Rapport n° 27 (2005-2006) de M. Jacques LEGENDRE , fait au nom de la commission des affaires culturelles, déposé le 19 octobre 2005

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N° 27

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2005-2006

Annexe au procès-verbal de la séance du 19 octobre 2005

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires culturelles (1) sur la proposition de loi de M. Philippe MARINI complétant la loi n° 94-665 du 4 août 1994 relative à l' emploi de la langue française ,

Par M. Jacques LEGENDRE,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jacques Valade, président ; MM. Ambroise Dupont, Jacques Legendre, Serge Lagauche, Jean-Léonce Dupont, Ivan Renar, Michel Thiollière, vice-présidents ; MM. Alain Dufaut, Philippe Nachbar, Pierre Martin, David Assouline, Jean-Marc Todeschini, secrétaires ; M. Jean Besson, Mme Marie-Christine Blandin, MM. Jean-Marie Bockel, Yannick Bodin, Pierre Bordier, Louis de Broissia, Jean-Claude Carle, Gérard Collomb, Yves Dauge, Mme Annie David, MM. Christian Demuynck, Denis Detcheverry, Mme Muguette Dini, MM. Louis Duvernois, Jean-Paul Émin, Mme Françoise Férat, MM. François Fillon, Bernard Fournier, Hubert Haenel, Jean-François Humbert, Mme Christiane Hummel, MM. Soibahaddine Ibrahim, Alain Journet, André Labarrère, Philippe Labeyrie, Pierre Laffitte, Simon Loueckhote, Mme Lucienne Malovry, MM. Jean Louis Masson, Jean-Luc Mélenchon, Mme Colette Mélot, M. Jean-Luc Miraux, Mme Catherine Morin-Desailly, M. Bernard Murat, Mme Monique Papon, MM. Jean-François Picheral, Jack Ralite, Philippe Richert, René-Pierre Signé, André Vallet, Marcel Vidal, Jean-François Voguet.

Voir le numéro :

Sénat : 59 (2004-2005)

Francophonie.

CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES

Réunie le 19 octobre 2005 sous la présidence de M. Jacques Valade, président, la commission a examiné le rapport de M. Jacques Legendre sur la proposition de loi n° 59 (2004-2005) de M. Philippe Marini relative à l'emploi de la langue française .

Le rapporteur a précisé que la proposition de loi examinée avait pour objet d'apporter quelques retouches et compléments au dispositif de la loi du 4 août 1994 sur l'emploi de la langue française, dont l'autorité et l'ancrage dans l'opinion sont maintenant bien établis.

Il a ensuite exposé les dispositions de la proposition de loi, précisant que si la rédaction qu'il en proposait s'écartait souvent de celle de la proposition initiale, elle participait, cependant, d'une même vision des objectifs à atteindre.

Suivant son rapporteur, la commission a estimé que l'article 2 de la loi du 4 août 1994, relatif à l'offre de biens et de services ainsi qu'à la publicité, était rédigé en termes suffisamment généraux pour s'appliquer en l'état au monde de la communication au public par voie électronique, sous réserve d'une retouche ponctuelle destinée à maintenir explicitement la publicité par voie électronique, maintenant distincte de la publicité audiovisuelle, dans le champ d'application de la loi (article 1 er ).

La commission a ensuite adopté deux dispositions complétant l'article 3 de la loi de 1994 précitée (article 2 de la proposition de loi) tendant respectivement :

- à imposer la traduction ou l'explicitation des termes étrangers utilisés dans la formulation d'une enseigne, dès lors que ceux-ci sont susceptibles de contribuer à l'information du consommateur ;

- à assurer aux voyageurs une information en français dans les transports internationaux en provenance ou à destination du territoire français.

Elle a approuvé les articles 3 et 4 de la proposition de loi qui ont pour objet de compléter respectivement les articles L. 123-1 et L. 210-2 du code de commerce afin d'imposer la traduction ou l'explicitation des termes étrangers utilisés dans la formulation d'une dénomination sociale, dès lors que ceux-ci indiquent la nature de l'activité de l'établissement concerné.

Elle a, avec l'article 5 de la proposition de loi, étendu aux associations agréées de défense des consommateurs les pouvoirs reconnus aux associations de défense de la langue française par l'article 2-14 du code de procédure pénale pour leur permettre d'exercer également les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les infractions à un certain nombre de dispositions de la « loi Toubon ».

Avec l'article 6, elle n'a dispensé de l'obligation d'employer le français dans la rédaction de tout document comportant des obligations pour le salarié, inscrite à l'article L. 122-39-1 du code du travail, que les seuls documents destinés à des salariés étrangers, ou reçus de l'étranger et destinés à des salariés dont l'emploi nécessite une parfaite connaissance de la langue utilisée.

Elle a adopté l'article 7 dont l'objet est d'ériger les pratiques linguistiques en élément de dialogue social, à l'occasion de la présentation devant le comité d'entreprise d'un rapport sur l'utilisation de la langue française, présentation obligatoire dans les entreprises et les groupes de plus de 500 salariés, facultative dans les autres.

Elle a proposé, à l'article 8, d'imposer le français dans la rédaction des convocations et des procès-verbaux des comités d'entreprise, de façon à garantir la bonne information des salariés.

Avec l'article 9, elle a complété l'article 22 de la « loi Toubon » pour inciter les différentes administrations concernées à contribuer à l'élaboration du rapport annuel au Parlement sur la langue française et prévoir qu'un débat parlementaire pourrait être organisé à l'occasion de son dépôt.

La commission a adopté la proposition de loi dans le texte de ses conclusions reproduit ci-après.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Dix années après son adoption par le Parlement, la loi du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française, plus connue sous le titre de « loi Toubon », du nom de son promoteur, est devenue un élément emblématique de notre paysage législatif et sa légitimité est maintenant parfaitement reconnue par une opinion publique qui, prise dans son ensemble, en comprend à la fois l'intérêt et la nécessité.

La défense de la place de la langue française en France n'était cependant pas un combat gagné d'avance. Votre rapporteur, qui avait eu déjà l'honneur de défendre ce projet de loi devant notre Haute assemblée en qualité de rapporteur de la commission des affaires culturelles, se souvient des commentaires sarcastiques qui avaient accueilli, dans une partie de la presse, l'initiative du ministre de la culture.

Il se trouve certes toujours nombre de nos compatriotes pour troquer dans certaines occasions l'usage de notre langue contre celui d'un « anglais de communication internationale », ou encore de cette « langue usuelle en matière financière » qui n'ose pas dire son nom.

Mais il est significatif que plus personne en France ne conteste ni le principe ni les dispositions de la « loi Toubon ». Celles-ci suscitent même un intérêt nouveau chez un nombre croissant de nos concitoyens : les associations de consommateurs ont maintenant pleinement conscience de la nécessité d'assurer une bonne information en français du consommateur, qu'il s'agisse de l'étiquetage ou du mode d'emploi des produits ; quant au monde du travail, peu mobilisé à l'origine pour la défense du français, il découvre le caractère discriminant que peut présenter, pour les salariés, l'usage de plus en plus fréquent de l'anglais, et leurs représentants n'hésitent plus à se prévaloir des dispositions de la loi garantissant l'usage du français dans l'entreprise.

Ces évolutions méritent d'être saluées : elles montrent que les dix années qui se sont écoulées depuis l'adoption de la « loi Toubon » ont contribué à asseoir son ancrage dans l'opinion et dans notre jurisprudence.

Mais si positif que soit ce constat, votre rapporteur estime qu'il ne doit pas nous dispenser d'un bilan global de ces dix premières années d'application de la loi du 4 août 1994.

La proposition de loi déposée par notre collègue Philippe Marini, qui sélectionne avec beaucoup de pertinence quelques secteurs sensibles -celui de l'Internet et de la communication électronique, celui du visage de nos villes, à travers la question des enseignes, celui du monde de l'entreprise en général, et enfin, celui, général, de l'application effective de la loi- nous en fournit une occasion bienvenue.

LA LOI DU 4 AOÛT 1994 : UN TEXTE DE RÉFÉRENCE

La loi du 4 août 1994 sur l'emploi de la langue française s'inscrit dans une tradition nationale bien établie : les différents régimes qui se sont succédé au cours des siècles ont toujours considéré que la question de la langue relevait de l'Etat. Ce principe, qui a reçu récemment une consécration dans la Constitution, ne relève cependant pas d'une singularité française, et la période récente a vu nombre d'Etats, en particulier à l'occasion de leur indépendance retrouvée, se doter à leur tour d'une législation linguistique.

UNE TRADITION FRANÇAISE : LA LANGUE COMME AFFAIRE D'ÉTAT

En France, l'intervention de l'Etat en matière linguistique remonte au XVIe siècle.

C'est en effet à « l'ordonnance sur le fait de justice » d'août 1539, dite ordonnance de Villers-Cotterêts , que remontent, sous l'Ancien Régime , les prémices de notre législation linguistique 1 ( * ) . Dans ses articles 110 et 111, elle énonce : « Afin qu'il n'y ait cause de doutes sur l'intelligence des arrêts de justice, nous voulons et ordonnons qu'ils soient faits et écrits si clairement, qu'il n'y ait, ni puisse avoir, aucune ambiguïté ni incertitude, ni lieu à demander interprétation ». « Et pour ce que de telles choses sont souvent advenues sur l'intelligence de mots latins contenus esdits arrests, nous voulons doresnavant que tous arrests, ensembles toutes autres procédures , soient de nos cours souveraines et autres subalternes et inférieures, soient de registres, enquestes, commissions, sentences, testaments et autres quelconques, actes et exploits de justice, ou qui en dépendent soient prononcés, enregistrés et délivrés aux parties en langage maternel français et non autrement ».

Ce texte, qui n'a été abrogé expressément ni explicitement par aucune autre disposition postérieure, doit être considéré comme toujours en vigueur.

En 1635, sous l'impulsion de Richelieu, Louis XIII créa l'Académie française, avec pour objectif de « rendre le langage français non seulement élégant, mais capable de traiter tous les arts et toutes les sciences ». L'Académie a continué jusqu'à aujourd'hui de jouer un rôle essentiel dans l'évolution de la langue française, tant par l'élaboration de son dictionnaire, que par les avis qu'elle rend sur les propositions de néologismes élaborées par les commissions de terminologie.

Sous la Révolution française , la Convention étend considérablement le champ d'application de la réglementation linguistique et l'assortit de sanctions sévères : un décret du 2 Thermidor An II dispose que « nul acte public ne pourra, dans quelque partie que ce soit du territoire de la République, être écrit qu'en langue française ». Toutefois, l'application de ce décret a été suspendue dès le 16 Fructidor et ce texte doit être considéré maintenant comme abrogé.

Le Consulat , à son tour, adopte, le 24 Prairial An XI (13 juin 1803), un arrêté qui, sous couvert d'imposer l'usage du français dans les territoires nouvellement conquis par la France, dispose en réalité pour l'ensemble du territoire national. Mais ce texte, moins ambitieux, n'était assorti d'aucune sanction, y compris à l'égard des agents publics qui n'en auraient pas respecté les prescriptions.

La Ve République a renoué avec cette tradition en créant successivement, en 1966, un Haut comité pour la défense et l'expansion de la langue française, et, en 1972, des commissions de terminologie placées auprès des administrations centrales. En outre, une loi du 31 août 1975 , issue d'une proposition d'origine parlementaire et adoptée à l'unanimité, a imposé un premier ensemble de prescriptions linguistiques dans le souci principal d'assurer la protection du consommateur.

UNE LOI QUI FAIT AUTORITÉ

La loi du 31 août 1975, dite « Bas-Lauriol », a eu le mérite d'ouvrir une voie novatrice. Mais la loi du 4 août 1994 , qui a repris certaines des dispositions de sa devancière, présente par rapport à cette dernière un certain nombre d'atouts décisifs : adossée au statut constitutionnel de la langue française, elle bénéficie d'un champ d'application large qui lui permet d'embrasser les différents domaines où la défense de la langue est nécessaire et son dispositif est assorti de sanctions destinées à garantir son effectivité.

Un adossement constitutionnel

La réforme opérée par la loi constitutionnelle du 25 juin 1992 a consacré le statut constitutionnel de la langue française, « langue de la République », comme le rappelle désormais l'article 2 de notre loi fondamentale.

Cette consécration fournit en quelque sorte un socle juridique solide auquel s'adosse la loi du 4 août 1994.

Le Conseil constitutionnel doit assurer le respect de ce principe, tout en le conciliant avec les autres grands principes auprès desquels il prend place, comme par exemple celui de la liberté d'expression et de communication.

La loi du 4 août 1994 confirme ce statut de la langue et rappelle dans son article premier que « Langue de la République en vertu de la Constitution, la langue française est un élément fondamental de la personnalité et du patrimoine de la France » , et qu'elle est « le lien privilégié des Etats constituant la Communauté de la francophonie ».

Un champ d'application large

La loi du 4 août 1994 comporte un champ d'application particulièrement large. Posant dès son article premier le principe que le français est « la langue de l'enseignement, du travail, des échanges et des services publics », elle touche aux différents aspects de notre vie culturelle, économique et sociale où la défense de notre langue est nécessaire.

? Le français, langue des échanges : le souci de l'information du consommateur

Dans ce domaine, qui constituait déjà la préoccupation première de la loi de 1975 « Bas-Lauriol », l'article 2 de la loi de 1994 impose l'usage du français dans la publicité et les échanges commerciaux.

La rédaction de l'article 2 marque la volonté de couvrir l'ensemble du champ des échanges. Elle dispose en effet que « dans la désignation, l'offre, la présentation, le mode d'emploi ou d'utilisation, la description de l'étendue et des conditions de garantie d'un bien ou d'un produit, d'un service, ainsi que dans les factures et quittances, l'emploi de la langue française est obligatoire ».

La circulaire du Premier ministre du 19 mars 1996 précise que cette obligation s'impose à « tous les documents destinés à informer le consommateur ou l'utilisateur », et en donne une liste non exhaustive. Elle ne dispense de cette obligation que « les factures et autres documents échangés entre professionnels, personnes de droit privé et étrangères, qui ne sont pas consommateurs ou utilisateurs finaux des biens, produits ou services ».

? L'information dans les lieux publics et les transports

L'article 3 de la loi de 1994 impose le français dans la formulation de toute inscription ou annonce apposée ou faite sur la voie publique, dans un lieu ouvert au public ou dans un moyen de transport en commun, et qui est destinée à l'information du public.

Le champ d'application de cette obligation est sensiblement plus étendu que dans la précédente loi du 31 décembre 1975. Cette dernière limitait en effet cette prescription linguistique aux seuls lieux appartenant à une personne publique, ou à une personne privée concessionnaire d'une mission de service public.

La loi de 1994 soumet au respect de cette obligation l'ensemble des personnes privées et publiques propriétaires d'un lieu ouvert au public, mais prévoit des sanctions supplémentaires lorsque l'inscription fautive est apposée par un tiers utilisateur sur un bien appartenant à une personne morale de droit public.

? Le français, langue des services publics

Les services publics sont soumis à des exigences particulières :

- l'article 5 impose le français dans la rédaction des contrats auxquels sont parties une personne morale de droit public ou une personne privée exécutant une mission de service public ;

- l'article 6 impose la mise en place d'un dispositif de traduction pour les colloques et congrès organisés par une personne morale de droit public ou par une personne privée chargée d'une mission de service public ;

- l'article 7 impose aux publications, revues et communications diffusées en France, l'obligation de comporter au moins un résumé en français, dès lors qu'elles émanent d'une personne morale de droit public, d'une personne privée exerçant une mission de service public, ou d'une personne privée bénéficiant d'une subvention publique ;

- l'article 14 interdit aux personnes morales de droit public et aux personnes privées chargées d'une mission de service public l'emploi d'une marque de fabrique, de commerce ou de service , constituée d'une expression ou d'un terme étranger dès lors qu'il existe une expression ou un terme français de même sens officiellement approprié.

Différentes circulaires sont venues préciser ou compléter le dispositif de la loi pour rappeler que le français devait être la langue de l'administration et des services publics :

- la circulaire du 12 avril 1994 du Premier ministre relative à l'emploi de la langue française par les agents publics rappelle que la langue est « un élément important de la souveraineté nationale et un facteur de la cohésion sociale ». Elle invite les agents publics à promouvoir son usage correct et son rayonnement, dans leurs activités en France, comme dans les instances internationales, pour que le français reste une langue de communication internationale de premier plan ;

- la circulaire du Premier ministre du 14 février 2003 est revenue sur les obligations particulières incombant aux agents publics dans le double souci d'assurer la présence du français sur le territoire national et d'affirmer la place du français sur la scène internationale ; les obligations générales formulées par ce texte ont ensuite été délivrées pour chaque administration, par une série de circulaires ministérielles.

? Le français, langue des colloques et des congrès

L'article 6 de la loi de 1994 garantit à toute personne participant à une manifestation, à un colloque ou à un congrès organisé en France par des Français, le droit de s'exprimer en français .

Elle impose également le français dans la rédaction des documents distribués aux participants pour en présenter le programme ; les documents préparatoires, les documents de travail, les interventions ou les actes des travaux doivent être accompagnés au moins d'un résumé en français .

? Le français, langue de l'enseignement et de la recherche

Aux termes de l'article 11 , le français est « la langue de l'enseignement, des examens, des concours, ainsi que des thèses et mémoires dans les établissements publics et privés d'enseignement » Des exceptions sont cependant prévues pour l'enseignement des langues étrangères, l'accueil des professeurs étrangers, les écoles étrangères et les établissements dispensant un enseignement international.

L'arrêté du 18 janvier 1994 relatif à la création d'une procédure de co-tutelle de thèse entre établissements d'enseignement supérieur français et étrangers s'inscrit dans cette perspective. Il précise que la thèse préparée en co-tutelle est rédigée et soutenue dans l'une des langues nationales des deux pays concernés et qu'elle est complétée par un résumé dans l'autre langue, si les langues nationales des deux pays sont différentes.

Dans tous les cas de figure, le doctorant est donc tenu de soutenir sa thèse ou d'en présenter le résumé en langue française.

? Le français, langue de travail

La loi « Bas-Lauriol » de 1975 comportait déjà des dispositions imposant l'usage du français dans la rédaction du contrat de travail et des offres d'emploi. Mais la loi du 4 août 1994 a renforcé et élargi ces exigences : elle impose le français, non seulement dans la rédaction du contrat de travail ( article 8 ) et dans celle des offres d'emploi ( article 10 ), mais également :

- dans celle du règlement intérieur et de tout document comportant des obligations pour le salarié, ou des dispositions dont la connaissance est nécessaire à celui-ci pour l'exécution de son travail ;

- dans les conventions et accords collectifs du travail, et les conventions d'entreprise ou d'établissement ( article 9 ).

? Le français, langue de l'audiovisuel

L'article 12 de la loi a rendu obligatoire l'usage du français dans l'ensemble des émissions et des messages publicitaires des organismes et services de radiodiffusion sonore ou télévisuelle, tout en assortissant ce principe d'exceptions, que commande le bon sens, en faveur des oeuvres cinématographiques, audiovisuelles, ou musicales en version originale étrangère, et des programmes dont la finalité est l'apprentissage d'une langue.

Un dispositif équilibré et apprécié dans l'opinion

Le dispositif de la loi du 4 août 1994 est marqué par le souci de concilier la défense de la langue française avec d'autres impératifs. Cette volonté d'équilibre a contribué à asseoir l'autorité de la loi , et à faciliter l'acceptation de son dispositif .

? Une position ouverte à l'égard des traductions

Tout en imposant l'emploi du français, de nombreuses dispositions de la loi autorisent très libéralement la présentation conjointe de traductions .

Ainsi, les prescriptions linguistiques relatives aux échanges commerciaux et aux informations dans les transports et lieux publics autorisent la présentation conjointe d'une ou plusieurs traductions sous la seule réserve que la présentation en français soit aussi lisible, audible ou intelligible que la présentation en langue étrangère. Cette précaution, dont votre rapporteur souhaiterait que le respect soit plus systématiquement assuré, a pour objet de décourager des tentations récurrentes de contourner l'esprit de la loi en exilant le texte français dans une partie reculée de l'affiche ou en lui attribuant une police de caractères trop discrète.

Les prescriptions relatives au monde du travail prévoient également la possibilité d'assortir le règlement intérieur ou le contrat de travail de traductions en une ou plusieurs langues étrangères.

La loi impose aux seules personnes morales de droit public et aux personnes de droit privé exerçant une mission de service public une exigence particulière : les traductions en langues étrangères de leurs annonces doivent être au moins au nombre de deux de façon à garantir un minimum de multilinguisme.

Dans plusieurs cas de figure, comme par exemple celui des colloques ou celui des publications, la loi accepte que des documents, des communications ou des revues soient délivrés en langue étrangère, et borne ses exigences à la présentation d'un résumé en français .

? Des exigences proportionnées à leur objectif

Les prescriptions de la loi sont proportionnées à leurs objectifs de protection des consommateurs, d'information du public ou de défense des salariés.

Le dispositif de la loi lui-même prévoit un certain nombre de situations dans lesquelles les exigences linguistiques cèdent le pas devant d'autres intérêts :

- les nécessités de l'enseignement et en particulier celui des langues étrangères et des langues régionales, ou encore celles des écoles étrangères ou des enseignements internationaux ;

- la liberté d'expression et de communication, en particulier à l'occasion de la diffusion d'oeuvres étrangères en langue originale ;

- les nécessités du commerce international qui dispensent certains établissements publics et notamment la Banque de France et la Caisse des dépôts, de rédiger en français les contrats destinés à être exécutés intégralement hors du territoire national.

? L'examen par le Conseil constitutionnel :

Le texte de la loi du 4 août 1994 tel qu'il a été adopté et voté par le Parlement reflétait un souci sincère d'équilibre entre la défense de notre langue et les exigences posées par nos grands principes constitutionnels.

Dans sa décision n° 94-345 du 29 juillet 1994, le Conseil constitutionnel a cependant censuré certaines de ses dispositions.

* Il s'agit tout d'abord de toutes celles qui prévoyaient que « le recours à tout terme étranger ou à toute expression étrangère est prohibé lorsqu'il existe une expression ou un terme français de même sens approuvé dans des conditions prévues par les dispositions réglementaires relatives à l'enrichissement de la langue française ».

Ces dispositions figuraient au deuxième alinéa de l'article 2 ( présentation des biens et services ), à l'article 3 ( inscriptions sur la voie publique et dans les transports ), à l'article 8 ( contrat de travail ), à l'article 9 ( rédaction de règlement intérieur et des documents comportant des obligations pour le salarié ), à l'article 10 ( offres d'emploi ), et à l'article 12 ( émissions et messages publicitaires radiodiffusés et télévisés ).

Le Conseil les a censurées, comme contraires à la liberté de pensée et d'expression proclamée par l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, estimant que le législateur ne pouvait « imposer à des personnes privées, l'obligation d'user, sous peine de sanctions, de certains mots ou expressions définies par voie réglementaire sous forme d'une terminologie officielle ».

Le Conseil a relevé en outre, que les dispositions des articles 2, 3, 8, 9 et 10 précités n'opéraient aucune distinction entre, d'une part, les personnes morales de droit public et les personnes morales de droit privé dans l'exercice d'une mission de service public, et d'autre part, les autres personnes privées, et que, eu égard au caractère indissociable de leur formulation, elles devaient être déclarées dans leur ensemble contraires à la Constitution.

* Le Conseil a également censuré les dispositions de l'article 7 subordonnant « l'octroi par une personne publique de toute aide à des travaux d'enseignement et de recherche à l'engagement pris par les bénéficiaires d'assurer une publication ou une diffusion en français de leurs travaux, ou d'effectuer une traduction en français des publications en langue étrangère auxquelles ils donnent lieu, sauf dérogation accordée par le ministre de la recherche. »

Le Conseil constitutionnel a censuré cette disposition en considérant qu'elle imposait « aux enseignants et chercheurs, qu'ils soient français ou étrangers, des contraintes de nature à porter atteinte à l'exercice de la liberté d'expression et de communication dans l'enseignement et la recherche. »

Il a considéré que la faculté d'accorder des dérogations conférées au ministre de la recherche ne constituait pas une garantie suffisante pour préserver cette liberté dans la mesure où elle n'était assortie « d'aucune condition relative notamment à l'appréciation de l'intérêt scientifique et pédagogique des travaux ».

Votre rapporteur, comme de nombreux autres observateurs, s'était alors étonné de la sévérité du juge constitutionnel . Il avait en particulier eu le sentiment qu'imposer l'usage de mots français quand ils existaient, en lieu et place de vocables étrangers, ne revenait pas à imposer l'usage d'une terminologie officielle mais relevait du simple respect de notre langue.

Le contrôle peut-être un peu pointilleux auquel s'est livré le Conseil a du moins le mérite de montrer que la loi de 1994 a fait l'objet d'un examen vigilant, et que le texte qui a finalement été promulgué est irréprochable au regard de nos principes constitutionnels.

? Une loi dont l'utilité est pleinement reconnue

L'utilité de la loi est maintenant pleinement reconnue et ses dispositions font l'objet d'un large consensus qui transcende les sensibilités politiques.

Un sondage réalisé en février 2000 par la SOFRES, à la demande de l'Association Force ouvrière Consommateurs sur l'utilisation de la langue française dans l'étiquetage et les modes d'emploi des produits destinés à la consommation, en ont apporté la confirmation :

- 93 % de personnes interrogées trouvaient ces dispositions très ou assez utiles, et cette proportion était identique chez les sympathisants de droite et de gauche ; cette proportion montait à 98 % pour les cadres et les professions intellectuelles ;

- 77 % des sondés ont répondu non à la question de savoir s'ils trouvaient la loi rétrograde et peu adaptée à la mondialisation ;

- 86 % des personnes interrogées ont estimé que le français devait rester obligatoire dans l'étiquetage et les modes d'emploi.

Un régime de contrôles et de sanctions destinés à garantir l'application de la loi

La loi « Bas-Lauriol » de 1975 péchait par un régime de sanctions lacunaire et mal adapté qui n'a pas favorisé son application et son respect effectifs.

Le législateur de 1994 s'est efforcé de remédier à ces faiblesses en assortissant le dispositif de la nouvelle loi d'un régime de sanctions diversifiées, et de modalités de contrôles originales.

Pour marquer l'intérêt public qui s'attache à la défense de la langue française sur notre territoire, il a en outre précisé, dans l'article 20, que les dispositions de la loi de 1994 étaient d'ordre public . Les règles qu'elle édicte sont ainsi clairement affirmées comme relevant de l'intérêt général, leur observation s'impose à peine de nullité absolue et le code civil interdit que l'on y déroge par des conventions particulières.

• Une diversification des sanctions applicables

En matière contractuelle , que ce soit dans la rédaction des contrats signés avec des personnes morales de droit public, dans celle des contrats de travail, des conventions et accords collectifs de travail ou des conventions d'entreprise ou d'établissement, l'inobservation des règles linguistiques emporte l'inopposabilité relative du contrat .

En matière de droit du travail , et à l'exception des actes contractuels visés ci-dessus, le respect des prescriptions linguistiques est confié à l'inspecteur du travail , qui peut, à tout moment exiger le retrait ou la modification du règlement intérieur ou du document incriminé.

L'article 15 subordonne l'octroi de subventions publiques au respect des prescriptions linguistiques de la loi, et envisage, en cas de manquements, la possibilité de leur restitution totale ou partielle. Enfin, les personnes publiques d'un bien sur lequel une inscription fautive aura été apposée, peuvent retirer l'usage du bien au contrevenant.

Enfin, les infractions aux dispositions des articles 2 ( publicité et transactions commerciales ), 3 ( inscriptions et annonces dans un lieu public ), 4 ( présentation respective des mentions en langue française et en langues étrangères ) 6 ( organisation de colloques ) et 9 ( documents destinés aux salariés ) sont assorties de sanctions pénales et assimilées par le décret n° 95-240 du 3 mars 1995 à des contraventions de la 4è classe , punies d'une amende maximale de 750 euros. Le juge peut en outre adresser à la personne fautive l'injonction de se mettre en conformité avec la loi, et assortir cette injonction d'une astreinte.

? Le droit des associations d'ester en justice

La consécration, par l'article 19 de la loi, de la possibilité pour les associations de défense de la langue française d'exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne certaines infractions à la législation linguistique, participe également de la volonté d'assurer le respect effectif de la loi.

Ce droit, pour les associations, d'ester en justice, peut s'exercer à l'encontre des infractions aux dispositions des textes pris pour l'application des articles 2 ( publicité et transactions commerciales ), 3 ( inscriptions et annonces dans les lieux publics ), 4 ( présentation des textes français et étrangers ), 6 ( organisation de colloques ), 7 ( publications et revues ) et 10 ( offres d'emplois ). Actuellement, trois associations ont reçu l'agrément ministériel 2 ( * ) nécessaire pour exercer ce droit. Il s'agit de :

- l'Association francophone d'amitié et de liaison (AFAL) ;

- l'Avenir de la langue française (ALF) ;

- la Défense de la langue française (DLF).

? Le constat des infractions aux dispositions relatives à la publicité et aux transactions commerciales

L'article 16 de la loi du 4 août 1994 prévoit une procédure particulière pour la constatation des infractions aux textes pris pour l'application de l'article 2, relatif à la publicité et aux transactions commerciales.

Elle confie la recherche et la constatation de ces infractions, outre aux agents et officiers de police judiciaire, à certains agents publics, et notamment aux agents de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et de la Direction générale des douanes et droits indirects.

La loi définit en outre très précisément les pouvoirs dévolus à ces agents et la portée des contrôles qu'ils sont amenés à opérer.

UNE PRÉOCCUPATION PARTAGÉE PAR UN NOMBRE CROISSANT D'ÉTATS

Si la loi du 4 août 1994 s'inscrit dans notre tradition nationale qui assigne à l'Etat une responsabilité particulière en matière de défense de la langue française, cette préoccupation linguistique n'est pas pour autant le monopole de notre pays. D'autres Etats se sont également dotés d'une législation relative à l'emploi de leur langue et leur nombre tend d'ailleurs à augmenter régulièrement, en particulier dans les pays qui ont accédé à une pleine indépendance au lendemain de la chute des régimes communistes européens.

La charte de la langue française au Québec : un exemple à méditer

Le Québec a une longue tradition en matière de défense de la langue française et de son emploi dans la « Belle province » .

Dès 1910, une loi « Lavergne » a imposé l'usage du français et de l'anglais dans les titres de transport de voyageurs et dans les autres documents fournis par les entreprises d'utilité publique. Une loi de 1967 a par la suite rendu obligatoire l'étiquetage en français des produits agricoles.

C'est en 1969 qu'à été adopté le premier texte de portée générale : « la loi pour promouvoir le français au Québec » comportait notamment des dispositions consacrant le statut du français comme langue du travail, comme langue prioritaire dans l'affichage public, et comme langue d'usage dont l'enseignement est obligatoire dans le réseau scolaire anglophone.

La « charte de la langue française » qui lui a succédé en 1977 a été remaniée et complétée à plusieurs reprises.

Elle dispose, dans son article 1 er , que « le français est la langue officielle du Québec ».

De ce statut découlent un certain nombre de droits linguistiques fondamentaux reconnus aux usagers de l'administration, de l'enseignement et des services sociaux, ainsi qu'aux consommateurs.

Les cent premiers articles regroupés en chapitres distincts consacrent le français comme langue de la législation et de la justice, langue de l'administration, langue des organismes parapublics, langue du travail, langue du commerce et des affaires ou encore langue de l'enseignement.

Certaines de ces dispositions sont très proches de celles de la loi française .

C'est le cas par exemple des articles 41 et 43 qui rendent obligatoires l'usage du français dans la rédaction des offres d'emploi, des conventions collectives et des communications adressées par un employeur à ses salariés, ou encore de nombre de dispositions relatives au commerce, qui imposent le français dans les inscriptions et modes d'emploi relatifs à un produit (article 51), dans les catalogues et brochures (article 52), dans les contrats d'adhésion (article 55), dans l'affichage et la publicité commerciale (article 58).

D'autres dispositions formulent en revanche des exigences originales actuellement méconnues de notre droit, comme par exemple l'article 63 (« Le nom d'un entreprise doit être en langue française »), l'article 64 ( « Un nom en langue française est nécessaire à l'obtention de la personnalité juridique »), l'article 65 (« Les noms qui ne sont pas en langue française doivent être modifiés avant le 31 décembre 1980... »), l'article 66 (« Les articles 63, 64 et 65 s'appliquent également aux noms déclarés au registre constitué en vertu de la loi sur la publicité légale des entreprises individuelles, des sociétés et des personnes morales »). La charte autorise cependant les entreprises à faire figurer, « comme spécifiques », dans leur nom, des patronymes et des toponymes formés de la combinaison artificielle de lettres, de syllabes ou de chiffres, ou des expressions tirées d'autres langues (article 67), ou encore à assortir leur nom d'une version dans une autre langue que le français pourvu que, dans son utilisation, le nom de langue française figure de façon au moins aussi évidente.

A ces prescriptions linguistiques proprement dites, s'ajoutent plusieurs dispositions d'ordre institutionnel précisant la composition et les attributions de « l'Office québécois de la langue française », du « Conseil supérieur de la langue française » ou encore de la « Commission de toponymie ».

La politique de restauration linguistique en Lituanie

Au lendemain de son indépendance, la Lituanie a adopté en 1992 par référendum une nouvelle Constitution dont l'article 14 consacre le lituanien comme langue officielle du pays.

Pour remédier aux préjudicies subis par la langue lituanienne durant les années d'occupation soviétique, le Parlement -le Seimas- a beaucoup légiféré pour restaurer et généraliser l'emploi du lituanien dans les différents domaines de la vie de l'Etat et de la société.

Cette politique globale, qui correspond à un véritable projet de société, s'est traduite par l'adoption en 1995 d'une loi sur la langue officielle, et de multiples dispositions linguistiques éparses dans une centaine de lois.

L'article 3 de la loi de 1995 érige le lituanien en langue unique de la justice et de la législature : c'est en lituanien que doivent être adoptés et promulgués les lois et les actes juridiques. Le lituanien est également la langue de l'administration , et c'est dans cette langue que les services publics doivent s'adresser aux citoyens, même si certains textes, comme la loi sur la police, prévoient la possibilité d'attribuer des primes aux fonctionnaires dont le service requiert la connaissance d'une langue étrangère .

La loi impose le monopole du lituanien dans la désignation de noms de lieux, de villes ou de rues.

L'Etat garantit en outre à tous les citoyens le droit de recevoir leur instruction en lituanien, tout au long de leur scolarité, de la maternelle à l'université, et les établissements d'enseignement ont l'obligation de dispenser leur enseignement dans la langue officielle, sauf dérogations relatives aux langues des minorités nationales.

Les prescriptions linguistiques s'étendent au monde de l' économie . Les entreprises privées établies en Lituanie doivent détenir une raison sociale lituanienne conforme aux normes de la langue lituanienne, et aux règles prescrites par la Commission de la langue lituanienne. Toutes les enseignes publiques doivent être rédigées en lituanien , être écrites correctement et en alphabet latin.

L'article 4 de la loi consacre le lituanien comme langue du travail : « Toute institution, tout bureau, toute entreprise et organisme établi en République de Lituanie doit conclure ses affaires et conserver ses dossiers, rapports, documents techniques et financiers dans la langue officielle ». C'est également la langue des contrats et des transactions .

L'article 5 de la loi de 1994 sur la protection des consommateurs pose des exigences en matière d'information en lituanien dans des termes proches de ceux de l'article 2 de notre « loi Toubon ». L'article 13 impose dans la projection cinématographique et les programmations audiovisuelles, la traduction ou le sous-titrage systématique en lituanien. Quant aux médias écrits et électroniques, ils doivent respecter « les normes de la langue lituanienne correcte ».

La protection de la langue lituanienne est confiée à une « Commission d'Etat sur la langue lituanienne », instaurée par une loi de 1993 qui est chargée de veiller à la bonne application de la loi sur la langue officielle, ainsi qu'à la fixation et à l'enrichissement de la grammaire et du vocabulaire.

La politique de « lettonisation » vigoureuse

Au lendemain de l'indépendance, la Lettonie a restauré l'ancienne constitution de 1922 et transformé la loi linguistique de la République socialiste soviétique de Lettonie de 1989 en Loi de la République de Lettonie sur les langues . Constatant que « durant les dernières décennies, l'emploi du letton dans la vie de l'Etat et de la société a diminué de façon substantielle », le préambule de cette loi juge indispensable l'adoption de normes protectrices de la langue lettone, de façon à en généraliser l'emploi dans l'Etat, dans la société, et dans l'enseignement.

Son emploi s'impose dans les organismes d'Etat, mais aussi dans les entreprises, institutions et organisations établies en Lettonie. Celles-ci sont tenues d'utiliser la langue officielle dans leur gestion et dans tous les documents se rapportant à leur gestion, ainsi que dans leur correspondance avec des destinataires vivant dans le pays.

Le letton est la langue de la législature et seuls les citoyens lettons munis d'un diplôme officiel d'une école attestant leur connaissance du letton peuvent être candidats aux élections, locales ou nationales. Cette mesure de lettonisation de la vie publique peut paraître radicale, dans un pays où la population parlant le letton ne représente que 54,5 % de la population.

La loi sur l'éducation de 1991 en fait également la langue de l'enseignement.

L'article 20 de la loi sur les langues impose en matière de présentation et d'étiquetage de biens des normes proches des nôtres. L'affichage doit être rédigé uniquement dans la langue officielle, y compris les enseignes commerciales . Toutes les raisons sociales des entreprises établies en Lettonie doivent être rédigées uniquement dans la langue officielle, mais les entreprises étrangères peuvent utiliser en plus une dénomination étrangère avec l'autorisation du Centre de la langue officielle du Conseil des ministres. L'emploi exclusif d'une dénomination étrangère est interdit sans l'autorisation expresse du Centre de la langue officielle. Enfin, si les marques de commerce en d'autres langues n'ont pas à être traduites, elles doivent cependant être rédigées en alphabet latin.

La langue officielle est également obligatoire dans les médias publics mais les médias privés peuvent utiliser la langue de leur choix : langues des minorités nationales ou langues étrangères.

La République de Lettonie s'est également dotée de plusieurs organismes linguistiques : commission de contrôle linguistique, centre de la langue officielle.

La politique linguistique de l'Estonie

L'Estonie a adopté peu après sa proclamation d'indépendance, dès 1992, une nouvelle Constitution dont l'article 6 consacre l'estonien comme langue officielle, puis en février 1995, une loi sur la langue qui confirme l'estonien comme langue officielle de l'Etat et des collectivités territoriales et précise que « toute autre langue que l'estonien sera considérée comme une langue étrangère ».

La loi confirme l'estonien dans son rôle de langue de la législature (seuls peuvent être candidats à une élection nationale ou locale des estoniens munis d'un diplôme attestant de leur connaissance de la langue), de langue de l'administration , et de langue de l'éducation .

Elle impose l'usage de l'estonien pour l'affichage et la publicité commerciale, y compris pour les enseignes publiques , et veille à l'information du consommateur dans la langue officielle.

Enfin, les articles 21 et 22 de la loi précisent que la dénomination sociale et la raison sociale d'une entreprise doivent être formulées en estonien et en alphabet latin.

La loi sur la langue polonaise

La Pologne s'est dotée le 7 octobre 1999 d'une loi sur la langue polonaise, langue dont le Préambule de la Constitution a rappelé qu'elle était « un élément constitutif de l'identité et de la culture nationale ».

La loi édicte un certain nombre de principes destinés à garantir le bon usage de la langue polonaise et confie à un Conseil de la langue la responsabilité de fixer la langue, son orthographe et son usage.

Elle impose l'usage du polonais comme langue officielle dans les organismes constitutionnels, les administrations nationales et leurs échelons déconcentrés, ainsi que dans les institutions locales.

Ses prescriptions s'imposent également aux entreprises privées , y compris aux entreprises étrangères installées en Pologne. L'article 7 de la loi fait obligation à tout individu résidant en Pologne et à toute personne morale établie en Pologne, d'employer le polonais dans toutes les transactions commerciales , et en particulier dans la rédaction des offres, annonces, listes de prix, modes d'emplois, manuels d'entretien, certificats de garantie, factures, et publicités.

L'utilisation exclusive de termes étrangers n'est admise que dans la désignation des marques de commerce.

Les contrats conclus avec les pouvoirs publics ou avec une entreprise polonaise doivent être rédigés en polonais, dès lors qu'ils sont conclus en Pologne, même avec un partenaire étranger. Les versions multilingues sont autorisées, mais la version polonaise jouit d'une autorité juridique exclusive. L'article 8 précise qu'« aucun accord écrit dans une langue étrangère n'a de valeur légale ».

L'article 9 de la loi confirme le polonais dans son statut de langue de l'éducation et des examens.

Hongrie : des prescriptions limitées à la sphère économique

La langue hongroise, qui est une langue non européenne appartenant à la famille caucasienne, est parlée par la majorité magyare qui constitue 90 % de la population.

La Constitution de 1997 ne contient aucune disposition à l'égard du hongrois et les lois du pays ne traitent dans l'ensemble que fort peu de la langue hongroise. Certaines dispositions garantissent en revanche les droits linguistiques des minorités, en particulier en matière d'éducation. La loi sur l'enseignement supérieur, qui reconnaît une large autonomie aux établissements, leur laisse toute latitude pour adopter une ou plusieurs langues d'enseignement en plus du hongrois.

Le domaine économique et commercial est le seul où la Hongrie pratique un certain interventionnisme linguistique : le décret 18/1986 précise que la dénomination d'un magasin ne peut comprendre que des mots hongrois ou des mots étrangers acclimatés en Hongrie ; aux termes du décret n° 25/1986, les dénominations du commerce et les raisons sociales des entreprises ne peuvent recourir qu'à des mots hongrois.

La loi sur la langue russe

La Russie s'est également dotée en mai 2005 d'une « loi sur la langue officielle de la Fédération de Russie » qui fait du russe la langue des pouvoirs constitutionnels, des administrations nationales et locales, de l'état civil et des tribunaux. Elle impose également son emploi dans la publicité et les médias.

La politique linguistique fédérale américaine

La Constitution américaine de 1787 toujours en vigueur, mais plusieurs fois remaniée, ne contient aucune disposition linguistique consacrant l'anglais comme langue officielle du pays.

L'anglais est toutefois la seule langue utilisée par l'administration fédérale américaine, que ce soit au Parlement, dans les cours de justice, les services publics ou l'affichage.

D'une façon générale, le Gouvernement fédéral américain a toujours favorisé l'anglais au détriment des autres langues, qu'il s'agisse de celles des nouveaux immigrants ou de celles des peuples indigènes.

Sous une apparence de laisser faire, une politique d'assimilation et d'anglicisation s'est avérée extrêmement efficace, et malgré la diversité de leurs origines, 80 % des Américains parlent l'anglais comme langue maternelle.

Certains assouplissements sont intervenus dans la législation et la politique fédérale dans le cadre de la dynamique initiée en 1964 par l'adoption de la loi sur les droits civils ( Civil Rights Act of 1964 ) répondant aux revendications des Noirs américains.

Plusieurs lois sur l'éducation bilingue se sont efforcées, depuis 1965, d'apporter un remède à l'échec scolaire des élèves entravés dans leur scolarité par leur mauvaise connaissance de l'anglais. Il est cependant significatif que cet enseignement, dont ont bénéficié jusqu'à 3,5 millions d'élèves dans les années 1990 - dont 65 % d'hispanophones - répondait à un objectif d'intégration et d'anglicisation, et non à un objectif de conservation de la langue maternelle initiale.

L'arrêt rendu le 21 janvier 1974 par la Cour suprême Lau v. Nichols est venu consacrer cette possibilité de recourir à la langue maternelle de l'enfant comme langue d'enseignement.

Des lois sur les langues amérindiennes en 1992 et 2001 ont également encouragé le développement « d'écoles de survie de langues amérindiennes » ( Native americans language survival school ) en s'efforçant de concilier revitalisation des langues amérindiennes et maîtrise de l'anglais standard.

Sous la présidence de Bill Clinton, plusieurs assouplissements sont intervenus dans la politique linguistique des administrations fédérales, pour autoriser et prévoir la présence d'interprètes dans les procédures d'immigration, dans le déroulement des procès, et dans les soins médicaux dispensés aux immigrants.

On assiste cependant depuis quelques années à un reflux important de ces politiques sous la pression d'une vague d'unilinguisme anglais qui s'accompagne d'un certain raidissement à l'égard de l'immigration.

Des organisations puissantes comme « English only » ou « US English » jouent un rôle important dans le développement de ces mouvements d'opinion.

Ce raidissement s'est traduit à l'échelon des Etats comme à l'échelon fédéral.

Plusieurs Etats ont adopté des lois et règlements décrétant l'unilinguisme anglais. Ainsi, par exemple, en 1988, une réforme de la Constitution de l'Arizona a interdit aux employés de l'Etat de communiquer avec les administrés en espagnol ou en navajo.

Au niveau fédéral, la Chambre des représentants a adopté en 1996 un projet de loi consacrant l'anglais comme langue officielle du Gouvernement fédéral mais ce projet de loi n'a pas été adopté au Sénat. En revanche, une nouvelle loi sur l'éducation promulguée par le président George W. Bush en janvier 2001 (« No Child Left Behind Act ») a drastiquement réduit le recours au bilinguisme dans l'éducation : la loi limite dorénavant à 3 ans la durée des études dans les programmes bilingues rebaptisés d'ailleurs « programmes de développement de l'anglais destinés aux enfants dont les compétences sont limitées en anglais ».

*

* *

De ce rapide survol, quelques conclusions s'imposent.

Les législations relatives à l'emploi de la langue nationale sont généralement le fait d'Etats auxquels l'histoire a fait sentir souvent de façon tragique à quel point la langue était un élément fondamental de leur indépendance et de leur identité. Mais de grandes nations aux territoires étendus, comme la Russie et les Etats-Unis, sont également de plus en plus sensibles à ces questions linguistiques.

Ces différentes législations présentent en outre un certain nombre de points communs dans leur insistance à imposer l'usage de la langue officielle dans les activités régaliennes, ce qui va effectivement de soi, ainsi que dans l'enseignement et les médias. Votre rapporteur relèvera en outre que dans le domaine économique, la plupart des dispositifs étudiés s'accordent pour garantir, dans des termes très proches, l'information du consommateur dans sa langue. C'est un point important à souligner dans un contexte où les institutions européennes semblent tentées de nous dénier le droit d'exiger l'emploi du français en matière d'étiquetage : il semble que, dans ce domaine, l'élargissement de l'Europe puisse nous apporter de nouveaux soutiens dans une revendication légitime.

Votre rapporteur soulignera également que la loi française paraît, en termes de législation comparée, moins exigeante que d'autres quant à la formulation des enseignes et des dénominations sociales.

C'est un point qui mérite d'être médité.

UN DISPOSITIF LÉGISLATIF SATISFAISANT MAIS ENCORE INÉGALEMENT APPLIQUÉ

Votre rapporteur s'est attaché à rencontrer un grand nombre de responsables publics ou privés qui sont intéressés sous des aspects divers aux problèmes posés par la défense de notre langue.

Ces auditions lui ont permis de recueillir le point de vue de ces différents interlocuteurs sur les dispositions de la proposition de loi de notre collègue Philippe Marini, et, plus généralement, de tirer un bilan des forces et faiblesses de la « loi Toubon » de 1994, à la lumière de ses dix premières années d'application.

Le sentiment qui prévaut de ces différents entretiens est globalement très positif : les dispositions de la loi couvrent bien les différents domaines de la défense de notre langue, et aucun secteur significatif n'a été laissé de côté. En outre, la rédaction de son dispositif a su s'élever à un niveau de généralité suffisant pour s'adapter aux évolutions de la société, ou à celles de la technique. C'est une qualité qui mérite d'être saluée, à une époque où de nombreux textes législatifs ne craignent pas de déchoir en entrant dans des détails qui relèvent en principe du pouvoir réglementaire, et doivent être, de ce fait, constamment remaniés.

Malgré sa cohérence juridique d'ensemble, la loi de 1994 reste en pratique encore inégalement appliquée. Votre commission vous proposera, en conséquence, d'adopter une disposition autorisant les associations agréées de consommateurs à pouvoir se porter partie civile dans les affaires intéressant l'emploi de la langue française.

Cette réforme législative devrait contribuer à améliorer le respect effectif de la loi.

Mais par-delà cette réforme, votre commission adressera un appel pressant à certaines administrations, qui ne se sont pas jusqu'à présent suffisamment impliquées dans la défense de l'emploi du français, à exercer un contrôle plus vigilant dans leurs secteurs de compétences.

LE CONTRÔLE RÉGULIER DES DISPOSITIONS RELATIVES AU COMMERCE ET À LA PUBLICITÉ

Dans son article 2, la loi du 4 août 1994 rend obligatoire l'emploi du français « dans la désignation, l'offre, la présentation, le mode d'emploi ou d'utilisation, la description de l'étendue et des conditions de garantie d'un bien, d'un produit ou d'un service, ainsi que dans les factures et quittances » , ou encore dans la publicité.

Cette disposition qui répond au souci d'assurer au consommateur une bonne information dans sa langue est une des clefs de voûte les plus essentielles de toute législation linguistique : ce n'est pas un hasard si un dispositif analogue constituait déjà le coeur de la précédente loi française de 1975, et si les différentes lois étrangères évoquées plus haut comportent des prescriptions voisines des nôtres.

Cette disposition se trouve placée aujourd'hui dans une situation paradoxale :

- c'est sans doute la disposition dont le respect est aujourd'hui le mieux assuré, au plan interne, grâce en particulier à un dispositif de contrôle administratif qui a fait la preuve de son efficacité ;

- c'est une disposition qui se trouve confrontée aux défis de l'ouverture des frontières et de la mondialisation des échanges : la conciliation de ses modalités d'application avec les exigences de la libre circulation européenne est un sujet de discussion entre les autorités françaises et la Commission européenne ; le développement du commerce électronique et la déterritorialisation des transactions qui l'accompagnent posent le problème de la définition de son champ d'application géographique.

UN RESPECT EFFECTIF GARANTI PAR UN CONTRÔLE EFFICACE

Le respect de ces prescriptions est assuré grâce à des mécanismes de contrôle efficaces.

Le soin de rechercher et constater les infractions en ce domaine n'est en effet pas seulement confié aux officiers et agents de police judiciaire auxquels le code de procédure pénale reconnaît une compétence générale et de droit commun, mais aussi à certains corps de fonctionnaires spécialisés, et notamment aux agents de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et à ceux de la Direction générale des douanes et des droits indirects (DGDI).

En outre, les associations agréées de défense de la langue française peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne ces mêmes infractions.

Les actions de la Direction générale de la concurrence

Le rapport au Parlement sur l'emploi de la langue française présente chaque année un bilan des actions conduites par le DGCCRF qui permet de mesurer leur efficacité.

Le contrôle effectué par les services de la DGCCRF sur l'ensemble du territoire national, y compris les départements d'outre-mer, porte sur les produits importés comme sur ceux qui sont issus de la production nationale, ainsi que sur les services offerts aux consommateurs.

Les statistiques relatives à ces contrôles sont encourageantes : le nombre de contrôles est progressivement passé d'un millier au début des années 90 (sous l'empire de l'ancienne loi de 1975) à dix mille environ en 2002 et 2004 ; dans le même temps, le taux d'infraction a été divisé par deux , tombant en 10 ans de 20 % à 10 %.

Les services de la DGCCRF estiment aujourd'hui que la majorité des professionnels et en particulier ceux des secteurs industriels et des services, ont une bonne connaissance de la législation relative à l'emploi de la langue française et des obligations qu'elle leur impose.

Ceux-ci tiennent compte, dans la majorité des cas, des observations qui leur sont faites et engagent des actions correctrices.

Dans l'ensemble, les manquements sont le plus souvent de faible gravité et donnent lieu davantage à des rappels de la réglementation qu'à la mise en oeuvre de procédures contentieuses.

Ainsi, en 2004, sur plus de 10 000 interventions réalisées par la DGCCRF, 645 ont donné lieu à un rappel de la réglementation, et 248 à la rédaction d'un procès-verbal. Sur les 68 décisions de justice qui sont intervenues au cours de l'année, seules une trentaine ont abouti à un jugement définitif, les autres ayant été, suivant les cas, classées sans suite ou amnistiées.

Les actions de la Direction générale des douanes et des droits indirects

En proportion, le nombre des interventions de la Direction générale des douanes et des droits indirects est beaucoup plus limité. Il a cependant fortement progressé sur les trois dernières années, passant de 1 092 en 2002 à 2 284 en 2004. Le nombre des infractions relevées est passé de 31en 2002 à 39 en 2004 mais reste situé à un taux marginal : 1,7 %.

L'intervention des services des douanes se concentre sur les opérations d'importation de marchandises provenant de pays extérieurs à l'Union européenne, lors de l'accomplissement des formalités de dédouanement. Les infractions à la législation linguistique sont découvertes de manière incidente lors des contrôles connexes aux contrôles douaniers habituels.

Les actions du Bureau de vérification de la publicité

Le Bureau de vérification de la publicité (BVP) est un organisme d'autodiscipline interprofessionnelle compétent en matière de presse, de télévision, d'affichage, de radio et de cinéma.

Il mène une action de contrôle des messages publicitaires avant et après diffusion.

? Avant diffusion

Il exerce un contrôle facultatif, à la demande des professionnels. Il constate, dans cette activité que le rappel des dispositions de la « loi Toubon » reste indispensable pour insister sur la nécessité d'une traduction en français de toutes les mentions de langues étrangères, et notamment celles des slogans accompagnant des marques.

Les 4 684 contrôles facultatifs opérés entre le 1 er mai 2004 et le 30 avril 2005 n'ont cependant donné lieu qu'à 12 interventions au titre de la législation linguistique.

? Le contrôle obligatoire avant diffusion

Il a porté sur la même période 2004-2005, sur plus de 19 000 messages, dont plus de 1 100 ont fait l'objet d'une demande de modification.

242 de ces demandes de modification portaient sur le respect de la « loi Toubon ».

La nécessité de stimuler les autres administrations concernées

Les interventions de la DGCCRF et de la Direction des douanes et des impôts indirects ont fait la preuve de leur utilité et de leur efficacité. La pression qu'elles exercent sur les acteurs économiques a contribué à la notoriété et au respect des prescriptions de la loi de 1994.

Votre rapporteur souhaite que les autres administrations chargées d'exercer, chacune dans leur domaine, le respect des prescriptions de l'article 2 de la loi, s'en acquittent avec la même diligence et le même souci d'en rendre compte.

Aux termes de la loi, c'est l'ensemble des agents énumérés aux paragraphes 1, 3 et 4 de l'article L. 215-1 du code de la consommation qui sont investis de cette responsabilité. : votre rapporteur souhaiterait disposer à l'avenir de davantage d'informations sur les contrôles opérés par les vétérinaires inspecteurs, les préposés sanitaires, les agents techniques sanitaires, et les médecins inspecteurs départementaux de la santé, même s'il est vraisemblable que leurs secteurs d'intervention, plus restreints, ne sont pas nécessairement les plus concernés par le respect de prescriptions linguistiques.

LIBRE CIRCULATION DES MARCHANDISES ET INFORMATION DU CONSOMMATEUR DANS SA LANGUE : LA RECHERCHE D'UN POINT D'ÉQUILIBRE

Un débat s'est engagé depuis quelques années entre les autorités françaises et les autorités européennes sur la conciliation entre la libre circulation des marchandises au sein de l'Union et le droit des consommateurs à être informés dans leur langue.

La position de la Commission européenne

S'appuyant sur une jurisprudence fournie de la Cour de justice des Communautés européennes 3 ( * ) , la Commission européenne reconnaît aux Etats membres le droit d'adopter les mesures nationales exigeant que certaines mentions relatives à la désignation et à l'étiquetage des produits soient libellées dans une langue aisément compréhensible par le consommateur, qui peut être la langue nationale.

Elle estime cependant que le respect du principe de proportionnalité qui s'impose aux Etats dans l'exercice de leurs compétences doit permettre « l'emploi éventuel de moyens alternatifs assurant l'information des consommateurs, tels que des dessins, des symboles ou des pictogrammes » . Elle ajoute que cette obligation doit être limitée aux mentions auxquelles l'Etat membre attribue un caractère obligatoire et pour lesquelles l'emploi d'autres moyens que leur traduction ne permet pas d'assurer une information des consommateurs appropriée.

La recherche d'un compromis

Mis en demeure par la Commission européenne, en juin 2002, de tirer les conséquences de la jurisprudence européenne, le Gouvernement français - à l'issue, semble-t-il, d'une difficile négociation avec la commission - a procédé à un aménagement par voie de circulaire des modalités d'application de l'article 2 de la loi d'août 1994.

Cette circulaire, en date du 20 septembre 2001 , précisait que cet article ne faisait pas obstacle à la possibilité d'utiliser d'autres moyens d'information du consommateur, tels que des dessins, symboles ou pictogrammes, pouvant être accompagnés de mentions en langue étrangère non traduites en français.

Cette rédaction avait donné satisfaction à la Commission qui a classé, le 24 avril 2003, la procédure d'infraction ouverte contre la France.

Dans son avis sur les crédits inscrits au titre de la francophonie dans le projet de loi de finances pour 2003 4 ( * ) , votre rapporteur s'était interrogé sur la conformité de cette circulaire « interprétative » avec le dispositif de la « loi Toubon ».

Dans un arrêt rendu le 30 juillet 2003 5 ( * ) , le Conseil d'Etat a jugé que ces interrogations étaient pleinement fondées. Il a annulé pour incompétence les dispositions attaquées estimant qu'elles ne s'étaient pas bornées à interpréter la loi, mais qu'elles avaient fixé une règle nouvelle, de caractère impératif, que les auteurs de la circulaire n'avaient pas compétence pour édicter.

Cette annulation a réouvert le débat avec la Commission qui, après plusieurs échanges de lettres, a adressé, le 9 juillet 2004 , une nouvelle mise en demeure à la France.

En réponse à cette procédure, le Gouvernement s'est, en liaison avec les services de la Commission, attaché à rechercher une autre solution qui permette de concilier le cadre légal français, la protection du consommateur et les engagements européens.

Cette réflexion a débouché sur la publication au Bulletin officiel de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (BOCCRF) du 26 avril 2005, d'une instruction à l'intention des services de contrôles de la DGCCRF.

Celle-ci prend appui sur l'un des considérants de la décision précitée du Conseil d'Etat de juillet 2003. Dans celui-ci, le Conseil avait rappelé qu'il appartenait, « le cas échéant, aux ministres, dans l'hypothèse où des dispositions législatives se révéleraient incompatibles avec des règles communautaires, de donner instruction à leurs services de n'en point faire application » .

L'instruction du 26 avril 2005 se borne en conséquence à recommander aux services de suspendre l'application de l'article 2 de la loi dans les seuls cas où il contreviendrait aux directives communautaires.

La solution qui consiste à écarter, par une instruction ministérielle, l'application d'une disposition législative, dès lors que celle-ci s'avérerait contraire à une norme européenne (dont la valeur est, il est vrai, supérieure à celle des lois, en vertu de l'article 55 de notre Constitution) ne satisfait pas pleinement votre commission, qui la juge cependant acceptable à titre transitoire .

Elle invite donc le Gouvernement français à se rapprocher des nouveaux membres de l'Union européenne qui ont intégré dans leur droit des dispositions législatives proches des nôtres garantissant l'information du consommateur dans sa langue nationale, pour faire évoluer la position des instances européennes .

Elle réaffirme pour sa part son attachement au caractère intangible du principe posé par la loi de 1994 , et en particulier son article 2.

L'INFORMATION DU CONSOMMATEUR DANS LE MONDE NUMÉRIQUE

En proposant, dans son article premier, de rendre les dispositions de l'article 2 de la « loi Toubon » « applicables à tous les messages informatiques dès lors qu'ils ne sont pas exclusivement conçus pour des personnes de nationalité étrangère » , la proposition de loi de notre collègue Philippe Marini soulève une véritable question -celle de l'usage du français dans le monde numérique et dans celui de l'Internet- même si d'après votre commission, la réponse à cette question doit plutôt être cherchée du côté d'une meilleure application de la loi que d'une réécriture de son dispositif.

Le champ d'application de la loi englobe déjà l'univers numérique

L'article 2 de la « loi Toubon » impose l'usage du français « dans la désignation, l'offre, la présentation, le mode d'emploi ou d'utilisation, la description de l'étendue et des conditions d'un bien, d'un produit, ou d'un service, ainsi que dans les factures et quittances » . Cette obligation s'étend également à la publicité.

De par la généralité des termes qu'elle utilise, cette disposition s'applique bien à l'ensemble des informations relatives à un bien, un produit ou un service, quel que soit le support matériel ou électronique sur lequel celles-ci figurent.

La circulaire d'application de 1996 n'ignorait pas le monde du numérique, puisqu'elle précisait que « les modes d'utilisation intégrés dans les logiciels d'ordinateur et de jeux vidéo comportant des affichages sur écran ou des annonces sonores sont assimilées à des modes d'emploi. En conséquence, les modes d'utilisation des logiciels d'application et des logiciels d'exploitation doivent être établis en français qu'ils soient sur papier ou intégrés dans le logiciel » .

Certes, la directive de 1996 ne prend pas en compte tous les développements qu'a connus, depuis sa publication, l'économie numérique, et qu'elle ne pouvait d'ailleurs pas prévoir, qu'il s'agisse de la multiplication des sites à vocation commerciale, ou du développement des services en ligne. Mais ces lacunes, qui sont propres à la circulaire, sont une invitation à remanier celle-ci et non à retoucher une loi qui sera d'autant plus forte qu'elle sera stable, et d'autant plus apte à s'appliquer aux évolutions technologiques rapides qu'elle ne dérogera pas au niveau de généralité qui lui sied .

Dans un rapport public de 1998 intitulé « Internet et les réseaux numériques » , le Conseil d'Etat recensait les difficultés que pouvait susciter l'application à l'Internet de la législation sur l'emploi de la langue française.

Celles-ci ne tenaient pas à ce que certains secteurs de l'économie numérique auraient échappé, juridiquement, à l'application de la loi et qu'il aurait été nécessaire de compléter celle-ci pour les y réintégrer. Le Conseil, considérait au contraire que la loi était en théorie applicable par le juge français à tous les sites étrangers, et craignait que son champ d'application, trop large , ne conduise à des violations systématiques par des sites étrangers accessibles du territoire national, mais qu'il serait en pratique impossible de sanctionner . La clarification du champ d'application de la loi, qu'il appelait de ses voeux, tendait donc plutôt à sa restriction qu'à son extension .

Les contrôles menés par la DGCCRF : des chiffres rassurants ?

La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes a réalisé en 2004 une enquête spécifique sur l'application des prescriptions linguistiques de l'article 2 de la loi de 1994 dans le domaine des matériels et des logiciels informatiques .

Ses services indiquent qu'ils ont réalisé des contrôles dans 141 points de vente sis dans 16 départements et que ces contrôles ont donné lieu à 22 rappels de réglementation et à 6 procédures contentieuses.

Le taux de manquement , qui s'établit à près de 20 % est très supérieur à la moyenne, qui s'établit à 9 %.

Malgré cela, la DGCCRF estime que la tendance générale révèle une amélioration progressive, tant pour les logiciels que les matériels.

Les enquêtes réalisées sur l' Internet par le réseau de surveillance de l'Internet ont donné lieu à 1 221 contrôles en 2004. Votre rapporteur est surpris de constater que ces contrôles n'ont donné lieu qu'à deux procès-verbaux , et s'interroge sur les raisons de cette disproportion manifeste, alors que le monde de l'Internet, du fait précisément de sa mondialisation, lui paraît un des secteurs où l'emploi de notre langue est le plus menacé.

Les clarifications nécessaires

Votre commission estime qu'une nouvelle circulaire d'application devrait apporter les clarifications nécessaires à la bonne application de la loi sur l'emploi de la langue française à l'univers numérique, de façon à renforcer le cadre dans lequel doivent s'inscrire les contrôles.

? Messages d'erreurs relatifs à l'utilisation d'un ordinateur

La circulaire de 1996 avait déjà précisé que les modes d'utilisation des logiciels d'application et des logiciels d'exploitation devaient être établis en français. Il conviendrait de préciser que cette obligation s'applique bien à l'ensemble des messages, y compris les messages d'erreur, qui sont délivrés par voie électronique et qui apportent à l'utilisateur une information de nature à l'aider dans l'utilisation de son ordinateur et des logiciels qui y sont installés.

La question peut en revanche se poser pour les messages d'erreur système qui dénoncent un dysfonctionnement grave du coeur de l'ordinateur.

Une traduction en français pourrait, compte tenu des problèmes techniques qu'elle soulève, ne pas être exigée, dès lors que les messages en question présenteraient une dimension hautement technique et ne s'adresseraient, en pratique, pas à l'utilisateur final mais à un professionnel de l'informatique, pour le guider dans la restauration du système.

? Messages d'erreur liés à l'utilisation de services de messagerie électronique

Dans une réponse à une question écrite 6 ( * ) , le ministre de la culture et de la communication avait posé le principe que l'emploi du français s'imposait dans tous les messages délivrés à un internaute dans le cadre de l'utilisation d'un service de messagerie électronique. Il considérait à juste titre que le « message, délivré par voie électronique, apporte à l'internaute une information de nature à l'aider dans son utilisation du service fourni ».

Votre rapporteur ne peut cependant ignorer le fossé qui sépare cette position de principe, conforme à la lettre comme à l'esprit de la « loi Toubon », et la réalité bien différente à laquelle est confronté tout internaute.

La réponse à la question écrite précitée n'ignorait pas, semble-t-il, cette difficulté, puisqu'elle indiquait que les services du ministère de la culture et de la communication comptaient saisir la DGCCRF « afin qu'une réflexion s'engage avec les fournisseurs d'accès à Internet et les hébergeurs de courriers électroniques pour trouver à cette question techniquement complexe une solution qui tienne compte des besoins des utilisateurs et des contraintes économiques des fournisseurs d'accès ».

Votre rapporteur ne sous-estime pas ces difficultés, qui sont d'ordre technique et juridique.

Compte tenu de la dimension internationale et du fonctionnement du réseau Internet, comment imposer en effet l'emploi du français dans des messages générés dans le cadre d'une communication entre serveurs distants ?

D'après les informations communiquées par l'Association des fournisseurs d'accès et de services Internet, un serveur situé hors de France et qui reçoit des messages du monde entier, ne saurait deviner la nationalité de l'utilisateur de n'importe quelle adresse « courriel », à supposer d'ailleurs qu'il traite cette information, car la plupart du temps il ne communique qu'avec le serveur distant.

Faut-il envisager d'imposer au serveur d'un client français l'obligation de traduire les messages des serveurs distants qu'il transmet ?

Outre les difficultés techniques qu'elle présente, cette obligation soulèverait des objections d'ordre juridique : le message en question constitue une correspondance privée et les traductions et modifications que lui apporterait le fournisseur d'accès français pourraient tomber sous le coup de l'article L. 226-15 du code pénal, qui sanctionne le fait d'intercepter et de détourner des correspondances émises, transmises ou reçues par voie électronique.

Votre commission souhaite que la réflexion annoncée par la réponse gouvernementale précitée s'engage rapidement, de façon à fixer un cadre réaliste aux prescriptions linguistiques applicables aux services en ligne.

? Commerce électronique

Le commerce électronique a connu, au cours des années récentes, une progression spectaculaire , dont tout indique qu'elle devrait se poursuivre.

Le chiffre d'affaires du commerce en ligne est passé de 0,70 milliard d'euros en 2000 à 5,52 milliards d'euros en 2004. Sa progression a été de 53 % au cours de la seule année 2004.

Dans le même temps, la proportion des ventes en ligne dans le chiffre d'affaires global des ventes à distance est passée de 8 % en 2000, à 46 % en 2004.

Ces nouvelles pratiques concernent très largement les ventes aux particuliers : 76 % des foyers ont procédé au cours des 12 derniers mois à un achat à distance auprès d'un peu plus de 7 000 sites marchands 7 ( * ) .

Compte tenu de son importance croissante, le commerce électronique constitue l'un des domaines cruciaux pour le respect effectif de la loi sur l'emploi de la langue française .

Dans son rapport précité sur « Internet et les réseaux numériques », le Conseil d'Etat partait du constat que si la loi française était théoriquement applicable à des sites étrangers accessibles sur le territoire national, la sanction de sa violation par ces derniers était en pratique irréaliste, particulièrement dans le cas de services téléchargés en ligne.

Il préconisait en conséquence de restreindre le champ d'application de la loi du 4 août 1994 précitée en limitant les prescriptions de la loi aux seuls messages des services en ligne expressément destinés au consommateur français.

Votre commission juge tout à fait pertinentes les questions soulevées par le rapport du Conseil d'Etat. Pour autant les voies qu'il préconise dans la recherche d'une solution ne lui paraissent pas de nature à clarifier véritablement les choses, le critère du consommateur destinataire n'étant pas en pratique facile à déterminer. Elle relève d'ailleurs que la directive 2000/31/CE du 8 juin 2000 sur le commerce électronique a choisi, pour ces raisons, de privilégier un critère lié au lieu d'établissement du prestataire de service . Celle-ci a posé le principe, dans son article 3, que les services de la société de l'information fournis par un prestataire étaient assujettis aux dispositions nationales de l'Etat membre sur le territoire duquel il est établi.

C'est ce principe que la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique a transposé dans le droit français. Son article 17 dispose que le commerce électronique (consistant dans la fourniture à distance de biens et services par voie électronique ou dans la fourniture d'informations en ligne) est soumis à la loi de l'Etat membre sur le territoire duquel la personne qui l'exerce est établie , sous réserve de la commune intention de cette personne et de celle à qui sont destinés les biens et services.

Cette disposition entraîne l'obligation d'employer le français dans l'exercice de son activité de commerce électronique à toute personne établie en France, c'est-à-dire au sens qu'en donne l'article 14 de la loi de 2004 précitée :

- à toute personne installée en France d'une manière durable et stable pour y exercer effectivement son activité ;

- à toute personne morale dont le siège social est implanté en France.

Le contrôle du respect de cette obligation par l'administration française et par les agents de la DGCCRF ne devrait pas poser de difficultés.

La question de l'application de l'article 2 de la « loi Toubon » de 1994 aux transactions commerciales passées entre un consommateur français et un prestataire établi dans un autre Etat s'avère en revanche plus délicate. Certes, ce prestataire n'est, en première analyse, pas soumis à la loi française mais à celle de l'Etat dans lequel il est établi. L'article 17 de la loi de 2004 sur la confiance dans l'économie numérique précise toutefois que la compétence de principe de la loi du pays d'établissement ne peut avoir pour effet « de priver un consommateur ayant sa résidence habituelle sur le territoire national de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi française relatives aux obligations contractuelles, conformément aux engagements internationaux souscrits par la France ».

L'article 20 de la « loi Toubon » précisant que cette dernière est d'ordre public , ne doit-on pas considérer que le consommateur français peut se réclamer des garanties qu'elle apporte, même quand il procède à un achat par voie électronique auprès d'un prestataire étranger ?

Cette exigence paraîtrait paradoxale dans le cas d'un consommateur qui se serait connecté à un site extérieur entièrement rédigé dans une langue étrangère. Elle serait sans doute plus légitime si la transaction en question avait été précédée d'une offre commerciale présentée en français.

Au demeurant, le contrôle du respect effectif de cette obligation par un prestataire établi en dehors du territoire national ne pourrait être assuré que par le développement d'une coopération administrative transfrontière entre les services du ministère de l'économie français et ses homologues européens ou étrangers. Il convient donc de les développer.

Votre commission n'a pas la prétention d'apporter ici une solution définitive à cette question complexe, mais souhaite qu'une réflexion s'engage sur ce sujet.

La publicité par voie électronique : une retouche législative nécessaire pour rester à droit constant

L'article 2 de la loi du 4 août 1994 précise que ses prescriptions s'appliquent à « toute publicité parlée, écrite, ou audiovisuelle ».

La notion de publicité audiovisuelle englobait initialement toute forme de publicité empruntant des réseaux électroniques, du fait de la définition très large que donnait de l'audiovisuel la loi n° 86-1667 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

Depuis lors, toutefois, la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 sur la confiance dans l'économie numérique a réservé la notion de communication audiovisuelle aux seuls services de radio et de télévision, et érigé en notion distincte la communication au public par voie électronique définie comme « toute mise à disposition du public ou de catégories du public, par un procédé de communication électronique de signes, de signaux, d'écrits, d'images et de sons de toute nature qui n'ont pas le caractère d'une correspondance privée ».

Pour éviter qu'un doute ne s'installe sur l'application des prescriptions de l'article 2 de la « loi Toubon » à la publicité électronique, votre commission vous proposera d'ajouter aux mots « publicité écrite, parlée et audiovisuelle » les mots « publicité par voie électronique ».

Cette retouche au dispositif ne doit en aucun cas être considérée comme une extension des prescriptions initiales de la loi. Au contraire, elle ne modifie la lettre de la loi que pour garantir la stabilité et la permanence de son champ d'application .

L'APPLICATION DES AUTRES DISPOSITIONS : UN BILAN PLUS NUANCÉ

RENFORCER LA MOBILISATION DES ADMINISTRATIONS ET ASSURER L'INFORMATION DU PARLEMENT

Les autres dispositions de la loi du 4 août 1994 ne bénéficient pas, comme celles de l'article 2 relative à la publicité et à l'information du consommateur, de modalités spécifiques de contrôle spécialement confiées à certains corps de fonctionnaires dans l'exercice de leurs missions.

La constatation des infractions à ces dispositions relève de la compétence des officiers et agents de police judiciaire , dans les conditions de droit commun définies par le code de procédure pénale. Compte tenu de la variété des champs d'intervention de ces fonctionnaires, on peut imaginer que le strict respect des prescriptions de la « loi Toubon » n'est très vraisemblablement pas leur première priorité, et qu'ils ne prennent que peu d'initiatives en ce domaine.

Les associations agréées de défense de la langue française qui en application de l'article 19 de la loi du 4 août 1994 ont reçu compétence pour exercer les droits reconnus à la partie civile pour un certain nombre d'infractions à la législation linguistique, jouent en ce domaine un rôle stimulant tout à fait positif. Votre commission vous propose d'étendre ce dispositif aux associations de défense des intérêts des consommateurs normalement déclarées et agréées visées à l'article L. 421-1 du code de la consommation.

Le respect des dispositions de la « loi Toubon » incombe également à différentes administrations, chacune dans leur champ de compétence, mais le degré de mobilisation de ces dernières dans la défense de l'emploi du français paraît inégale. Il est significatif, en outre, que les actions que conduisent -peut-être- ces différents ministères ne font l'objet d'aucune présentation et d'aucune évaluation.

Votre commission déplore vivement que le rapport annuel que le Gouvernement est tenu, aux termes de l'article 22, de présenter sur l'application de la loi sur l'emploi de la langue française, ne comporte, à de rares exceptions, aucun compte rendu de la façon dont les différents ministères concernés et notamment celui de l'emploi, de la cohésion sociale, et du logement, celui de la justice, ou celui de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche ou encore celui des transports s'acquittent de leur mission de veille dans les secteurs de leur compétence .

Votre commission regrette de ne pas disposer de comptes rendus synthétiques des services du ministère du travail sur l'application des dispositions relatives à l'emploi de la langue française dans l'entreprise, les procès-verbaux de l'inspection du travail auxquelles les infractions à ces dispositions donnent lieu, les suites contentieuses éventuelles et d'une façon générale, la perception qu'ils en retirent quant à l'évolution des pratiques linguistiques dans le monde professionnel.

Elle apprécierait en outre d'être informée par les services du ministère de la justice sur les poursuites civiles et pénales auxquelles donnent lieu les infractions aux dispositions de la loi, ainsi que sur la suite qui leur est réservée. Les indications figurant dans le rapport 2005 fournissent certes une première indication quant aux poursuites engagées sur le fondement de l'article 2 de la loi, mais ces informations gagneraient à être généralisées.

Elle souhaiterait savoir de quelles informations dispose le ministère chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche sur l'application des dispositions relatives aux colloques et publications ainsi que sur les traductions concrètes données au principe du français langue de l'enseignement et aux exceptions qui lui sont apportées.

Elle souhaiterait, en outre, être tenue au courant du bilan que le ministère des transports tire de l'application de la loi dans les transports et en particulier dans les transports internationaux, et de la suite qui est réservée à ses interventions auprès des transporteurs.

Pour ces raisons, elle vous proposera, à titre incitatif de compléter l'article 22 de la loi de 1994 relatif au rapport annuel au Parlement par une phase invitant les différentes administrations concernées par les dispositions de la loi à y apporter leur contribution.

LES ENJEUX SECTORIELS

Les auditions auxquelles a procédé votre rapporteur lui ont permis de compenser partiellement l'absence de suivi administratif systématique de l'application de la loi. Les éléments qu'il a pu réunir donnent une impression générale des forces et des faiblesses de la position de notre langue dans les différents domaines, et des enjeux qui sont sous-jacents.

Ces analyses l'amènent à recommander certains aménagements ponctuels au dispositif législatif, tout en insistant d'une façon générale sur la nécessité de mieux veiller au respect effectif des dispositions en vigueur.

Le monde des entreprises et du travail

On assiste aujourd'hui à une prise de conscience progressive de l'enjeu essentiel que représentent les entreprises dans la préservation de l'influence du français dans le monde. C'est en effet très largement à travers elles que se joue l'avenir des langues dans la sphère économique et financière. C'est leur comportement qui fera pencher le monde des affaires vers le monolinguisme ou le multilinguisme.

Cette prise de conscience, dont on peut regretter le caractère un peu trop tardif, a suscité la réalisation d'un certain nombre d'études partielles mais cependant éclairantes 8 ( * ) .

Le ministre de la culture a en outre confié à Mme Catherine Tasca la mission d'élaborer un rapport sur les pratiques linguistiques des entreprises, publié en juillet 2003.

Votre rapporteur a également tenu, dans le cadre de ses travaux, à rencontrer M. Steve Gentili, président du Forum francophone des affaires qui lui a présenté les conclusions d'une enquête consacrée aux « Politiques et pratiques linguistiques des entreprises à vocation internationale ».

Un certain nombre de constats ressortent de ces différentes analyses :

? Les pratiques linguistiques des entreprises relèvent rarement de politiques explicites

Comme le souligne l'étude du CREDOC 9 ( * ) , le choix d'une politique linguistique n'alimente généralement pas des débats soutenus dans l'entreprise, et « à quelques exceptions près, on ne peut parler de politique linguistique . C'est le pragmatisme qui règne en maître et le positionnement par rapport à la langue française ne suscite aucun état d'âme ».

Ce pragmatisme revendiqué, et l'absence de politique formelle qui en est le corollaire, sont un facteur de pénétration de l'anglais, particulièrement dès lors que les entreprises ont une activité internationale significative.

Tout en estimant que le français restait très largement la langue de travail et des relations professionnelles dans les entreprises françaises, M. Steve Gentili a cependant reconnu que la langue anglaise prenait une importance croissante, dès lors que ces entreprises dépassaient le cadre national pour assurer le développement de leur activité. L'anglais tendait alors à devenir la langue de la communication internationale, « une langue véhiculaire dont l'usage s'impose de soi-même, sans qu'il soit besoin d'édicter une règle ou une norme ».

? Les facteurs de la pénétration de l'anglais

Outre l'ouverture à l'international des activités, Mme Catherine Tasca attribuait un rôle déterminant à trois facteurs particuliers :

- la structure du capital , les fusions et acquisitions constituant un stimulant au passage à l'anglais ;

- le poids du système financier , au sein duquel les acteurs anglo-saxons ont acquis une position dominante, et tendent à imposer leur langue et bien souvent leurs normes, y compris leurs modèles juridiques ;

- les nouvelles technologies de l'information qui contribuent à la globalisation et à une certaine uniformisation des échanges et des envois de documents.

? Les conséquences de l'anglicisation des échanges

L'extension du recours à la langue anglaise dans le monde de l'entreprise entraîne des conséquences pour la langue française, pour les entreprises, et pour les salariés.

Le recours systématique à l'anglais dans les réunions rassemblant des collaborateurs de diverses origines accrédite progressivement l'idée que la langue française ne peut plus tenir son rôle de langue de communication internationale. A cette perte de statut risquent de s'ajouter rapidement des pertes de domaines, certains étant déjà tentés de considérer que dans des secteurs, comme par exemple celui de la finance, le français ne serait plus apte à exprimer toutes les notions, et à répondre aux besoins du monde économique et des milieux d'affaires.

Le recours à l'anglais est souvent présenté par les entreprises, comme répondant à une exigence d'efficacité et d'adaptation à l'internationalisation de leur activité, notamment dans la perspective d'une gestion mondiale des effectifs facilitant et privilégiant la mobilité internationale et le renouvellement.

Mais ces arguments qui ont leur pertinence, particulièrement dans de grands groupes globalisés, ne passent-ils pas sous silence des coûts économiques, humains et sociaux qui ne sont cependant pas à négliger ?

Coûts économiques pour l'entreprise : est-on sûr que des dirigeants ou des cadres francophones n'aborderont pas en situation d'infériorité une négociation en anglais, face à des partenaires dont c'est la langue nationale ? La multiplication des offres d'emploi exigeant l'anglais comme langue maternelle, en soi inquiétante, n'est-elle pas d'ailleurs le signe que tous les locuteurs ne sont pas égaux au sein de la « langue globale » ?

Coûts humains : les cadres qui, même en suivant des formations internes de langues, n'arrivent pas à une parfaite aisance, n'osent généralement pas l'avouer, par peur de voir leur avancement ralenti, et leurs perspectives rétrécies.

Coûts sociaux : le poids accordé à l'anglais dans les procédures de recrutement, puis, dans le déroulement des carrières devient un facteur discriminant. Or, seule l'immersion linguistique permet de parvenir à un véritable bilinguisme et tous les milieux sociaux n'y ont pas nécessairement un égal accès. Le handicap linguistique ne contribuera-t-il à bloquer l'ascenseur social ?

? Les atouts d'une défense de la langue française et du multilinguisme

A l'échelle internationale, le développement du multilinguisme peut constituer une alternative crédible à la généralisation du tout anglais.

Les entreprises sont dans l'ensemble bien conscientes de l'atout que constitue, en particulier dans le cadre d'une relation commerciale, la maîtrise de la langue du client . La connaissance de la langue et de la culture de son partenaire est un levier précieux dans le cadre de la conquête de marchés étrangers.

La défense de l'emploi de notre langue dans les entreprises françaises peut en outre s'appuyer sur un certain nombre de leviers positifs :

- la conviction des dirigeants qui peut jouer un rôle déterminant, et qui est encore très présente particulièrement dans certaines entreprises liées ou anciennement liées au secteur public ;

- les pratiques linguistiques dans les instances dirigeantes ; au terme de son enquête, Mme Catherine Tasca note que les conseils d'administration et les comités centraux sont encore des instances bien préservées de la pénétration de l'anglais ;

- la mobilisation des syndicats et des organismes représentatifs des salariés, particulièrement sur les questions de sécurité et sur le bon fonctionnement des instances représentatives du personnel où ils veillent au maintien du français, comme le relève encore Mme Catherine Tasca.

Une récente affaire, jugée le 11 janvier 2005 par le tribunal de grande instance de Versailles, en fournit une illustration significative. La filiale française d'un important groupe international, spécialisée dans la production et la maintenance de matériel médical de haute technicité, distribuait à ses techniciens des documents techniques destinés à les guider dans leurs interventions. Ces documents étaient rédigés exclusivement en anglais, alors qu'ils contenaient des informations dont la bonne compréhension était indispensable à la sécurité de leur destinataire.

Les instances représentatives du personnel de la société les ont attaqués sur le fondement de l'article L. 122-39-1 du code du travail, issu de l'article 9 de la « loi Toubon », qui impose une rédaction en français de « tout document comportant des obligations pour le salarié ou dont des dispositions dont la connaissance est nécessaire à celui-ci pour l'exécution de son travail » .

Le tribunal a fait droit à cette requête et condamné, sous astreinte, la société à se mettre en conformité avec ces dispositions.

? Les propositions législatives de votre commission

Convaincue de la pertinence de cette mesure dont l'exemple précédent montre pleinement l'utilité, votre commission vous proposera de lui apporter une retouche ponctuelle .

Dans sa rédaction actuelle, la loi prévoit deux exceptions à l'obligation d'une rédaction en français de ces documents : l'une pour les documents destinés à des étrangers, et l'autre pour les documents reçus de l'étranger.

Cette seconde disposition paraît aujourd'hui trop large au regard des objectifs poursuivis par la loi. Qu'ils proviennent ou non de l'étranger, des documents rédigés en langue étrangère sont également susceptibles de constituer une source d'incompréhension ou de gêne pour des salariés français. Or, la mondialisation et la multiplication des groupes de dimension internationale d'une part, et le développement des technologies de l'information et notamment de l'Internet, de l'autre, contribuent à une augmentation sensible du volume et de la fréquence des documents reçus de l'étranger.

Ces considérations conduisent votre commission à recommander une nouvelle rédaction de cette exception, ne dispensant de l'obligation de recourir au français que les documents reçus de l'étranger et destinés à des salariés dont l'emploi nécessite une parfaite connaissance de la langue concernée.

En outre, pour garantir la bonne information des salariés, elle vous proposera de compléter le code du travail pour rendre obligatoire l'emploi du français dans la rédaction de l'ordre du jour et des procès-verbaux des comités d'entreprise, des comités d'établissement et des comités de groupe .

Votre commission souhaite inciter les pouvoirs publics et les entreprises à une meilleure prise de conscience des enjeux que représente l'emploi de la langue française.

- En premier lieu, elle souhaite inciter les services du ministère de l'emploi à assurer un contrôle plus systématique des dispositions de la « loi Toubon » relatives au monde du travail, même si le sentiment prévaut actuellement que les prescriptions relatives au règlement intérieur, aux conventions et accords du collectif de travail sont bien respectées. Votre rapporteur n'est pas sûr que le même optimisme soit de rigueur en matière de rédaction des offres d'emploi, ou des documents adressés aux salariés et notamment des logiciels.

- Votre commission vous proposera, en outre, de compléter le code du travail par un nouvel article L. 432-3-3 destiné à ériger les pratiques linguistiques des entreprises en élément du dialogue social à travers la présentation, devant le comité d'entreprise, d'un rapport sur l'emploi de la langue française .

La présentation de ce rapport ne serait obligatoire que dans les entreprises de plus de 500 salariés. Elle serait facultative dans les autres.

Le monde de l'enseignement et de la recherche

Malgré l'importance que revêtent pour l'avenir de notre langue le secteur de la recherche et de l'enseignement, le rapport sur l'application de la loi de 1994 ne comporte que peu d'éléments susceptibles de montrer dans quelle mesure ses prescriptions linguistiques relatives à ces domaines sont effectivement appliquées, et quels obstacles rencontre leur mise en oeuvre.

? Les tentations de l'enseignement supérieur

Alors que l'article 11 de la loi du 4 août 1994 dispose que le français doit être « la langue de l'enseignement, des examens et concours, ainsi que des thèses et mémoires dans les établissements publics et privés d'enseignement » , l'administration de l'éducation nationale et plus particulièrement celle de l'enseignement supérieur paraît de plus en plus tentée de s'affranchir de certaines des obligations qui en résultent.

Une volonté d'internationalisation est fréquemment évoquée pour justifier ces décisions. Certains établissements, et en particulier des grandes écoles, voient dans le passage à l'anglais un moyen d'affirmer le caractère international de leur enseignement, notamment dans les disciplines financières et commerciales, avec l'ambition de prendre pour modèle les « masters of business and administrations » des universités américaines.

Ces pratiques souvent présentées comme répondant à la demande de la clientèle étudiante ou professionnelle, sont censées renforcer l'attrait des filières françaises aux yeux d'étudiants étrangers non nécessairement francophones. A l'heure de l'entrée en vigueur du système LMD, l'organisation en France d'enseignements en anglais est présentée par certains comme le seul espoir pour nos établissements et nos universités de reprendre pied dans le marché européen et mondial, et de ne pas se priver d'étudiants étrangers de qualité.

Ces arguments ne font-ils cependant pas bon marché de l'attrait que peut précisément représenter, auprès d'étudiants étrangers francophones, un enseignement supérieur dispensé en français ? Est-on bien sûr que c'est en s'alignant sur l'utilisation de l'anglais, et sur les modèles américains, que nos écoles affronteront dans les meilleures conditions la concurrence qui oppose les établissements d'enseignement supérieur à l'échelle mondiale ? Ces pratiques, si elles se généralisaient, ne contribueraient-elles pas à discréditer en amont les efforts que nous réalisons pour maintenir un important réseau d'enseignement français à l'étranger ? N'apporteraient-elles la preuve que nous ne croyons plus nous-même que notre langue est un vecteur pertinent pour accéder à l'enseignement supérieur ?

Ces dérives ne sont au demeurant pas l'apanage des grandes écoles de commerce, et le ministère lui-même semble parfois y prêter la main, dans le domaine universitaire.

Votre rapporteur a déjà évoqué plus haut l'arrêté du 18 janvier 1994 relatif aux procédures de co-tutelle de thèse avec une université étrangère. Conformément à l'esprit et à la lettre de la « loi Toubon », celui-ci prévoit qu'une thèse préparée en co-tutelle doit être rédigée dans l'une des langues nationales des deux pays concernés, et complétée par un résumé dans l'autre langue. Or, un récent arrêté du 6 janvier 2005 10 ( * ) abandonne ce principe garant du multilinguisme et dispose que « la langue dans laquelle est rédigée la thèse est définie par une convention conclue entre les établissements contractants » ouvrant ainsi la voie, outre aux deux langues du pays concernés, à une troisième langue dont on imagine bien qu'il ne s'agira pas du latin.

Votre rapporteur souhaite que le ministère s'explique sur cette initiative et rapporte un texte qui lui semble contraire à la « loi Toubon » et à l'action que conduit le Gouvernement en faveur du multilinguisme et de la diversité culturelle.

? Le monde de la recherche : un monde perdu ?

A entendre certains scientifiques, le rôle du français dans le développement des sciences se réduirait à la portion congrue.

Dans les échanges entre les chercheurs , l'anglais se serait désormais imposé, dans bien des disciplines, comme la langue exclusive. Ce statut résulterait à la fois du poids des grandes revues scientifiques anglo-saxonnes qui pèsent d'un poids décisif dans la notoriété d'un chercheur et de ses découvertes, ainsi que des colloques où l'anglais s'impose comme langue de référence.

Cet état de fait confirme la nécessité stratégique d'assurer la traduction des colloques organisés en France, et votre commission souhaiterait avoir davantage d'informations sur les actions conduites en ce domaine par le ministère délégué à la recherche et à l'enseignement supérieur.

Dans l'enseignement supérieur et la formation , les menaces sont d'un autre ordre, de nature plus économique, en quelque sorte. Il est souvent moins coûteux pour un éditeur français de traduire un ouvrage anglo-saxon, dont le coût de réalisation aura déjà été amorti par un large lectorat, que de produire un ouvrage français original. Cette pratique, si elle se généralisait, compromettrait à la fois la recherche et l'édition scientifique françaises.

Dans le domaine de la vulgarisation scientifique , en revanche, les revues françaises peuvent continuer de compter sur un lectorat assidu. La difficulté en ce domaine est de pourvoir suffisamment rapidement le lexique français des termes nouveaux dont il a besoin.

Le domaine de l'audiovisuel et du cinéma

? Un rappel opportun du Conseil supérieur de l'audiovisuel

De par l'effet d'entraînement que leur confère leur large diffusion, les médias et en particulier les grandes chaînes de télévision nationales possèdent une forte influence sur l'évolution des pratiques linguistiques des Français, et en particulier des plus jeunes.

Ils constituent en outre, aux yeux de l'étranger, une sorte de vitrine des usages en cours et des expressions en vogue.

Ainsi votre commission est-elle attentive au rôle que ceux-ci peuvent jouer dans la défense de la langue française. Pleinement respectueuse de la liberté d'expression qui doit permettre à chacun de choisir librement les mots qui lui paraissent les plus propres à exprimer sa pensée, elle invite cependant, de façon pressante, le personnel des services de radio et de télévision intervenant à l'antenne à préférer aux termes étrangers leurs équivalents français consacrés par l'usage, et à s'attacher à un usage correct de la langue.

Elle approuve pleinement les termes de la recommandation émise en ce sens par le Conseil supérieur de l'audiovisuel le 18 janvier 2005 .

Le Conseil, qui est investi par l'article 3-1 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, de la mission de veiller « à la défense et à l'illustration de la langue et de la culture française » rappelle que l'article 20-1 de la loi précitée (introduit par l'article 12 de la « loi Toubon ») impose l'emploi du français dans l'ensemble des émissions et des messages publicitaires des organismes et services de radiodiffusion sonore ou télévisuelle à l'exception des oeuvres cinématographiques et audiovisuelles en version originale.

L'emploi du français étant obligatoire mais non exclusif, le conseil précise les conditions que doivent respecter la présentation respective d'un texte en langue étrangère et de sa traduction en français.

La mise au point à laquelle il se livre sur le problème des titres d'émission a retenu toute l'attention de votre commission.

Il rappelle que les marques de fabrique, de commerce ou de service ne sont pas soumises aux dispositions de la loi de 1994, et que ces dispositions s'appliquent notamment aux titres d'émissions qui ont fait l'objet d'un dépôt à titre de marque. Il souligne en revanche très opportunément que l'article 14 de ladite loi interdit aux personnes publiques et aux personnes privées chargées d'une mission de service public d'employer des marques constituées d'un terme étranger, dès lors qu'il existe un terme équivalent en français. Il en déduit très justement que les sociétés publiques de radio et de télévision ne peuvent attribuer à leurs émissions un titre constitué de termes étrangers . Il demande également aux éditeurs de services de télévision et de radios privés de s'efforcer d'utiliser le français dans le titre de leurs émissions, ou, à défaut, de fournir au moins une traduction verbale ou visuelle du titre en vue d'une bonne compréhension par le public.

? Qu'est-ce qu'un film français ?

La sortie en France du film de Jean-Pierre Jeunet « Un long dimanche de fiançailles » et la question de son éligibilité au compte de soutien ont alimenté un débat passionné sur les critères qui font qu'un film peut être considéré comme français.

Certes, ce film dont l'action se déroulait en France autour de la guerre de 1914/1918, avait été tourné en version originale française, avec des acteurs français, mais comme la société 2003 Production qui l'avait produit était contrôlée par un groupe non européen, le bénéfice du compte de soutien réservé aux oeuvres européennes lui avait cependant été refusé.

Sans entrer en détail dans le fonctionnement du compte de soutien, et des financements encadrés de la production cinématographique, votre rapporteur se contentera de rappeler que leur soutien financier est réservé aux oeuvres qui ont reçu l'agrément du Centre national de la cinématographie (CNC). Cet agrément est délivré par le directeur du Centre, après l'avis d'une commission composée notamment de représentants des organisations professionnelles, sur la base de deux séries de critères.

La première série tient aux caractéristiques de l'oeuvre . Le choix de la langue de tournage représente 20 points sur un total de 100, à égalité avec la nationalité des artistes-interprètes et le choix des lieux de tournage et de post-production.

La seconde série de critères est liée aux entreprises de production . Elle prend en compte le siège de la société, la nationalité de ses dirigeants, et pose pour troisième condition l'absence de contrôle par une société étrangère non européenne.

Votre rapporteur se souvient certes du propos d'André Malraux qui concluait une longue analyse consacrée au septième art par les mots « et puis, le cinéma est aussi une industrie ».

Sans méconnaître le sens économique de notre production cinématographique, il souhaite que les critères proprement culturels ne pèsent pas d'un moindre poids que les critères liés au capital dans l'attribution des aides du CNC.

Il ne lui paraîtrait pas choquant , à titre personnel, qu'une « oeuvre d'expression française » pour reprendre une notion familière aux quotas de diffusion télévisée, réalisée par un producteur non européen, puisse bénéficier à un titre ou à un autre d'un soutien financier du CNC.

A l'heure où l'adoption par l'UNESCO de la charte sur la diversité culturelle à la quasi-totalité des Etats représentés, vient de montrer le pouvoir mobilisateur de cette notion à l'échelle mondiale, la France, qui en a assuré la promotion aux côtés de ses amis canadiens, apporterait ainsi le témoignage de l'esprit d'ouverture qui guide sa démarche.

Les transports internationaux

L'article 3 de la loi du 4 août 1994 impose l'usage du français dans les inscriptions ou annonces destinées à l'information du public lorsqu'elles sont apposées ou faites dans un moyen de transport en commun.

Certes, la circulaire du 28 septembre 1999, cosignée par le ministre chargé des transports et par le ministre chargé de la culture, précise que cette obligation s'applique sur le territoire français aux transporteurs publics ou privés, qu'ils accomplissent leur activité dans le domaine de transports nationaux ou internationaux.

Les services de l'aviation civile estiment que les compagnies françaises respectent bien cette obligation pour les annonces effectuées à bord des aéronefs qu'elles exploitent sous leur propre code d'identification, et que les manquements constatés constituent des cas isolés, et conduisent à des rappels à l'ordre systématique .

Ils conviennent cependant qu'il n'en va pas de même pour certaines compagnies étrangères qui recourent souvent uniquement à la langue anglaise dans des vols au départ ou à destination du territoire national.

Ils estiment que les interventions qu'ils sont amenés à réaliser à ce titre sont cependant peu nombreuses.

Votre rapporteur est loin de partager cet optimisme et vous proposera donc de réaffirmer explicitement et solennellement dans la loi que l'emploi du français s'impose également dans les transports internationaux en provenance ou à destination du territoire national.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er
(article 2 de la loi n° 94-665 du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française)
Communication au public par voie électronique

Dans sa rédaction initiale, l'article 1 er de la présente proposition de loi préconisait de compléter l'article 2 de la loi du 4 août 1994 relative à la présentation commerciale et à la publicité sur les biens, produits et services, pour préciser que ses dispositions sont applicables aux messages informatiques dès lors qu'ils ne sont pas exclusivement conçus pour des personnes de nationalité étrangère.

Votre commission partage sans réserve la préoccupation de l'auteur de la proposition de loi d'éviter que le monde de l'Internet n'échappe aux prescriptions de la loi sur la langue française, et déplore qu'en pratique les messages électroniques adressés à des internautes français soient trop souvent rédigés en langue étrangère.

Elle vous proposera cependant un dispositif différent, retouchant à la marge l'article 2 de la loi de 1994 précitée, pour prendre en compte les conséquences de l'entrée en vigueur de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique.

? Les notions et critères dégagés par la loi sur la confiance dans l'économie numérique

Compte tenu de la relative imprécision qui s'attache à la notion de « messages informatiques » et des difficultés pratiques que soulève le critère de leur « conception non exclusive pour des personnes de nationalité étrangère » , votre commission articulera plutôt son approche sur les notions qu'a dégagées la loi du 21 juin 2004 précitée qui a respectivement défini les notions de « communication au public par voie électronique » , de « communication au public en ligne » , de « courrier électronique » (article 1 er ), ainsi que les notions de « commerce électronique (article 11) et de « publicité par voie électronique » (article 20).

En outre, compte tenu de la difficulté pratique de déterminer la nationalité de l'ensemble des personnes susceptibles de consulter un site dans le monde sans frontières de l'Internet, la directive européenne 2000/31 sur le commerce électronique a choisi d'axer son dispositif sur le critère lié à l'origine du prestataire de services, et l'article 17 de la loi sur la confiance dans l'économie numérique a transposé ce principe dans le droit français. C'est sans doute cette approche qu'il convient ici aussi de privilégier.

? Le champ d'application de la « loi Toubon » englobe le commerce électronique

L'article 2 de la loi du 4 août 1994 impose l'usage du français « dans la désignation, l'offre, la présentation, le mode d'emploi ou d'utilisation, la description de l'étendue et des conditions de garantie d'un bien, d'un produit ou d'un service, ainsi que dans les factures et quittances. »

L'utilisation de termes très généraux (« biens », « produit », « service ») ouvre un champ d'application très vaste aux prescriptions de la loi.

La circulaire du Premier ministre en date du 19 mars 1996 précise que sont ainsi concernés par cette obligation « tous les documents destinés à informer l'utilisateur ou le consommateur : étiquetages, prospectus, bons de livraison, certificats de garantie, modes d'emploi, menus et cartes des vins, factures, quittances, reçus et tickets de caisse, programmes de spectacles, titres de transport, contrats d'adhésion (contrats d'assurance, offres de services financiers...) ».

Dérogent en revanche à cette obligation « les factures et autres documents échangés entre professionnels, personnes de droit privé françaises et étrangères, qui ne sont pas consommateurs ou utilisateurs finaux des biens, produits ou services ».

Rien dans la rédaction de la loi, ni dans celle de la circulaire ne permet de penser que ces prescriptions seraient réservées aux supports traditionnels et qu'y échapperait en revanche le commerce électronique , défini par l'article 14 de la loi sur la confiance dans l'économie numérique précitée comme « l'activité économique par laquelle une personne propose ou annonce à distance et par voie électronique la fourniture de biens et de services », la loi ajoutant, et cette précision est importante, que la notion de commerce électronique englobe des services « tels que ceux consistant à fournir des informations en ligne, des communications commerciales et des articles de recherche, d'accès et de récupération de données, d'accès à un réseau de communication ou d'hébergement d'information, y compris lorsqu'ils ne sont pas rémunérés par ceux qui les reçoivent ».

La circulaire de 1996 précitée n'ignorait d'ailleurs pas le monde du numérique, puisqu'elle précisait que « les modes d'utilisation intégrés dans les logiciels d'ordinateur et de jeux vidéo et comportant des affichages sur écran ou des annonces sonores sont assimilés à des modes d'emploi. En conséquence, les modes d'utilisation des logiciels d'application et des logiciels d'exploitation doivent être établis en français qu'ils soient en papier ou intégrés dans le logiciel ».

Elle ne prend cependant pas en compte tous les développements qu'a connus, depuis sa publication, l'économie numérique, et qu'elle ne pouvait pas prévoir.

Votre commission incite donc le Gouvernement à engager rapidement la préparation d'une nouvelle directive actualisant les modalités d'application des principes généraux posés par la « loi Toubon », et en particulier par son article 2, aux nouvelles réalités de la communication électronique, pour prendre en compte les difficultés pratiques évoquées par votre rapporteur dans l'exposé général.

Elle n'a pas jugé en revanche nécessaire de remanier la loi elle-même qui sera d'autant plus forte qu'elle sera stable, et d'autant plus apte à s'appliquer aux évolutions rapides de la technologie, qu'elle en restera au niveau de généralité qui est actuellement le sien.

? La publicité par voie électronique : une retouche ponctuelle à droit constant

L'article 2 de la loi du 4 août 1994 précise que l'obligation d'employer le français s'applique également à « toute publicité écrite, parlée ou audiovisuelle ».

Dans sa rédaction initiale, la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication donnait une définition très extensive de la communication audiovisuelle, englobant les réseaux électroniques. Dans ce contexte, les prescriptions linguistiques s'appliquaient sans ambiguïté à la publicité électronique qui n'avait pas encore d'existence juridique propre et n'était considérée que comme un sous-ensemble de la publicité audiovisuelle.

Depuis lors, cependant, la loi du 21 juin 2004 précitée, prenant acte à juste titre de la spécificité et du développement de la communication électronique, a opéré une distinction nette entre ces deux formes de communication. Dorénavant, la notion de communication audiovisuelle recouvre les services de radio et de télévision alors que celle de communication au public par voie électronique est définie comme « toute mise à disposition du public ou de catégories du public, par un procédé de communication électronique, de signes, de signaux, d'écrits, d'images, de sons de toute nature qui n'ont pas le caractère d'une correspondance privée ».

Certes, on pourrait soutenir que la publicité par voie électronique, dont le régime juridique est désormais défini par les articles 20 et suivants de la loi du 21 juin 2004, constitue une des formes de la publicité écrite ou parlée et n'échappe donc pas à l'application de la « loi Toubon ». Mais pour éviter toute ambiguïté, votre commission vous proposera de compléter le deuxième alinéa de l'article 2 de la loi du 4 août 1994, pour ajouter aux formes déjà mentionnées de publicité, la « publicité par voie électronique ».

Elle insiste sur le fait que cette retouche législative, qui n'est en quelque sorte qu'une coordination imposée par l'adoption de la loi du 21 juin 2004, n'a pas pour objet de modifier le champ d'application de la loi mais au contraire de le confirmer dans ses frontières initiales.

Article 2
(article 3 de la loi n° 94-665 du 4 août 1994)
Enseignes dans les lieux publics et annonces dans les transports internationaux

Le présent article a pour objet d'ajouter à l'article 3 de la loi du 4 août 1994 relatif aux annonces et inscriptions sur la voie publique et dans les transports en commun, deux alinéas fournissant des précisions complémentaires en matière d'enseignes et de transports internationaux.

I. Le régime des enseignes

Dans sa rédaction actuelle, l'article 3 de la loi du 4 août 1994 impose la formulation en français de « toute inscription ou annonce apposée ou faite sur la voie publique, dans un lieu ouvert au public ou dans un moyen de transport en commun, et destinée à l'information du public ».

Le non-respect de cette prescription est puni, aux termes du décret d'application du 3 mars 1995, d'une amende maximale de 750 euros correspondant aux contraventions de 4 e classe.

La circulaire d'application en date du 19 mars 1996 précise la portée de l'obligation résultant de la loi de 1994 en définissant les inscriptions ou annonces destinées à l'information du public comme « les informations de nature non commerciale effectuées sous forme d'inscription ou d'annonces apposées ou faites sur la voie publique ou dans un lieu ouvert au public (gares, aéroports, stations de bus, salles de spectacle, cafés, restaurants, musées, galeries marchandes, commerces...) et dans les moyens de transport en commun quel que soit leur mode d'exploitation, public ou privé ».

Il va de soi que des informations de nature commerciale apposées ou faites sur la voie publique ne sont pas pour autant dispensées de l'obligation de recourir à la langue française. Cette obligation est au contraire d'autant plus forte qu'elle résulte à la fois des dispositions de l'article 2 (offres commerciales) et de celles de l'article 3 (inscriptions sur la voie publique).

La façon dont ces prescriptions s'articulent avec le droit des marques suscite une mention particulière.

Si le droit des marques dispose d'une réelle autonomie, au regard de prescriptions de la loi de 1994, il n'en va pas de même des mentions et messages enregistrés avec la marque , qui sont assujettis à l'obligation d'employer le français.

La circulaire d'application de 1996 en déduit que « les dispositions de la loi ne s'étendent ni aux dénominations sociales, ni aux enseignes, ni aux noms commerciaux, ni aux marques de fabrique, de commerce ou de service ».

Ce cadre législatif, assez bien délimité au premier abord, n'a pas empêché la floraison de termes étrangers non traduits à la devanture de bien des magasins dans de nombreuses villes de France. Phénomène plus préoccupant, une promenade dans certains quartiers des grandes concentrations urbaines montre que le français, et parfois même l'alphabet latin, tendent à s'absenter de la quasi-totalité des devantures de certaines rues, traduisant des tentations d'un repli sur soi, d'une forme de « ghettoïsation » .

Certes, cet état de choses témoigne, d'abord et avant tout, d'un respect insuffisant des prescriptions actuelles de la loi du 4 août 1994.

Mais l'on peut aussi se demander si l'exception consentie aux enseignes, dont la nature juridique n'est, au demeurant, pas très clairement établie, ne contribue pas à alimenter un certain laxisme dans l'application de la loi.

Pour y remédier, l'auteur de la proposition de loi préconise d'imposer une traduction en français de toute inscription en langue étrangère sur une enseigne ou devanture d'un local commercial.

Cette obligation de traduction systématique risquerait cependant de soulever des difficultés qui tiennent à la nature ambiguë de l'enseigne .

L'enseigne est en effet à la fois un support placé sur la voie publique pour informer le consommateur potentiel, et la dénomination ou l'emblème servant à désigner le fonds de commerce : à ce titre, elle peut se confondre avec le nom commercial, comme elle peut en être tout à fait distincte. Le choix de cette enseigne n'est actuellement assujetti à aucune obligation particulière. Il résulte essentiellement de la volonté du commerçant qui, en vertu de la liberté du commerce, doit pouvoir choisir la dénomination et les emblèmes sous lesquels il exerce son activité.

En pratique, ceux-ci peuvent découler du nom ou du prénom du commerçant, ou prendre la forme d'une dénomination de fantaisie évoquant (mais pas toujours) la nature de l'activité concernée, sans se priver, le cas échéant, d'emprunt à des termes ou locutions étrangers.

Votre commission hésite devant les difficultés pratiques et juridiques que ne manquerait pas de susciter une obligation trop rigide.

Faudrait-il aller jusqu'à imposer la traduction française d'une enseigne constituée par exemple à partir d'un prénom ou d'un nom propre étrangers ?

Est-il indispensable d'exiger la traduction d'une enseigne de fantaisie dont les termes choisis pour leur connotation ou leur sonorité n'apportent en eux-mêmes pas d'indication particulière sur la nature de l'activité exercée ?

En imposant l'adjonction du terme français à l'enseigne d'établissements français d'une chaîne connue sous une dénomination étrangère, du type « Quick » ou « Go sport », ne risque-t-on pas, au rebours de l'objectif recherché, de jeter le doute dans l'esprit du chaland sur l'appartenance de ces établissements au groupe dont ils se réclament ?

Ces considérations conduisent votre commission à vous recommander l'adoption d'un dispositif plus souple :

- celui-ci impose la traduction des termes étrangers utilisés, ou leur explicitation, parfois plus parlante pour désigner la nature de l'activité exercée (par exemple « restauration rapide » ou « articles de sport ») ;

- cette obligation n'est pas systématique mais proportionnée à l'objectif qu'elle se propose : elle ne s'impose que lorsque les termes étrangers utilisés sont susceptibles de contribuer à l'information du consommateur.

II. Transports internationaux

Les prescriptions linguistiques de l'article 3 de la « loi Toubon » s'appliquent également aux transports en commun .

Certes, la circulaire du 28 septembre 1999 cosignée par le ministre des transports et celui de la culture précise bien que cette obligation s'impose sur le territoire français aux transporteurs publics ou privés, qu'ils accomplissent leur activité dans le domaine des transports nationaux ou internationaux.

Mais les accrocs réguliers à cette obligation et les tentations régulières de certaines compagnies aériennes étrangères de s'en affranchir, rendent indispensable aux yeux de votre commission une réaffirmation solennelle et explicite dans la loi de l'application des prescriptions linguistiques aux transports internationaux , dès lors qu'ils sont en provenance ou à destination du territoire national .

Article 3
(article L. 123-1 du code de commerce)
Dénominations sociales inscrites au registre du commerce et des sociétés

L'auteur de la proposition de loi se proposait avec cet article d'imposer une formulation en français ou, à défaut, une traduction en français des dénominations sociales inscrites au registre du commerce et des sociétés. Il préconisait, en outre, dans un article 4, de sanctionner le manquement à cette obligation par un refus d'immatriculation.

Votre commission vous recommandera d'adopter un dispositif qui, tout en respectant pleinement la liberté des candidats à l'immatriculation de se doter de la dénomination sociale de leur choix, s'efforcera de conserver au français un minimum de visibilité dans la formulation de ces dénominations.

? Le cadre juridique du registre : l'absence de prescriptions linguistiques générales

Le registre du commerce et des sociétés est régi par les dispositions des articles L. 123-1 à L. 123-11-1 du code de commerce, complétées par celles du décret d'application n° 84-406 du 31 mai 1984, et de l'arrêté du 9 février 1988.

Aux termes de l'article L. 123-1 du code précité, l'immatriculation audit registre s'impose à toute personne physique ayant la qualité de commerçant, ainsi qu'aux sociétés et groupements d'intérêt économique ayant leur siège en France, et aux établissements publics industriels et commerciaux. Cette obligation s'impose en outre aux sociétés commerciales dont le siège est à l'étranger, mais qui ont un établissement en France, ainsi qu'aux représentations commerciales et agences commerciales des établissements, collectivités territoriales, et établissements publics étrangers établis dans un département français.

La demande d'inscription s'accompagne de la présentation d'un certain nombre de pièces et actes destinés à figurer au registre pour être portés à la connaissance du public, ainsi que d'une déclaration d'activité suivant une nomenclature définie par décret.

Ces informations sont fournies en français mais aucune prescription linguistique de portée générale n'est en revanche imposée quant à la formulation de la dénomination sociale, du nom commercial ou de l'enseigne.

Cette latitude, conforme au principe de la liberté du commerce et de l'industrie, souffre cependant une exception strictement circonscrite aux seules personnes morales de droit public ainsi qu'aux personnes morales de droit privé chargées d'une mission de service public , dans l'exécution de celle-ci. L'article 14 de la loi du 4 août 1994 interdit à celles-ci l'emploi d'une marque de fabrique, de commerce ou de service constituée d'une expression ou d'un terme étranger, dès lors qu'il existe une expression ou un terme français de même sens.

Les autres personnes jouissent, en revanche, d'une grande latitude dans le choix de leur dénomination sociale. Dans la pratique, celle-ci peut s'inspirer de la nature de leur activité commerciale, ou de toute autre de leurs caractéristiques. Les noms de fantaisie sont d'usage courant : les sociétés ne s'en tiennent pas au vocabulaire français autorisé, mais choisissent aussi des mots inventés, des vocables étrangers, voire des signes ou des abréviations. Il n'est pas rare ainsi qu'elles se dotent de noms originaux constitués, par exemple, avec des initiales ou des syllabes abrégées, sans se priver de recourir à des emprunts à des langues étrangères.

? La recherche d'une exigence minimale

Dans ce contexte d'absence totale de prescription linguistique, un certain nombre de grandes sociétés françaises, et notamment des établissements financiers, se sont autorisés, lorsqu'ils créaient des filiales spécialisées dans certains métiers, à leur assigner des dénominations désignant dans « une langue usuelle en matière financière » la nature de leur activité. Aussi a-t-on vu fleurir les mentions « Asset management » ou « Private equity » accolées au titre français de la maison mère, alors que dans la quasi totalité des cas, ces établissements spécialisés continuent de s'adresser à une clientèle française pour l'essentiel.

Ces pratiques qui relèvent davantage de l'effet de mode que de la rationalité économique, desservent l'image de notre langue, accréditent l'idée qu'en dehors des méthodes anglo-saxonnes, il n'est point de gestion efficace, et ne contribuent pas à la bonne information du consommateur français.

Votre commission ne vous proposera pas pour autant d'introduire dans le droit français une disposition comparable à celles qui figurent, par exemple, dans la charte de la langue française au Québec et réservent l'obtention de la personnalité morale et l'inscription au registre des entreprises et des sociétés à la possession d'un nom en français.

Une solution aussi contraignante ne paraît pas envisageable dans le contexte français et européen.

Restreindre la liberté de choix de ces sociétés aux seuls vocables français admis, ou leur imposer, à défaut une traduction en français qui, dans beaucoup de cas, n'aurait pas beaucoup de sens (comme par exemple dans le cas d'EURONEXT) soulèverait des difficultés pratiques, qui iraient à l'encontre de la volonté du Gouvernement de simplifier les démarches administratives pour favoriser la création d'entreprises.

Elle soulèverait en outre un certain nombre d'objections juridiques .

Elle risquerait tout d'abord d'encourir la censure du Conseil constitutionnel, au nom de la défense du principe de la liberté du commerce et de l'industrie . Dans la décision qu'il a rendue le 29 juillet 1994 sur la loi d'août 1994, il avait en effet estimé que l'article 14 de ladite loi, relatif aux marques de fabrique, de commerce ou de service n'était pas contraire à la Constitution dès lors qu'il ne s'appliquait qu'aux personnes morales de droit public et aux personnes morales de droit privé chargées d'une mission de service public , dans l'exécution de celui-ci.

Le Conseil constitutionnel ayant par ailleurs explicitement considéré dans ce même arrêt que le législateur ne pouvait « imposer à des personnes privées, hors l'exercice d'une mission de service public, l'obligation d'user sous peine de sanctions, de certains mots ou expressions définis par voie réglementaire » , on peut en déduire qu'il aurait très vraisemblablement censuré une disposition plus générale relative aux dénominations sociales et aux marques de fabrique.

Ces prescriptions linguistiques risqueraient en outre de soulever des difficultés particulières pour les sociétés étrangères souhaitant ouvrir un établissement ou une filiale sur le territoire français.

L'impossibilité pour elles de conserver leur dénomination sociale sans la compléter par une traduction française souvent problématique, ne contribuerait pas à améliorer l'attractivité du territoire français aux yeux des sociétés et des investisseurs étrangers. Elle risquerait en outre d'être considérée, au regard du droit communautaire, comme une restriction au libre établissement et à la libre circulation des prestataires de services.

Ces considérations conduisent votre commission à vous recommander un dispositif plus souple, prévoyant la traduction ou l'explicitation des vocables étrangers utilisés, et limitant cette obligation aux cas où les termes en question sont susceptibles de fournir une indication sur la nature de l'activité de la société concernée, de façon à proportionner la contrainte imposée par la loi à l'objectif d'information du consommateur et du public qu'elle se propose.

Article 4
(article L. 210-2 du code de commerce)
Dénominations sociales des sociétés

L'article L. 210-2 du code de commerce assigne aux statuts d'une société commerciale l'obligation de fixer sa forme, sa durée, sa dénomination sociale, son siège social, son objet social et le montant de son capital social.

Par coordination avec la rédaction proposée par l'article 3 pour l'article L. 123-1 du code de commerce, le présent article propose d'introduire dans l'article L. 210-2 précité une disposition analogue prévoyant la traduction ou l'explicitation en français des termes étrangers utilisés dans une dénomination sociale, dès lors qu'ils sont susceptibles de fournir une indication sur l'activité de la société.

Article 5
(article 2-14 du code de procédure pénale)
Action en justice des associations agréées de défense des consommateurs

L'article 2-14 du code de procédure pénale, issu de l'article 19 de la loi du 4 août 1994, autorise les associations de défense de la langue française régulièrement déclarées et agréées à exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne un certain nombre d'infractions.

Ce droit, pour les associations, d'ester en justice, peut s'exercer à l'encontre des infractions aux dispositions des textes pris pour l'application des articles 2 (publicité et transactions commerciales) , 3 (inscriptions et annonces dans les lieux publics) , 4 (présentation des textes français et étrangers) , 6 (organisation de colloques) , 7 (publications et revues) et 10 (offres d'emplois) .

Actuellement, trois associations ont reçu l'agrément ministériel nécessaire pour exercer ce droit. Il s'agit de :

- l'Association francophone d'amitié et de liaison (AFAL) ;

- l'Avenir de la langue française (ALF) ;

- la Défense de la langue française (DLF).

Reprenant une suggestion formulée par le rapport rendu par M. Hubert Astier et évoquée en Conseil des ministres par le ministre de la culture et de la communication, le 17 mars 2005, l'auteur de la proposition de loi suggérait de reconnaître à des agents assermentés de ces associations et des associations de défense des consommateurs, le pouvoir de constater les infractions à la plupart des dispositions précitées. Votre commission n'a pas voulu s'engager sur cette voie, considérant que la constatation des infractions à la « loi Toubon » devait rester, comme aujourd'hui, le fait d'agents publics . La compétence pour rechercher et constater les infractions aux dispositions de la loi est actuellement confiée aux officiers et agents de police judiciaire, et, pour les infractions aux dispositions de l' article 2 (publicité et transactions commerciales) , à certains agents publics énumérés à l'article L. 215-1 du code de la consommation (notamment les agents de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, et ceux de la Direction générale des douanes et des droits indirects). La loi définit en outre très précisément les pouvoirs dévolus à ces agents et la portée des contrôles qu'ils sont amenés à opérer.

Pour améliorer le contrôle effectif des dispositions de la loi, votre commission vous propose donc plutôt d'étendre aux associations régulièrement déclarées et agréées de défense des consommateurs, la capacité d'exercer les droits reconnus à la partie civile déjà dévolus aux associations de défense de la langue française.

L'article L. 421-1 du code de la consommation reconnaît déjà à ces associations la capacité d'exercer les droits reconnus à la partie civile relativement aux fait portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des consommateurs.

L'intervention de ces 18 associations agréées 11 ( * ) contribuera, à n'en pas douter, à renforcer sensiblement la pression exercée par le secteur associatif en faveur du respect effectif des prescriptions de la « loi Toubon ».

Article 6
(article L. 122-39-1 du code du travail)
Documents destinés aux salariés

Le paragraphe II de l'article 9 de la loi du 4 août 1994 rend obligatoire l'emploi du français dans la rédaction de « tout document comportant des obligations pour le salarié, ou des dispositions dont la connaissance est nécessaire à celui-ci pour l'exécution de son travail » .

Cette règle est justifiée par la nécessité d'assurer une bonne information des salariés et répond à la fois à des exigences de sécurité et au souci d'éviter certaines formes de discrimination au sein de l'entreprise.

La loi n'interdit pas pour autant d'assortir ces documents de traduction dans une ou plusieurs langues étrangères.

Elle prévoit deux exceptions à cette exigence d'une rédaction en français :

- pour les documents reçus de l'étranger ;

- pour les documents destinés à des étrangers.

L'existence d'une dérogation pour les documents destinés à des étrangers ne soulève pas d'objection aux yeux de votre rapporteur.

En revanche, l'instauration d'une dérogation en faveur de l'ensemble des documents « reçus de l'étranger » paraît aujourd'hui trop générale au regard des objectifs poursuivis par la loi.

Qu'ils proviennent ou non de l'étranger, des documents rédigés en langue étrangère sont également susceptibles d'être une source d'incompréhension et de gêne pour des salariés français.

Or, la mondialisation et la multiplication des groupes de dimension internationale d'une part, et le développement des technologies de l'information et notamment de l'Internet, d'autre part, contribuent à une augmentation sensible du volume et de la fréquence des documents reçus de l'étranger.

Un certain nombre d'affaires judiciaires témoignent d'ailleurs d'une nouvelle vigilance du monde du travail en ce domaine.

Sur saisine du comité d'entreprise et du comité d'hygiène et de sécurité de la société, le tribunal de grande instance de Versailles a condamné, par un jugement du 11 janvier 2005, la société General Electric Medical System SCS (GEMS), filiale du groupe General Electric, à mettre à la disposition de ses salariés en France une version française des logiciels informatiques, des documents relatifs à la formation du personnel, à l'hygiène et à la sécurité et des documents relatifs aux produits de la société.

Cette issue positive tient notamment, comme le relève un des attendus du jugement, à ce que l'origine étrangère des documents incriminés n'était pas formellement établie.

On peut craindre qu'aujourd'hui la plupart des documents rédigés en langue étrangère destinés à des salariés français proviennent de l'étranger et que l'exception inscrite dans la loi de 1994 n'ouvre une brèche trop importante dans un dispositif qui répond aussi à des objectifs de sécurité du travail .

Ces considérations conduisent votre commission à recommander une rédaction plus restrictive de l'exception consentie aux documents reçus de l'étranger : ceux-ci ne devraient être dispensés de l'obligation de recourir à la langue française que s'ils sont destinés à des salariés dont l'emploi suppose une parfaite connaissance de la langue étrangère concernée.

Article 7
(article L. 439-2 du code du travail)
Rapport annuel sur l'utilisation de la langue française dans l'entreprise

Cet article fait obligation au chef d'entreprise de soumettre pour avis au comité d'entreprise un rapport annuel écrit sur l'utilisation de la langue française.

La présentation au comité d'entreprise d'un rapport sur l'utilisation de la langue française dans l'entreprise présente un double avantage alors que, sous l'effet de la mondialisation et de l'internationalisation des sociétés, les pratiques linguistiques commencent à devenir un sujet sensible dans le monde du travail :

- elle est de nature à inciter les entreprises à réfléchir à leur politique linguistique ;

- elle érige les pratiques linguistiques en élément du dialogue social.

L'article L. 432-3 du code du travail définit le rôle du comité d'entreprise au regard des problèmes généraux de l'organisation du travail. Il énumère les sujets sur lesquels il doit être informé et consulté.

Les articles suivants imposent au chef d'entreprise la présentation d'un certain nombre de rapports portant notamment :

- sur la situation comparée des conditions générales d'emploi et de formation des femmes et des hommes dans l'entreprise (article L. 432-3-1) ;

- sur les garanties apportées aux personnes assurées contre certains risques (article L. 432-3-2) ;

- sur l'activité de l'entreprise, le chiffre d'affaires, les bénéfices et les pertes (article L. 432-4).

Le I du présent article insère dans le code du travail un nouvel article L. 432-3-3 relatif à la présentation d'un rapport sur l'utilisation de la langue française.

Votre commission vous propose de ne rendre obligatoire la présentation de ce rapport annuel et sa discussion devant le comité d'entreprise que dans les entreprises de plus de 500 salariés, dans lesquelles se manifestent, en pratique, la plupart des problèmes linguistiques.

Toutefois, pour maintenir la possibilité d'un débat dans des entreprises de plus faible taille, où certains problèmes peuvent toutefois se rencontrer, elle vous proposera de prévoir un second dispositif plus souple et facultatif, permettant au comité d'entreprise ou aux délégués du personnel d'évoquer la question en demandant au chef d'entreprise la présentation d'un rapport.

Le II complète l'article L. 439-2 du code précité pour étendre cette obligation aux comités de groupe , dont il importe qu'ils soient informés de la politique linguistique conduite par un groupe dans les différentes entreprises qui en dépendent.

Article 8
(articles L. 434-3 et L. 439-4 du code du travail)
Ordre du jour et procès-verbaux des comités d'entreprise, de groupe ou d'établissement

La loi du 4 août 1994 comporte déjà plusieurs dispositions destinées à garantir l'emploi du français dans l'entreprise. Ses articles 8, 9 et 10 ont ainsi rendu obligatoire l'usage de notre langue dans la rédaction du contrat de travail, dans celle du règlement intérieur, dans celle des conventions et accords collectifs, dans celle des offres d'emploi, ainsi que dans celle des documents comportant des obligations pour le salarié.

Votre commission vous propose de compléter ce dispositif pour rendre obligatoire l'emploi du français dans la rédaction de l'ordre du jour sur lequel sont convoqués les comités d'entreprise, les comités de groupe et les comités d'établissement, ainsi que dans celle des procès-verbaux dans lesquels sont consignées leurs délibérations.

Les comités d'entreprise , dont la création est obligatoire dans toute entreprise ou organisme de plus de cinquante salariés, constituent l'instance privilégiée du dialogue social dans l'entreprise.

Constitué des chefs d'entreprise et des délégués du personnel, le comité est investi d'une compétence générale : « il est obligatoirement informé et consulté sur les questions intéressant l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise, et notamment, sur les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, la durée du travail, les conditions d'emploi, de travail et de formation professionnelle du personnel » , comme le prévoit l'article L. 432-1 du code du travail.

A ce titre, il joue un rôle essentiel dans l'information dispensée aux salariés , sur la marche de leur entreprise et l'évolution de leurs conditions de travail. Cette information ne peut cependant être convenablement assurée que si l'ordre du jour sur lequel il est convoqué, et les procès-verbaux dans lesquels sont consignés ses délibérations, sont rédigés en français.

L' ordre du jour est, aux termes de l'article L. 434-3 du code du travail, arrêté par le chef d'entreprise et le secrétaire désignés par le comité parmi ses membres titulaires. Il doit être communiqué aux membres trois jours au moins avant la séance.

Le procès-verbal dans lesquels sont consignées les délibérations est établi par le secrétaire, et communiqués au chef d'entreprise et aux membres du comité (article R. 434-1 du code précité). Après avoir été adopté, il peut être affiché ou diffusé dans l'entreprise (article L. 434-4).

Votre commission vous propose dans un paragraphe I de compléter l'article L. 434-3 du code du travail, relatif aux réunions du comité d'entreprise , par un alinéa prévoyant que « l'ordre du jour ainsi que le procès-verbal dans lequel sont consignés les délibérations du comité d'entreprise doivent être rédigés en français » tout en prévoyant qu'ils peuvent être accompagnés de traduction dans une ou plusieurs langues étrangères, ne serait-ce que pour permettre la bonne information des salariés étrangers.

Ces dispositions s'appliqueront en outre aux comités d'établissement qui sont créés dans les entreprises comportant des établissements distincts et dont la composition et le fonctionnement sont identiques à ceux des comités d'entreprise, comme le prévoit l'article L. 435-1.

Le paragraphe II propose l'insertion d'une mesure identique dans l'article L. 439-4 du code, pour les comités de groupe qui sont constitués au sein de groupes formés par une entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle.

Article 9
(article 22 de la loi n° 94-665 du 4 août 1994relative à l'emploi de la langue française)
Amélioration du suivi de la loi à travers la présentation du rapport au Parlement sur l'emploi de la langue française

Le présent article a pour objet d'améliorer le suivi de l'application de la loi relative à l'emploi de la langue française, en incitant les différentes administrations concernées à apporter une participation effective à sa rédaction, et en prévoyant la possibilité, pour les assemblées, d'organiser un débat parlementaire à l'occasion de son dépôt.

Dans sa version initiale, la proposition de loi préconisait de créer dans chacune des deux assemblées du Parlement, une délégation parlementaire à la langue française.

La création de ce nouvel organisme n'est cependant pas, aux yeux de votre commission, le meilleur moyen d'améliorer le suivi par le parlement de ce sujet.

La création d'une semblable délégation présenterait à ses yeux un double inconvénient :

- elle dissocierait la défense de la langue française en France de la promotion de la francophonie et de la diversité culturelle dans le monde alors qu'il s'agit des deux volets d'une seule et même politique ;

- elle isolerait la politique de la langue de ses prolongements éducatifs et culturels ;

Pour ces deux raisons, votre commission considère que la défense de la langue française sera mieux assurée, au sein du Parlement, si elle reste une des compétences de référence des commissions permanentes chargées des affaires culturelles au sein du Sénat et de l'Assemblée nationale.

A ses yeux, le renforcement du contrôle exercé par le Parlement passe par une amélioration des outils existants .

Elle déplore vivement que le rapport annuel que le Gouvernement est tenu, aux termes de l'article 22 de la loi du 4 août 1994, de présenter sur l'application de la loi sur l'emploi de la langue française, ne comporte, à de rares exceptions, aucun compte rendu de la façon dont plusieurs des ministères concernés et notamment celui de l'emploi, de la cohésion sociale, et du logement, celui de la justice, ou celui de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche ou encore celui des transports s'acquittent de leur mission de veille dans les secteurs de leur compétence.

Pour ces raisons, elle vous proposera, à titre incitatif de compléter l'article 22 relatif au rapport annuel au Parlement par une phase invitant les différentes administrations concernées par les dispositions de la loi à y apporter leur contribution.

Elle insiste, en outre et plus particulièrement, sur la nécessité pour le ministère de la justice de tracer un bilan des procès verbaux constatant les infractions à la loi, et des suites judiciaires qui leur sont réservées, de façon à permettre au Parlement de disposer des éléments lui permettant de s'assurer du respect effectif des prescriptions linguistiques.

Elle prévoit en outre que ce rapport pourra faire l'objet d'un débat en séance publique.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le 19 octobre 2005 sous la présidence de M. Jacques Valade, président , la commission a examiné le rapport de M. Jacques Legendre sur la proposition de loi n° 59 (2004-2005) de M. Philippe Marini relative à l'emploi de la langue française .

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

M. Bernard Fournier a jugé tout à fait pertinente la proposition de loi et a cité quelques exemples concrets de dérives qu'il avait constatées personnellement dans les pratiques linguistiques et contre lesquelles il convenait de lutter avec vigueur : la tendance des services de la Commission européenne à utiliser exclusivement l'anglais dans le montage de certains dossiers d'appels d'offres, même quand elle a pour partenaire un syndicat départemental d'électricité français ; l'absence totale d'annonces en français, deux heures durant, à l'aéroport Charles de Gaulle pour annoncer le retard d'un vol à destination de l'Italie ; l'absence de personnels francophones dans les services de réservation de quatre hôtels d'une station française de sports d'hiver. Il a jugé qu'il convenait de ne pas céder devant ces pratiques inacceptables.

M. Ivan Renar a également déploré le recul du français dans les organisations internationales. Il a estimé que la télévision constituait un autre secteur sujet à des dérives importantes susceptibles de saper les efforts positifs réalisés par l'école en matière d'apprentissage du français. Il a déploré à cette occasion les effets collatéraux du recul des enseignements artistiques sur la capacité d'expression des élèves.

M. Jacques Valade, président , a relevé les efforts réalisés en matière de lutte contre les anglicismes dans les émissions télévisées par le président du Conseil supérieur de l'audiovisuel, M. Dominique Baudis.

M. Louis de Broissia a regretté que des considérations de rivalités linguistiques locales pénalisent l'affirmation du français comme langue internationale à Bruxelles. Il a suggéré que, sans tomber dans les excès d'une « police des langues », les chaînes de télévision réalisent un bêtisier des dérapages linguistiques les plus manifestes des présentateurs et des hommes politiques.

M. Jean Paul Emin s'est alarmé du caractère « policier » de certaines dispositions de la proposition de loi, estimant que la défense de la langue française n'avait pas vocation à figurer parmi les priorités du comité d'entreprise ou des inspecteurs du travail.

M. Jacques Valade, président , s'est déclaré très réservé à l'égard de la reconnaissance aux agents des associations de consommateurs, et de défense de la langue française, d'une sorte de statut d'inspecteur de la langue française.

M. Louis Duvernois a rappelé les menaces qui pèsent sur l'emploi de la langue française, regrettant que la « loi Toubon » ne soit pas suffisamment opérante. Il a indiqué qu'il ne serait pas opposé à l'idée de confier de nouvelles responsabilités aux associations, tout en souhaitant qu'une grande attention soit portée à leurs modalités d'exercice.

M. Jacques Valade, président , a relevé un certain nombre de facteurs favorables à la pénétration de l'anglais : l'internationalisation de certains groupes qui sont dans l'obligation de recourir à une langue véhiculaire, les congrès scientifiques où un orateur réduit ses chances d'être écouté s'il s'exprime en français, même avec une traduction, les publications scientifiques anglo-saxonnes, mieux à même d'assurer la notoriété des travaux des chercheurs. Tout en étant favorable à un certain durcissement de la position de la France, il a estimé que la recherche d'une solution équilibrée et réaliste était cependant délicate.

M. Serge Lagauche a remarqué que l'anglais n'avait aucun besoin d'un encouragement législatif pour progresser, au contraire du français, qui nécessitait l'intervention du législateur pour être défendu. Cette défense était nécessaire pour rappeler un certain nombre de règles face aux tentations de céder à la facilité pour des considérations économiques.

En réponse aux différents intervenants, M. Jacques Legendre, rapporteur , a apporté les précisions suivantes :

- les exemples cités par M. Bernard Fournier sont précis et ne sont, hélas, pas isolés ;

- le problème principal n'est pas aujourd'hui d'extirper de notre langue certains emprunts à des langues étrangères, mais d'éviter que l'emploi de notre langue ne disparaisse de pans entiers d'activité comme la recherche ou les transports ; l'adoption en commission de l'UNESCO du projet de convention sur la diversité culturelle constitue une victoire dans le combat de la France pour la diversité culturelle ; il ne faudrait pas en affaiblir la crédibilité par un manque de conviction dans la défense de l'emploi de notre langue sur notre territoire ;

- le souci de mieux proportionner les contraintes imposées aux entreprises aux objectifs de la loi, l'a conduit à assouplir sensiblement les dispositions proposées initialement par M. Philippe Marini ; la politique ou les pratiques linguistiques des entreprises ne devraient être négligées, ni par les représentants des salariés, ni par l'inspection du travail, car elles sont susceptibles d'avoir des conséquences multiples sur la sécurité dans le travail, ou le déroulement des carrières des cadres ; instaurer un débat sur ces pratiques linguistiques dans l'entreprise n'est dans ces conditions pas choquant ; au demeurant, la présentation de ce rapport ne sera obligatoire que dans les grandes entreprises de plus de 500 salariés ;

- la possibilité pour les agents assermentés des associations de procéder au constat de certaines infractions ne relève pas d'une volonté d'instituer une quelconque « police linguistique », mais uniquement de mieux assurer l'application effective de la loi, l'administration conservant, à travers la procédure d'agrément, un contrôle sur la façon dont ces constats seront diligentés ;

- même si le monde scientifique est en effet largement acquis à la progression de l'anglais, il convient de continuer à insister sur l'intérêt de la traduction ;

M. Jacques Valade, président , s'est interrogé sur l'opportunité de compléter les pouvoirs déjà reconnus aux associations de défense de la langue française et de les étendre aux associations de défense des consommateurs.

M. Jacques Legendre, rapporteur , a estimé que la reconnaissance de la compétence des associations de consommateurs en matière de sanction des infractions à la « loi Toubon » était justifiée, dans la mesure où les prescriptions linguistiques de cette dernière tendaient notamment à garantir le droit des consommateurs à une information compréhensible, ce qui relevait manifestement de leur champ de préoccupations.

M. Serge Lagauche a rappelé les garanties qu'apporte déjà la législation relative à l'étiquetage en matière d'information du consommateur.

M. Jean-Claude Carle a indiqué que, s'il souscrivait à l'économie générale de la proposition de loi, cette disposition lui inspirait, en revanche, de fortes réticences. Il a souhaité que la législation actuelle soit maintenue.

M. Ivan Renar a exprimé son accord avec l'objectif de cette disposition, qui est d'améliorer le respect effectif de la loi, mais s'est demandé si celui-ci ne pourrait être également obtenu en stimulant, par l'envoi d'une circulaire, les moyens actuels de contrôles.

M. Jacques Legendre, rapporteur , a rappelé les insuffisances du contrôle actuel, et souligné tout l'intérêt que présentait le renfort que les associations sont prêtes à apporter.

M. Louis Duvernois a estimé que la mesure devrait faire l'objet d'une bonne explication pour n'être pas perçue comme une forme de « police de la langue ».

Tout en jugeant normal de reconnaître certains moyens d'intervention aux membres des associations, M. Jean-François Voguet n'a pas souhaité leur attribuer des pouvoirs de police.

M. Jean-Claude Carle a redouté que le dispositif proposé ne se retourne contre les objectifs poursuivis par la loi.

M. Jacques Valade, président , a souhaité qu'une position moyenne soit trouvée, prenant notamment en compte l'intérêt que les associations de consommateurs portent aux dispositions de la « loi Toubon ». Il a proposé d'étendre à ces dernières les compétences actuellement reconnues par l'article 2-14 du code de procédure pénale aux associations de défense de la langue française, de façon à leur permettre d'exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les infractions aux dispositions des textes pris pour l'application des articles 2, 3, 4, 6, 7 et 10 de la loi n° 94-665 du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française.

La commission a ensuite adopté les conclusions du rapporteur ainsi modifiées sur cette proposition de loi.

TEXTE PROPOSÉ PAR LA COMMISSION

PROPOSITION DE LOI

complétant la loi n° 94-665 du 4 août 1994
relative à l'emploi de la langue française

Article 1er

Dans le deuxième alinéa de l'article 2 de la loi n° 94-665 du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française, les mots : « ou audiovisuelle » sont remplacés par les mots : « audiovisuelle ou par voie électronique » ;

Article 2

Après le premier alinéa de l'article 3 de la loi n° 94-665 du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française, il est inséré deux alinéas ainsi rédigés :

« Dès lors qu'ils sont susceptibles de contribuer directement ou indirectement à l'information du consommateur sur la nature des biens, produits ou services proposés, les termes étrangers utilisés dans la formulation d'une enseigne doivent être accompagnés d'une traduction ou d'une explicitation en français. »

« Toute annonce faite dans un moyen de transport collectif en provenance ou à destination du territoire national, et destinée à l'information des voyageurs, doit comporter une formulation complète en langue française.

Article 3

L'article L. 123-1 du code de commerce est complété par un paragraphe ainsi rédigé :

« III. Dès lors que sont utilisées, dans la formulation d'une dénomination sociale inscrite au registre, des vocables étrangers indiquant la nature de l'activité de l'établissement concerné, ils doivent s'accompagner d'une traduction ou d'une explicitation en français.

Article 4

L'article L. 210-2 du code de commerce est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les vocables étrangers utilisés le cas échéant dans la formulation d'une dénomination sociale doivent être assortis d'une traduction ou d'une explicitation en français, dès lors qu'ils sont susceptibles de fournir une indication sur la nature de l'activité de la société. »

Article 5

Dans l'article 2-14 du code de procédure pénale, après les mots : « dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat » sont insérés les mots « ainsi que toute association visée à l'article L. 421-1 du code de la consommation. »

Article 6

Le dernier alinéa de l'article L. 122-39-1 du code du travail est ainsi rédigé :

« Ces dispositions ne sont applicables, ni aux documents destinés à des étrangers, ni aux documents reçus de l'étranger destinés à des salariés dont l'emploi nécessite une parfaite connaissance de la langue étrangère utilisée. »

Article 7

I.- Après l'article L. 432-3-2 du code du travail, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. L. 432-3-3 - Dans les entreprises dont l'effectif est supérieur à cinq cents salariés, le chef d'entreprise soumet pour avis au comité d'entreprise un rapport écrit sur l'utilisation de la langue française dans l'entreprise.

Ce rapport trace le bilan de la façon dont l'entreprise s'acquitte des obligations formulées dans la loi n°  94-665 du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française.

Dans les entreprises dont l'effectif est inférieur à cinq cents salariés, la présentation de ce rapport répond à une demande du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel.

II.- L'article L. 439-2 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les obligations définies à l'article L. 432-3-3 s'imposent au comité de groupe. »

Article 8

I.- L'article L. 434-3 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L'ordre du jour ainsi que le procès-verbal dans lequel sont consignées les délibérations du comité doivent être rédigés en français. »

II.- Après le quatrième alinéa de l'article L. 439-4 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L'ordre du jour ainsi que le procès-verbal dans lequel sont consignées les délibérations du comité doivent être rédigés en français.

Article 9

L'article 22 de la loi n° 94-665 du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française est complété par trois alinéas ainsi rédigés :

« Les différentes administrations concernées par les dispositions de la présente loi sont tenues d'y apporter leur contribution.

Ce rapport trace notamment un bilan des procès verbaux constatant les infractions aux dispositions des textes pris pour l'application de la présente loi. Il précise la nature et l'issue des suites judiciaires qui leur sont réservés, particulièrement dans le cas où les associations visées à l'article L. 2-14 du code de procédure pénale ont exercé les droits reconnus à la partie civile.

« Ce rapport peut donner lieu à un débat à l'Assemblée nationale et au Sénat. »

ANNEXE 1 - LISTE DES PERSONNES ET ORGANISMES AUDITIONNÉS PAR LE RAPPORTEUR

- M. Renaud DONNEDIEU DE VABRES, ministre de la culture et de la communication

- M. Jacques TOUBON, député européen, ancien ministre de la culture et de la communication

- M. Hubert ASTIER, chargé par le ministre de la culture et de la communication d'une mission d'évaluation et de bilan de la loi relative à la langue française

- Mme Hélène CARRÈRE D'ENCAUSSE, secrétaire perpétuelle de l'Académie française

- M. Guillaume CERRUTI, directeur général à la Direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF)

- Mme Catherine COLONNA, directeur général du Centre national de la cinématographie, et M. François HURARD, directeur du cinéma

- M. Jean-Louis COMBREXELLE, directeur du travail au ministère de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale

- M. Marceau DECHAMPS, association Défense de la langue française

- M. Jean DERCOURT, secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences

- Mme Sylvie GENEVOIX, conseiller au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA)

- M. Steve GENTILI, président de Forum francophone des affaires

- M. MARC GUILLAUME, directeur des affaires civiles et du Sceau au ministère de la justice

- M. Jacques GODFRAIN, député, président de l'association francophone d'amitié et de liaison, et Maître Jean-Claude AMBOISE, avocat

- Mme Reine-Claude MADER, présidente de la Confédération de la consommation, du logement et du cadre de vie (CLCV)

- M. MARCOVITCH, délégué général de l'Association des fournisseurs d'accès et de services Internet (AFA)

- M. Xavier NORTH, délégué général à la langue française et aux langues de France, et M. Jean-François BALDI, délégué général adjoint à la langue française et aux langues de France

- M. Jean-Pierre PHILIBERT, directeur des relations avec les pouvoirs publics du MEDEF

- M. Albert SALON, président de l'association Avenir de la langue française

- Mme Thaima SAMMAN, directrice des affaires juridiques et publiques de Microsoft France

ANNEXE 2 - LISTE DES ASSOCIATIONS NATIONALES DE CONSOMMATEURS

ADEIC - Association de défense, d'éducation et d'information du consommateur

AFOC - Association Force Ouvrière Consommateurs

ALLDC - Association Léo Lagrange pour la Défense des Consommateurs

ASSECO-CFDT - Association Syndicale d'Étude sur la Consommation

CGL - Confédération Générale du Logement

CLCV - Confédération de la Consommation, du Logement et du Cadre de Vie

CNAFAL - Conseil National des Associations Familiales Laïques

CNAFC - Confédération Nationale des Associations Familiales Catholiques

CNL - Confédération Nationale du Logement

CSF - Confédération Syndicale des Familles

FF - Familles de France

FR - Familles Rurales

FNAUT - Fédération Nationale des Associations d'Usagers des Transports

INDECOSA-CGT - Association pour l'Information et la Défense des Consommateurs Salariés

ORGÉCO - Organisation Générale des Consommateurs

UFC-Que Choisir - Union Fédérale des Consommateurs

UFCS - Union Féminine Civique et Sociale

UNAF - Union Nationale des Associations Familiales

ANNEXE 3 -LOI N° 94-665 DU 4 AOÛT 1994 RELATIVE À L'EMPLOI DE LA LANGUE FRANÇAISE

Article 1

Langue de la République en vertu de la Constitution, la langue française est un élément fondamental de la personnalité et du patrimoine de la France.

Elle est la langue de l'enseignement, du travail, des échanges et des services publics.

Elle est le lien privilégié des Etats constituant la communauté de la francophonie.

Article 2

Dans la désignation, l'offre, la présentation, le mode d'emploi ou d'utilisation, la description de l'étendue et des conditions de garantie d'un bien, d'un produit ou d'un service, ainsi que dans les factures et quittances, l'emploi de la langue française est obligatoire.

[ Dispositions déclarées non conformes à la Constitution par décision du Conseil constitutionnel n° 94-345 DC du 29 juillet 1994 .]

Les mêmes dispositions s'appliquent à toute publicité écrite, parlée ou audiovisuelle.

Les dispositions du présent article ne sont pas applicables à la dénomination des produits typiques et spécialités d'appellation étrangère connus du plus large public.

La législation sur les marques ne fait pas obstacle à l'application des premier et troisième alinéas du présent article aux mentions et messages enregistrés avec la marque.

Article 3

Toute inscription ou annonce apposée ou faite sur la voie publique, dans un lieu ouvert au public ou dans un moyen de transport en commun et destinée à l'information du public doit être formulée en langue française [ Dispositions déclarées non conformes à la Constitution par décision du Conseil constitutionnel n° 94-345 DC du 29 juillet 1994 ].

Si l'inscription rédigée en violation des dispositions qui précèdent est apposée par un tiers utilisateur sur un bien appartenant à une personne morale de droit public, celle-ci doit mettre l'utilisateur en demeure de faire cesser, à ses frais et dans le délai fixé par elle, l'irrégularité constatée. Si la mise en demeure n'est pas suivie d'effet, l'usage du bien peut, en tenant compte de la gravité du manquement, être retiré au contrevenant, quels que soient les stipulations du contrat ou les termes de l'autorisation qui lui avait été accordée.

Article 4

Lorsque des inscriptions ou annonces visées à l'article précédent, apposées ou faites par des personnes morales de droit public ou des personnes privées exerçant une mission de service public font l'objet de traductions, celles-ci sont au moins au nombre de deux.

Dans tous les cas où les mentions, annonces et inscriptions prévues aux articles 2 et 3 de la présente loi sont complétées d'une ou plusieurs traductions, la présentation en français doit être aussi lisible, audible ou intelligible que la présentation en langues étrangères.

Un décret en Conseil d'Etat précise les cas et les conditions dans lesquels il peut être dérogé aux dispositions du présent article dans le domaine des transports internationaux.

Article 5

Quels qu'en soient l'objet et les formes, les contrats auxquels une personne morale de droit public ou une personne privée exécutant une mission de service public sont parties sont rédigés en langue française. Ils ne peuvent contenir ni expression ni terme étrangers lorsqu'il existe une expression ou un terme français de même sens approuvés dans les conditions prévues par les dispositions réglementaires relatives à l'enrichissement de la langue française.

Ces dispositions ne sont pas applicables aux contrats conclus par une personne morale de droit public gérant des activités à caractère industriel et commercial, la Banque de France ou la Caisse des dépôts et consignations et à exécuter intégralement hors du territoire national. Pour l'application du présent alinéa, sont réputés exécutés intégralement hors de France les emprunts émis sous le bénéfice de l'article 131 quater du code général des impôts ainsi que les contrats portant sur la fourniture de services d'investissement au sens de l'article 4 de la loi n° 96-597 du 2 juillet 1996 de modernisation des activités financières et qui relèvent, pour leur exécution, d'une juridiction étrangère.

Les contrats visés au présent article conclus avec un ou plusieurs cocontractants étrangers peuvent comporter, outre la rédaction en français, une ou plusieurs versions en langue étrangère pouvant également faire foi.

Une partie à un contrat conclu en violation du premier alinéa ne pourra se prévaloir d'une disposition en langue étrangère qui porterait préjudice à la partie à laquelle elle est opposée.

Article 6

Tout participant à une manifestation, un colloque ou un congrès organisé en France par des personnes physiques ou morales de nationalité française a le droit de s'exprimer en français. Les documents distribués aux participants avant et pendant la réunion pour en présenter le programme doivent être rédigés en français et peuvent comporter des traductions en une ou plusieurs langues étrangères.

Lorsqu'une manifestation, un colloque ou un congrès donne lieu à la distribution aux participants de documents préparatoires ou de documents de travail, ou à la publication d'actes ou de comptes rendus de travaux, les textes ou interventions présentés en langue étrangère doivent être accompagnés au moins d'un résumé en français.

Ces dispositions ne sont pas applicables aux manifestations, colloques ou congrès qui ne concernent que des étrangers, ni aux manifestations de promotion du commerce extérieur de la France.

Lorsqu'une personne morale de droit public ou une personne morale de droit privé chargée d'une mission de service public a l'initiative des manifestations visées au présent article, un dispositif de traduction doit être mis en place.

Article 7

Les publications, revues et communications diffusées en France et qui émanent d'une personne morale de droit public, d'une personne privée exerçant une mission de service public ou d'une personne privée bénéficiant d'une subvention publique doivent, lorsqu'elles sont rédigées en langue étrangère, comporter au moins un résumé en français.

[ Dispositions déclarées non conformes à la Constitution par décision du Conseil constitutionnel n° 94-345 DC du 29 juillet 1994 .]

Article 8

Les trois derniers alinéas de l'article L. 121-1 du code du travail sont remplacés par quatre alinéas ainsi rédigés :

« Le contrat de travail constaté par écrit est rédigé en français. [ Dispositions déclarées non conformes à la Constitution par décision du Conseil constitutionnel no 94-345 DC du 29 juillet 1994. ]

« Lorsque l'emploi qui fait l'objet du contrat ne peut être désigné que par un terme étranger sans correspondant en français, le contrat de travail doit comporter une explication en français du terme étranger.

« Lorsque le salarié est étranger et le contrat constaté par écrit, une traduction du contrat est rédigée, à la demande du salarié, dans la langue de ce dernier. Les deux textes font également foi en justice. En cas de discordance entre les deux textes, seul le texte rédigé dans la langue du salarié étranger peut être invoqué contre ce dernier.

« L'employeur ne pourra se prévaloir à l'encontre du salarié auquel elles feraient grief des clauses d'un contrat de travail conclu en violation du présent article. »

Article 9

I. - L'article L. 122-35 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le règlement intérieur est rédigé en français. [ Dispositions déclarées non conformes à la Constitution par décision du Conseil constitutionnel no 94-345 DC du 29 juillet 1994.] Il peut être accompagné de traductions en une ou plusieurs langues étrangères. »

II. - Il est inséré, après l'article L. 122-39 du code du travail, un article L. 122-39-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 122-39-1. - Tout document comportant des obligations pour le salarié ou des dispositions dont la connaissance est nécessaire à celui-ci pour l'exécution de son travail doit être rédigé en français. [ Dispositions déclarées non conformes à la Constitution par décision du Conseil constitutionnel no 94-345 DC du 29 juillet 1994.] Il peut être accompagné de traductions en une ou plusieurs langues étrangères.

« Ces dispositions ne sont pas applicables aux documents reçus de l'étranger ou destinés à des étrangers. »

III. - Aux premier et troisième alinéas de l'article L. 122-37 du code du travail, les mots: « articles L. 122-34 et L. 122-35 » sont remplacés par les mots: « articles L. 122-34, L. 122-35 et L. 122-39-1 ».

IV. - Il est inséré, après l'article L. 132-2 du code du travail, un article L. 132-2-1 ainsi rédigé:

« Art. L. 132-2-1. - Les conventions et accords collectifs de travail et les conventions d'entreprise ou d'établissement doivent être rédigés en français. Toute disposition rédigée en langue étrangère [ Dispositions déclarées non conformes à la Constitution par décision du Conseil constitutionnel n° 94-345 DC du 29 juillet 1994 ] est inopposable au salarié à qui elle ferait grief. »

Article 10

- Le 3° de l'article L. 311-4 du code du travail est ainsi rédigé:

« 3° Un texte rédigé en langue étrangère [ Dispositions déclarées non conformes à la Constitution par décision du Conseil constitutionnel no 94-345 DC du 29 juillet 1994 ].

« Lorsque l'emploi ou le travail offert ne peut être désigné que par un terme étranger sans correspondant en français, le texte français doit en comporter une description suffisamment détaillée pour ne pas induire en erreur au sens du 2° ci-dessus.

« Les prescriptions des deux alinéas précédents s'appliquent aux services à exécuter sur le territoire français, quelle que soit la nationalité de l'auteur de l'offre ou de l'employeur, et aux services à exécuter hors du territoire français lorsque l'auteur de l'offre ou l'employeur est français, alors même que la parfaite connaissance d'une langue étrangère serait une des conditions requises pour tenir l'emploi proposé. Toutefois, les directeurs de publications rédigées, en tout ou partie, en langue étrangère peuvent, en France, recevoir des offres d'emploi rédigées dans cette langue. »

Article 11

( devenu art. L. 121-3 du code de l'éducation )

I. - La langue de l'enseignement, des examens et concours, ainsi que des thèses et mémoires dans les établissements publics et privés d'enseignement est le français, sauf exceptions justifiées par les nécessités de l'enseignement des langues et cultures régionales ou étrangères ou lorsque les enseignants sont des professeurs associés ou invités étrangers.

Les écoles étrangères ou spécialement ouvertes pour accueillir des élèves de nationalité étrangère, ainsi que les établissements dispensant un enseignement à caractère international, ne sont pas soumis à cette obligation.

II. - Il est inséré, après le deuxième alinéa de l'article 1er de la loi n° 89-486 du 10 juillet 1989 d'orientation sur l'éducation, un alinéa ainsi rédigé :

« La maîtrise de la langue française et la connaissance de deux autres langues font partie des objectifs fondamentaux de l'enseignement. »

Article 12

Avant le chapitre Ier du titre II de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, il est inséré un article 20-1 ainsi rédigé :

« Art. 20-1 . - L'emploi du français est obligatoire dans l'ensemble des émissions et des messages publicitaires des organismes et services de radiodiffusion sonore ou télévisuelle, quel que soit leur mode de diffusion ou de distribution, à l'exception des oeuvres cinématographiques et audiovisuelles en version originale.

« Sous réserve des dispositions du 2° bis de l'article 28 de la présente loi, l'alinéa précédent ne s'applique pas aux oeuvres musicales dont le texte est, en tout ou partie, rédigé en langue étrangère.

« L'obligation prévue au premier alinéa n'est pas applicable aux programmes, parties de programme ou publicités incluses dans ces derniers qui sont conçus pour être intégralement diffusés en langue étrangère ou dont la finalité est l'apprentissage d'une langue, ni aux retransmissions de cérémonies cultuelles.

[ Dispositions déclarées non conformes à la Constitution par décision du Conseil constitutionnel no 94-345 DC du 29 juillet 1994 .]

« Lorsque les émissions ou les messages publicitaires visés au premier alinéa du présent article sont accompagnés de traductions en langues étrangères, la présentation en français doit être aussi lisible, audible ou intelligible que la présentation en langue étrangère. »

Article 13

La loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée est ainsi modifiée :

I. - Après le sixième alinéa du II de l'article 24, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« - le respect de la langue française et le rayonnement de la francophonie. »

II. - A l'article 28, il est inséré, après le 4°, un 4° bis ainsi rédigé :

« 4° bis Les dispositions propres à assurer le respect de la langue française et le rayonnement de la francophonie ; ».

III. - A l'article 33, il est inséré, après le 2°, un 2° bis ainsi rédigé :

« 2° bis Les dispositions propres à assurer le respect de la langue française et le rayonnement de la francophonie ; ».

Article 14

I. - L'emploi d'une marque de fabrique, de commerce ou de service constituée d'une expression ou d'un terme étrangers est interdit aux personnes morales de droit public dès lors qu'il existe une expression ou un terme français de même sens approuvés dans les conditions prévues par les dispositions réglementaires relatives à l'enrichissement de la langue française.

Cette interdiction s'applique aux personnes morales de droit privé chargées d'une mission de service public, dans l'exécution de celle-ci.

II. - Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux marques utilisées pour la première fois avant l'entrée en vigueur de la présente loi.

Article 15

L'octroi, par les collectivités et les établissements publics, de subventions de toute nature est subordonné au respect par les bénéficiaires des dispositions de la présente loi.

Tout manquement à ce respect peut, après que l'intéressé a été mis à même de présenter ses observations, entraîner la restitution totale ou partielle de la subvention.

Article 16

Outre les officiers et agents de police judiciaire agissant conformément aux dispositions du code de procédure pénale, les agents énumérés aux 1°, 3° et 4° de l'article L. 215-1 du code de la consommation sont habilités à rechercher et constater les infractions aux dispositions des textes pris pour l'application de l'article 2 de la présente loi.

A cet effet, les agents peuvent pénétrer de jour dans les lieux et véhicules énumérés au premier alinéa de l'article L. 213-4 du même code et dans ceux où s'exercent les activités mentionnées à l'article L. 216-1, à l'exception des lieux qui sont également à usage d'habitation. Ils peuvent demander à consulter les documents nécessaires à l'accomplissement de leur mission, en prendre copie et recueillir sur convocation ou sur place les renseignements et justifications propres à l'accomplissement de leur mission.

Ils peuvent également prélever un exemplaire des biens ou produits mis en cause dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat.

Article 17

Quiconque entrave de façon directe ou indirecte l'accomplissement des missions des agents mentionnés au premier alinéa de l'article 16 ou ne met pas à leur disposition tous les moyens nécessaires à cette fin est passible des peines prévues au second alinéa de l'article 433-5 du code pénal.

Article 18

Les infractions aux dispositions des textes pris pour l'application de la présente loi sont constatées par des procès-verbaux qui font foi jusqu'à preuve du contraire.

Les procès-verbaux doivent, sous peine de nullité, être adressés dans les cinq jours qui suivent leur clôture au procureur de la République.

Une copie en est également remise, dans le même délai, à l'intéressé.

Article 19

Après l'article 2-13 du code de procédure pénale, il est inséré un article 2-14 ainsi rédigé :

« Art. 2-14 . - Toute association régulièrement déclarée se proposant par ses statuts la défense de la langue française et agréée dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les infractions aux dispositions des textes pris pour l'application des articles 2, 3, 4, 6, 7 et 10 de la loi n° 94-665 du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française. »

Article 20

La présente loi est d'ordre public. Elle s'applique aux contrats conclus postérieurement à son entrée en vigueur.

Article 21

Les dispositions de la présente loi s'appliquent sans préjudice de la législation et de la réglementation relatives aux langues régionales de France et ne s'opposent pas à leur usage.

Article 22

Chaque année, le Gouvernement communique aux assemblées, avant le 15 septembre, un rapport sur l'application de la présente loi et des dispositions des conventions ou traités internationaux relatives au statut de la langue française dans les institutions internationales.

Article 23

Les dispositions de l'article 2 entreront en vigueur à la date de publication du décret en Conseil d'Etat définissant les infractions aux dispositions de cet article, et au plus tard douze mois après la publication de la présente loi au Journal officiel .

Les dispositions des articles 3 et 4 de la présente loi entreront en vigueur six mois après l'entrée en vigueur de l'article 2.

Article 24

La loi n° 75-1349 du 31 décembre 1975 relative à l'emploi de la langue française est abrogée, à l'exception de ses articles 1er à 3 qui seront abrogés à compter de l'entrée en vigueur de l'article 2 de la présente loi et de son article 6 qui sera abrogé à la date d'entrée en vigueur de l'article 3 de la présente loi.

ANNEXE 4 - CIRCULAIRE DU 19 MARS 1996 CONCERNANT L'APPLICATION DE LA LOI N° 94-665 DU 4 AOÛT 1994 RELATIVE À L'EMPLOI DE LA LANGUE FRANÇAISE

1 - Objectifs de la loi

La loi du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française se substitue à la loi du 31 décembre 1975 dont elle élargit le champ d'application et renforce les dispositions.

Ce texte est la traduction concrète du principe constitutionnel, reconnu en 1992, selon lequel la langue de la République est le français. Il impose l'usage obligatoire, mais non exclusif, de la langue française dans des domaines déterminés en vue de garantir aux citoyens le droit d'utiliser leur langue dans certaines circonstances de leur vie courante.

En revanche, il ne comporte ni ne prévoit aucune liste de termes ou d'expressions qui seraient interdits ou qu'il faudrait obligatoirement employer.

Des listes de termes dont l'usage est recommandé ont toutefois été établies par des commissions de terminologie. Ces listes sont régulièrement publiées au Journal officiel. Elles peuvent être également consultées par Minitel. (36-17 NORMATERM)

2 - Champ d'application de la loi

La loi concerne les personnes privées comme les personnes publiques. Toutefois, certaines de ses dispositions sont plus contraignantes pour les personnes de droit public et les personnes privées exécutant une mission de service public (voir point 2.6).

2.1. L'emploi de la langue française pour la commercialisation des biens, produits et services

2.1.1. Les articles 2, 3 et 4 de la loi prévoient l'emploi obligatoire de la langue française dans la désignation, l'offre, la présentation des biens, produits ou services ainsi que dans les inscriptions ou annonces destinées à l'information du public.

Sont concernés :

1° Tous les documents destinés à informer l'utilisateur ou le consommateur : étiquetages, prospectus, catalogues, brochures et autres documents d'information, bons de commande, bons de livraison, certificats de garantie, modes d'emploi, menus et cartes des vins, factures, quittances, reçus et tickets de caisse, programmes de spectacles, titres de transport, contrats d'adhésion (contrats d'assurance, offres de service financier, etc.).

Les modes d'utilisation intégrés dans les logiciels d'ordinateurs et de jeux vidéo et comportant des affichages sur écran ou des annonces sonores sont assimilés à des modes d'emploi. En conséquence, les modes d'utilisation des logiciels d'application et des logiciels d'exploitation doivent être établis en français, qu'ils soient sur papier ou intégrés dans le logiciel.

Les factures et autres documents échangés entre professionnels, personnes de droit privé françaises et étrangères, qui ne sont pas consommateurs ou utilisateurs finaux des biens, produits ou services ne sont pas visés par ces dispositions.

2° Les inscriptions sur les produits, sur leur contenant ou sur leur emballage.

Dans le cas de biens ou produits comportant des inscriptions gravées, moulées ou tissées en langue étrangère, des termes ou expressions peuvent être admis sans traduction, s'il s'agit de termes ou expressions entrés dans le langage courant ou résultant de l'application de conventions internationales (par exemple, on/off, made in, copyright).

3° Toute publicité écrite, parlée ou audiovisuelle concernant les biens, produits ou services commercialisés.

Compte tenu des exceptions prévues par l'article 12 de la loi en faveur des oeuvres cinématographiques, audiovisuelles et musicales en version originale, les dispositions des articles 2, 3 et 4 ne s'appliquent pas aux extraits d'oeuvres originales, en langue étrangère, accompagnant une publicité diffusée par les services audiovisuels. Cette règle vaut également pour toute publicité diffusée dans un lieu public.

Ne sont en outre pas concernées les publicités incluses dans des programmes ou parties de programmes dont la finalité est l'apprentissage d'une langue étrangère ou qui sont conçus pour être intégralement diffusés en langue étrangère (par exemple, les publicités diffusées soit dans le cadre des programmes des chaînes étrangères reçues par câble ou satellite, soit dans celui des programmes audiovisuels en langue étrangère diffusés par les opérateurs nationaux à l'intention des étrangers résidant en France).

Il va de soi que les publicités incluses dans des organes de presse intégralement imprimés en langue étrangère ne sont pas non plus visées.

4° Les inscriptions ou annonces destinées à l'information du public.

Il s'agit des informations de nature non commerciale, effectuées sous forme d' inscriptions ou d'annonces apposées ou faites sur la voie publique ou dans un lieu ouvert au public que celuici appartienne à un propriétaire public ou privé (gares, aéroports, stations et abris de bus, salles de spectacles, cafés, restaurants, musées, galeries marchandes, commerces...) et dans les moyens de transport en commun quel que soit leur mode d'exploitation, public ou privé.

5° Les mentions et messages enregistrés avec la marque.

Les dispositions de la loi ne s'étendent ni aux dénominations sociales, ni aux enseignes, ni aux noms commerciaux, ni aux marques de fabrique, de commerce ou de service. Des marques, ou déclinaisons de marques, constituées d'un ou plusieurs termes étrangers, peuvent donc être déposées, enregistrées ou utilisées en France sans traduction.

En revanche, compte tenu des dispositions du dernier alinéa de l'article 2 de la loi, les mentions et messages en langue étrangère accompagnant une marque doivent, quand ils sont employés en France, comporter une traduction en français aussi lisible, audible ou intelligible que la présentation en langue étrangère.

Cette règle s'applique même si ces mentions et messages ont été, conformément au droit de la propriété intellectuelle, enregistrés au sein d'une marque.

Par mention, on entend toute mention descriptive servant à désigner une caractéristique d'un bien, produit ou service ainsi que toute mention générique ou désignant usuellement, dans le langage courant ou professionnel, un bien, produit ou service.

Par message, on entend tout message destiné à informer le public ou à attirer son attention sur une ou plusieurs caractéristiques d'un bien, produit ou service.

L'emploi obligatoire de la langue française s'applique, dès l'entrée en vigueur de la loi, à tous les mentions et messages accompagnant la marque, ou enregistrés dans une marque, quelle que soit la date où celle-ci a été déposée ou enregistrée ou a commencé à être utilisée.

2.1.2. Une traduction en une ou plusieurs langues étrangères peut dans tous les cas accompagner la version en français. Mais la présentation en langue française doit être aussi lisible, audible ou intelligible que la présentation en langue étrangère.

Ce principe implique qu'une mention, inscription ou annonce faite dans une autre langue ne doit pas, en raison de sa taille, de son graphisme, de sa couleur, de son volume sonore ou pour toute autre cause, être mieux comprise que celle établie en français. Les annonces ou inscriptions destinées à l'information du public doivent, de préférence, être formulées d'abord en langue française.

Une similitude des deux présentations et un parallélisme des modes d'expression entre les deux versions ne sont toutefois pas exigés. En outre, la traduction peut ne pas être au mot à mot, dès lors qu'elle reste dans l'esprit du texte original.

Les mêmes règles valent pour les modes d'emploi ou d'utilisation dont les présentations en langue française et en langues étrangères doivent être aussi compréhensibles et aussi complètes les unes que les autres. Un texte est réputé être incompréhensible s'il faut se reporter à sa version dans une autre langue pour le comprendre.

2.1.3 Les dispositions ci-dessus sont applicables lors de la commercialisation en France des biens, produits ou services quelle que soit l'origine de ceux-ci.

Il s'agit en effet d'assurer la protection du consommateur afin qu'il puisse acheter et utiliser un produit ou bénéficier de services en ayant une parfaite connaissance de leur nature, de leur utilisation et de leurs conditions de garantie.

Toutefois, les dispositions de l'article 2 de la loi ne s'appliquent pas aux produits typiques et spécialités d'appellation étrangère : les dénominations de certains produits spécifiques et connus du plus large public (par exemple, chorizo, cookie, couscous, gin, hot-dog, jeans, paella, pizza, sandwich...) ainsi que les dénominations étrangères protégées en France, à la suite d'accords internationaux (par exemple, gorgonzola, scotch whisky...) peuvent être employées sans traduction.

Lors du dédouanement, seules les déclarations en douane doivent être rédigées en français. Les services douaniers peuvent, en tant que de besoin, demander une traduction en français des documents qui accompagnent ces déclarations.

Ne sont pas visées les opérations liées à l'exportation ou à la réexportation ou effectuées avant la mise sur le marché des biens, produits et services introduits sur le territoire français. Ainsi des produits d'origine étrangère qui sont semi-finis ou des produits exposés dans le cadre de foires, salons et expositions exclusivement réservés aux professionnels et qui ne font pas directement l'objet de transactions, peuvent-ils ne pas être présentés en français.

2.2. L'emploi de la langue française dans les manifestations, colloques ou congrès

L'article 6 de la loi fixe les obligations imposées aux personnes de nationalité française organisant une manifestation, un colloque ou un congrès en France.

2.2.1. Champ d'application

Les organisateurs concernés sont les organisateurs effectifs. Est considéré comme tel, le maître d'ouvrage de la manifestation ainsi que tout organisme français intervenant dans son financement ou participant à son organisation, par exemple un comité national d'organisation en France agissant pour le compte d'une société étrangère. Une personne de droit français chargée de l'organisation scientifique, notamment de recueillir, de sélectionner ou d'évaluer les contributions est également considérée comme ayant la qualité d'organisateur. En revanche, les prestataires de services sollicités pour la logistique de la manifestation (agences de voyages, hôtels, entreprises de location de matériel, etc.) ne sont pas des organisateurs au sens de la loi.

Le législateur a entendu viser toutes les réunions publiques qu'elles soient organisées pour débattre de questions scientifiques, économiques, techniques, culturelles... ou qu'il s'agisse de la présentation publique d'une activité.

En revanche, la loi ne s'applique pas aux manifestations privées ou internes à une entreprise, sous réserve que soient respectées les dispositions prévues à l'article L.122-39-1 du code du travail (voir ci-après le point 2.3).

2.2.2. Quatre catégories d'obligations s'imposent aux organisateurs :

Tout participant francophone doit pouvoir s'exprimer en français. N'est donc pas conforme à la loi le fait de prévoir que l'ensemble des communications et des débats se dérouleront uniquement en langue étrangère. Mais, sauf dans le cas où une personne de droit public ou exerçant une mission de service public est à l'initiative de la manifestation, le droit de s'exprimer en français n'implique pas nécessairement la mise en place d'un dispositif de traduction simultanée ou consécutive.

Les documents de présentation du programme distribués aux participants avant et pendant la réunion doivent être disponibles en version française. Il s'agit des dépliants et affiches annonçant la manifestation et des documents d'inscription ou des demandes d'interventions adressées aux participants éventuels.

Les documents préparatoires ou de travail distribués en langue étrangère aux participants doivent faire l'objet d'au moins un résumé en français.

Les textes ou interventions présentés en langue étrangère et figurant dans les actes ou comptes-rendus de travaux publiés doivent être accompagnés d'au moins un résumé en français.

2.2.3. Sont exceptées des dispositions ci-dessus :

1° Les manifestations, colloques ou congrès ne concernant que des étrangers, quelle que soit la nationalité de l'organisateur ;

2° Les manifestations de promotion du commerce extérieur français.

2.3. L'emploi de la langue française dans les entreprises

Les articles 8, 9 et 10 de la loi modifient le code du travail afin de permettre à tout salarié français d'employer le français comme langue de travail. Ils prévoient en outre qu'un salarié étranger peut bénéficier d'une traduction, dans sa langue, de son contrat de travail.

2.3.1. Champ d'application

L'usage de la langue française est obligatoire pour :

1° Le contrat de travail ;

Sont visés les contrats de travail constatés par écrit, qu'ils soient exécutés sur le territoire français ou à l'étranger.

Ne sont pas concernés :

- les contrats non écrits, par exemple certains contrats à durée indéterminée ;

- les contrats signés à l'étranger même s'ils sont destinés à être exécutés totalement ou partiellement sur le territoire français.

Lorsque l'emploi faisant l'objet d'un contrat ne peut être désigné que par un terme étranger intraduisible, celui-ci doit être accompagné d'une description en français de l'emploi.

2° Le règlement intérieur;

Compte tenu des dispositions de l'article L.122-39 du code du travail, les notes de service et tous autres documents portant prescriptions générales et permanentes dans les matières régies par le règlement intérieur (réglementation d'hygiène et de sécurité, règles relatives à la discipline) doivent également être établis en français.

3° Les conventions et accords collectifs de travail et les conventions d'entreprise ou d'établissement ;

4° Tout document comportant des obligations pour le salarié ou des dispositions dont la connaissance est nécessaire à celui-ci pour l'exécution de son travail ;

Sont, en particulier, considérés comme tels, les documents comptables ou techniques nécessaires à l'exécution d'un travail (par exemple, les livrets d'entretien utilisés par un service de maintenance).

En outre, le respect des règles de sécurité à l'intérieur de l'entreprise implique que les modes d'emploi ou d'utilisation de substances ou de machines dangereuses d'origine étrangère et destinées à être utilisées dans une entreprise en France soient rédigés ou traduits en français.

Les documents visés aux paragraphes 2 et 4 ci-dessus peuvent comporter une traduction en une ou plusieurs langues étrangères.

5° Les offres d'emploi ou les offres de travaux à domicile :

Il s'agit des offres publiées dans les journaux, revues ou écrits périodiques concernant des services à exécuter sur le territoire français quelle que soit la nationalité de l'auteur de l'offre ou de l'employeur ainsi que des services à exécuter hors du territoire français si l'auteur de l'offre ou l'employeur est français.

Par auteur de l'offre, on entend le cabinet de recrutement ou la personne dont l'adresse figure dans l'offre d'emploi ou de travaux.

2.3.2. Sont exceptés des obligations ci-dessus :

1° Les documents reçus de l'étranger ou destinés à des personnes de nationalité étrangère, en particulier les documents liés à l'activité internationale d'une entreprise ;

2° Les offres d'emploi ou de travaux à exécuter hors du territoire français, dont l'auteur ou l'employeur sont étrangers ;

3° Les offres d'emploi ou de travaux insérés dans des publications rédigées, en tout ou en partie, en langue étrangère comme, par exemple, les publications éditées dans les régions frontalières ou destinées à des étrangers vivant en France.

2.4. L'emploi de la langue française dans l'enseignement

L'article 11 de la loi prévoit que le français est la langue de l'enseignement, des examens et concours ainsi que des thèses et mémoires.

2.4.1. La loi s'applique à tous les établissements d'enseignement, publics ou privés (sous contrat ou non), à tous les cycles d'enseignement et à toutes les formations.

2.4.2. Sont néanmoins dispensés des obligations édictées par la loi :

- les écoles étrangères ou spécialement ouvertes pour accueillir des élèves de nationalité étrangère ;

- les établissements dispensant un enseignement à caractère international. Il s'agit, par exemple, des établissements offrant des formations en langues étrangères et en langue française, et comprenant au minimum 25% d'élèves ou d'étudiants étrangers ;

- les enseignements dispensés en langues étrangères par des professeurs associés ou invités étrangers. Ces enseignements peuvent donner lieu à une évaluation en langue étrangère.

En outre, la procédure de co-tutelle de thèse, définie par un arrêté du 18 janvier 1994 du ministre chargé de la recherche, prévoit que la thèse est rédigée dans l'une des langues nationales des deux pays concernés et complétée par un résumé dans l'autre langue ;

- les formations effectuées dans le cadre de l'enseignement des langues et cultures régionales ou étrangères : sont visées les formations dispensées en langues régionales ou étrangères dans le cadre des sections européennes ou à vocation bilingue et représentant au maximum 50% du volume total des enseignements de ces sections.

2.5. L'emploi de la langue française dans le secteur audiovisuel

Les articles 12 et 13 de la loi modifient la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication en vue d'inciter l'ensemble des services émettant depuis le territoire national au respect de la langue française et au développement de la francophonie.

Le Conseil supérieur de l'audiovisuel, qui est responsable de l'application de la loi du 4 août 1994 dans le secteur audiovisuel, veille à l'emploi obligatoire du français dans l'ensemble des émissions et des messages publicitaires des organismes et services de radiodiffusion sonore ou télévisuelle, hormis les exceptions prévues par la loi. En cas de constatation d'infractions dans ce domaine, le Conseil peut prendre les sanctions prévues par la loi du 30 septembre 1986.

2.6. L'emploi de la langue française par les personnes publiques

La loi impose, dans certains cas, aux personnes morales de droit public et aux personnes privées exerçant une mission de service public des obligations plus contraignantes que celles fixées pour les personnes de droit privé.

2.6.1. Les personnes concernées

La loi vise les personnes morales de droit public, c'est-à-dire l'État, les collectivités territoriales et les établissements publics placés sous la tutelle de ceux-ci, ainsi que les personnes morales de droit privé chargées d'une mission de service public pour les activités qu'elles exercent dans le cadre de cette mission.

2.6.2. Les obligations particulières qui s'imposent à ces personnes sont les suivantes :

1° Lorsque des inscriptions et annonces visées à l'article 3 de la loi émanent de personnes publiques ou chargées d'une mission de service public et qu'il est estimé utile d'en faire une traduction - par exemple, si ces inscriptions et annonces s'adressent notamment aux voyageurs ou visiteurs étrangers - les traductions doivent être au moins au nombre de deux.

Un décret précisera, dans le domaine des transports internationaux, les dérogations éventuelles tenant compte des contraintes techniques et financières liées à la mise en conformité des infrastructures et moyens de transport.

2° Aux termes de l'article 5 de la loi, seuls les contrats passés par des personnes publiques gérant des activités à caractère industriel et commercial et à exécuter intégralement hors du territoire national peuvent être établis dans une langue autre que le français ou contenir des expressions ou termes étrangers dont les équivalents français existent. Tous les autres contrats, quels qu'en soient l'objet et la forme, auxquels une personne publique ou chargée d'une mission de service public est partie, doivent comporter une version originale en langue française.

3° Les personnes publiques ou chargées d'une mission de service public qui organisent une manifestation, un colloque ou un congrès sont soumises aux obligations imposées par l'article 6 de la loi aux organisateurs privés. Elles sont en outre tenues de prévoir un dispositif de traduction pour permettre, d'une part, aux personnes s'exprimant en français de se faire comprendre de tous les participants et, d'autre part, aux auditeurs qui ne connaissent que le français de comprendre les interventions faites en langue étrangère. Il peut ne pas s'agir d'un dispositif de traduction simultanée.

4° L'article 7 de la loi étend aux personnes privées bénéficiant d'une subvention publique l'obligation, faite aux personnes publiques ou chargées d'une mission de service public, d'accompagner d'au moins un résumé en français les publications, revues et communications établies en langue étrangère, qu'elles diffusent en France. Ce résumé doit être représentatif du texte en cause, et ne pas se limiter, par exemple, à en reprendre les têtes de chapitre.

5° A l'exception des marques de fabrique, de commerce ou de service déjà utilisées avant le 7 août 1994, les marques constituées d'une expression ou d'un terme étrangers ne peuvent être employées par des personnes publiques ou chargées d'une mission de service public. Ceci vaut pour les marques qui ont été choisies par ces organismes pour désigner un bien, produit ou service, dont ils sont titulaires et qu'ils utilisent dans l'exercice de leur mission de service public.

L'interdiction ne s'applique pas aux marques constituées d'une expression ou d'un terme étrangers dont n'existe aucun équivalent dans les termes français approuvés dans le cadre des dispositions réglementaires relatives à l'enrichissement de la langue française.

3 - Contrôle de l'application de la loi

3.1 Rôle de la délégation générale à la langue française

La délégation générale à la langue française, qui a pour mission de coordonner et de promouvoir la politique en faveur de la langue française, est chargée de veiller à la bonne application de la loi du 4 août 1994.

À ce titre, elle conduit les actions d'informations nécessaires pour faire respecter la législation par les milieux professionnels et les usagers. Lorsqu'elle est saisie de manquements à la loi, elle adresse des avertissements aux organismes concernés. Elle est associée aux mesures de contrôle prises par les services habilités à rechercher et constater les infractions à la loi et s'assure de la mise en oeuvre de ce texte par les agents publics.

Elle instruit, en liaison avec le ministère de la justice, les dossiers des associations qui demandent un agrément (cf. point 3.3) et elle suit l'activité des associations agréées.

En outre, elle établit, chaque année avant le 15 septembre, pour le Parlement, le rapport prévu par l'article 22 de la loi, sur l'application de la loi et des textes concernant le statut de la langue française dans les institutions internationales. Pour ce faire, les différentes administrations et organismes publics concernés lui adressent chaque année avant le 1er juillet les informations relatives à la mise en oeuvre dans leurs services de la législation sur l'emploi de la langue française.

3.2 - Sanctions encourues et administrations chargées de relever les infractions

Le décret n° 95-240 du 3 mars 1995 pris pour l'application de la loi (publié au Journal officiel du 5 mars 1995) a défini les infractions aux articles 2, 3, 4, 6 et 9-II de la loi et fixé les sanctions pénales correspondantes. Il s'agit de contraventions de la 4ème classe.

Les infractions aux articles 9-I et 10 de la loi sont sanctionnées respectivement sur la base des articles R. 152-4 (contravention de la 4ème classe) et R. 361-1 (contravention de la 3ème classe) du code du travail.

Les infractions à l'article 12 de la loi relèvent de la responsabilité du Conseil supérieur de l'audiovisuel.

Le non respect des dispositions des articles 5,8, et 9-IV entraîne l'inopposabilité du texte ou des dispositions établis en langue étrangère.

En outre, toute subvention publique peut être retirée, en tout ou en partie, à un bénéficiaire qui ne se conformerait pas à la loi. Dans le cas particulier d'inscriptions apposées exclusivement en langue étrangère sur un bien appartenant à une personne publique, l'usage du bien peut être retiré au contrevenant.

Sont habilités à rechercher et constater les infractions aux articles 2, 3, 4, 6, 9-I, 9-II et 10 de la loi, les officiers et agents de police judiciaire ainsi que, pour les seules infractions à l'article 2, les agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (D.G.C.C.R.F.), de la direction générale des douanes et droits indirects, de la direction générale des impôts, les vétérinaires inspecteurs, les préposés et les agents techniques sanitaires, les médecins inspecteurs départementaux de la santé.

3.3 Rôle des associations agréées

Un arrêté du 3 mai 1995 du ministre de la culture et de la francophonie et du ministre de la justice (publié au Journal officiel du 12 mai 1995) a agréé cinq associations de défense de la langue française en vue de leur permettre d'exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les infractions aux dispositions des articles 2, 3, 4, 6, 7 et 10 de la loi.

4 - Entrée en vigueur de la loi

Selon l'article 23 de la loi, les dispositions de l'article 2 devaient entrer en vigueur à la date de publication du décret d'application et celles des articles 3 et 4, six mois après cette première date. Le décret n° 95-240 du 3 mars 1995 pris pour l'application de la loi ayant été publié au Journal officiel du 5 mars 1995, l'intégralité de la loi du 4 août 1994 est devenue applicable en France depuis le 7 septembre 1995.

Les biens et produits qui ont été introduits sur le territoire national avant le 7 mars 1995, date d'entrée en vigueur de l'article 2 de la loi, pourront continuer à être commercialisés sous leur présentation initiale jusqu'à écoulement des stocks, et au plus tard jusqu'au 7 mars 1996.

Vous voudrez bien saisir la délégation générale à la langue française de toute question concernant l'application de la présente circulaire.

* 1 Si l'on excepte une ordonnance moins célèbre, édictée par Louis XII en 1510 « sur la réformation de la justice » qui prescrivait l'usage de la langue vulgaire pour les enquêtes réalisées en pays de droit écrit.

* 2 Arrêté du 24 mai 2004 portant renouvellement de l'agrément d'association de défense de la langue française.

* 3 Arrêt Piageme - 18 juin 1991.

Arrêt Piageme II - 12 octobre 1995

Arrêt Goerres - 14 juillet 1998

Arrêt Colim - 3 juin 1999

* 4 Avis n° 75 - tome XII (2004-2005) fait par M. Jacques Legendre au nom de la commission des affaires culturelles.

* 5 Arrêt n° 245076 du 30 juillet 2003 - Association « avenir de la langue française ».

* 6 Question écrite n° 30424 de M. Jacques GODFRAIN et réponse du ministre de la culture et de la communication, publiée au JO du 16 mars 2004 p. 2041.

* 7 Source : fédération des entreprises de vente à distance www.fevad.com.

* 8 - « Les pratiques linguistiques dans les entreprises à vocation internationale. Esquisse de typographie ». CREDOC. Octobre 2002.

« Les pratiques linguistiques dans les entreprises françaises travaillant à l'international ». Observatoire de la formation, de l'emploi et des métiers. Juin 2003

- « Les pratiques linguistiques dans les PME travaillant à l'international ». Ubifrance. Mars 2004.

* 9 Rapport cité p.10.

* 10 JO n° 10 du 13 janvier 2005 - p. 533.

* 11 La liste de ces associations nationales est reproduite en annexe à la fin de ce rapport.

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