EXAMEN DES ARTICLES
CHAPITRE PREMIER
DISPOSITIONS RELATIVES À LA COMPÉTENCE ET AUX POUVOIRS DE L'AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS

ARTICLE PREMIER
Champ de compétence de l'Autorité des marchés financiers

Commentaire : le présent article modifie le champ de compétences de l'Autorité des marchés financiers en matière de règles de recevabilité et de déroulement des offres publiques d'acquisition, afin de prendre en compte la mise en place d'un droit européen harmonisé des offres publiques par la directive n° 2004/25/CE du 21 avril 2004.

I. LE DROIT EXISTANT

L'Autorité des marchés financiers (AMF), qui a succédé à la Commission des opérations de bourse et au Conseil des marchés financiers, détient un pouvoir réglementaire en matière de recevabilité et de déroulement des offres publiques d'acquisition. Le titre III du livre II du règlement général de l'AMF organise ainsi le régime des offres publiques d'acquisition (OPA).

A. LES OBJECTIFS DE LA RÉGLEMENTATION

Selon l'article L. 433-1 du code monétaire et financier, la réglementation de l'AMF a pour but « d'assurer l'égalité des actionnaires et la transparence des marchés ».

L'égalité des actionnaires signifie l'égalité de traitement de tous les actionnaires, ce qui a pour conséquence qu'une opération, qui ne devrait concerner qu'un nombre limité d'actionnaires, est étendue à l'ensemble des actionnaires à des conditions identiques. Cette égalité de traitement vient particulièrement à s'appliquer dans la garantie de cours et dans les offres publiques obligatoires. Le principe d'égalité inclut également l'égalité des actionnaires devant l'information, dont la méconnaissance est notamment sanctionnée par les manquements d'initié et de diffusion de fausse information.

Le principe de transparence des marchés implique qu'une information suffisante et de bonne qualité soit portée tant à la connaissance des actionnaires et de la société qu'à celle de l'AMF.

Ces deux principes, aussi importants soient-ils, ne constituent pas à eux seuls les fondements de la réglementation de l'AMF . Ainsi l'article 231-3 du règlement général de l'AMF précise « qu'en vue d'un déroulement ordonné des opérations au mieux des intérêts des investisseurs et du marché, toutes les personnes concernées par une offre publique doivent respecter le libre jeu des offres et de leurs surenchères, d'égalité de traitement et d'information des détenteurs de titres des personnes concernées, de transparence et d'intégrité du marché et de loyauté dans les transactions et la compétition ».

B. LA COMPÉTENCE ACTUELLE DE L'AMF

La réglementation relative aux OPA concerne en principe les seuls instruments financiers admis aux négociations sur un marché réglementé en France, et s'applique donc aux sociétés faisant appel public à l'épargne sur ce type de marché.

Ainsi l'article 231-1 du règlement général de l'AMF dispose que « le présent titre s'applique à toute offre faite publiquement aux détenteurs d'instruments financiers négociés sur un marché réglementé par une personne agissant seule ou de concert au sens de l'article L. 233-10 du code de commerce en vue d'acquérir tout ou partie desdits instruments financiers ». Par usage, l'expression « marché réglementé » signifie dans le règlement général de l'AMF le marché réglementé français.

Ce même article précise que « l'AMF peut appliquer ces règles, à l'exception de celles qui régissent la garantie de cours, l'offre publique obligatoire et le retrait obligatoire, aux offres publiques visant des instruments financiers de sociétés de droit étranger négociés sur un marché réglementé français ».

Le principe de la compétence limitée au marché réglementé connaît toutefois des limites . En effet, comme le précise l'article L. 433-1 du code monétaire et financier, le contrôle de l'AMF s'étend également aux offres publiques mentionnées aux articles L. 433-3 et L. 433-4 du même code, à savoir, les projets d'offres publiques obligatoires et les procédures d'offre et de demande de retrait ainsi que le retrait obligatoire. Or les procédures d'offres et de demandes de retrait peuvent concerner des sociétés « dont les titres ont cessé d'être négociés sur un marché réglementé 33 ( * ) ». Par ailleurs, comme le retrait obligatoire est l'accessoire de certaines offres ou demandes de retrait, celui-ci peut également toucher des sociétés dont les instruments financiers ont cessé d'être admis sur un marché réglementé.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article propose de modifier l'article L. 433-1 du code monétaire et financier afin de détailler les nouvelles règles de compétence de l'AMF, suivant les critères énoncés par l'article 4 de la directive européenne 2004/25/CE du 21 avril 2004 relative aux offres publiques d'acquisition.

Ces derniers combinent à la fois le lieu du siège social de l'entreprise cible et son lieu de cotation . Par ailleurs, la compétence de l'autorité de contrôle ne sera pas obligatoirement pleine et entière suivant les aspects des offres publiques concernés.

La transposition de l'article 4 de la directive permettra notamment la mise en place d'un cadre juridique pour les OPA transfrontalières au sein de l'Espace économique européen (EEE).

A. L'INTRODUCTION D'UNE DOUBLE BRANCHE DE CONTRÔLE

Le point e) du deuxième paragraphe de l'article 4 de la directive du 21 avril 2004 crée une double branche de contrôle s'agissant des offres publiques.

Ainsi « les questions touchant à la contrepartie offerte en cas d'offre, en particulier au prix, et les questions ayant trait à la procédure d'offre, notamment sur la décision prise par l'offrant de faire une offre, au contenu du document de l'offre et à la divulgation de l'offre » sont traitées selon la législation de l'autorité compétente désignée pour contrôler l'offre dont fait l'objet la société . La désignation de cette autorité s'effectue selon les règles du marché, c'est-à-dire en fonction de son lieu de cotation, sous réserve des cas de cotations multiples ou simultanées où d'autres critères sont sollicités (cf. infra ).

En revanche, les questions « relatives à l'information qui doit être fournie au personnel de la société visée et les questions relevant du droit des sociétés , notamment le pourcentage de droits de vote qui donne le contrôle et les dérogations à l'obligation de lancer une offre, ainsi que les conditions dans lesquelles l'organe d'administration ou de direction de la société visée peut entreprendre une action susceptible de faire échouer l'offre », relèvent de la législation de l'Etat membre dans lequel la société a son siège social (règles du pays d'origine) et sont contrôlées par l'autorité de contrôle compétente de cet Etat. Dans le cas d'OPA transnationales, l'autorité de contrôle compétente pour ces questions peut alors être différente de celle qui contrôle les aspects procéduraux ou liés à la fixation du prix.

Cette distinction n'est pas explicitement reprise dans le projet de loi mais quelques modifications la mettent implicitement en oeuvre .

En premier lieu, l'article L. 433-1 du code monétaire et financier ne fait plus référence aux articles L. 433-3 et L. 433-4 du même code , ce qui s'explique par la vocation de cet article à fixer désormais les cas de compétences de l'AMF s'agissant du contrôle du prix des offres publiques ou des questions de procédure (première branche du contrôle).

En second lieu, l'article 2 du projet de loi fixe expressément les cas dans lesquels s'appliquent les procédures d'offres publiques obligatoires et de retrait obligatoire, qui sont des questions de droit des sociétés 34 ( * ) .

Par ailleurs, le règlement général de l'AMF détaillera précisément cette nouvelle distinction.

B. LES CAS DE COMPÉTENCE DE L'AMF DANS LE CADRE DE LA « PREMIÈRE BRANCHE DE CONTRÔLE »

Le texte proposé pour le nouvel article L. 433-1 du code monétaire et financier fixe les nouveaux critères de compétences de l'AMF s'agissant du contrôle des prix des offres et des questions de procédure .

1. La compétence automatique de l'AMF

Le contrôle de l'AMF serait automatique dans les hypothèses suivantes :

- la société faisant l'objet de l'offre a son siège social en France et ses titres sont cotés sur un marché réglementé français (I du nouvel article L. 433-1 du code monétaire et financier) ;

- la société faisant l'objet de l'offre a son siège social au sein de l'EEE mais hors de France, et ses titres ont été pour la première fois admis sur un marché réglementé en France (1° et 2° du II du nouvel article L. 433-1).

2. La compétence de l'AMF sur option de la société

La compétence de l'AMF serait optionnelle, c'est-à-dire laissée au choix de la société, en cas de cotations simultanées sur plusieurs marchés réglementés européens.

En effet, conformément à la directive, le texte proposé pour le II du nouvel article L. 433-1 du code monétaire et financier dispose que la société cible, qui a son siège social au sein de l'EEE et dont les titres sont admis simultanément sur plusieurs marchés réglementés de l'Union européenne, peut choisir son autorité de contrôle.

Ainsi pour les sociétés qui s'introduiront après le 20 mai 2006 35 ( * ) , date d'entrée en vigueur de la directive, la demande d'admission sur un marché inclura le choix de l'autorité compétente s'agissant du contrôle des offres publiques d'acquisition pouvant éventuellement concerner la société.

Ce choix vaudra pour l'ensemble des opérations financières de la société concernée, qui ne pourra procéder à une sélection opportuniste ou « cherry picking » à l'occasion de chaque opération . Ce choix sera définitif sous réserve d'un changement de circonstances, tel que la modification du lieu de cotation ou de l'implantation du siège social.

Toutefois, avant le 20 mai 2006 , ce ne sont pas les sociétés dont les titres ont fait l'objet d'introductions simultanées qui choisiront leur autorité de contrôle, mais les autorités de contrôle elles-mêmes selon une procédure qui reste encore à ce jour incertaine . Selon les informations fournies à votre rapporteur général, le Comité européen des régulateurs de valeurs mobilières (CERVM) émettrait prochainement une recommandation afin de trancher cette question de la désignation de l'autorité compétente.

Le texte proposé pour le deuxième alinéa du 2° du II de l'article L. 433-1 prévoit que si cette désignation n'est pas intervenue dans les quatre semaines qui suivent le 20 mai 2006, la société choisira son autorité de contrôle. L'AMF devra alors fixer les règles correspondant au cas où elle aura été déclarée compétente pour le contrôle de l'offre.

3. Le cas des sociétés cotées en France et ayant leur siège social hors de l'EEE

Le texte proposé pour le III du nouvel article L. 433-1 du code monétaire et financier dispose que l'AMF peut être compétente pour les sociétés visées par une offre qui ont leur siège statutaire hors de l'EEE et dont les titres sont admis à la négociation sur un marché réglementé français.

Ce dernier point appelle plusieurs remarques. Tout d'abord, cette configuration n'est pas prévue par la directive . En effet, le présent article reprend dans ce III une compétence de l'AMF déjà existante et formalisée à l'article 231-1 de son règlement général. Cette reprise a pour objectif d'unifier les règles de compétence de l'AMF en matière d'OPA . Mais la directive ne règle pas le problème des OPA qui concerneraient des sociétés dont le siège est hors de l'EEE et qui seraient cotées dans plusieurs pays dont la France.

C. L'EXTENSION POSSIBLE DU CONTRÔLE DE L'AMF AUX MARCHÉS NON RÉGLEMENTÉS

A l'instar des dispositions des articles 33 et 34 de la loi n° 2005-842 du 26 juillet 2005 pour la confiance et la modernisation de l'économie, le présent article propose d'étendre aux marchés non réglementés, et à la condition que leurs gestionnaires en fassent la demande , une réglementation identique à celle applicable aux marchés réglementés. Cette disposition vise en particulier le marché Alternext , créé le 17 mai 2005 par l'entreprise de marché Euronext pour faciliter le financement des petites et moyennes entreprises.

Rappelons que les marchés non réglementés ou encore dits « organisés » constituent un type de marché hybride entre le marché réglementé et le marché libre. Ils permettent aux investisseurs de bénéficier de conditions d'accès au marché simplifiées, mais également de garanties de transparence et de protection compte tenu de la réglementation qui peut y exister.

Ainsi la loi du 26 juillet 2005 précitée permet que soient étendus aux marchés non réglementés, à la demande de leur gestionnaire, la procédure de garantie de cours (article 34 de la loi précitée) et le dispositif afférent aux déclarations de franchissement de seuil (article 33 de la loi précitée).

Le texte proposé par le présent article pour le IV du nouvel article L. 433-1 du code monétaire et financier propose ainsi que l'AMF puisse fixer les conditions dans lesquelles les nouvelles règles de compétence s'appliquent aux offres publiques visant des sociétés cotées sur un marché non réglementé.

Tableau récapitulatif des cas de compétence de l'AMF

En application de l'article 4 de la directive européenne

Lieu du siège social

Lieu de cotation

Type de marché

Questions relatives à la procédure et à la contrepartie de l'offre

Questions touchant à l'information des salariés et au droit des sociétés

France

France

Réglementé

Compétence automatique de l'AMF

Compétence automatique de l'AMF

Cotations multiples mais première admission sur un marché européen hors France

Réglementé

Compétence automatique de l'autorité de contrôle du pays où a eu lieu la première admission

Admission simultanée sur plusieurs marchés européens

Réglementé

Compétence optionnelle de l'AMF, sur décision de la société (1)

Au sein de l'EEE mais hors de France

Cotations multiples mais première admission en France

Réglementé

Compétence automatique de l'AMF

Compétence automatique de l'autorité de contrôle du pays où la société a son siège social

Admission simultanée sur plusieurs marchés européens

Réglementé

Compétence optionnelle de l'AMF, sur décision de la société (1)

Hypothèses non prévues par la directive mais inscrites dans le projet de loi

Lieu du siège social

Lieu de cotation

Type de marché

Autorité de contrôle

Hors de l'EEE

France

Réglementé

Compétence possible de l'AMF mais limitée (2)

France

France

Non réglementé

Compétence possible de l'AMF, à la demande du gestionnaire, sur l'ensemble des questions

(1) A compter du 20 mai 2006.

(2) Article 231-1 du règlement général de l'AMF : les règles afférentes à la garantie de cours, à l'offre publique obligatoire et au retrait obligatoire ne peuvent être appliquées aux offres publiques visant une société de droit étranger cotée en France.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Le présent article vise à transposer l'article 4 de la directive européenne du 21 avril 2004 concernant les offres publiques d'acquisition.

Rappelons que cette directive a été adoptée dans le cadre du « Plan d'action pour les services financiers », lancé par la Commission européenne en 1999 et dont l'objectif est de parvenir à une intégration des marchés financiers européens grâce à un haut degré d'harmonisation.

Dans cette perspective, votre rapporteur général approuve la mise en place d'un droit européen relativement harmonisé des offres publiques . Cela permettra aux investisseurs de bénéficier de règles simplifiées et unifiées, ce qui en matière d'OPA transfrontalières représente sans aucun doute une avancée.

S'agissant des critères de compétence des autorités de contrôle, la création d'une double branche de contrôle ainsi que la combinaison des règles de marché (droit de l'Etat membre dans lequel la société est cotée) et des règles dites « du pays d'origine » (droit de l'Etat membre dans lequel la société a son siège social) présentent des avantages :

- d'une part, elles offrent une certaine souplesse aux sociétés, qui notamment dans le cas de cotations simultanées, peuvent choisir leur autorité de contrôle ;

- d'autre part, elles permettent, dans le cadre des OPA transfrontalières au sein de l'EEE, qu'une autorité de contrôle unique soit compétente sur les questions de procédure et de prix, ce qui représente une simplification ;

- enfin, les questions de droit des sociétés et de droit du travail restent toujours de la compétence de l'Etat membre dans lequel la société a son siège social, ce qui semble pertinent compte tenu des différences qui perdurent en la matière entre les Etats membres.

La « clause de rendez-vous » prévue à l'article 21 de la directive et fixée au 20 mai 2011 permettra de faire le point sur ce système de compétences.

Votre rapporteur général approuve enfin la possibilité donnée aux marchés non réglementés de bénéficier du contrôle d'un régulateur dans la mesure où cela contribuera à renforcer la crédibilité de ce type de marché auprès des investisseurs .

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 2
Pouvoirs de l'Autorité des marchés financiers

Commentaire : le présent article définit le prix équitable en cas d'offre obligatoire, autorise l'Autorité des marchés financiers à fixer les cas de dérogation à l'obligation de déposer un projet d'offre publique, et élargit le champ de compétence de ladite autorité en matière de contrôle des entreprises relatif au dépôt des offres.

I. LE DROIT EXISTANT

L'article L. 433-3 du code monétaire et financier encadre les procédures de dépôt d'offre publique obligatoire. Le I de cet article vise l'obligation de déposer un projet d'offre publique suite au franchissement d'un seuil, le II et le III concernent la procédure de garantie de cours, et le IV, nouvellement ajouté par la loi n° 176-2005 du 26 juillet 2005 pour la confiance et la modernisation de l'économie, est afférent au dépôt d'une offre obligatoire sur la société fille d'une société qui fait l'objet d'une offre.

A. LES DIFFÉRENTES HYPOTHÈSES DE DÉPÔT D'UNE OFFRE PUBLIQUE OBLIGATOIRE

1. Le dépôt d'une offre publique obligatoire

La loi du 2 août 1989 relative à la sécurité et à la transparence du marché financier a introduit l'offre publique obligatoire provoquée par le franchissement du seuil d'un tiers du capital ou des droits de vote .

L'offre publique obligatoire est actuellement régie par les articles 234-1 et suivants du règlement général de l'Autorité des marchés financiers (AMF). Ainsi une offre publique obligatoire est mise en oeuvre :

- lors d'un franchissement du seuil d'un tiers directement par une personne ou par des personnes agissant de concert ;

- dans certaines conditions, sur la société fille dont le contrôle de la société mère vient d'être pris. Ce dernier dispositif permet aux actionnaires minoritaires d'une société cotée sur un marché réglementé dont le contrôle est pris indirectement d'être désintéressés dans les mêmes conditions que dans les hypothèses où le contrôle est pris directement , et de bénéficier notamment du « goodwill », la prime de contrôle, que le nouvel acquéreur accepte de payer ;

- lors d'une augmentation d'au moins 2 % de la participation d'une personne (ou des personnes agissant de concert) détenant entre un tiers et la moitié du capital ou des droits de vote, et ce en moins de 12 mois consécutifs.

2. La garantie de cours

La garantie de cours est une procédure employée automatiquement sur les marchés réglementés après la cession d'un bloc de contrôle . Depuis la loi du 26 juillet 2005 pour la confiance et la modernisation de l'économie, précitée, cette procédure peut être étendue aux marchés non réglementés à la demande de leur gestionnaire.

Elle permet aux actionnaires minoritaires de vendre leurs titres au même prix que l'actionnaire majoritaire . Techniquement, l'acquéreur du bloc de contrôle s'engage à acheter en bourse, pendant 10 jours de bourse au minimum, tous les volumes de titres qui lui seront présentés, au même prix que celui de la cession du bloc.

La procédure de garantie de cours ayant pour conséquence d'inciter les actionnaires minoritaires à céder leurs titres, l'acquéreur d'un bloc de contrôle risque d'avoir à supporter un investissement particulièrement élevé, lié au rachat à prix fixe de tous les titres qui lui sont présentés au cours de la période.

Selon l'article 235-1 du règlement général de l'AMF , la procédure de garantie de cours est mise en oeuvre dès lors qu'une personne acquiert un bloc de titres lui conférant « compte tenu des titres ou des droits de vote qu'elle détient déjà , la majorité du capital ou des droits de vote d'une société », soit 50 % du capital ou des droits de vote.

B. LE PRIX DES OFFRES PUBLIQUES OBLIGATOIRES

Contrairement à la procédure publique de retrait obligatoire et à la garantie de cours , il n'existe aucun encadrement législatif pour déterminer le prix d'une offre publique d'achat, qu'elle soit volontaire, obligatoire, ou de retrait. Pour autant, le silence de la législation ne signifie pas l'absence de principes.

Rappelons que s'agissant de la garantie de cours, l'article L. 433-3 du code monétaire et financier oblige l'acquéreur d'un bloc de titres lui conférant la majorité du capital ou des droits de vote à « acheter les titres qui leur sont alors présentés au cours ou au prix auquel la cession du bloc est réalisée ». L'article L. 433-4 du code monétaire et financier impose quant à lui l'usage de la procédure multicritères dans la détermination du montant de l'indemnisation perçue par l'actionnaire contraint de vendre ses titres lors d'une procédure publique de retrait obligatoire.

La fixation du prix se réfère en France à la méthode multicritères , initiée par la Cour d'appel de Paris et adoptée ensuite par les textes législatifs et réglementaires, notamment s'agissant du retrait obligatoire. L'article 231-13 du règlement général de l'AMF, qui concerne la procédure de recevabilité d'une offre publique par l'AMF y fait une référence indirecte : il indique ainsi que l'AMF examine « le prix ou la parité d'échange, en fonction des critères d'évaluation objectifs usuellement retenus et des caractéristiques de la société visée ».

Si l'on souhaite approcher de manière plus précise la notion d'approche multicritères, il convient de se référer au II de l'article L. 433-4 du code monétaire et financier relatif au retrait obligatoire, qui précise que « l'évaluation des titres, [est] effectuée selon les méthodes objectives pratiquées en cas de cession d'actifs tient compte, selon une pondération appropriée à chaque cas, de la valeur des actifs, des bénéfices réalisés, de la valeur boursière, de l'existence de filiales et des perspectives d'activité ».

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

A. L'ENCADREMENT DU PRIX DE L'OFFRE PUBLIQUE OBLIGATOIRE

Le I du présent article propose de modifier le I l'article L. 433-3 du code monétaire et financier afin de transposer l'article 5, relatif à la définition du prix équitable, de la directive n° 2004/25/CE du 21 avril 2004 concernant les offres publiques d'acquisition.

1. Les dispositions communautaires

Le neuvième considérant de la directive dispose qu'« il convient que les États membres prennent les mesures nécessaires pour la protection des détenteurs de titres, et en particulier ceux possédant des participations minoritaires, lorsque le contrôle de leurs sociétés a été pris. Il convient que les États membres assurent cette protection en imposant à l'acquéreur qui a pris le contrôle d'une société l'obligation de lancer une offre proposant à tous les détenteurs de titres de cette société d'acquérir la totalité de leurs participations à un prix équitable conformément à une définition commune ».

Plus précisément l'article 5 de la directive définit le prix équitable comme « le prix le plus élevé payé pour les mêmes titres par l'offrant, ou par des personnes agissant de concert avec lui, pendant une période déterminée par les Etats membre de six mois minimum à douze mois maximum ».

Elle ajoute que dans « certaines circonstances », le prix, tel qu'il résulte de l'application de la définition du prix équitable, peut être modifié à la hausse ou à la baisse. Ces circonstances, dont la directive donne quelques exemples tels que la manipulation des prix ou le sauvetage d'une entreprise en détresse, correspondent à des situations où la valeur du marché n'est pas représentative de la valeur de la société . La directive précise que « dans ces cas », d'autres « critères objectifs d'évaluation généralement utilisés en analyse financière » peuvent être utilisés pour évaluer le prix, c'est-à-dire une approche multicritères .

2. Le texte du projet de loi

Le texte proposé par le I du présent article pour compléter le I de l'article L. 433-3 du code monétaire et financier prévoit que le « prix proposé doit être au moins équivalent au prix le plus élevé payé par l'auteur de l'offre, agissant seul ou de concert au sens des dispositions de l'article L. 233-10 du code de commerce, sur une période définie par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers ». Selon les informations fournies à votre rapporteur général, cette période serait fixée par l'AMF après une consultation de place. Toutefois la fixation de cette période ne saurait être tout à fait libre dans la mesure où la directive précise que cette période se situe entre six et douze mois .

Le même alinéa prévoit ensuite que « l'Autorité des marchés financiers peut demander la modification du prix proposé dans les conditions et selon les modalités fixées dans son règlement général ». Selon une lecture littérale de la directive, la modification du prix, à la hausse ou à la baisse, ne pourrait être opérée par l'AMF qu'en cas de dysfonctionnements du marché . Il appartient donc à cette dernière de fixer dans son règlement général les circonstances précises dans lesquelles une telle modification peut être faite.

B. L'AMÉNAGEMENT DE LA COMPÉTENCE DE L'AMF

1. La possibilité pour l'AMF d'accorder une dérogation à l'obligation de déposer un projet d'offre publique

Le I du présent article propose également de modifier le I de l'article L. 433-3 du code monétaire et financier en inscrivant dans la loi la compétence reconnue à l'AMF de pouvoir accorder une dérogation à l'obligation de déposer un projet d'offre publique.

Cette compétence est actuellement formalisée dans les articles 234-6 à 234-8 du règlement général de l'AMF. Il est proposé ici de lui donner un fondement législatif approprié, compte tenu de l'importance de ce pouvoir, qui peut être source de contentieux.

Cette compétence est conforme aux dispositions de la directive précitée, qui par l'intermédiaire du point e du deuxième paragraphe de son article 4, précise que les questions touchant au droit des sociétés et notamment « les dérogations à l'obligation de lancer une offre » relèvent de la compétence et du contrôle de l'Etat membre dans lequel la société a son siège social.

2. La compétence de l'AMF sur les questions de droit des sociétés

Le point e du deuxième paragraphe de l'article 4 de la directive dispose que les questions « relatives à l'information qui doit être fournie au personnel de la société visée et les questions relevant du droit des sociétés, notamment le pourcentage de droits de vote qui donne le contrôle et les dérogations à l'obligation de lancer une offre, ainsi que les conditions dans lesquelles l'organe d'administration ou de direction de la société visée peut entreprendre une action susceptible de faire échouer l'offre, les règles applicables et l'autorité de contrôle compétente sont celles de l'Etat membre dans lequel la société a son siège social ».

Le II et le III du présent article opèrent une coordination, suite à la transposition de cet article de la directive dans l'article premier du présent projet de loi. Ainsi l'application des articles L. 433-3 et L. 433-4 du code monétaire et financier concernait « une société dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé », soit une société cotée en France.

Par conséquent, s'agissant du dépôt d'une offre publique obligatoire et de la mise en oeuvre de la garantie de cours, le règlement général de l'AMF fixera dorénavant les règles pour les sociétés dont le siège social est en France (II du présent article) et dont les titres sont admis à la négociation sur un marché réglementé d'un Etat membre ou d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen (III du présent article). En effet, ces deux procédures concernent le droit des sociétés qui, conformément à la directive, relève de la compétence de l'Etat où l'entreprise a son siège social.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Le présent article propose, d'une part, de transposer l'article 5 de la directive européenne relatif au prix équitable des offres publiques obligatoires, et d'autre part, de poursuivre la transposition de l'article 4 de la dite directive concernant les nouvelles règles de compétence des autorités de contrôle et la création d'une double branche de contrôle 36 ( * ) .

Votre rapporteur général approuve la mise en place d'un droit harmonisé des offres publiques, qui permet la généralisation au niveau européen d'un certain nombre de concepts que le droit français connaît déjà, telles que les offres publiques obligatoires et le rachat obligatoire 37 ( * ) . Ces notions particulièrement protectrices du droit des actionnaires minoritaires ont toujours mobilisé votre commission des finances.

La principale novation du présent article est de proposer dans le droit fil des travaux préparatoires de la loi de décembre 1993 qui introduisait le « squeeze-out » en droit français, un encadrement législatif du prix de l'offre publique obligatoire. Votre rapporteur général se félicite de cette introduction dans la mesure où elle participe de la clarification du droit des sociétés.

Toutefois s'agissant de la définition du prix équitable, votre rapporteur général souhaite préciser ou modifier trois éléments par voie d'amendements.

Premièrement , il estime que la période de référence qui servira à fixer le prix le plus élevé payé par l'offrant pourrait être fixée par le législateur . Dans cette perspective, il semble qu'une période de douze mois serait favorable aux actionnaires, dans la mesure où, plus la période est longue, plus la probabilité d'avoir un prix élevé est forte. A ce titre, il remarque que ce délai correspond à celui qui a été retenu au Royaume-Uni ainsi qu'en Belgique. Il vous propose donc un amendement tendant à inscrire cette période dans la loi.

Deuxièmement , votre rapporteur général propose, dans un souci de clarté et de meilleure conformité aux dispositions communautaires, que la définition du prix des offres publiques obligatoires, telle qu'elle est proposée par le présent article, soit modifiée . Ainsi au lieu de prévoir que le prix soit « au moins équivalent », il est proposé que le prix soit « équivalent » au prix le plus élevé payé par l'offrant au cours de la période de douze mois évoquée supra . Cette modification permettrait de mieux se conformer à l'esprit et la lettre de l'article 5 de la directive, selon lequel le prix d'une offre publique obligatoire est, par principe, le prix le plus élevé payé par l'offrant au cours d'une période donnée, ce principe pouvant connaître des dérogations en cas de disfonctionnement du marché. Dans cette dernière hypothèse, l'approche multicritères prendrait toute son importance.

Cette approche a le mérite de la simplicité, puisqu'elle réduit le risque de contestation du prix des offres obligatoires, et de la clarté, dans la mesure où elle établit une règle simple pour les investisseurs. Par ailleurs, si elle introduit une certaine rigidité dans la détermination d'une offre publique obligatoire, cette rigidité disparaît dès que le fonctionnement du marché ne permet plus d'assurer la représentation de la valeur de la société, qui est alors déterminée par l'approche multicritères .

Troisièmement, votre rapporteur général souhaite encadrer de manière plus stricte la compétence de l'AMF s'agissant de la modification du prix de l'offre publique obligatoire . Comme cela l'a été expliqué ci-dessus, l'article 5 de la directive OPA prévoit que le prix de l'offre publique obligatoire puisse être modifié uniquement dans certaines circonstances préalablement déterminés. Ces circonstances 38 ( * ) correspondent à des cas de disfonctionnement du marché qui ne permettent pas de garantir la représentativité de la valeur de la société. Il vous propose donc un amendement prévoyant que le règlement général de l'AMF précise « les circonstances » et « les critères » du pouvoir de modification de l'AMF.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

* 33 I de l'article L. 433-1 du code monétaire et financier.

* 34 Cf. commentaire de l'article 2 du présent projet de loi.

* 35 La date du 20 mai 2006 correspond à la date limite à laquelle doit être transposée la directive OPA, selon son article 21.

* 36 Cf. commentaire de l'article premier du présent projet de loi.

* 37 Cf. commentaire de l'article 5 du présent projet de loi.

* 38 L'article 5 de la directive donne quelques exemples de circonstances où le prix de l'offre publique obligatoire peut être déterminé autrement que par le prix équitable : manipulation des cours, survenue d'évènements exceptionnels, sauvetage d'une entreprise en détresse...

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