B. LES POINTS DE VULNÉRABILITÉ

1. La situation inquiétante du Fonds de solidarité vieillesse

Le fonds de solidarité vieillesse (FSV) a pour mission de « concourir au financement des régimes de base » d'assurance vieillesse en leur remboursant les dépenses ne relevant pas de l'effort contributif des assurés.

Les dépenses du FSV se répartissent en trois blocs :

- 19 % au titre des prestations du minimum vieillesse ;

- 34 % pour le remboursement des majorations de pension pour conjoint et pour enfant à charge ;

- 56 % au titre du remboursement aux régimes du manque à gagner résultant de la validation des périodes non travaillées pour les chômeurs préretraités, les volontaires du service national et les anciens combattants.

Longtemps prospères en raison d'une évolution de ses recettes plus favorable que celle de ses dépenses, le FSV a été durement touché par des mesures prises sous la précédente législature. Plusieurs recettes lui ont été distraites, afin notamment d'assurer le financement direct ou indirect du FOREC 2 ( * ) (droits sur les alcools ; 0,15 point de CSG) ou de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) (0,1 point de CSG).

Parallèlement, de nouvelles dépenses lui ont été affectées, dont le remboursement de la dette de l'Etat à l'égard des régimes Agirc-Arrco, les allocations de cessation anticipée d'activité (CATS) et les allocations de fin de formation (AFF) mises en place dans le cadre du plan d'aide au retour à l'emploi (PARE).

Le FSV connaît depuis 2001 une situation déficitaire qui a d'abord absorbé la totalité des réserves accumulées depuis sa création en 1993 avant de déboucher sur une accumulation de dettes à un rythme très rapide. La prévision pour 2005 table sur un nouveau déficit de 2 milliards d'euros.

Les comptes du FSV

(en millions d'euros)

2001

2002

2003

2004

2005 ( * )

2006*

Recettes

11.566

11.052

12.474

13.363

12.533

12.830

dont CSG

9.719

9.078

9.297

9.562

9.828

10.131

dont prélèvement social 2 %

383

350

350

382

374

376

dont droits sur les boissons

-

-

-

-

-

-

dont C3S

551

567

921

1.300

200

100

dont versements CNAF

478

1.004

1.875

1.965

2.066

2.159

dont autres et produits financiers

434

15

9

154

65

64

Dépenses

11.562

12.405

13.408

14.002

14.565

14.565

Solde

- 86

- 1.353

- 934

- 639

- 2.022

- 1.734

Solde cumulé (1)

1.517

- 123

- 1.057

- 1.696

- 3.728

- 5.463

Versement au Fonds de réserve pour les retraites (2)

287

-

-

-

-

-

Solde cumulé (1)-(2)

1.230

- 123

- 1.057

- 1.696

- 3.728

- 5.463

( * ) prévisions Source : CCSS septembre 2004

En conséquence, la trésorerie du fonds apparaît aujourd'hui très tendue. Dans la mesure où il n'a pas le droit d'emprunter, le FSV ne peut faire face à toutes ses échéances et est conduit à moduler ou différer le paiement des montants dus (acomptes ou régularisations) aux différents régimes dans le cadre des dispositions conventionnelles conclues avec ces derniers. La CNAV, qui gère le principal régime financé par le FSV, supporte principalement les conséquences de cette situation. Au 31 décembre 2004, la dette du FSV envers le régime général s'élevait ainsi à 2,2 milliards d'euros. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 propose plusieurs mesures destinées à améliorer les comptes du FSV grâce, notamment, à des recettes supplémentaires tirées de l'élargissement de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) aux entreprises publiques (56 millions d'euros) de la réforme de la fiscalité des plans d'épargne logement (151 millions d'euros) et de la modification des règles d'exportabilité du minimum vieillesse (50 millions d'euros).

Mais ces mesures ne représentent qu'une faible fraction du déficit du fonds et les inquiétudes demeurent. Sur le plan juridique, la Cour des comptes 3 ( * ) dénonce d'ailleurs le caractère « non conforme au droit » de la situation actuelle du FSV.

Les prévisions quadriennales du projet de loi de financement de la sécurité sociale continuent de prévoir un déficit élevé en 2006 et 2007. Le retour à l'équilibre n'est envisageable spontanément, si le marché de l'emploi continue à s'améliorer et le chômage à se réduire au cours des prochaines années, qu'à l'horizon 2010.

Prospectives financières du FSV (2006/2009)

(en milliards d'euros)

2004

2005

2006

2007

2008

2009

Recettes

13,4

12,5

13,1

13,4

13,9

14,5

Dépenses

14,0

14,6

14,6

14,8

15,0

15,0

Solde

- 0,6

- 2,0

- 5

- 1,4

- 1,1

- 0,5

Votre commission espère un assainissement des finances du FSV par l'adoption de mesures nouvelles de financement et par le règlement de ses dettes cumulées à l'égard de la CNAV et de la Caisse centrale de mutualité sociale agricole.


Lettre de M. Michel Laroque, président du conseil d'administration du FSV
au ministre de la santé et des solidarités
(4 octobre 2005)

« Le rapport présenté à la commission des comptes de la sécurité sociale lors de sa séance du 28 septembre dernier fait état, sans surprise, d'un déficit annuel 2005 de 2.032 millions d'euros et d'un déficit tendanciel 2006 de 1.734 millions d'euros avant mesures nouvelles . (...)

Dans ma lettre précitée du 22 octobre 2004, j'avais évoqué comme solutions de financement, à l'instar de ce que propose la Cour des comptes dans son rapport sur la sécurité sociale de septembre 2005, une augmentation de la CSG et, à défaut, une dotation d'équilibre de l'Etat, permettant au FSV de se mettre en conformité avec l'article L. 135-3 du code de la sécurité sociale qui, comme l'interprète la Cour, impose l'équilibre des comptes du Fonds. Mais ces mesures difficiles, compte tenu de l'état des comptes publics, ne paraissent pas retenues.

J'observe que la Cour écarte toute mesure d'emprunt et tout transfert de la dette à la Cades (...). Dans ces conditions, il m'apparaît qu'il demeure au moins une possibilité de solution, non évoquée jusqu'à présent bien qu'elle échappe aux inconvénients précités. Cette solution consiste à mobiliser pour le Fonds une recette réelle, récurrente, importante, qui est déjà affectée à la branche vieillesse sans être consacrée à la couverture d'une dépense actuelle : il s'agit de la fraction du prélèvement social de 2 % dédiée au fonds de réserve pour les retraites (FRR).

Depuis 2002, le produit du prélèvement social de 2 % est totalement consacré à la branche vieillesse. Son montant annuel est supérieur à 1.850 millions d'euros (2005). Il est réparti à raison de 65 % au FRR, 15 % à la CNAVTS et 20 % au FSV. La fraction de 65 % affectée au FRR représente donc près de 1,2 milliard d'euros en base annuelle. Ce montant correspond au besoin du FSV.

Il me paraît paradoxal que cette recette pérenne continue d'être affectée principalement au FRR, qui en accumule et en place le produit avec l'objectif de transférer progressivement l'actif ainsi constitué au régime vieillesse après 2020, alors que le FSV, qui participe comme le FRR au financement de la branche retraite, n'est pas en mesure de faire face à ses dépenses légales, passées, présentes et prochaines : il n'est pas légitime de réserver un produit existant de la branche vieillesse au financement de ses dépenses à venir, alors que ses dépenses d'aujourd'hui ne sont pas couvertes. (...)

Je propose en conséquence d'affecter au FSV la fraction du prélèvement social de 2 % dont bénéficie présentement le FRR. Dès lors que le FSV, après résorption de sa dette, en viendrait à dégager des excédents, ces excédents seraient acquis au FRR, conformément à l'article L. 135-7 du code de la sécurité sociale. A minima, la mesure pourrait consister à suspendre provisoirement l'affectation au FRR de tout ou partie de cette fraction pour l'affecter au FSV jusqu'au retour à l'équilibre de ses comptes et à l'apurement de la dette qu'il a accumulée.

Une telle mesure, applicable dès 2006, si elle portait sur la totalité de la « fraction FRR », et en supposant pour les prochaines années un cadre juridique constant pour les dépenses et les autres recettes du Fonds, permettrait d'escompter, sur la base de la prévision quadriennale précitée, un retour à l'équilibre annuel du compte de résultat du FSV dès 2008 et l'extinction de sa dette en 2011. »

2. Quel avenir pour le Fonds de réserve des retraites ?

Créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, le fonds de réserve des retraites (FRR) a pour objet d'alimenter, à partir de 2020 et jusqu'en 2040, les différents régimes de retraite, grâce à des sommes qui auront été préalablement mises en réserve.

Depuis 2003, les ressources récurrentes du FRR tendent à se tarir. Le fonds disposait de 16,5 milliards d'euros au 31 décembre 2003 ; il devrait atteindre 20,6 milliards d'euros fin 2005 et 22,2 milliards d'euros à la fin 2006. Mais le problème réside essentiellement dans le caractère exceptionnel des abondements et dans la diminution régulière de leur montant annuel. La seule ressource pérenne et significative du fonds est actuellement le prélèvement social sur les revenus du patrimoine et de placement, dont 65 % lui sont attribués.

Les comptes du FRR

(en millions d'euros)

2001

2002

2003

2004

2005 (1)

2006 (1)

PRODUITS

3.862,0

5.837,4

3714,4

2.533,6

1.716,9

1.724,3

CSSS

Excédent FSV

286,6

Excédent CNAVTS (année n-1)

483,5

1.518,2

1.659,0

946,9

0,0

0,0

Prélèvement de 2 % sur les revenus du capital

971,9

1.115,5

1116,1

1.211,6

1.216,9

1.224,3

Caisses d'épargne

718,2

718,2

432,5

Versement Caisse des dépôts et consignations

Licences téléphoniques UMTS

1.238,5

619,2

Recettes de privatisation (ouverture du capital ASF, Crédit lyonnais...)

1.600,0

Intérêts des placements/produits financiers

163,3

266,4

81,8

500,0

500,0

Soulte EDF

425,0

375,6

3.060,0

CHARGES

21,9

3,6

33,4

59,0

59,0

Frais de gestion administrative

12,6

17,7

Fiscalité

15,7

Charges sur cessions de titre

6,2

3,6

Résultat net (hors soulte)

3.840,1

5.833,8

3.701,8

2.500,2

1.658,0

1.665,4

Solde cumulé

7.009,0

12.842,8

16.544,4

18.945,6

20.603,7

22.269,1

(1) prévisions Source : CCSS septembre 2005

Dès 2001, dans le rapport d'information qu'il a consacré au fonds de réserve des retraites 4 ( * ) , Alain Vasselle avait souligné le retard pris par rapport au plan de financement d'origine. L'objectif était de disposer, à l'horizon 2020, d'un montant de 152 milliards d'euros de réserves (102 milliards d'euros de capital et 50 milliards d'euros provenant d'intérêts capitalisés). Il ne sera pas atteint.

Avec un financement maintenu au niveau constaté jusqu'à présent (environ 4 milliards d'euros par an en moyenne), la valeur des actifs du FRR culminerait en termes réels à 110 milliards et cette hypothèse est elle-même peu probable : si les ressources annuelles se réduisaient au seul prélèvement social, ce qui paraît beaucoup plus réaliste, les réserves accumulées en 2020 ne seront que de 56 milliards d'euros.

Deux raisons plaident en faveur du maintien du FRR : son caractère vertueux et le niveau de la rémunération des capitaux placés. Mais en l'absence d'abondement via notamment des recettes de futures privatisations, la légitimité du fonds risque de se trouver posée rapidement, la taille critique n'ayant plus aucune chance d'être atteinte en 2020.

3. Clarifier et améliorer la gestion des retraites de la fonction publique

Malgré les incertitudes du chiffrage de l'estimation du montant des retraites futures de la fonction publique, la croissance des besoins de financement est une certitude. La contribution de l'Etat au régime de retraite des fonctionnaires est ainsi en forte hausse ces dernières années : 28,28 milliards d'euros, soit 74,1 % du total des dépenses évaluées à 38,16 milliards d'euros (dont 35,84 milliards d'euros de pensions et 2,32 milliards de transferts). La part des cotisations salariales se limite à 4,69 milliards d'euros, c'est-à-dire un peu plus de 12 % du total, même si elle est complétée par les contributions équivalentes des autres employeurs publics (La Poste et France Télécom, essentiellement).

Malheureusement, le système actuel du financement des retraites des fonctionnaires s'apparente toujours à une « boîte noire ». Il est difficile de dresser un constat des recettes et dépenses relatives aux retraites des fonctionnaires civils et militaires de l'Etat, les dépenses étant équilibrées à due concurrence par une subvention d'équilibre dénommée assez improprement « cotisation fictive employeur ». Or, la notion de cotisation suppose une assiette à laquelle on applique un taux, ce qui ne correspond pas à cette situation. Ce constat conduit votre commission, comme elle l'avait fait lors de la réforme des retraites, à réitérer sa proposition de création « d'un véritable régime de retraite des fonctionnaires de l'Etat ou son inclusion dans l'actuelle Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL), ce qui aurait l'avantage de regrouper dans la même caisse les trois fonctions publiques ».

Une telle évolution est peu probable à court terme en raison des réticences prévisibles du ministère des finances : en termes strictement budgétaires, la situation actuelle présente en effet l'avantage de n'avoir à se préoccuper que d'équilibrer le compte des pensions des fonctionnaires à horizon d'un an.

Du moins, pourrait-on agir pour améliorer le fonctionnement du service des pensions. La Cour des comptes, dans son rapport précité consacré aux pensions des fonctionnaires civils de l'Etat, avait en effet dénoncé vivement les insuffisances majeures suivantes :

« - l'organisation éclatée et lourde caractérisée par la juxtaposition des niveaux d'instruction et un empilement de contrôles formels assurés dans des services imprégnés par une culture d'examen exhaustif de dossiers accompagnés de leurs pièces justificatives sur support papier ;

« - un système informatique déficient qui reproduit les incohérences de la chaîne de traitement des pensions liées à l'éparpillement des responsabilités ;

« - des coûts de gestion mal cernés et une productivité médiocre liée au fait que l'Etat n'a jamais cherché à rationaliser cette activité de production de masse en s'inspirant par exemple des techniques employées par des organismes de retraite français . »

* 2 Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale.

* 3 Cf. rapport de la Cour des comptes de septembre 2005 consacré à la sécurité sociale, p. 97.

* 4 Rapport d'information de Alain Vasselle n° 1001 - Le fonds de réserve des retraites (session 2000-2001).

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