B. L'AMÉLIORATION DU CADRE JURIDIQUE DE LA LUTTE CONTRE LE DOPAGE EN FRANCE

L'article 15.1 du code mondial antidopage stipule qu'« une organisation unique et une seule devrait être responsable d'initier et de réaliser les contrôles lors d'une manifestation donnée ».

En vertu de la compétence territoriale des fédérations ainsi que du CPLD, les contrôles peuvent être diligentés en France qu'elle que soit la nature de la compétition nationale ou internationale ; il en résulte des doublons, les fédérations internationales restant toujours libres de diligenter des contrôles sur le sol français dans le cadre des compétitions internationales qu'elles organisent.

C'est la raison pour laquelle le projet de loi opère une nouvelle répartition de compétences en confiant aux instances internationales qui les organisent le contrôle de la loyauté des compétitions internationales et aux autorités nationales, celui de la loyauté des compétitions nationales.

1. Une clarification des compétences entre autorités nationales et internationales

a) Une organisation unique et une seule, responsable d'initier et de réaliser les contrôles lors d'une manifestation donnée

D'une part, les compétences de la future Agence française de lutte contre le dopage seront recentrées sur les compétitions sportives nationales et l'entraînement des sportifs français et étrangers sur le territoire national.

D'autre part, s'agissant des compétitions internationales, l'organisation des contrôles et la compétence disciplinaire relèveront exclusivement des fédérations internationales qui les organisent.

Il convient de préciser que cette évolution n'est possible que parce qu'un corps de règles unique, le code mondial antidopage, a été élaboré et reconnu par un très grand nombre de fédérations internationales. Il est, par ailleurs, progressivement intégré dans l'ensemble des législations internes.

b) Encourager la collaboration entre les autorités nationales et internationales

Dans un souci de cohérence et de bon déroulement des opérations, le projet de loi a prévu un certain nombre de tempéraments à ces nouvelles attributions de compétence : à la demande de l'Agence mondiale antidopage (AMA) ou des fédérations internationales, l'Agence française de lutte contre le dopage pourra effectuer des contrôles pour leur compte à l'occasion des compétitions internationales qui se dérouleront sur le territoire national.

Interrogé par la commission des affaires culturelles dans le cadre de l'examen du présent projet de loi, M. Jean-François Lamour, ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative, a indiqué que la collaboration entre l'agence nationale (AFLD) et les organismes internationaux serait encouragée.

A cet égard, le nouveau statut attribué à l'agence, qui lui confère une véritable autonomie par rapport aux institutions nationales, devrait être un atout, dans le dialogue avec les instances internationales.

2. La redistribution du rôle des différents acteurs de la lutte contre le dopage en France

L'implication directe de l'Etat français dans la définition du programme des contrôles par le truchement du ministère des sports, également chargé de diligenter ces contrôles, a souvent fait l'objet de critiques sur le plan international en raison de la suspicion de partialité qui s'y attache.

La mise en place d'une agence dotée de garanties d'indépendance et de vastes compétences dans le champ de la lutte contre le dopage pour ce qui concerne les compétitions nationales apporte, aux yeux de votre rapporteur, une clarification salutaire tendant à en faire un véritable arbitre dont la neutralité et l'impartialité ne sauraient être contestées.

a) La mise en place d'une autorité indépendante dotée de la personnalité morale : l'Agence française de lutte contre le dopage, par transformation du Conseil de prévention et de lutte contre le dopage et intégration du Laboratoire national de dépistage du dopage

La création du CPLD par la loi du 23 mars 1999 précitée avait suscité un certain nombre de critiques au motif qu'elle marquait une forme de désengagement de l'Etat dans la lutte contre le dopage.

Six ans plus tard, c'est bien au contraire l'indépendance et les compétences de la nouvelle agence qui se voient renforcées. Cette volonté nouvelle s'accompagne du recentrage de l'action de l'Etat autour des impératifs de santé publique.

Si, sur le plan international, le nouveau statut de l'agence renforce sa crédibilité et permet d'envisager une coopération renforcée avec l'AMA et les fédérations internationales 22 ( * ) , ce sont ses nouvelles compétences nationales qui font de l'agence une organisation plus directement opérationnelle et davantage ancrée dans la réalité que l'actuel CPLD.

• La définition du programme annuel des contrôles

La nouvelle agence définira un programme annuel de contrôle, compétence aujourd'hui exercée par le ministère de la jeunesse, des sports et de la vie associative, et mise en oeuvre sur le territoire par les services déconcentrés.

A l'heure actuelle, l'ensemble des fédérations françaises transmettent au ministère vers le mois de septembre le calendrier des compétitions, stages et entraînements des sportifs dans leurs disciplines.

C'est sur cette base que la Direction des sports dresse l'agenda des contrôles obligatoires : environ 2 500 à 3 000, le reste s'inscrivant dans le cadre de contrôles inopinés.

Le programme des contrôles est ensuite transmis aux services déconcentrés : dans le cadre de la capacité d'analyse du Laboratoire national de dépistage du dopage, les inspecteurs des services effectuent les 850 à 900 prélèvements par mois qui lui seront transmis pour analyse.

Les conditions dans lesquelles la future agence procèdera à la définition du programme annuel seront sensiblement les mêmes, puisqu'il est indiqué que l'ensemble des administrations compétentes, les fédérations, groupements sportifs et établissements d'activités physiques ou sportives, ainsi que, sur sa demande, les sportifs, lui communiquent toutes informations relatives à la préparation, à l'organisation et au déroulement des entraînements, compétitions et manifestations sportives 23 ( * ) .

Cependant, elles diffèreront sur deux points essentiels :

- d'une part, alors que le ministère diligentait ses contrôles dans le cadre de l'ensemble des compétitions locales, régionales, nationales et internationales, les compétences de la future agence sont recentrées sur les événements sportifs « à l'issue desquels sont délivrés des titres nationaux, régionaux ou départementaux » 24 ( * ) , même si elle pourra toujours contrôler l'ensemble des sportifs, nationaux ou étrangers, pendant les périodes d'entraînement ;

- d'autre part, l'agence devra désormais définir un programme de contrôle individualisé, traduction en droit français des « groupes cibles » de sportifs contrôlés au niveau international.

Ces sportifs « ciblés » sont ceux dont les résultats sportifs ou un certain nombre d'indices font particulièrement craindre un risque de dopage. A titre d'exemple, les critères retenus peuvent être la présence d'un entraîneur dont d'autres sportifs ont déjà été convaincus de dopage, ou l'amélioration spectaculaire des performances.

Il convient de souligner que les obligations pesant sur ces derniers sont renforcées par rapport à l'ensemble des athlètes : alors que l'obligation de fournir sa localisation s'impose de manière facultative aux sportifs professionnels, elle est obligatoire pour les sportifs ciblés.

Votre rapporteur tient à souligner que le ciblage de certains sportifs, plus particulièrement exposés, ne doit pas conduire à relâcher la vigilance sur l'ensemble des sportifs, ni à négliger les contrôles inopinés, dont l'efficacité n'a plus à être prouvée.

Il relève, à cet égard, que l'ouverture de la fonction de préleveur à toute personne agrémentée par les services du ministère de la jeunesse, des sports et de la vie associative, et non plus seulement aux seuls médecins, devrait permettre d'intensifier la mise en oeuvre des contrôles inopinés.

Enfin, afin que les opérations de contrôle sur le terrain soient réalisées dans les meilleures conditions, il est nécessaire que les personnels de l'agence puissent s'appuyer sur les services déconcentrés du ministère en charge des sports, dont le projet de loi prévoit le concours via l'établissement de conventions de partenariat.

Le ministre 25 ( * ) a apporté des garanties en ce sens, indiquant que les directions régionales de la jeunesse et des sports (DRJS) seraient les principaux prestataires de l'Agence française de lutte contre le dopage.

• La délivrance des autorisations d'usage thérapeutique (AUT)

Assimilée à une « autorisation de doper », l'autorisation de consommer des substances normalement interdites inverse la logique de la preuve : dès lors qu'un sportif dispose d'une AUT, il est présumé « non dopé » et il appartient, le cas échéant, à l'organe disciplinaire de faire la preuve que les substances retrouvées dans les prélèvements biologiques correspondent au détournement d'un traitement médical.

C'est la nouvelle agence qui délivrera ces justificatifs thérapeutiques, après qu'un comité d'experts médicaux aura examiné le sportif.

Il convient de rappeler qu'actuellement la procédure n'existe pas en droit français, même si le CPLD a toujours encouragé les athlètes à lui transmettre les informations sur les traitements médicaux qu'ils suivent.

L'article 6 du projet de loi confère à l'agence une compétence liée : elle devra délivrer automatiquement l'autorisation si les médecins estiment la pathologie avérée et le traitement nécessaire.

La délivrance des AUT, que celles-ci soient allégées ou standards, nécessite à l'évidence la mise en place d'outils et de procédures suffisamment rapides pour permettre aux athlètes de participer utilement aux compétitions.

Votre rapporteur insiste sur la nécessité de donner à l'agence les moyens de remplir correctement cette nouvelle mission, au risque de voir se mettre en place un certain automatisme, qui serait préjudiciable tant au sportif qu'à l'autorité en charge de contrôler la véracité des informations transmises.

D'après les services du ministère, les moyens budgétaires aujourd'hui destinés au CPLD et au LNDD seraient reconduits à l'identique, ce qui semble ignorer l'impact des nouvelles compétences dévolues à l'agence.

Votre rapporteur, qui ne manquera pas de le rappeler lors du débat budgétaire, sera particulièrement attentif à ce que l'évaluation de la dotation de l'agence prenne en compte l'ensemble de ses charges, y compris celles induites par ses nouvelles compétences.

b) Un ministère stratège

La nouvelle rédaction de l'article L. 3611-1 du code de la santé publique confie au ministère de la jeunesse, des sports et de la vie associative un rôle de pilote en matière de prévention et de recherche du dopage, ainsi qu'en matière de surveillance médicale des sportifs.

• Une coordination qui fait aujourd'hui cruellement défaut

On ne peut que se réjouir de l'importance donnée, dès le premier article du projet de loi, à la notion de « coordination », la dispersion des acteurs et des initiatives étant aujourd'hui largement responsable des faibles résultats en ce qui concerne la prévention des comportements à risque.

Il convient de rappeler que la logique qui avait présidé à la mise en place des différents outils existants à l'heure actuelle s'appuyait précisément sur l'idée de réseau, chacune des organisations devant servir d'aiguilleur ou de relais aux actions des autres.

A titre d'exemple, les psychologues du sport du numéro vert « Ecoute dopage » 26 ( * ) (0 800 15 2000), espace d'écoute privilégié destiné à aider et à orienter efficacement les sportifs en difficulté face au dopage, devaient pouvoir orienter les appelants, en fonction de leurs besoins, vers l'antenne médicale de prévention et de lutte contre le dopage la plus proche, afin qu'un véritable suivi se mette en place.

D'après les informations recueillies auprès des acteurs de terrain, cette procédure est, en réalité, très peu appliquée.

De même, dans le cadre de leur mission d'information et de prévention, les AMLD devaient participer, en collaboration avec le Conseil de prévention et de lutte contre le dopage, à l'étude scientifique, statistique et caractéristique du dopage et à l'étendue de celui-ci. Aujourd'hui, cette remontée d'information ne fonctionne pas.

Face à ces lacunes, votre rapporteur estime que, si l'on veut initier une véritable stratégie de coordination, il est aujourd'hui nécessaire de mettre en oeuvre les préconisations formulées par le Conseil de prévention et de lutte contre le dopage dans son rapport annuel pour 2005, à savoir :

Ø sélectionner les outils existants , en distinguant ceux dont l'utilisation doit être recommandée, ceux qui « doublonnent » avec un outil jugé meilleur et ceux dont l'utilisation pourrait s'avérer contre-productive ;

Ø identifier les publics cibles , classer les outils disponibles en fonction des publics auxquels ils s'adressent et diffuser cette information aux utilisateurs potentiels ;

Ø assurer la diffusion nationale d'outils trop souvent régionaux et permettre la diffusion d'outils dont la conception est terminée mais qui ne peuvent être diffusés en raison de leur coût ;

Ø sécuriser les concepteurs et les utilisateurs en leur permettant de faire valider les informations contenues dans les outils par des organismes compétents qui pourraient décerner un « label ».

• Quelle stratégie pour demain ?

Interrogés par votre rapporteur à l'occasion de l'examen du présent projet de loi, les services du ministère de la jeunesse, des sports et de la vie associative n'ont pu donner aucune information sur la mise en oeuvre concrète d'une stratégie en matière de coordination de la prévention et de la recherche.

Votre rapporteur estime que cette stratégie devrait faire l'objet d'une véritable réflexion. Notamment, l'idée de proposer un « label » ministériel à l'ensemble des outils diffusés auprès des publics à risque semble constituer une véritable avancée.

* 22 Le nouvel article L. 3632-2-3 du code de la santé publique dispose que « L'Agence française de lutte contre le dopage peut, à la demande de l'organisme international chargé de la lutte contre le dopage reconnu par le Comité international olympique ou d'une fédération sportive internationale, diligenter des contrôles à l'occasion des compétitions ou des manifestations sportives organisées ou autorisées par une fédération sportive autres que celles mentionnées au 2° de l'article L. 3612-1 ».

* 23 Voir le nouvel article L. 3612-1.- I.- 1, inséré à l'article 2 du présent projet de loi.

* 24 C'est le a du 2) du I-1° de l'article L. 3612-1 (article 2 du projet de loi).

* 25 M. Jean-François Lamour a été auditionné par la commission des affaires culturelles du Sénat le 6 avril 2005.

* 26 Ouvert depuis le mois de novembre 1998, ce numéro vert national gratuit dispose de l'intérêt considérable d'assurer la confidentialité des appels et l'anonymat des appelants. Il fonctionne du lundi au vendredi de 10 heures à 20 heures.

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