin certaines fédérations peuvent décider d'inscrire des examens complémentaires autres que ceux décrits dans les textes réglementaires.

C'est ce qu'a fait, notamment, l'Union cycliste internationale (UCI), qui a instauré un suivi biologique des coureurs professionnels tout au long de l'année.

c) Quelles conséquences pour la mise en évidence d'anomalies biologiques ?

Les examens biologiques pratiqués dans le cadre du suivi ne doivent pas être considérés comme des examens de dépistage indirect de substances dopantes pouvant aboutir à des procédures disciplinaires : leur objectif est avant tout préventif afin de rechercher d'éventuelles anomalies biologiques qui pourraient être à l'origine ou la conséquence de véritables pathologies liées à la pratique sportive.

Selon certains spécialistes 19 ( * ) , cette procédure ne suffit pas pour assurer une veille réelle de la santé des athlètes : il faudrait, à l'instar de ce qui existe dans le cyclisme, instaurer un suivi biologique permanent des coureurs professionnels.

Le projet de loi examiné ne va pas aussi loin, mais permet de tirer les conséquences de l'apparition d'anomalies à l'occasion du suivi longitudinal dans un champ purement médical et non disciplinaire.

Le dispositif de l'article 19 prévoit en effet que le médecin chargé de ce suivi pourra établir un certificat de contre-indication à la pratique compétitive qui s'imposera à la fédération sportive concernée.

Votre rapporteur estime que la généralisation de cette possibilité, qui existe déjà au sein de la fédération de cyclisme, est une mesure opportune, notamment parce qu'elle recentre l'action des fédérations sur la santé des athlètes.

2. Le renouvellement régulier du certificat médical obligatoire pour la délivrance d'une licence, en fonction de l'âge du sportif ou de la discipline sportive

Il y a aujourd'hui plus de 15 millions de licenciés en France, pratiquant une discipline sportive. Par conséquent, la généralisation de la veille sanitaire à l'ensemble des sportifs, notamment amateurs, s'impose comme un impératif de santé publique.

C'est la raison pour laquelle les actions de prévention et d'information ont été récemment recentrées sur le public sportif amateur, cible d'une vigilance particulière.

On peut, à cet égard, se féliciter de la première campagne de dépistage menée sur deux cents coureurs parmi les amateurs du marathon de Paris, en avril dernier, qui a permis de mettre en lumière la présence de cinq substances interdites en compétition : la cocaïne, le cannabis, les amphétamines, les méta-amphétamines et la morphine. Effectuée de manière anonyme, sans aucune sanction à la clef, même en cas de bandelette positive, l'opération a été présentée comme une « étude de faisabilité » grandeur nature : il s'agissait de démontrer qu'une telle organisation était possible à mettre en place lors d'un très grand rendez-vous sportif.

a) La généralisation de l'examen médical obligatoire pour tous les sportifs licenciés

Rappelons que la loi du 23 mars 1999 20 ( * ) a généralisé l'obligation pour toute personne désirant adhérer à une fédération sportive de passer un contrôle médical préalable.

Le rapporteur de ce projet de loi 21 ( * ) , le sénateur François Lesein, présentait alors le fait de prévoir un seul examen médical, valable pour toutes les disciplines sportives à l'exception de certaines disciplines « à risque » (boxe, plongée sous-marine, parachutisme...) -dont la pratique doit être subordonnée à des examens plus approfondis- comme une simplification appréciable, source d'économie, particulièrement pour les jeunes, puisque ces contrôles, non pris en charge par la sécurité sociale, restent à leurs frais.

Six ans après, le bilan est décevant : la mise en oeuvre de ce dispositif n'a permis d'opérer ni une surveillance efficace ni un suivi de l'état de santé des sportifs.

Le constat dressé par le groupe de travail « sport et santé » dans le cadre des Etats généraux du Sport est accablant : « Il apparaît clairement que le certificat (de non contre-indication à la pratique du sport) ne répond nullement aux objectifs visés, et relève davantage de la formalité administrative que du domaine de la veille médicale réelle ».

La généralisation des « certificats de complaisance », délivrés par le médecin de famille ou par le médecin dirigeant du club, et la production du même certificat tout au long du parcours sportif du licencié, quels que soient son âge et la discipline qu'il choisit (à l'exception des disciplines à risque) sont en effet en contradiction avec l'objectif visé par la procédure, qui devait permettre une veille médicale efficace des sportifs.

C'est la raison pour laquelle le projet de loi propose de redéfinir le rôle, le contenu et les conditions d'attribution du certificat de non contre-indication à la pratique du sport.

b) La nécessaire redéfinition du certificat de non contre-indication à la pratique du sport

Le groupe de travail « Sport et Santé » dans le cadre des Etats généraux du Sport avait proposé de remplacer le contrôle existant par une « consultation annuelle d'adaptation au sport », remboursée pour tous (licenciés et non licenciés), répondant à un cahier des charges établi en fonction de l'âge et du type de sport ou de pratique, et donnant lieu à l'établissement d'un livret de suivi médical.

Il était même envisagé de mettre en place un outil d'évaluation de l'état sanitaire de la nation : un logiciel informatique correspondant à un document type, unique pour toutes les fédérations et fourni par le mouvement sportif aurait centralisé les résultats de la consultation annuelle, accessibles aux médecins du sport et aux médecins généralistes susceptibles d'être concernés par la consultation.

C'est un dispositif plus réaliste qui a été retenu par le projet de loi : l'article 18 propose de renforcer les conditions de délivrance des licences sportives, en prévoyant que le certificat médical de non contre-indication sera adapté à la pratique sportive envisagée  et que les fédérations pourront en exiger le renouvellement régulier en fonction des risques particuliers de la discipline et de la population concernée (notamment au regard de l'âge du sportif).

c) Vers la prise en charge par la sécurité sociale des examens médicaux obligatoires ?

Quant à la question de la gratuité de la consultation médicale, le projet de loi ne revient pas sur la position qui était déjà celle du ministère des sports en 1999 : la délivrance des certificats médicaux ne sera pas remboursée par la sécurité sociale, dans la mesure où elle s'inscrit dans le champ de la pratique de loisirs, et non pas dans celui de la maladie.

Votre rapporteur tient à souligner que certaines collectivités territoriales ont pris des initiatives en direction des jeunes, particulièrement handicapés par le coût des consultations : la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur (PACA), notamment, offre des aides financières pour les visites médicales obligatoires des jeunes sportifs.

Par ailleurs, M. Jean-François Lamour s'est engagé à ce que la participation des médecins à la vie des associations, qui prend différentes formes, se fasse en concertation avec les fédérations sportives.

* 15 Voir le rapport n°416 (1997-1998), fait par M. François Lesein au nom de la commission des affaires culturelles du Sénat.

* 16 Suite à une demande du ministère de la jeunesse, des sports et de la vie associative

* 17 D'importantes subventions ont été accordées aux fédérations, par le biais des volets médicaux des conventions d'objectifs, afin d'assurer tout ou partie du financement du suivi médical.

* 18 La nature de ces examens complémentaires et leur périodicité sont également fixées par l'arrêté du 11 février 2004.

* 19 Interview du professeur Gérard Dine, spécialiste du combat antidopage, dans le journal « Publi info ».

* 20 Loi n° 99-223 relative à la protection de la santé des sportifs et à la lutte contre le dopage

* 21 Rapport n° 442 (1997-1998) de M. François Lesein, fait au nom de la commission des affaires culturelles du Sénat, déposé le 20 mai 1998.

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