Rapport n° 73 (2005-2006) de M. Dominique LECLERC , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 9 novembre 2005

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N° 73

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2005-2006

Annexe au procès-verbal de la séance du 9 novembre 2005

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

Par M. Dominique LECLERC,

Sénateur.

Tome IV :

Assurance vieillesse

(1) Cette commission est composée de : M. Nicolas About, président ; MM. Alain Gournac, Louis Souvet, Gérard Dériot, Jean-Pierre Godefroy, Mmes Claire-Lise Campion, Valérie Létard, MM. Roland Muzeau, Bernard Seillier, vice-présidents ; MM. François Autain, Paul Blanc, Jean-Marc Juilhard, Mmes Anne-Marie Payet, Gisèle Printz, secrétaires ; Mme Jacqueline Alquier, MM. Jean-Paul Amoudry, Gilbert Barbier, Daniel Bernardet, Mme Brigitte Bout, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Mmes Isabelle Debré, Christiane Demontès, Sylvie Desmarescaux, M. Claude Domeizel, Mme Bernadette Dupont, MM. Michel Esneu, Jean-Claude Etienne, Guy Fischer, Jacques Gillot, Francis Giraud, Mmes Françoise Henneron, Marie-Thérèse Hermange, Gélita Hoarau, Christiane Kammermann, MM. Serge Larcher, André Lardeux, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Mme Raymonde Le Texier, MM. Roger Madec, Jean-Pierre Michel, Alain Milon, Georges Mouly, Mmes Catherine Procaccia, Janine Rozier, Michèle San Vicente, Patricia Schillinger, M. Jacques Siffre, Mme Esther Sittler, MM. Jean-Marie Vanlerenberghe, Alain Vasselle, François Vendasi, André Vézinhet.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 12 e législ . ) : 2575 , 2609, 2610 et T.A. 496

Sénat : 63 et 71 (2005-2006)

Sécurité sociale.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 ne consacre que quatre articles aux retraites, y compris celui concernant l'objectif de dépenses de la branche. Pourtant, deux mesures importantes y figurent :

- d'une part, la dernière étape de l'intégration financière et du rapprochement de la Caisse d'assurance vieillesse, invalidité et maladie des cultes (Cavimac) avec le régime général. Ce régime quelque peu atypique concerne néanmoins une population de 17.000 cotisants et de 64.000 retraités qui présente la double particularité de percevoir les plus faibles retraites parmi l'ensemble des catégories d'assurés sociaux et d'être la dernière caisse pour laquelle l'âge normal de la retraite demeure fixé à soixante-cinq ans ;

- d'autre part, le sauvetage du troisième étage de la retraite des professions médicales conventionnées. Ce régime de retraite additionnel dénommé « avantage social vieillesse » se trouve aujourd'hui en situation de « banqueroute virtuelle » 1 ( * ) . Le Gouvernement aura donc eu le courage et la détermination de prendre les mesures exigées par les circonstances.

Au-delà des dispositions qu'il propose, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 offre aussi l'occasion de faire le point sur trois dossiers importants :

- la publication, par le Conseil d'orientation des retraites, des nouvelles prospectives à long terme des régimes de retraite . On mesurera ainsi les besoins de financements prévus à l'horizon 2020 et 2040/2050 consécutifs au choc démographique, dont les effets sont perceptibles avec le départ en retraite des premières classes d'âge du « baby boom » d'après-guerre ;

- la mise en oeuvre, depuis le 1 er janvier 2005, de l'adossement de la nouvelle Caisse nationale des industries électriques et gazières (CNIEG) sur les régimes de retraite de droit commun du secteur privé. Cette opération est d'autant plus sensible qu'elle a suscité des inquiétudes dans l'opinion publique et qu'elle est destinée à servir de précédent pour d'autres régimes spéciaux , et notamment celui de la RATP, dès les prochaines semaines ;

- le premier bilan de l'évolution du taux d'emploi des seniors, à l'occasion des négociations entre les partenaires sociaux dans les domaines de la pénibilité et de l'employabilité des personnes de plus de cinquante-cinq ans. Ces discussions portent l'espoir de parvenir à remettre en cause le consensus national implicite en matière de cessation précoce d'activité. Elles comportent aussi le risque de créer un nouveau mécanisme de préretraite déguisée.

Votre commission souhaite enfin contribuer à animer le débat sur les retraites, en prévision de la première des clauses de rendez-vous de la réforme des retraites de 2003, qui doit intervenir tous les cinq ans.

Compte tenu de la poursuite du vieillissement de la population, l'année 2008 devrait être marquée par la nécessité de prendre des mesures visant à consolider la situation financière de l'assurance vieillesse. En effet, une hausse massive des cotisations ne constituerait en rien une solution réaliste, car le choc démographique consécutif au départ en retraite des trente classes d'âge du baby-boom affectera également les autres branches de la sécurité sociale, à commencer par l'assurance maladie et la prise en charge de la dépendance qui demeure très insuffisante dans notre pays.

Dans cette perspective, votre commission entend être une force de proposition pour poursuivre et approfondir le débat sur l'avenir de l'assurance vieillesse.

I. PRÉPARER LA PROCHAINE ÉTAPE DE LA RÉFORME DES RETRAITES

A. LES PERSPECTIVES DÉMOGRAPHIQUES ET FINANCIÈRES

1. Les prémices du choc démographique

Le processus de vieillissement de la population française, qui se poursuit depuis le milieu des années 1960, est sur le point de provoquer une inversion des chiffres de la croissance de la population active.

Il remet en cause l'équilibre et la pérennité même du régime de retraite par répartition, en raison de la déformation qu'il introduit dans la structure de la pyramide des âges, comme l'illustre le graphique suivant qui projette, à l'échéance 2050, la composition par tranches d'âge de la population française actuelle.

Source : Institut national d'études démographiques- revue population et sociétés
(n° 383 d'octobre 2002).

En 2004, pour la première fois, l'espérance de vie à la naissance a dépassé quatre-vingts ans tous sexes confondus, soit 76 ans et six mois pour les hommes et 83 ans et 10 mois pour les femmes. Le progrès est encore plus spectaculaire à l'âge de soixante ans : alors que l'espérance de vie était encore proche de son niveau du XIX e siècle au lendemain de la Seconde Guerre mondiale pour les hommes, qui pouvaient espérer vivre au-delà encore treize à quatorze ans, elle atteint désormais 21 ans et six mois en 2004, soit six ans de plus qu'en 1954. La progression est similaire quoique plus ancienne, pour les femmes, depuis 1945 : elle s'est élevée à 26 ans et six mois en 2004, soit 7 ans et huit mois de plus qu'en 1954.

Selon certains démographes, sur sa tendance actuelle, l'espérance de vie des Français pourrait atteindre quatre-vingt-onze ans en 2100 et celle des Françaises quatre-vingt-quinze ans. Comme le note Jacques Vallin de l'Ined, « la baisse sans précédent de la mortalité aux grands âges observée au cours des dernières décennies fait exploser le nombre des plus vieux. Atteindre son centième anniversaire, fait exceptionnel il y a cinquante ans, devient presque banal : en France, par exemple, alors que le nombre des centenaires était estimé à 200 en 1950, l'Insee l'évaluait à 6.840 au 1 er janvier 1998. Dans ses projections fondées sur le recensement de 1990, l'Insee prévoyait 150.000 centenaires en 2050, soit une multiplication par 750 en un siècle ».

Ces évolutions démographiques inédites ont évidemment des conséquences sur les systèmes de retraite.

2. Les nouvelles prospectives à l'horizon 2020/2050

En 2005, le Conseil d'orientation des retraites a actualisé les données prospectives qu'il avait publiées en 2001. Ces nouvelles projections vont au-delà de la mesure de l'impact financier de la loi portant réforme des retraites.

En effet, les besoins de financement des régimes demeureront importants, tandis que les rapports démographiques convergeront autour d'un cotisant pour un retraité entre 2020 et 2040 . Cette tendance de fond provoquera inévitablement une dégradation des équilibres financiers de toutes les caisses de retraites.

Solde technique et rapport démographique des différents régimes à
l'horizon 2020, 2040 et 2050

Rapport démographique cotisants/retraités

Solde technique (en millions d'euros)

2003

2020

2040

2050

2003

2020

2040

2050

Ircantec

1,99

0,72

0,37

0,32

477

-235

-1.795

-2.685

CNRACL

3,03

1,60

1,03

0,93

2.820

-584

-7.128

-972

Fonctionnaires de l'Etat

1,72

0,99

0,76

0,76

-3.141

-17.094

-33.754

-40.331

Banque de France

1,42

0,75

0,91

1,10

-12

-322

-244

-79

IEG (EDF-GDF)

1,35

0,93

1,04

0,98

-339

-1.114

-430

-814

Mines

0,08

0,01

0,00

0,00

-1.813

-956

-253

-109

SNCF

0,91

0,91

0,98

0,94

-2.773

-2.951

-2.992

-3.520

Cancava base

1,01

0,81

0,61

0,58

-747

-475

-1.028

-1.522

Non-salariés agricoles

0,34

0,34

0,45

0,59

-7.005

-5.097

-3.340

-2.535

Organic base

0,90

0,65

0,38

0,50

-1.196

-1.636

-1.910

-1.866

CNAVPL

3,41

1,55

0,99

0,90

376

311

285

516

CNAV (régime général)

1,73

1,25

0,85

0,78

3.689

-4.262

-39.093

-52.099

Arrco

2,12

1,48

1,03

0,97

4.624

569

-8.081

-8.829

Agirc

2,44

1,73

1,19

1,03

94

-2.922

-4.183

-5.748

Salariés agricoles

0,38

0,33

0,25

0,24

-2.180

-2.280

-2.668

-2.272

Ouvriers d'Etat (FSPOIE)

0,82

0,76

0,78

0,86

-1.126

-941

-770

-696

Ircantec

1,99

0,87

0,47

0,41

477

-214

-1.698

-2.552

RATP

1,59

1,19

1,00

0,90

-323

-652

-1.010

-1.387

CNIEG

1,35

0,94

1,03

0,98

-339

-1.114

-430

-814

Enim

0,58

0,50

0,61

0,65

-867

-784

-555

-507

Source : Conseil d'orientation des retraites

* Solde technique : total cotisations et transfert du Fonds de solidarité vieillesse - total des pensions (en millions d'euros)

On rappellera aussi que ce chiffrage repose sur une diminution du taux de chômage comprise entre 5 % et 6 % à l'horizon 2020, rendant possible un transfert des excédents futurs de l'Unedic à la branche vieillesse.

3. Les équilibres financiers à long terme du régime général

En 2004 encore, les comptes de la CNAV présentaient un excédent de 255 millions d'euros. Or, les départs en retraite des premières classes d'âge du « baby boom » d'après-guerre à partir de 2005 placent le régime général dans une phase de déficit structurel, dont le dispositif des carrières longues a d'ailleurs accéléré l'apparition. La réforme des retraites de 2003 permettra d'amortir les effets de cette évolution de fond défavorable, sans pour autant parvenir à les endiguer totalement.

Comptes de la CNAV

(en millions d'euros)

CNAV

2003

%

2004

%

2005

%

2006

%

Charges nettes

71.490,7

5,1

74.979

4,9

80.200

7,0

83.135

3,7

Produits nets

72.436,5

3,9

75.235

3,9

78.235

4,0

80.703

3,2

Résultat

945,9

255

-1.964

- 2.432

Source : direction de la sécurité sociale - Commission des comptes de la sécurité sociale - septembre 2005

Le mécanisme des carrières longues, qui représentait l'une des contreparties réclamées par les partenaires sociaux pour soutenir la réforme, présente en effet un coût très élevé : au 30 juin 2005, 182.100 départs en retraite anticipée « longue carrière » étaient intervenus depuis l'entrée en vigueur de la mesure (dont 111.800 au cours de l'année 2004 et 70.300 en 2005). En prolongeant les tendances observées, on s'attend à environ 100.000 départs au cours de l'année 2005 et près de 80.000 pour l'année 2006. Le coût du dispositif devrait passer de 560 millions d'euros en 2004 à 1,3 milliard en 2005 puis à 1,7 milliard en 2006 avant de se stabiliser à ce niveau en euros constants et décroître progressivement à partir de 2008, sous l'effet d'une réduction des effectifs de personnes éligibles à la mesure, pour revenir à 300 millions d'euros par an à l'horizon 2020.

Selon les nouvelles prospectives du Conseil d'orientation des retraites, le solde technique de la CNAV resterait excédentaire jusqu'en 2015 et deviendrait déficitaire au-delà, en raison de l'écart de 0,7 point par an entre l'évolution de la masse des pensions et celle des cotisations et des versements du FSV. En 2020, le solde technique s'établirait à - 4,3 milliards d'euros (soit l'équivalent de 0,20 % du PIB estimé à cette date) et à - 52 milliards d'euros en 2050 (2 % du PIB).

La réforme d'août 2003 prévoyait que son équilibre financier serait assuré par un transfert de trois points de cotisation chômage en 2020 vers la branche vieillesse du régime général. A l'horizon 2020, son impact serait conforme aux chiffrages annoncés au moment du vote de la loi. Le besoin de financement du régime général serait réduit d'environ 5 milliards d'euros, ce qui correspondrait à un peu plus de la moitié du déficit avant réforme (9,2 milliards d'euros). En 2050, les besoins de financement de la CNAV seraient inférieurs de 20 %, soit 12,1 milliards d'euros, par rapport à ce qu'ils auraient été sans la réforme des retraites.

Impact de la réforme de 2003 sur le solde technique de la CNAV

Milliards d'euros 2003

2005

2020

2050

Solde technique avant réforme

+ 3,4

- 9,2

- 64,2

Modifications du barème de la pension

- 1,1

+ 4,3

+ 11,0

Impact sur les cotisations sociales

+ 0,2

+ 1,5

+ 2,7

Impact sur les pensions de droit direct

- 1,3

+ 2,8

+ 8,3

Pensions de droit dérivé

- 0,05

- 0,4

- 0,6

Hausse de 0,2 point de cotisation en 2006

0,0

+ 1,0

+ 1,6

Effet de la réforme avant transfert de l'Unedic (2)

- 1,2

+ 4,9

12,1

Solde technique après réforme (1) + (2)

+ 2,2

- 4,3

- 52,1

Solde élargi après réforme avant transfert de l'Unedic

+ 0,2

- 5,6

- 51,5

Transfert de l'Unedic

0,0

+ 5,6

+ 28,7

Solde élargi après réforme et transfert de l'Unedic

+ 0,2

0,0

- 22,8

Source : Conseil d'orientation des retraites

B. LES POINTS DE VULNÉRABILITÉ

1. La situation inquiétante du Fonds de solidarité vieillesse

Le fonds de solidarité vieillesse (FSV) a pour mission de « concourir au financement des régimes de base » d'assurance vieillesse en leur remboursant les dépenses ne relevant pas de l'effort contributif des assurés.

Les dépenses du FSV se répartissent en trois blocs :

- 19 % au titre des prestations du minimum vieillesse ;

- 34 % pour le remboursement des majorations de pension pour conjoint et pour enfant à charge ;

- 56 % au titre du remboursement aux régimes du manque à gagner résultant de la validation des périodes non travaillées pour les chômeurs préretraités, les volontaires du service national et les anciens combattants.

Longtemps prospères en raison d'une évolution de ses recettes plus favorable que celle de ses dépenses, le FSV a été durement touché par des mesures prises sous la précédente législature. Plusieurs recettes lui ont été distraites, afin notamment d'assurer le financement direct ou indirect du FOREC 2 ( * ) (droits sur les alcools ; 0,15 point de CSG) ou de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) (0,1 point de CSG).

Parallèlement, de nouvelles dépenses lui ont été affectées, dont le remboursement de la dette de l'Etat à l'égard des régimes Agirc-Arrco, les allocations de cessation anticipée d'activité (CATS) et les allocations de fin de formation (AFF) mises en place dans le cadre du plan d'aide au retour à l'emploi (PARE).

Le FSV connaît depuis 2001 une situation déficitaire qui a d'abord absorbé la totalité des réserves accumulées depuis sa création en 1993 avant de déboucher sur une accumulation de dettes à un rythme très rapide. La prévision pour 2005 table sur un nouveau déficit de 2 milliards d'euros.

Les comptes du FSV

(en millions d'euros)

2001

2002

2003

2004

2005 ( * )

2006*

Recettes

11.566

11.052

12.474

13.363

12.533

12.830

dont CSG

9.719

9.078

9.297

9.562

9.828

10.131

dont prélèvement social 2 %

383

350

350

382

374

376

dont droits sur les boissons

-

-

-

-

-

-

dont C3S

551

567

921

1.300

200

100

dont versements CNAF

478

1.004

1.875

1.965

2.066

2.159

dont autres et produits financiers

434

15

9

154

65

64

Dépenses

11.562

12.405

13.408

14.002

14.565

14.565

Solde

- 86

- 1.353

- 934

- 639

- 2.022

- 1.734

Solde cumulé (1)

1.517

- 123

- 1.057

- 1.696

- 3.728

- 5.463

Versement au Fonds de réserve pour les retraites (2)

287

-

-

-

-

-

Solde cumulé (1)-(2)

1.230

- 123

- 1.057

- 1.696

- 3.728

- 5.463

( * ) prévisions Source : CCSS septembre 2004

En conséquence, la trésorerie du fonds apparaît aujourd'hui très tendue. Dans la mesure où il n'a pas le droit d'emprunter, le FSV ne peut faire face à toutes ses échéances et est conduit à moduler ou différer le paiement des montants dus (acomptes ou régularisations) aux différents régimes dans le cadre des dispositions conventionnelles conclues avec ces derniers. La CNAV, qui gère le principal régime financé par le FSV, supporte principalement les conséquences de cette situation. Au 31 décembre 2004, la dette du FSV envers le régime général s'élevait ainsi à 2,2 milliards d'euros. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 propose plusieurs mesures destinées à améliorer les comptes du FSV grâce, notamment, à des recettes supplémentaires tirées de l'élargissement de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) aux entreprises publiques (56 millions d'euros) de la réforme de la fiscalité des plans d'épargne logement (151 millions d'euros) et de la modification des règles d'exportabilité du minimum vieillesse (50 millions d'euros).

Mais ces mesures ne représentent qu'une faible fraction du déficit du fonds et les inquiétudes demeurent. Sur le plan juridique, la Cour des comptes 3 ( * ) dénonce d'ailleurs le caractère « non conforme au droit » de la situation actuelle du FSV.

Les prévisions quadriennales du projet de loi de financement de la sécurité sociale continuent de prévoir un déficit élevé en 2006 et 2007. Le retour à l'équilibre n'est envisageable spontanément, si le marché de l'emploi continue à s'améliorer et le chômage à se réduire au cours des prochaines années, qu'à l'horizon 2010.

Prospectives financières du FSV (2006/2009)

(en milliards d'euros)

2004

2005

2006

2007

2008

2009

Recettes

13,4

12,5

13,1

13,4

13,9

14,5

Dépenses

14,0

14,6

14,6

14,8

15,0

15,0

Solde

- 0,6

- 2,0

- 5

- 1,4

- 1,1

- 0,5

Votre commission espère un assainissement des finances du FSV par l'adoption de mesures nouvelles de financement et par le règlement de ses dettes cumulées à l'égard de la CNAV et de la Caisse centrale de mutualité sociale agricole.


Lettre de M. Michel Laroque, président du conseil d'administration du FSV
au ministre de la santé et des solidarités
(4 octobre 2005)

« Le rapport présenté à la commission des comptes de la sécurité sociale lors de sa séance du 28 septembre dernier fait état, sans surprise, d'un déficit annuel 2005 de 2.032 millions d'euros et d'un déficit tendanciel 2006 de 1.734 millions d'euros avant mesures nouvelles . (...)

Dans ma lettre précitée du 22 octobre 2004, j'avais évoqué comme solutions de financement, à l'instar de ce que propose la Cour des comptes dans son rapport sur la sécurité sociale de septembre 2005, une augmentation de la CSG et, à défaut, une dotation d'équilibre de l'Etat, permettant au FSV de se mettre en conformité avec l'article L. 135-3 du code de la sécurité sociale qui, comme l'interprète la Cour, impose l'équilibre des comptes du Fonds. Mais ces mesures difficiles, compte tenu de l'état des comptes publics, ne paraissent pas retenues.

J'observe que la Cour écarte toute mesure d'emprunt et tout transfert de la dette à la Cades (...). Dans ces conditions, il m'apparaît qu'il demeure au moins une possibilité de solution, non évoquée jusqu'à présent bien qu'elle échappe aux inconvénients précités. Cette solution consiste à mobiliser pour le Fonds une recette réelle, récurrente, importante, qui est déjà affectée à la branche vieillesse sans être consacrée à la couverture d'une dépense actuelle : il s'agit de la fraction du prélèvement social de 2 % dédiée au fonds de réserve pour les retraites (FRR).

Depuis 2002, le produit du prélèvement social de 2 % est totalement consacré à la branche vieillesse. Son montant annuel est supérieur à 1.850 millions d'euros (2005). Il est réparti à raison de 65 % au FRR, 15 % à la CNAVTS et 20 % au FSV. La fraction de 65 % affectée au FRR représente donc près de 1,2 milliard d'euros en base annuelle. Ce montant correspond au besoin du FSV.

Il me paraît paradoxal que cette recette pérenne continue d'être affectée principalement au FRR, qui en accumule et en place le produit avec l'objectif de transférer progressivement l'actif ainsi constitué au régime vieillesse après 2020, alors que le FSV, qui participe comme le FRR au financement de la branche retraite, n'est pas en mesure de faire face à ses dépenses légales, passées, présentes et prochaines : il n'est pas légitime de réserver un produit existant de la branche vieillesse au financement de ses dépenses à venir, alors que ses dépenses d'aujourd'hui ne sont pas couvertes. (...)

Je propose en conséquence d'affecter au FSV la fraction du prélèvement social de 2 % dont bénéficie présentement le FRR. Dès lors que le FSV, après résorption de sa dette, en viendrait à dégager des excédents, ces excédents seraient acquis au FRR, conformément à l'article L. 135-7 du code de la sécurité sociale. A minima, la mesure pourrait consister à suspendre provisoirement l'affectation au FRR de tout ou partie de cette fraction pour l'affecter au FSV jusqu'au retour à l'équilibre de ses comptes et à l'apurement de la dette qu'il a accumulée.

Une telle mesure, applicable dès 2006, si elle portait sur la totalité de la « fraction FRR », et en supposant pour les prochaines années un cadre juridique constant pour les dépenses et les autres recettes du Fonds, permettrait d'escompter, sur la base de la prévision quadriennale précitée, un retour à l'équilibre annuel du compte de résultat du FSV dès 2008 et l'extinction de sa dette en 2011. »

2. Quel avenir pour le Fonds de réserve des retraites ?

Créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, le fonds de réserve des retraites (FRR) a pour objet d'alimenter, à partir de 2020 et jusqu'en 2040, les différents régimes de retraite, grâce à des sommes qui auront été préalablement mises en réserve.

Depuis 2003, les ressources récurrentes du FRR tendent à se tarir. Le fonds disposait de 16,5 milliards d'euros au 31 décembre 2003 ; il devrait atteindre 20,6 milliards d'euros fin 2005 et 22,2 milliards d'euros à la fin 2006. Mais le problème réside essentiellement dans le caractère exceptionnel des abondements et dans la diminution régulière de leur montant annuel. La seule ressource pérenne et significative du fonds est actuellement le prélèvement social sur les revenus du patrimoine et de placement, dont 65 % lui sont attribués.

Les comptes du FRR

(en millions d'euros)

2001

2002

2003

2004

2005 (1)

2006 (1)

PRODUITS

3.862,0

5.837,4

3714,4

2.533,6

1.716,9

1.724,3

CSSS

Excédent FSV

286,6

Excédent CNAVTS (année n-1)

483,5

1.518,2

1.659,0

946,9

0,0

0,0

Prélèvement de 2 % sur les revenus du capital

971,9

1.115,5

1116,1

1.211,6

1.216,9

1.224,3

Caisses d'épargne

718,2

718,2

432,5

Versement Caisse des dépôts et consignations

Licences téléphoniques UMTS

1.238,5

619,2

Recettes de privatisation (ouverture du capital ASF, Crédit lyonnais...)

1.600,0

Intérêts des placements/produits financiers

163,3

266,4

81,8

500,0

500,0

Soulte EDF

425,0

375,6

3.060,0

CHARGES

21,9

3,6

33,4

59,0

59,0

Frais de gestion administrative

12,6

17,7

Fiscalité

15,7

Charges sur cessions de titre

6,2

3,6

Résultat net (hors soulte)

3.840,1

5.833,8

3.701,8

2.500,2

1.658,0

1.665,4

Solde cumulé

7.009,0

12.842,8

16.544,4

18.945,6

20.603,7

22.269,1

(1) prévisions Source : CCSS septembre 2005

Dès 2001, dans le rapport d'information qu'il a consacré au fonds de réserve des retraites 4 ( * ) , Alain Vasselle avait souligné le retard pris par rapport au plan de financement d'origine. L'objectif était de disposer, à l'horizon 2020, d'un montant de 152 milliards d'euros de réserves (102 milliards d'euros de capital et 50 milliards d'euros provenant d'intérêts capitalisés). Il ne sera pas atteint.

Avec un financement maintenu au niveau constaté jusqu'à présent (environ 4 milliards d'euros par an en moyenne), la valeur des actifs du FRR culminerait en termes réels à 110 milliards et cette hypothèse est elle-même peu probable : si les ressources annuelles se réduisaient au seul prélèvement social, ce qui paraît beaucoup plus réaliste, les réserves accumulées en 2020 ne seront que de 56 milliards d'euros.

Deux raisons plaident en faveur du maintien du FRR : son caractère vertueux et le niveau de la rémunération des capitaux placés. Mais en l'absence d'abondement via notamment des recettes de futures privatisations, la légitimité du fonds risque de se trouver posée rapidement, la taille critique n'ayant plus aucune chance d'être atteinte en 2020.

3. Clarifier et améliorer la gestion des retraites de la fonction publique

Malgré les incertitudes du chiffrage de l'estimation du montant des retraites futures de la fonction publique, la croissance des besoins de financement est une certitude. La contribution de l'Etat au régime de retraite des fonctionnaires est ainsi en forte hausse ces dernières années : 28,28 milliards d'euros, soit 74,1 % du total des dépenses évaluées à 38,16 milliards d'euros (dont 35,84 milliards d'euros de pensions et 2,32 milliards de transferts). La part des cotisations salariales se limite à 4,69 milliards d'euros, c'est-à-dire un peu plus de 12 % du total, même si elle est complétée par les contributions équivalentes des autres employeurs publics (La Poste et France Télécom, essentiellement).

Malheureusement, le système actuel du financement des retraites des fonctionnaires s'apparente toujours à une « boîte noire ». Il est difficile de dresser un constat des recettes et dépenses relatives aux retraites des fonctionnaires civils et militaires de l'Etat, les dépenses étant équilibrées à due concurrence par une subvention d'équilibre dénommée assez improprement « cotisation fictive employeur ». Or, la notion de cotisation suppose une assiette à laquelle on applique un taux, ce qui ne correspond pas à cette situation. Ce constat conduit votre commission, comme elle l'avait fait lors de la réforme des retraites, à réitérer sa proposition de création « d'un véritable régime de retraite des fonctionnaires de l'Etat ou son inclusion dans l'actuelle Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL), ce qui aurait l'avantage de regrouper dans la même caisse les trois fonctions publiques ».

Une telle évolution est peu probable à court terme en raison des réticences prévisibles du ministère des finances : en termes strictement budgétaires, la situation actuelle présente en effet l'avantage de n'avoir à se préoccuper que d'équilibrer le compte des pensions des fonctionnaires à horizon d'un an.

Du moins, pourrait-on agir pour améliorer le fonctionnement du service des pensions. La Cour des comptes, dans son rapport précité consacré aux pensions des fonctionnaires civils de l'Etat, avait en effet dénoncé vivement les insuffisances majeures suivantes :

« - l'organisation éclatée et lourde caractérisée par la juxtaposition des niveaux d'instruction et un empilement de contrôles formels assurés dans des services imprégnés par une culture d'examen exhaustif de dossiers accompagnés de leurs pièces justificatives sur support papier ;

« - un système informatique déficient qui reproduit les incohérences de la chaîne de traitement des pensions liées à l'éparpillement des responsabilités ;

« - des coûts de gestion mal cernés et une productivité médiocre liée au fait que l'Etat n'a jamais cherché à rationaliser cette activité de production de masse en s'inspirant par exemple des techniques employées par des organismes de retraite français . »

C. LA RÉFORME DES RETRAITES EN SUÈDE : UN MODÈLE À ÉTUDIER

1. La réforme suédoise de 1998

La Suède a profondément transformé la structure de son système public de retraite à la suite de la réforme votée en 1998 qui est entrée en vigueur l'année suivante. Les modalités d'acquisition et de calcul des droits à la retraite ont ainsi été totalement refondues avec la création de deux régimes obligatoires, l'un en capitalisation, l'autre en répartition, et la mise en place de comptes individuels.

Les principales caractéristiques du nouveau système public par répartition

Le passage de l'ancien au nouveau système de retraite public sera progressif dans la mesure où la période de transition concerne les assurés nés entre 1938 et 1953, qui relèvent à la fois de l'ancien et du nouveau système, mais avec une part croissante du nouveau système.

Le nouveau régime public par répartition repose sur des comptes individuels de retraite (les « comptes notionnels »). Chaque assuré dispose d'un compte personnel dans lequel sont créditées chaque année ses cotisations de retraite et celles de son employeur. L'opération est virtuelle dans la mesure où les cotisations servent en fait à financer les pensions des retraités d'aujourd'hui, selon le principe de la répartition. Mais l'ensemble des cotisations de retraite portées sur le compte de chaque assuré constitue un « capital virtuel », qui est revalorisé chaque année selon un index représentatif de la croissance du salaire moyen par tête dans l'économie suédoise.

La norme de rendement appliquée à ce capital virtuel a été fixée à 1,6 % par an et correspond au taux de croissance attendu du salaire réel moyen en Suède.

A partir de soixante et un ans, âge minimum de liquidation des droits, et jusqu'à soixante-sept ans, l'âge de départ à la retraite est flexible et détermine le niveau de la pension. Si la personne peut et accepte de rester en activité plus longtemps, elle accroît son capital virtuel en continuant à verser des cotisations de retraite. La retraite peut également être partielle et interrompue en cas de reprise d'activité.

Une réforme assortie d'un mécanisme correcteur des déséquilibres financiers

La réforme du système de retraite a été conçue pour que l'équilibre financier futur du régime public par répartition soit réalisé au taux de cotisation inchangé de 18,5 % (dont 16 points affectés au régime par répartition et 2,5 points au régime par capitalisation).

Les modalités de calcul de la pension visent notamment à assurer le retour automatique à l'équilibre en cas d'allongement de l'espérance de vie : lorsque les ressources du régime s'avèrent insuffisantes pour honorer ses engagements sur le long terme, le taux de revalorisation du capital virtuel des cotisants et celui des pensions des retraités sont automatiquement réévalués à la baisse. Ce mécanisme automatique d'équilibre conduit ainsi à diminuer le passif du régime, par rapport à la situation initiale, et à restaurer progressivement sa situation d'équilibre.

2. Un exemple utile pour la France

Les autorités suédoises ont réussi à mettre en oeuvre une réforme ambitieuse dans ses objectifs et fondée sur des techniques nouvelles. En effet, elle dépasse l'objectif d'équilibre financier du système à court terme et organise une refonte complète du système public de retraite, dans la mesure où :

- elle introduit davantage de transparence dans les modalités d'acquisition des droits, en séparant plus clairement les fonctions de redistribution et d'assurance ;

- elle permet de mieux répartir les risques économiques entre les cotisants et les actifs, par le mode de revalorisation des pensions et l'existence du mécanisme automatique d'équilibre ;

- elle renforce le lien entre les cotisations versées et les droits acquis à la retraite ;

- elle comporte un objectif d'égalité entre les générations, reposant sur le principe de la stabilité du taux de cotisation. Les générations successives seront mises à contribution à un taux identique pour constituer leur droit à la retraite ;

- elle apporte plus de souplesse dans le choix de l'âge de départ à la retraite.

Ce système novateur tend à devenir une référence internationale. Il pourrait inspirer la réflexion française à l'occasion des prochaines étapes de l'adaptation du système d'assurance vieillesse.

D. LES PISTES POUR RENFORCER LA TRANSPARENCE DU SYSTÈME D'ASSURANCE VIEILLESSE

1. Améliorer la connaissance du niveau des engagements de retraite

Le pilotage à long terme de l'assurance vieillesse se heurte à une difficulté majeure : celle de la méconnaissance du niveau des engagements hors bilan correspondant aux retraites qui devront être versées aux actuels retraités ainsi qu'aux personnes aujourd'hui actives. L'Etat a ainsi publié pour la première fois en 2003, en annexe du projet de loi de finances pour 2004, une évaluation des engagements de retraite pour la fonction publique d'Etat : sur la base d'un taux d'actualisation à 3 %, le montant correspondant s'établirait à 800 milliards d'euros.

D'après les informations disponibles, ces engagements pourraient s'élever pour les agents publics de la Poste à 60 milliards d'euros et pour les agents publics de France Télécom à 37 milliards d'euros.

Par ailleurs, certains régimes spéciaux sont tenus de publier ces données dans leurs comptes qui s'établissent ainsi :

- RATP : 21 milliards d'euros ;

- Banque de France : 9 milliards d'euros ;

- EDF et GDF, ainsi que le reste de la branche des entreprises électriques et gazières : 89 milliards d'euros.

Pour le reste, il n'existe pas de données publiques exploitables, même parcellaires, pour les « grands » régimes (Agirc, Arrco, CNAV), comme les « petits » régimes du secteur privé.

Votre commission souhaite donc améliorer l'information disponible pour préparer dans de bonnes conditions la première clause de rendez-vous de la réforme des retraites. Elle propose un amendement prévoyant qu'à compter de 2008, les principales caisses de retraite, celles comptant plus de 20.000 cotisants et retraités, seront tenues de réaliser l'évaluation de leurs engagements de retraite et de les publier en annexe de leur rapport annuel.

2. Confirmer le « droit à l'information » des assurés sociaux sur leur situation au regard de la retraite

Jusqu'à la réforme des retraites de 2003, les assurés sociaux ne disposaient que tardivement des informations sur le montant et le calcul de leur future pension. La loi du 21 août 2003 a eu notamment pour objectif d'accorder à chacun une plus grande liberté de choix en matière d'âge et de conditions de départ, ce qui a supposé la définition d'un véritable droit à l'information. Les informations apportées aux assurés devraient consister en :

- l'envoi d'un relevé de situation individuelle, à la demande de l'assuré, détaillant les éléments pertinents de sa carrière pour chaque régime dont il a relevé ;

- l'envoi d'un relevé de situation individuelle, à l'initiative des régimes, tous les cinq ans à partir de l'âge de trente-cinq ans et jusqu'à l'âge de cinquante ans ;

- l'envoi d'une estimation indicative globale de pension, à l'initiative des régimes, à partir de l'âge de cinquante-cinq ans, puis tous les cinq ans tant que l'assuré n'est pas retraité ; cette estimation devrait être réalisée, pour chaque régime, à l'âge d'ouverture du droit à pension ainsi qu'à l'âge auquel il pourrait bénéficier de la pension à taux plein.

La mise en oeuvre du dispositif sera étalée sur plusieurs années du fait du grand nombre d'éléments d'information à recueillir par chaque régime, notamment pour ce qui concerne la consolidation des éléments de carrière au sein des différentes institutions de retraite complémentaire des salariés du secteur privé. Il en est de même pour des éléments de carrière accomplis dans les fonctions publiques, notamment dans la fonction publique de l'Etat.

La première étape a été franchie en juillet 2004 avec la constitution d'un groupement d'intérêt public par les organismes en charge de la gestion des trente-huit régimes de retraite, du secteur privé comme du secteur public, des salariés et des indépendants, de base, de retraite complémentaire ou spéciaux. Compte tenu de l'ampleur du travail à accomplir, il est compréhensible que la mise en oeuvre d'une telle réforme soit progressive. Mais il est regrettable que le décret en Conseil d'Etat qui doit en définir les modalités ne soit pas encore paru à ce jour.

3. Corriger les effets pervers des mécanismes de compensation et de surcompensation

A défaut de la création du régime unique souhaité en 1945, un mécanisme de solidarité entre les régimes a été créé en 1974 afin de tenir compte des déséquilibres démographiques.

Ce système est devenu avec le temps complexe et inéquitable : certains régimes créditeurs sont amenés à financer, pour les retraités d'autres régimes, des prestations supérieures à celles qu'ils versent à leurs propres retraités.

Enfin, l'instauration en 1985 de la surcompensation, ou compensation spécifique entre les régimes spéciaux eux-mêmes a ajouté à l'opacité du système. Ce dispositif visait en effet à soulager le budget de l'Etat, en profitant du rapport démographique très favorable de la CNRACL. Cette dernière a ainsi été fortement mise à contribution au bénéfice des autres régimes.

Le rapprochement des deux régimes produisait, en 2003, les résultats suivants

(en millions d'euros)

Au total, le bilan des flux cumulés des mécanismes de « compensation » et de « surcompensation » fait apparaître cinq régimes contributeurs nets : tout d'abord, la CNAV (pour 5 milliards d'euros, soit 7 % de ses produits) ; la CNRACL (2,8 milliards d'euros, soit 23 % de ses produits) ; l'Etat, au titre de la fonction publique, (1,9 milliard d'euros, soit 5,7 % des charges de pension du budget) ; la CNAVPL (322 millions d'euros, soit 30 % de ses produits) et les industries électriques et gazières (131 millions d'euros, soit 4 % des produits de la CNIEG). Tous les autres régimes sont bénéficiaires nets.

Outre leur grande complexité et leur caractère inéquitable, ces mécanismes de compensation organisent le maintien de régimes exsangues, qui sinon auraient été intégrés depuis longtemps au régime général.

L'article 9 de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites a prévu l'extinction progressive du mécanisme de surcompensation sur huit ans, d'ici au 1 er janvier 2012, par la diminution des montants transférés. En conséquence, le décret du 29 octobre 2003 a programmé, sur trois exercices successifs, une diminution de son taux qui est passé de 30 % en 2002 à 27 % en 2003, à 24 % en 2004 et à 21 % en 2005. Les régimes contributeurs versent moins et les régimes bénéficiaires reçoivent moins. In fine , la baisse des transferts de surcompensation se traduit, pour l'Etat, par une augmentation des subventions à verser.

4. Permettre enfin la comparaison des régimes entre eux

Le constat est connu et ancien : le système de retraite français se singularise en Europe par la coexistence d'un grand nombre de régimes différents, notamment spéciaux, et par la diversité des règles applicables aux assurés sociaux du secteur privé et du secteur public. Comparer ces régimes entre eux s'avère particulièrement délicat, tant l'information disponible demeure rare et dispersée.

Les données chiffrées sur les retraites en France ne permettent, aujourd'hui encore, que d'approcher empiriquement le « rendement » des différents régimes entre eux. Il n'existe pas de publication officielle consacrée spécifiquement à l'étude de cette question. Les travaux du Conseil d'orientation des retraites réalisés en 2001 et le rapport Charpin de 1999 ont certes abordé le sujet. Mais ces éléments apparaissent aujourd'hui anciens et contestés. On observera également que, dans son rapport public particulier d'avril 2003, la Cour des comptes s'est intéressée aux pensions des fonctionnaires civils de l'Etat. Mais cette dernière étude ne comporte pas réellement de dimension comparative, sauf en ce qui concerne l'âge de cessation d'activité des fonctionnaires.

On remarquera aussi qu'une grande partie des assurés sociaux cotisent dans plusieurs régimes au cours de leur carrière professionnelle : ces pluripensionnés constituaient 49,4 % du nombre total des retraités masculins en 2001. Cette diversité des parcours professionnels individuels s'ajoute à la complexité institutionnelle des régimes de retraite français et rend difficile la comparaison entre le secteur privé, le secteur public et les régimes spéciaux.

Malgré la difficulté de l'exercice consistant à comparer entre eux les différents systèmes de retraite, il semble bien que les régimes de retraite de la fonction publique, et plus encore les régimes spéciaux, soient caractérisés par :

- un effort de cotisation moindre que dans le secteur privé ;

- compensé par des cotisations fictives et des subventions d'équilibre à des niveaux très élevés ;

- alors même que les prestations servies et les conditions de départ en retraite apparaissent plus avantageuses que dans les régimes de droit commun (CNAV, Agirc, Arrco).

Le tableau suivant récapitule les principales différences de situation actuelles entre le secteur privé et le secteur public :

Fonctionnaires civils de l'Etat

Salariés du secteur privé

57,8 ans

Age de cessation d'activité

57,7 ans

57,8 ans

Age de liquidation de la retraite

61,2 ans

38,5 ans en 2005, 40 ans en 2008 (y compris années d'études après concours, le cas échéant)

Durée de cotisation

40 ans (non compris années d'études)

6 derniers mois (y compris une partie des primes pour le nouveau régime additionnel depuis le 1 er janvier 2005)

Base de calcul

25 meilleures années en 2008 pour la CNAV, régime par points AGIRC et ARRCO

7,85 %

Taux de cotisation employé

10,35 % non-cadres ;
9,75 % cadres

60,2 % (cotisation fictive)

Taux de cotisation employeur

15,50 % non-cadres ; 15,54 % cadres

Sans condition de ressources

Réversion

Sous condition de ressources

Evolution prévisionnelle de l'indice des prix hors tabac (depuis 2004)

Indexation

Evolution prévisionnelle de l'indice des prix hors tabac (depuis 1993)

75 % du dernier traitement (hors primes)
+ nouveau régime additionnel par points

Taux de remplacement

50 % du salaire de référence + prestations des régimes complémentaires

Préfon (depuis 1967), PERP (depuis 2004)

Epargne retraite

PERP, PERCO (depuis 2004)

Largement autorisé

Cumul emploi/retraite

Réglementation restrictive

- 0,6 % en 2006
- 3 % en 2001
- 6 % en 2015

Décote par année de cotisation manquante

- 10 % en 2005
- 6 % en 2015

1.832 €

Pension moyenne en 2003

1.465 €

22 ans

Durée moyenne de versement des retraites avant le décès (pensionné de droit direct)

17 ans et six mois

La réforme des retraites de 2003 ne modifie pas les termes de ce constat, même si elle procède à un rapprochement partiel et graduel des trois fonctions publiques avec le secteur privé. En revanche, elle n'a pas abordé lé question des régimes spéciaux.

En définitive, cette grande diversité de situation rend naturellement très difficile la comparaison des différents régimes de retraite. Il en va de même pour la compréhension de leurs modes de financement, aussi bien par les assurés sociaux en général que par les ressortissants de ces régimes eux-mêmes.

II. VERS L'ADOSSEMENT D'AUTRES RÉGIMES SPÉCIAUX SUR LES RÉGIMES DE DROIT COMMUN ?

A. LA GÉNÉRALISATION DE LA TECHNIQUE D'ADOSSEMENT RENFORCE L'EXIGENCE DE NEUTRALITÉ

1. A l'origine : les nouvelles normes comptables internationales IAS 19

Le règlement CE 1606/2002 du Parlement européen et du Conseil du 19 juillet 2002, publié au Journal officiel des Communautés européennes le 11 septembre 2002, prévoit dans son article 4 que « pour chaque exercice commençant le 1 er janvier 2005 ou après cette date, les sociétés régies par le droit national d'un Etat membre sont tenues de préparer leurs comptes consolidés conformément aux normes comptables internationales » .

Cette nouvelle norme comptable internationale, dite IAS 19, oblige à comptabiliser en provisions au bilan l'intégralité des engagements de retraites. L'objectif est de présenter tous les avantages servis au personnel, c'est-à-dire toutes les formes de contreparties versées par une entreprise en échange des services rendus par ses employés : mutuelle, retraite complémentaire, avantages divers.

Cette présentation comptable a retenu l'option suivant laquelle le coût des avantages versés au personnel doit être comptabilisé au cours de l'exercice pendant lequel l'employé acquiert l'avantage plutôt que lorsqu'il est payé ou en cours de paiement, par exemple, lors de la retraite du salarié.

Or, il s'agit d'un changement majeur et lourd de conséquences pour les grandes entreprises publiques à régime de retraite spécial, dans la mesure où elles n'ont jamais eu à provisionner, jusqu'à présent, leurs engagements de retraite et où elles ne disposent pas des fonds propres nécessaires pour y faire face.

2. La technique d'adossement des régimes spéciaux

L'adossement est une nouvelle technique permettant d'élargir le mode de financement et de garantir le paiement des retraites des régimes spéciaux. Il ne s'agit pas d'une intégration au régime général, mais d'une réforme limitée aux conditions de financement.

L'adossement des industries électriques et gazières (IEG) sur les régimes de retraite du secteur privé (CNAV et retraites complémentaires Agirc-Arrco) a été organisé par la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières. Il a consisté à sortir les engagements de retraite du bilan des entreprises publiques concernées, la CNAV, l'Agirc et l'Arrco assurant alors le service des prestations de base et complémentaires, en contrepartie de cotisations employeur et salariée de droit commun. Cette technique était ainsi utilisée pour la première fois.

Le régime spécial proprement dit (« régime chapeau ») a été maintenu : il est financé par une contribution tarifaire sur les activités régulées et, pour le solde, par les entreprises. Toutefois, dans la mesure où il ne s'agit que d'une opération comptable et financière et que le niveau des prestations des assurés sociaux demeure inchangé, y compris pour les nouveaux entrants, le coût du régime spécial demeure quoi qu'il en soit très élevé pour l'entreprise.

Ce schéma, conçu pour les IEG, a fondamentalement différé de celui des précédentes intégrations de régimes qui supposent l'extinction du régime intégré, pour la garantie des droits acquis, et la neutralité financière, pour le régime d'accueil. Ce type d'opération avait été effectué plusieurs fois au cours des dernières années, essentiellement par les régimes complémentaires Agirc-Arrco, au profit notamment du personnel au sol d'Air France en 1993, des organismes de sécurité sociale en 1994 ou des caisses d'épargne en 1996.

Plus encore, l'adossement des IEG n'a pas suivi le modèle appliqué, de manière satisfaisante, à France Télécom en 1996, qui a reposé sur une prise en charge par l'Etat du coût des retraites des agents publics.

3. Les garanties de neutralité pour les salariés du secteur privé

L'adossement ne doit pas provoquer la dégradation de la situation financière du régime d'accueil. Il suppose la stricte neutralité du montage pour les assurés sociaux des régimes de droit commun.

Le principe général du calcul qui permet cette reprise des droits est celui d'une comparaison du rapport de charges entre le montant des prestations et celui des cotisations du régime à intégrer, d'une part, et du régime d'accueil, d'autre part. Dés lors que cette comparaison des rapports de charges montre que l'adossement est susceptible de provoquer une dégradation du rapport de charges initial, deux solutions sont possibles pour garantir la neutralité de l'adossement :

- la première consiste à ce que le régime financièrement adossé verse un droit d'entrée (dénommé soulte ou contribution de maintien des droits) aux régimes d'accueil afin de préfinancer les écarts sur les droits repris au titre du passé ;

- la seconde voie, celle retenue par l'Agirc-Arrco pour le régime des IEG, consiste à opérer un abattement sur les droits en question repris au titre du passé ;

Les deux méthodes ont, sous l'angle du principe de neutralité de l'adossement, les mêmes effets.

Le calcul de la soulte peut également être effectué selon deux méthodes différentes :

- la méthode instantanée, dite « de l'indicateur de charge », rapporte de façon instantanée la valeur actuelle des droits acquis par les participants, aussi bien les actifs que les retraités, de chaque régime à la capacité contributive des cotisants ;

- la méthode prospective, finalement retenue pour les IEG, consiste à se placer à échéance de vingt-cinq ans et à projeter le rapport entre le régime d'accueil et le régime de départ suivant les règles du régime d'accueil.

4. L'exigence de transparence des opérations d'adossement pour les citoyens

Ces différents types de montages suscitent des inquiétudes qui doivent être prises en compte. Le conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés, a ainsi émis le 5 octobre 2005 des « voeux » au sujet du dossier de la RATP, dont les termes sont les suivants :

« Le conseil d'administration de la CNAVTS, à l'unanimité de ses membres, demande à ce que les dispositions relatives à l'adossement du régime des retraites de la RATP au régime général donnent lieu à une disposition législative spécifique au sein du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 et ne soit pas réglé uniquement par voie réglementaire au regard du souci de voir la CNAV bénéficier, en y associant la représentation nationale, de toutes les garanties nécessaires pour que la neutralité financière de l'opération soit assurée et que le financement à moyen et long terme de l'opération d'adossement soit garanti. »

Les régimes spéciaux accordent en effet des avantages spécifiques à leurs bénéficiaires et apparaissent, de ce fait, fort coûteux. Compte tenu d'un rapport démographique généralement défavorable, leur survie n'est assurée que grâce à des transferts de l'Etat et à la mise à contribution de la solidarité nationale. Or, on ne peut exclure que la complexité de ces opérations puissent laisser craindre une mise à contribution dissimulée des autres catégories d'assurés sociaux.

B. LE BILAN DE L'ADOSSEMENT DES INDUSTRIES ÉLECTRIQUES ET GAZIÈRES

1. Les demandes initiales de la commission des Affaires sociales

L'examen et le vote de la loi du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières avaient conduit votre commission à exprimer cinq préoccupations majeures :

- obtenir que l'adossement des IEG présente in fine toutes les garanties de neutralité souhaitables. Elle avait ainsi proposé plusieurs amendements pour accroître la transparence et la sécurité du montage présenté qui ont été retenus ;

- imposer la méthode prospective pour le calcul des soultes : bien que plus complexe, elle est la plus pertinente car elle tient compte de la démographie future des régimes et elle permet de mieux approcher le coût réel de l'intégration à court et moyen termes ;

- inscrire une clause de rendez-vous pour pouvoir vérifier a posteriori la justesse du calcul des soultes. Ce mécanisme aurait toutefois pu être considéré par les commissaires aux comptes des entreprises comme non libératoire, ce qui aurait entraîné à nouveau une obligation de provisionnement ;

- faire admettre que ce schéma d'adossement demeure une exception et ne soit pas appliqué à d'autres régimes spéciaux ou entreprises publiques dans la mesure où il s'agit « d'un mécanisme complexe, d'une opération de grande taille, difficile à réaliser et susceptible de peser sur les équilibres globaux du régime général » ;

- faire valoir qu'à terme, une évolution du niveau des prestations est inévitable pour ces régimes spéciaux.

2. Les engagements pris et tenus par le Gouvernement

Il n'est pas inutile de rappeler que les engagements pris par le Gouvernement lors de l'examen de la loi organisant l'adossement du régime des IEG ont été tenus :

- l'opération a bien été neutre pour les assurés sociaux de la CNAV et des régimes complémentaires ;

- de véritables négociations ont eu lieu entre la CNIEG, les pouvoirs publics et les régimes de droit commun. La CNAV et l'Agirc-Arrco ont pu faire valoir leurs points de vue et n'ont pas été placés devant le fait accompli ;

- le montant de la soulte a bien été calculé selon la méthode prospective, ainsi que votre commission l'avait préconisé.

3. Une opération complexe

Au 31 décembre 2004, l'ensemble des engagements financiers correspondant aux retraites futures de la branche des IEG s'élevait à 88,9 milliards d'euros. Ce montant correspond à la contre-valeur en capital des droits validés, à une date donnée pour :

- les bénéficiaires d'une pension de retraite, à la date de l'évaluation ;

- les actifs, présents à la date de l'évaluation, au titre des droits qu'ils ont, à cette date, validés dans le régime au titre de leur carrière passée.

Le calcul est effectué jusqu'à extinction des droits de cette population, c'est-à-dire jusqu'au dernier bénéficiaire d'une pension de réversion (le calcul, pour cette population « fermée », porte de ce fait sur une très longue période, de l'ordre d'une centaine d'années).

Ces engagements de retraite ont été évalués sur la base d'un taux d'actualisation annuel brut de 4,5 % (taux d'actualisation annuel net de 2,5 % compte tenu d'une hypothèse d'inflation à long terme de 2 %).

En application de la réforme, l'engagement de 88,9 milliards d'euros au titre des « droits passés » (c'est-à-dire des droits correspondant aux périodes validées au 31 décembre 2004 ) se décompose comme suit :

- 51,5 milliards pour les droits de base, c'est-à-dire la partie des engagements couverte par les régimes de retraite du droit commun (régime général et régimes complémentaires) ;

- 22,6 milliards pour les droits spécifiques correspondant aux activités régulées (le transport et la distribution du gaz et de l'électricité) des entreprises de la branche ;

- 14,8 milliards pour les droits spécifiques correspondant aux activités non régulées, c'est-à-dire concurrentielles, des IEG.

? Le financement des droits de retraite du passé

L'Etat a garanti la partie des droits correspondant aux avantages spécifiques des IEG.

Pour les droits déjà constitués et arrêtés à la date du 31 décembre 2005, le financement futur des retraites des IEG repose sur la distinction entre les activités régulées et les autres activités. Pour les activités régulées, la Commission européenne a admis qu'une contribution tarifaire, prélevée sur les tarifs fixés par la commission de régulation de l'énergie, remplacera une quote-part précédemment incluse dans le tarif. Cette substitution devrait être neutre pour le consommateur et sur le plan économique, les tarifs étant diminués à due concurrence du montant de la contribution tarifaire.

? Le financement des droits de retraite pour l'avenir

Le nouveau mécanisme de financement et d'adossement des retraites des IEG aboutit à ne laisser à la charge du bilan des entreprises de la branche qu'environ 15 milliards d'euros sur les 89 milliards d'engagements décomptés au 1 er janvier 2005.

Les droits de retraite à venir, qui seront constitués à partir du 1 er janvier 2005, seront pleinement à leur charge. Le coût des droits spécifiques à provisionner chaque année, c'est-à-dire du « régime chapeau » correspondant aux avantages particuliers concédés par le régime spécial à ses assurés, devraient s'établir entre 530 et 600 millions d'euros par an au cours des vingt prochaines années.

Il convient enfin de noter que les régimes de retraite complémentaire ont obtenu à l'issue des négociations qu'une « clause de revoyure » intervienne en 2010. Afin de ne pas remettre en cause le caractère libératoire de l'adossement, au sens des normes comptables internationales IFRS, cette clause de revoyure a été définie, encadrée et plafonnée dans ses éventuels effets à 907 millions d'euros.

C. LES RÉGIMES QUI RESTENT À TRAITER

La question des régimes spéciaux va se poser de plus en plus. Certains petits régimes sont relativement faciles à gérer - cas de la CCIP -, d'autres moins et c'est ainsi que trois grands régimes d'entreprise pourraient prochainement faire l'objet à leur tour d'un adossement.

1. La RATP

Le Gouvernement et la RATP examinent actuellement avec la CNAV les modalités suivant lesquelles la RATP devrait, à son tour, faire face aux nouvelles obligations des normes comptables IAS-19.

Il est envisagé un adossement financier aux régimes de droit commun comparable à celui du régime de retraite des IEG. Une soulte devrait être versée par le régime spécial en fonction des droits repris par les régimes de droit commun. Et les droits du régime « chapeau » feront l'objet d'un financement spécifique.

Au 31 décembre 2004, les engagements au titre du régime spécial de retraite de la RATP étaient estimés à 21,6 milliards d'euros . Ce montant a été inscrit à l'annexe du bilan de l'exercice 2004. Il correspond à hauteur de 38 % aux avantages du régime « chapeau » appelés « droits spécifiques » et à 62 % aux « droits de base » correspondant au niveau de prestation des régimes de retraite du secteur privé (CNAV et AGIRC/ARRCO).

Les spécificités du régime spécial de la RATP en termes d'âge précoce de cessation d'activité et de mode de calcul favorable des pensions présentent un « surcoût » par rapport aux régimes de droit commun que l'entreprise évalue à 168 millions d'euros par an.

2. La Poste

Le montant des engagements de retraites de La Poste est évalué à environ 60 milliards d'euros répartis entre les droits de base, 47 milliards d'euros, et les droits spécifiques correspondant au régime chapeau, 13 milliards d'euros.

La Poste entre également dans le champ d'application des normes comptables internationales IAS-19.

Les pouvoirs publics n'ont toutefois pas encore pris de décision sur la méthode à employer pour se conformer à ces obligations.

Il convient toutefois de remarquer que le dossier de La Poste présentera une différence significative par rapport à celui des IEG. Il ne s'agit pas d'un régime spécial à proprement parler, mais d'une entreprise publique qui comprend 61 % d'agents publics dans son personnel. Et depuis 1997, la quasi-totalité des nouveaux recrutements est intervenue sur la base du code du travail.

3. La SNCF

La norme comptable IAS 19 sera applicable à la SNCF à compter de l'exercice 2007 et, comme pour La Poste, aucune décision n'a été prise par les pouvoirs publics sur la question du traitement comptable des engagements de retraite de l'entreprise.

D'après le ministre du budget, l'ensemble des prestations futures de retraite est évalué à environ 103 milliards d'euros.

Pour sa part, la SNCF ne retient que les seuls engagements liés aux prestations supplémentaires accordées par l'entreprise depuis la fixation du taux de cotisation normalisé (1 er janvier 1990) et non prises en charge par l'Etat dans sa contribution d'équilibre, soit entre 5,5 milliards d'euros et 6,7 milliards d'euros.

La SNCF a considéré que le coût pour l'entreprise des spécificités de son régime de retraite peut être évalué à 11,4 points de cotisations, soit environ 480 millions d'euros par an.

D. LES PRÉOCCUPATIONS DE LA COMMISSION

1. Quel avenir pour les régimes spéciaux ?

La question des régimes spéciaux nécessite désormais l'ouverture urgente d'un débat public, notamment au Parlement.

En effet, l'on doit déplorer que ces questions restent encore quasiment taboues. La large méconnaissance de l'opinion publique sur ce dossier, qui s'ajoute à la complexité et à l'aridité de la matière, se conjugue avec la puissance des réactions corporatistes pour aboutir à un statu quo déraisonnable.

2. Les principes à respecter

Votre commission souhaite que toutes les précautions soient prises pour éviter que « l'adossement » des régimes spéciaux sur la CNAV, comme d'ailleurs sur les caisses de retraite complémentaire, ne mette à contribution les assurés sociaux du secteur privé. Il convient de veiller à ce que les soultes soient suffisantes, alors même que ces régimes spéciaux versent des prestations supérieures aux régimes de droit commun, avec des ratios démographiques moins favorables, le niveau des prestations servies demeurant inchangé, y compris pour les nouveaux entrants.

Elle attache une attention particulière à ce que la généralisation à d'autres entreprises publiques (RATP, SNCF, La Poste) du précédent créé par l'adossement des industries électriques et gazières sur le régime général ne fasse pas courir inévitablement un risque aux grands équilibres financiers de la CNAV. Malgré toutes les précautions qui peuvent être prises, ces opérations apparaissent très complexes et les hypothèses de projection sur des durées de vingt-cinq ans minimum ne peuvent manquer de présenter une marge d'incertitude.

Votre commission a également pris acte de l'inquiétude de la CNAV qui craint, pour le dossier de la RATP, de se trouver placée devant le fait accompli et se voir imposer, par voie réglementaire, sans débat parlementaire, une opération d'adossement dans des conditions qui pourraient être défavorables.

Elle entend également renforcer les garanties de transparence et de neutralité pour les salariés du secteur privé et propose deux amendements à cet effet :

- le premier pour inscrire, dans le code de la sécurité sociale, les principes de neutralité et de transparence des opérations d'adossement à venir. Cela suppose tout d'abord d'y mentionner explicitement la notion de « stricte neutralité » , d'obliger les caisses de retraite concernées à rendre compte de la mise en oeuvre de ce principe tout au long des vingt-cinq années de l'adossement et d'assurer la publication des données techniques sur les adossements ;

- le second pour organiser l'information préalable du Parlement sur les futurs adossements et donner aux commissions parlementaires les moyens d'exercer leur contrôle sur les modalités de ces opérations complexes.

III. ACCROÎTRE D'URGENCE L'EMPLOI AU-DELÀ DE CINQUANTE-CINQ ANS

A. LE TAUX D'ACTIVITÉ DES SENIORS RESTE TROP FAIBLE

1. Les objectifs de Lisbonne

La croissance potentielle d'une économie dépend, sur le long terme, de deux facteurs : le rythme d'augmentation de la population active et les gains de productivité.

Pour ces raisons, l'Union européenne a fixé, lors des sommets de Lisbonne et de Stockholm, en 2000 et 2001, des objectifs de relèvement important des taux d'emploi dans les pays membres :

- 70 % de personnes actives dans la population totale âgée de quinze à soixante-quatre ans ;

- 60 % dans la population féminine âgée de quinze à soixante-quatre ans ;

- 50 % dans la population totale âgée de cinquante-cinq à soixante-quatre ans.

2. Le retard français

La France affiche un écart considérable par rapport à ces objectifs communautaires : la baisse du taux d'emploi y est très rapide à partir de cinquante ans, et plus encore à partir de cinquante-cinq ans. Ainsi, l'écart entre le taux d'emploi français et la moyenne européenne est particulièrement sensible entre soixante et soixante-cinq ans (9,9 % contre 23,4 %).

La différence est plus nette encore avec la Suède qui conduit une politique spécifique visant à promouvoir l'emploi des seniors : le taux d'emploi des personnes âgées de cinquante-cinq à cinquante-neuf ans s'y établit à 77,8 % contre 49,3 % en France, soit 29 points de plus. S'agissant des personnes de soixante à soixante-cinq ans, l'écart atteint 40 points : 50,2 % en Suède contre 9,9 % en France.

A l'exception de la Belgique, notre pays est celui dans lequel l'âge moyen de retrait du marché du travail est le plus précoce : 58 ans, c'est-à-dire presque deux ans de moins que la moyenne de l'Union européenne (59 ans et 11 mois), plus de deux ans et demi avant l'Allemagne (soixante ans et 11 mois) et presque quatre ans de moins qu'en Suède (soixante-deux années).

En 2004, le taux d'emploi des Français entre cinquante-cinq et soixante-quatre ans se situe à 37,3 % 5 ( * ) , c'est-à-dire en dessous de la moyenne des pays de l'Union européenne (41,0 %), mais aussi d'un grand nombre de pays voisins : Allemagne (41,8 %), Pays-Bas (45,2 %), Finlande (50,9 %), Royaume-Uni (56,2 %), Danemark (60,3 %) et Suède notamment (69,1 %).

Ces chiffres contredisent le rapport de juin 2004 du Conseil d'orientation des retraites qui avait noté, à l'inverse, l'amorce timide d'un renversement de tendance en France. Alors qu'il avait été ramené de 35,6 % à 34,2 % entre janvier 1990 et janvier 2000, le taux d'emploi des personnes âgées de cinquante-cinq à soixante-quatre ans, avait en effet progressé de plus de cinq points entre mars 2000 et mars 2002 , pour atteindre 39,3 %.

Quelle que soit la marge d'incertitude des sources statistiques, ces éléments illustrent la lenteur avec laquelle se modifient les comportements des acteurs économiques en matière de cessation précoce d'activité.

3. L'existence d'un fort consensus implicite sur la cessation précoce d'activité

Conçue initialement comme une politique de court terme, l'incitation publique au retrait précoce d'activité n'a jamais totalement cessé de produire ses effets. Ces mesures, par nature très populaires, sont devenues, malgré leur coût à long terme, difficiles à remettre en cause pour des raisons économiques, mais aussi sociales et sociologiques.

Pourtant, les entreprises demeurent globalement passives face au vieillissement démographique et l'image des seniors n'a guère évolué semble-t-il. Elles ne sont qu'une infime minorité à avoir développé des missions ponctuelles pour les quinquagénaires, réalisé des bilans de compétences ou instauré des systèmes de tutorat entre salariés d'âges différents.

Selon le Gouvernement, même réduites, les préretraites publiques représentent encore en 2004, et en dehors de l'impact des exonérations de charges sociales, un coût direct de 858,4 millions d'euros pour l'Etat, de 358 millions d'euros pour l'Unedic et de 500 millions d'euros pour les organismes de sécurité sociale.

B. LES DIFFÉRENTES FORMULES DE CESSATION PRÉCOCE D'ACTIVITÉ

La loi du 21 août 2003 a marqué une inflexion sensible de la politique publique en matière de cessation précoce d'activité. Mais paradoxalement, l'impact de ces mesures s'est trouvé immédiatement amoindri par l'effet contraire du dispositif des carrières longues qui pourrait se traduire, d'ici à 2008, par 500.000 départs en retraite avancée avant l'âge de soixante ans. En outre, la persistance d'un taux de chômage significatif, même s'il est désormais en diminution, explique le maintien mezzo voce d'une politique de retrait d'activité.

1. Les préretraites publiques

Les allocations spéciales du Fonds national de l'emploi (FNE) (ASFNE)

Les conventions d'allocations spéciales licenciement du FNE permettent, dans le cadre d'une procédure de licenciement économique et sur la base d'une convention entre l'Etat et l'entreprise, d'assurer, un revenu de remplacement aux salariés âgés dont l'emploi est supprimé et dont les perspectives de reclassement sont réduites, jusqu'à ce qu'ils puissent faire valoir leurs droits à la retraite.

Pour en bénéficier, le salarié doit adhérer volontairement à la convention s'il remplit les conditions d'âge (au moins cinquante-sept ans, par dérogation cinquante-six ans), d'ancienneté dans l'entreprise (au moins un an), de durée de cotisation (au moins dix ans d'appartenance à un ou plusieurs régimes de sécurité sociale) et n'exerce plus d'activité professionnelle.

L'allocation spéciale versée aux allocataires est égale à 65 % du salaire brut de référence, dans la limite du plafond retenu pour le calcul des cotisations de sécurité sociale et à 50 % du salaire brut de référence pour la part du salaire comprise entre une et deux fois ce plafond. Le versement de cette allocation est assuré jusqu'à soixante ans ou au-delà, le temps nécessaire à l'obtention du nombre de trimestres de cotisations nécessaires à la liquidation de la retraite à taux plein, sans que cette allocation puisse être versée au-delà de soixante-cinq ans.

Depuis 2002, le nombre de nouveaux bénéficiaires de cette mesure diminue. Il était d'environ 7.000 en 2002 et 2003, et s'est infléchi en 2004 (4.855 entrées) ; la tendance se confirme sur les six premiers mois de 2005, avec seulement 2.041 entrées.

Le nombre total d'allocataires indemnisés au titre de l'ASFNE s'élève ainsi à 25.523 au 31 décembre 2004 et à 27.472 en moyenne annuelle sur 2004, ce qui représente une diminution de 18 % par rapport à 2003 . La participation financière des entreprises qui dépend du plan social, de la taille de l'entreprise et de sa capacité contributive, a en moyenne doublé depuis 2003, ce qui explique ces résultats.

Les préretraites progressives

La loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites a prévu la suppression de ce dispositif créé au début des années 1980, et ce à compter du 1 er janvier 2005. Il n'est donc plus possible de signer de nouvelles conventions de préretraite progressive.

L'Etat verse aux salariés en préretraite progressive une allocation égale à 30 % de leur salaire brut de temps plein dans la limite du plafond de la sécurité sociale et 25 % pour la part de ce salaire comprise entre une fois et deux fois ce plafond.

En 2002 et 2003, les entrées en préretraite progressive avaient sensiblement augmenté (15.102 en 2002 et 15.940 en 2003) ; elles ont diminué de moitié en 2004 (7.725) à la suite du renchérissement du coût du dispositif pour les entreprises. Cette baisse s'amplifie au premier semestre 2005, avec seulement 3.333 entrées contre 4.637 pour la même période de 2004. Elle devrait se poursuivre puisque les entrées enregistrées actuellement se font dans le cadre des conventions signées en 2004.

La cessation anticipée d'activité de certains travailleurs salariés

Le dispositif de cessation anticipée d'activité des travailleurs salariés (CATS) correspond à une logique différente de celle des ASFNE : il repose sur la négociation collective et permet de faire bénéficier d'une cessation totale ou partielle d'activité à partir de cinquante-cinq ans certains salariés soumis à des conditions particulièrement pénibles de travail. Le financement est majoritairement assuré par les entreprises (entre 50 et 80 %), le solde étant pris en charge par l'Etat.

Parallèlement, les conventions CATS peuvent prévoir des départs dès cinquante-cinq ans à des salariés ne répondant pas aux conditions de pénibilité. Dans ce cas, les entreprises bénéficient d'exonérations de cotisations sociales sur les allocations versées, mais l'Etat ne participe pas au financement des allocations.

La réforme des retraites de 2003 a prévu un recentrage du dispositif CATS sur son volet pénibilité en supprimant l'exonération de cotisations des entreprises dans les autres cas. Cette disposition est entrée en vigueur avec la parution du décret du 27 janvier 2005 qui prévoit également que l'Etat ne prend plus en charge les cotisations de retraite complémentaire des salariés ayant adhéré à des conventions CATS signées après son entrée en vigueur.

La mise en oeuvre d'une disposition CATS n'est possible que s'il existe un accord professionnel national.

Outre l'accord professionnel du 26 juillet 1999 de l'Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM), complété par trois avenants des 1 er mars 2001, 24 octobre 2001 et 10 juillet 2002, d'autres accords professionnels organisant une cessation d'activité ont été conclus entre 2000 et 2003, dans des secteurs très divers 6 ( * ) . Au total, jusqu'à mi-2005, une quarantaine d'accords de branche et environ 650 conventions ont été conclus.

Selon l'Unedic, on dénombrait, en 2004, un flux de 14.807 nouvelles adhésions au dispositif, dont 8.919 salariés pour lesquels l'allocation a été prise en charge partiellement par l'Etat. Le nombre moyen des bénéficiaires s'établissait ainsi à 36.116 allocataires, dont 23.905 pris en charge par l'Etat.

La cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante

Ce dispositif a été créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999. Il permet la mise en préretraite des personnes qui répondent aux conditions suivantes :

- avoir contracté une maladie professionnelle liée à l'amiante, le départ pouvant avoir lieu dès l'âge de cinquante ans ;

-  travailler ou avoir travaillé dans un établissement à risque élevé d'exposition à l'amiante dont la liste est fixée par arrêté. L'âge de départ autorisé est calculé en fonction de la durée d'activité dans ces établissements mais il ne peut être inférieur à cinquante ans.

A la fin de l'année 2003, 25.710 personnes ont bénéficié de cette préretraite, dont 2.708 victimes de maladie professionnelle.

2. Les préretraites d'entreprise

Le Gouvernement ne dispose pas d'informations statistiques sur les préretraites d'entreprise qui ne font pas appel aux financements publics. Elles sont toutefois largement développées.

Comme l'a souligné la direction de l'animation, de la recherche, des études et des statistiques (Dares) : « Les entreprises préfèrent les préretraites d'entreprise aux préretraites aidées par l'Etat pour deux raisons : grâce à elles, elles peuvent, d'une part, élargir la cessation anticipée d'activité à d'autres tranches d'âge que celles concernées par les dispositifs publics et, d'autre part, afficher une politique sociale propre à leur établissement. La préretraite privée permet également à une bonne moitié des établissements de conserver les préretraités maison parmi les effectifs de leurs salariés, ce que ne permettent pas les préretraites publiques puisque leur mise en place entraîne la rupture, immédiate ou légèrement différée, du contrat de travail. Cette souplesse rend possible le rappel de ces anciens salariés dans le cas de circonstances exceptionnelles » 7 ( * ) .

3. La dispense de recherche d'emploi pour les chômeurs âgés

Les allocataires de l'assurance chômage âgés de cinquante-sept ans et demi ou, s'ils justifient de 160 trimestres d'assurance vieillesse, dès l'âge de cinquante-cinq ans, peuvent bénéficier d'une dispense de recherche d'emploi. Les allocataires du régime de solidarité en bénéficient dès cinquante-cinq ans.

Au 31 août 2005, le nombre de demandeurs d'emploi dispensés de recherche d'emploi s'élevait à 403.921 ainsi répartis :

Allocation

Août 2004

Août 2005

Evol. annuelle en %

Allocation d'aide au retour à l'emploi (ARE)

273.663

270.142

- 1,3

Allocation de solidarité spécifique (ASS)

100.866

99.405

- 1,4

Allocation équivalent retraite (AER)

27.326

34.374

25,8

Total

401.855

403.921

0,5

On constate que l'évolution du nombre des personnes dispensées de recherche d'activité ne marque aucun retournement de tendance depuis l'entrée en vigueur de la réforme des retraites, tout juste une amorce de stabilisation à un niveau très élevé : 387.988 en juillet 2003, 400.266 en décembre de la même année, 393.884 en juin 2004, 408.953 en décembre 2004 et 405.115 encore en juin 2005.

4. Les départs précoces dans la fonction publique

Dans le régime des pensions civiles de retraite des fonctionnaires de l'Etat, l'ouverture des droits à pension est soumise à une condition d'âge minimum de soixante ans. Mais cette règle générale connaît trois exceptions majeures, ayant pour conséquence que plus de sept fonctionnaires sur dix cessent leur activité avant cet âge . Il s'agit :

- de l'absence de condition d'âge minimum pour les mères d'au moins trois enfants (mesure étendue en 2005 aux pères ayant interrompu leur activité professionnelle pendant au moins deux mois à l'occasion de la naissance de leurs enfants) ;

- de l'abaissement de l'âge minimum à cinquante-cinq ans pour les fonctionnaires ayant accompli quinze ans de services actifs ;

- de l'abaissement de l'âge minimum à cinquante ans pour les fonctionnaires pouvant bénéficier de la bonification dite du cinquième, avec quinze ans de services actifs.


Extraits du rapport public particulier de la Cour des comptes sur les pensions des fonctionnaires civils de l'Etat : « L'âge moyen de départ en retraite dans la fonction publique est nettement inférieur à soixante ans »

« Toutes les données disponibles montrent que, dans leur très grande majorité, les fonctionnaires privilégient une retraite précoce en utilisant pleinement toutes les possibilités qui leur sont offertes par la réglementation. (...)

De ce fait, l'âge moyen de départ en retraite, tous motifs de liquidation confondus, a été, pour les nouveaux retraités de 2001, de 57,35 ans. Cette moyenne a été tirée vers le bas par le nombre très important d'agents publics (20.056, soit 34,9 % du flux 2001) prenant une retraite au titre des services dits « actifs » (54,85 ans en moyenne).

Parmi les autres retraités dits « sédentaires », pour lesquels la réglementation impose normalement un départ à soixante ans, de très nombreux agents partent en retraite avant soixante ans ou bénéficient de dispositifs de préretraite attractifs.

Les départs avant soixante ans correspondent, d'une part, aux agents bénéficiaires de pensions d'invalidité (4.228 cas en 2001, soit 7,4 % du flux 2001 avec un âge moyen à la radiation de 53,35 ans), d'autre part, aux mères de famille ayant élevé au moins trois enfants qui, au titre de l'article L. 24-3, sont parties en retraite en 2001 à un âge moyen de 51,69 ans (5.096 fonctionnaires, soit 8,9 % du flux 2001).

Les départs imposés à soixante ans révolus concernent, quant à eux, les cessations progressives d'activité (CPA) et les congés de fin d'activité (CFA). Conçus dans un objectif initial d'amélioration de l'emploi public, ces deux dispositifs, mis en place respectivement à partir de 1982 et de 1996, se sont révélés très attractifs pour leurs bénéficiaires : en 2001, 12.677 nouveaux retraités étaient antérieurement bénéficiaires d'un CFA ou d'une CPA, soit 22 % du flux de nouveaux retraités de l'année.

Au total, les agents sédentaires ayant utilisé les possibilités de départ en retraite avant soixante ans (cas d'invalidité, mères de famille d'au moins trois enfants) ou à soixante ans (mais à l'issue d'un dispositif de cessation progressive ou totale d'activité) représentent donc plus de 38 % de l'ensemble des retraités de 2001.

La prise en compte de toutes ces situations particulières résultant de la réglementation en vigueur fait que, en définitive, seule une minorité d'agents (15.336, soit 26 % du flux 2001) est susceptible de cesser totalement son activité pour prendre sa retraite à partir de soixante ans, soit parce qu'elle ne peut pas partir avant soixante ans, soit parce qu'elle n'a pas utilisé, notamment pour des raisons financières, les formules de préretraite existantes. »

Avril 2003

En définitive, l'âge moyen du départ en retraite dans la fonction publique intervient à :

Hommes

Femmes

Moyenne

Fonction publique d'Etat (personnels civils)

57,6 ans

57 ans

57,25 ans

Fonctionnaires militaires

45,3 ans

42,3 ans

44,9 ans

Fonction publique territoriale

58,8 ans

56,8 ans

57,6 ans

Fonction publique hospitalière

57,5 ans

53,9 ans

54 ans

Source : annexe PLF 2005 - Ministère des finances

Fondement des retraites chez les fonctionnaires civils de l'Etat

Flux 2001

Motif

Nombre

%

Services actifs

20.056

34,9

Invalidité

4.228

7,4

Départ anticipé des mères de famille de trois enfants

5.096

8,9

Congés de fin d'activité (CFA)

7.652

13,3

Congés de fin de carrière (CFC)

1.415

2,5

Cessation progressive d'activité (CPA)

3.610

6,2

Fonctionnaires sédentaires (départ à 60 ans)

15.336

26,7

TOTAL

57.393

100,0

Source : Cour des comptes

C. UNE POLITIQUE PUBLIQUE À RENFORCER

La loi du 21 août 2003 a fait le choix de recentrer les mesures d'âge autour de deux dispositifs : un dispositif visant à prendre en compte la pénibilité du travail, dans le cadre des cessations anticipées d'activité des travailleurs salariés, et un dispositif « plans sociaux ».

Quatre autres mesures doivent par ailleurs permettre d'infléchir le taux d'emploi des seniors. Il s'agit :

- de promouvoir le maintien dans l'emploi des salariés âgés, en élargissant les cas d'exonération de la contribution Delalande à la rupture du contrat de travail d'un salarié âgé de plus de quarante-cinq ans (et non plus de plus de cinquante ans) à son embauche. Cette contribution est due à l'Assedic par les entreprises qui licencient un salarié âgé. Son montant dépend de la taille de l'entreprise et de l'âge du salarié.

- d'instituer une contribution spécifique à la charge des employeurs sur les préretraites d'entreprise, au taux de 23,85 % qui peut être réduit, à titre transitoire jusqu'au 31 mai 2008, dans les conditions du décret n° 2003-1316 du 30 décembre 2003 ;

- d'inciter à la tenue de négociations triennales sur les questions de l'accès à la formation professionnelle et du maintien dans l'emploi des salariés âgés ;

- d'améliorer le régime de la retraite progressive 8 ( * ) .

1. S'inspirer de l'exemple finlandais

En Finlande, la stratégie visant à enrayer la logique du retrait précoce d'activité est un succès grâce au plan national pour l'emploi des plus de quarante-cinq ans. Le taux d'emploi des seniors s'est ainsi accru de 25 % en seulement cinq années et l'âge médian de sortie du marché du travail est passé de 58,2 ans en 1996 à 59,3 ans en 2001.


Le modèle finlandais : un plan national en six volets
pour l'emploi des plus de 45 ans

1. Un effort pédagogique important entrepris par l'Etat :

- une campagne publique d'information et de formation, pour changer les mentalités et l'image du vieillissement ;

- des campagnes ciblées en direction des employeurs pour mettre en valeur les atouts des salariés âgés et les manières d'en tirer profit pour l'entreprise.

2. Des actions concernant la santé et la protection au travail : l'objectif est l'amélioration des conditions de travail et la prévention des inaptitudes. Une approche intégrée du vieillissement au travail est privilégiée. Elle vise toutes les dimensions du bien-être au travail : environnementales, psychologiques et sociales. Elle a donné lieu, chaque fois, à une étroite collaboration au sein des entreprises, entre direction, représentants du personnel, experts et autorités publiques.

3. La formation professionnelle : ciblées sur les salariés de quarante-cinq ans ou plus, les actions visent à combler le fossé des niveaux de formation entre jeunes et vieux. Il s'agit d'un programme à long terme (dix à quinze ans), qui s'intègre dans une stratégie nationale pour promouvoir « l'éducation tout au long de la vie ».

4. La réhabilitation des chômeurs âgés : un suivi individualisé des demandeurs d'emploi âgés a été mis en oeuvre dans le cadre de l'action spécifique de retour à l'emploi. A noter que cette action « curative » en faveur des chômeurs âgés n'a pas apporté tous les résultats escomptés. Ce qui prouve la supériorité de la stratégie préventive adoptée, intervenant dès la mi-carrière.

5. Le passage graduel et choisi à la retraite : l'accent est mis sur la promotion du temps partiel : le seuil d'âge ouvrant droit à une retraite partielle est abaissé de cinquante-huit à cinquante-six ans et les droits à pension sont maintenus en cas d'activité partielle. La possibilité d'alterner périodes d'emploi et de congés est offerte.

6. Etudes, recherches et expérimentations : le programme comporte un volet très important d'études et de recherches. Un outil d'évaluation spécifique, « le baromètre du maintien de la capacité au travail » (TYKY) est mis en place. Il permet d'évaluer l'impact du programme national sur les salariés dans les entreprises. D'autres programmes de recherche concernent les attitudes et les pratiques des travailleurs en fin de carrière, l'âge, la santé et les compétences au travail, les pratiques discriminatoires à l'embauche, l'âgisme au travail, la formation professionnelle et les nouvelles méthodes de formation continue.

Le coût total du programme a été de 4,2 milliards d'euros pour le seul financement public sur cinq ans.

Source : Anne-Marie Guillemard, Les sociétés à l'épreuve du vieillissement -
Revue Futurible n° 299, juillet 2004

La réussite de cet exemple étranger peut inspirer utilement notre pays : il témoigne du fait qu'il n'existe pas de fatalité et qu'il est possible de parvenir à des résultats significatifs en partant d'une situation aussi défavorable que celle de la France.

2. Un signe positif : l'accord national interprofessionnel du 13 octobre 2005

L'accord national interprofessionnel (ANI) du 13 octobre 2005 relatif à l'emploi des seniors, en vue de promouvoir leur maintien et leur retour à l'emploi, marque la volonté des partenaires sociaux de sortir de l'impasse actuelle.

Il fait suite à trois autres accords : celui du 5 décembre 2003 relatif à l'accès des salariés à la formation tout au long de la vie professionnelle, celui du 1 er mars 2004 relatif à la mixité et à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et celui du 5 avril 2005 relatif à la convention de reclassement personnalisé.

L'objectif de cet ANI est ambitieux : « concourir à une progression du taux d'emploi des 55-64 ans afin de passer du taux actuel de 36,8 % à 50 % à horizon 2010, soit une progression de l'ordre de deux points par an ». Il envisage notamment :

la mise en oeuvre d'un plan national d'action pour l'emploi des seniors impliquant l'Etat et les partenaires sociaux ;

la sécurisation des parcours professionnels ;

le développement des entretiens professionnels de deuxième partie de carrière et des bilans de compétences ;

l'aménagement du contrat à durée déterminée : pour le retour à l'emploi des seniors, « un contrat à durée déterminée d'une durée maximum de dix-huit mois renouvelable une fois peut être conclu avec un salarié de plus de cinquante-sept ans, inscrit comme demandeur d'emploi depuis plus de trois mois ou en convention de reclassement personnalisé, afin de lui permettre d'acquérir, par son activité, des droits supplémentaires en vue de la liquidation de sa retraite à taux plein. »

l'étude sur les effets de la contribution Delalande : « Il est demandé aux pouvoirs publics, sur la base d'une étude des effets de la contribution Delalande sur l'emploi des seniors, d'apporter à cette contribution, après consultation des partenaires sociaux, les correctifs éventuels qui pourraient favoriser l'emploi des seniors . »

la retraite progressive : « Afin de faciliter l'adoption de modes d'organisation du travail adaptés à la situation des seniors (...), et, en particulier, d'encourager la mise en place de dispositifs destinés à permettre la prolongation de l'activité en facilitant la transition entre la vie professionnelle et la retraite tout en améliorant les droits à pension des intéressés, il est demandé aux pouvoirs publics d'accélérer la publication des textes d'application de l'article 30, relatif à la retraite progressive, de la loi du 21 août 2003. »

La promotion de l'emploi des personnes âgées de plus de cinquante-cinq ans exigera de prendre de nouvelles mesures législatives et réglementaires.

Mais trois chantiers majeurs, susceptibles de produire des effets positifs sur le taux d'activité des seniors, dépendent surtout des partenaires sociaux : l'amélioration de la santé au travail, la mise en oeuvre de la formation professionnelle tout au long de la vie et la modification urgente des habitudes en matière de gestion des âges dans les entreprises, pour les salariés âgés de plus de quarante-cinq ans.

3. Les pistes nouvelles à explorer

La question de l'emploi des seniors a donné lieu, au cours de la période récente, à de nombreuses propositions émanant aussi bien des partenaires sociaux que d'universitaires ou d'organismes officiels français et internationaux. Parmi celles-ci, on retiendra notamment :

a) Les solutions préconisées par l'OCDE

Dans un rapport publié en 2005, intitulé « vieillissement et politiques de l'emploi » et consacré à la situation de la France, l'OCDE développe trois axes de réflexion.

Promouvoir le maintien en activité après soixante ans

- en engageant une réforme de la dispense de la recherche d'emploi car elle « valide l'idée que le marché du travail est fermé aux travailleurs âgé s » ;

- en relevant l'âge légal minimal de départ à la retraite au-delà de soixante ans ;

- en rendant la retraite progressive « attrayante et plus accessible » , laquelle « permet, contrairement au cumul emploi-retraite, de se constituer des droits supplémentaires à pension » ;

- en encourageant le développement de la surcote auprès des assurés sociaux. L'OCDE estime que « les pouvoirs publics doivent s'assurer que les possibilités de continuer de travailler après avoir atteint le taux plein et de bénéficier de la surcote ne soient pas limitées ».

Lever les obstacles au maintien dans l'emploi et au recrutement après cinquante ans

- en revoyant les pratiques salariales fondées sur l'âge ou l'ancienneté. L'OCDE considère en effet que « les partenaires sociaux devraient tirer les leçons des conséquences, dommageables pour l'emploi des travailleurs âgés, de grilles qui lient le salaire uniquement à l'âge ou à l'ancienneté » ;

- en assurant la diffusion des bonnes pratiques des entreprises offrant des emplois de qualité aux seniors et qui « devraient être capitalisées et diffusées plus largement sur Internet par le patronat, comme cela se fait dans d'autres pays » ;

- en mettant en oeuvre ces bonnes pratiques dans le secteur public par la mobilité interne et externe à mi-carrière et par la suppression des limites d'âge à l'entrée. Cela suppose aussi de « reconsidérer les âges très bas de départ à la retraite pour certaines catégories » ;

- en réformant, voire en supprimant la contribution Delalande « dont les effets sont controversés » .

Maintenir le salarié en activité ou permettre son retour dans l'emploi

- en améliorant le taux d'accès des travailleurs à la formation professionnelle continue ;

- en encourageant « les reprises d'activité à temps partiel avec maintien éventuel de tout ou partie des allocations de chômage » ;

- en améliorant les conditions de travail : « les négociations sur la pénibilité devraient privilégier, dès le départ, un traitement préventif des conditions de travail pénibles en évitant d'encourager les départs anticipés ».

b) Les suggestions de l'Igas

Dans son rapport annuel pour 2004 « Gestion des âges et politiques de l'emploi » , l'Igas part du constat que les politiques publiques actuelles sont insuffisantes pour lever les obstacles à l'emploi des seniors et propose l'élaboration d'un plan national d'action. Il s'agit :

- d'entreprendre des démarches contractuelles associant les collectivités locales et les branches professionnelles en matière de développement de la formation, de stratégies de validation des acquis de l'expérience et d'actions sur les conditions de travail et la santé au travail ;

- de relancer les Pare pour les personnes âgées de plus de quarante-cinq ans ;

- d'expérimenter, dans le cadre d'une stratégie plus offensive de formation des seniors et d'aide à la mobilité, des parcours de reconversion ;

- d'assouplir les comptes d'épargne-temps en fin de carrière ;

- de recentrer les exonérations de charges liées au temps partiel sur les débuts et les fins de carrière ;

- de faciliter l'activité après la retraite par une remise à plat du plafond de revenus applicable au cumul emploi-retraite ;

- de promouvoir un débat national sur la gestion des âges, en créant à cet effet un forum rattaché au Conseil d'orientation des retraites.

c) Durcir les conditions de cessation précoce d'activité

Votre commission propose aussi deux amendements en ce sens :

- le premier amendement souhaite conforter le principe suivant lequel c'est uniquement à partir de 65 ans qu'un salarié peut être mis d'office à la retraite par son employeur. Ce point mérite un rappel : la loi portant réforme des retraites avait admis que cet âge puisse être ramené à soixante ans si l'entreprise propose des créations d'emplois, dans des conditions d'ailleurs bien confuses. Or, à la date du 1 er octobre 2005, 73 branches professionnelles s'étaient déjà engagées dans cette brèche vidant sur ce point de sa substance la réforme des retraites. La commission propose de réduire les effets pervers de cette disposition en prévoyant que les futures conventions collectives dérogatoires ne pourront produire d'effets juridiques postérieurs à la date du 1er janvier 2008. Il s'agit ici d'éviter de « préempter » le débat de 2008.

- le second amendement propose d'assujettir l'ensemble des préretraites d'entreprise à la contribution créée en 2003 en faveur de Fonds de solidarité vieillesse, alors que seule une partie d'entre elles le sont aujourd'hui. Ce mode transactionnel de cessation précoce d'activité est en effet contradictoire avec l'objectif de remontée du taux d'emploi des seniors. Il semble illégitime de le faire bénéficier d'un traitement privilégié sur le plan social.

d) Prendre la juste mesure de la pénibilité de certains emplois

La loi du 21 août 2003 a invité les partenaires sociaux à engager, dans un délai de trois ans, « une négociation interprofessionnelle sur la définition et la prise en compte de la pénibilité ». Ces négociations ont débuté le 23 février 2005 et sont en cours. L'exercice est complexe car il faut tout à la fois prendre en compte la réalité - incontestable - de la pénibilité de certaines activités tout en évitant une définition trop large susceptible de servir d'alibi à de nouveaux dispositifs de cessation précoce d'activité.

La notion même de pénibilité est d'une approche objective difficile. Dans son rapport « pénibilité et retraite », remis au COR en avril 2003, Yves Struillou a ainsi suggéré de retenir « l'espérance de vie sans incapacité », critère qu'il juge à la fois « cohérent et pertinent ».

Par ailleurs, le traitement de la pénibilité requiert non seulement une politique de réparation - nécessairement de court terme - visant à compenser ses effets néfastes, mais aussi et surtout une politique plus ambitieuse de prévention, tendant à prévenir l'usure prématurée au travail et à améliorer les conditions de travail des salariés, notamment ceux âgés de plus de cinquante ans.

e) Assouplir les règles de cumul emploi-retraite

On estime à 300.000 le nombre des personnes cumulant une retraite et un emploi rémunéré. Cette estimation résulte de l'enquête budget des familles, réalisée par l'Insee en 2001. Ce chiffre est stable depuis 1995, ce qui confirme que le cumul emploi-retraite reste marginal en France. Il ne concerne que 3 % des retraités de plus soixante ans.

En revanche, la moitié des retraités de moins de cinquante ans, les anciens militaires notamment, exerce une activité rémunérée. Cette proportion est d'une personne sur dix parmi les autres retraités de moins de soixante ans qui relèvent des régimes spéciaux et des catégories actives des fonctions publiques.

Il y a en réalité deux groupes de « cumulants » distincts : les jeunes retraités des régimes spéciaux et les autres.

Au total, 111.000 « cumulants » ont moins de soixante ans : ce sont, pour l'essentiel, des anciens militaires, des fonctionnaires de catégorie active (policiers, infirmiers) ou salariés des régimes spéciaux (SNCF, RATP, ...). Ils sont le plus souvent salariés (dans 87 % des cas), à temps plein (84 %) et perçoivent des revenus d'activité plus élevés. Ainsi, 94 % des militaires retraités de moins de cinquante-cinq ans percevaient un salaire supérieur à 1.500 euros en 2001. Pour ces professions qui peuvent bénéficier d'une retraite à taux plein avant soixante ans, le cumul est fréquent (39 % des militaires retraités de cinquante-quatre à cinquante-neuf ans ont aussi un emploi rémunéré et 6 % des retraités des régimes spéciaux, comme la SNCF et RATP.

Les retraités de plus de soixante ans ont un profil différent : ils perçoivent des revenus plus faibles et sont plus souvent non salariés (45 % chez les 65-74 ans). S'ils sont salariés, ils sont plus souvent à temps partiel, surtout les femmes. Il convient enfin de relever que le revenu de l'activité s'ajoutant à la retraite perçue est le plus élevé pour les hommes et pour les retraités de moins de soixante ans. Ainsi, 70 % des cumulants hommes perçoivent un revenu supérieur à 1.000 euros par mois, mais seulement 18 % des femmes.

Votre commission observe qu'un quart des Français souhaiterait ou envisagerait de poursuivre une activité professionnelle après leur retraite (cf. sondage Ipsos - Notre Temps des 8-9 septembre 2004). Elle propose un amendement réécrivant les dispositions du code du travail applicables aux assurés du régime général (article L. 161-22), d'une part, aux artisans et commerçants (article L. 634-6), d'autre part, en reprenant autant que possible les termes du code des pensions civils et militaires de retraite applicables à la fonction publique. Cela doit permettre d'abandonner la règle actuelle du cumul de la pension et du revenu d'activité qui ne peut dépasser le dernier salaire.

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Sous réserve des observations qui précèdent et des amendements qu'elle propose dans le tome VI du présent rapport, la commission vous demande d'adopter les dispositions relatives à l'assurance vieillesse du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 .

TRAVAUX DE LA COMMISSION

AUDITION DE M. MICHEL MOÏSE-MIJON, PRÉSIDENT DE LA COMMISSION D'ÉTUDE DE LA LÉGISLATION, ET DE MME ANNIE ROSES, DIRECTEUR DE LA RETRAITE ET DU CONTENTIEUX, DE LA CAISSE NATIONALE D'ASSURANCE VIEILLESSE DES TRAVAILLEURS SALARIÉS (CNAV)

Réunie le mercredi 26 octobre 2005 sous la présidence de M. Nicolas About, président , la commission a procédé à l'audition de M. Michel Moïse-Mijon, président de la commission d'étude de la législation, et de Mme Annie Roses, directeur de la retraite et du contentieux, de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAV).

Après avoir prié la commission de bien vouloir excuser l'absence de Mme Danièle Karniewicz, présidente du conseil d'administration de la CNAV, M. Michel Moïse-Mijon, président de la commission d'étude et de la législation, a indiqué que le conseil d'administration de la Caisse a rendu, le 5 octobre dernier, un avis négatif sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 : seule l'Union professionnelle artisanale (UPA) et une personne qualifiée se sont prononcées en faveur de ce texte, une délégation syndicale s'abstenant et l'ensemble des autres membres votant contre. Cet avis consultatif défavorable se fonde sur plusieurs raisons majeures, et tout d'abord sur le fait que le Gouvernement n'avait pas transmis les documents annexés relatifs aux exonérations de cotisations décidées par l'Etat. Le conseil d'administration de la CNAV s'est également prononcé contre l'article de l'avant-projet de loi prévoyant que l'excédent enregistré en 2004 par la CNAV devrait être affecté non pas au fonds de réserve des retraites (FRR), comme le prévoit la loi mais, à titre dérogatoire, au fonds de solidarité vieillesse (FSV). De même, l'intention initiale du Gouvernement consistant à répartir la hausse de 0,2 % des cotisations vieillesse, qui doit intervenir le 1er janvier 2006, entre les salariés pour 0,15 %, et les employeurs à hauteur de 0,05 %, a suscité une vive opposition. Le conseil d'administration de la CNAV a notamment déploré le manque de concertation préalable dans cette affaire ; le dossier n'est d'ailleurs toujours pas réglé et doit prochainement faire l'objet d'un arbitrage du Premier ministre. En dernier lieu, la CNAV a regretté que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 ne comporte pas de garanties financières solides de paiement de la soulte que devra acquitter la régie autonome des transports parisiens (RATP), en contrepartie de l'adossement de son régime de retraite sur le régime général. Le conseil d'administration de la CNAV tient particulièrement à ce qu'une disposition protectrice à cet égard figure dans ce texte.

Au nom de M. Dominique Leclerc, rapporteur pour l'assurance vieillesse, M. Nicolas About, président , a souhaité connaître les précautions qui doivent être prises pour éviter que l'adossement des régimes spéciaux à la CNAV, comme d'ailleurs aux caisses de retraite complémentaire, ne mette à contribution les assurés sociaux du secteur privé. Il s'est demandé si les droits d'entrée que devront acquitter ces régimes seront suffisants, alors même que ces régimes spéciaux versent des prestations supérieures aux régimes de droit commun, avec des ratios démographiques moins favorables, le niveau des prestations servies demeurant par ailleurs inchangé, y compris pour les nouveaux entrants.

M. Michel Moïse-Mijon a considéré que le précédent des industries électriques et gazières souligne l'importance, pour les assurés sociaux du régime général, d'une stricte neutralité financière de ce type de montage. Il a rappelé que le conseil d'administration de la CNAV s'était alors vivement opposé aux pouvoirs publics sur la question du montant de la soulte et de son mode de calcul. Le règlement dans de bonnes conditions du dossier de la RATP suppose en particulier la réalisation de projections financières à horizon de vingt-cinq ans, dans la mesure où le régime adossé ne doit pas provoquer une dégradation du rapport entre les prestations versées et les cotisations encaissées par le régime général. Il convient aussi de mesurer l'impact financier de ces calculs, en utilisant différents scénarios.

Après avoir observé que le mécanisme d'adossement des industries électriques et gazières apparaît désormais en voie de généralisation à d'autres entreprises publiques comme la RATP, la Société nationale des chemins de fer français (SNCF) ou La Poste, M. Nicolas About, président , a demandé si une telle évolution ne fait pas courir inévitablement un risque aux grands équilibres financiers de la CNAV ; et ce, malgré toutes les précautions qui peuvent être prises, compte tenu de la grande complexité de ces opérations et de la marge d'incertitude des hypothèses de projection sur des durées aussi longues que vingt-cinq ans.

M. Michel Moïse-Mijon a réaffirmé l'attachement de la CNAV à ce que des garanties solides lui soient apportées par l'Etat dans le cadre de l'opération de la RATP. Ce dossier diffère sur plusieurs points de celui des industries électriques et gazières : contrairement à EDF et GDF qui disposent, malgré un endettement élevé, de fonds propres importants et d'une position majeure dans leur secteur industriel, la RATP dépend totalement des fonds publics et l'Etat assure plus de la moitié du service des prestations versées au titre des retraites. En outre, le calcul de la soulte RATP pourrait être effectué sur des bases techniques sensiblement différentes de celles retenues pour les industries électriques et gazières : la discussion porte sur le seuil à retenir pour le niveau de la rente garantie, la RATP souhaitant obtenir 95,61 % du plafond de la sécurité sociale, la CNAV souhaitant pour sa part le limiter à 90 %. Il convient aussi de remarquer que l'Etat prendra à sa charge la totalité du paiement de ladite soulte. Une autre différence majeure réside dans le fait que, cette fois, les majorations de bonification pour enfant ne seront pas mises à la charge du FSV, comme cela a été le cas avec les industries électriques et gazières. A ce titre, il a souligné la situation financière délicate de ce fonds, qui devrait enregistrer un déficit de 2 milliards d'euros en 2005 et ne semble pas susceptible de revenir à l'équilibre avant l'horizon 2010, voire 2015. Evoquant les contraintes pesant sur les finances publiques, il a indiqué que le montant de la soulte que devra acquitter la RATP, et donc in fine l'Etat, varie actuellement suivant les hypothèses retenues, entre 507 et 870 millions d'euros.

M. Nicolas About, président , a souhaité savoir si la CNAV a été saisie des autres dossiers similaires qui sont régulièrement cités dans la presse : La Poste, la SNCF, voire la Banque de France. Il s'est demandé si la CNAV pourrait se trouver placée devant le fait accompli et se voir imposer, par voie réglementaire, et sans débat parlementaire, une opération d'adossement dans des conditions lui semblant défavorables.

M. Michel Moïse-Mijon a répondu que le conseil d'administration de la CNAV réclame avec insistance que l'adossement de la RATP fasse l'objet d'un amendement dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, car il ne s'estime pas à l'abri d'une telle perspective. La CNAV n'est pas officiellement saisie à ce jour de demandes émanant de La Poste ou de la SNCF, mais la situation avait été longtemps celle-ci pour la RATP : alors même que la presse faisait état de rumeurs insistantes, les services du régime général n'ont été approchés que tardivement sur les termes d'un dossier technique très complexe qui nécessite un long délai de concertation et d'élaboration. Il a pris acte de l'inquiétude exprimée par certains intervenants dans le débat public sur le mode de calcul de la soulte RATP, et plus particulièrement sur les hypothèses retenues quant à l'évolution future du nombre des retraités. Il est vrai qu'une baisse des effectifs de l'entreprise entraînerait nécessairement une diminution des cotisations à l'horizon des vingt-cinq ans, mais il n'appartient pas à la CNAV, en tant qu'établissement public de l'Etat, de remettre en cause les données qui lui ont été fournies à ce sujet. Il a réaffirmé l'attachement du conseil d'administration de la CNAV au principe de stricte neutralité des adossements qui seront réalisés à l'avenir et a fait valoir la nécessité pour la représentation nationale de se prononcer sur chacun d'entre eux. A contrario, une telle opération, si elle devait être réalisée uniquement par voie réglementaire, ne serait pas de nature à offrir spontanément à la CNAV toutes les garanties qu'elle demande.

M. Nicolas About, président, a souhaité connaître la réaction des instances de la CNAV à la demande formulée en juin 2005 par le conseil de surveillance du fonds de financement des prestations sociales des non salariés agricoles (Ffipsa) tendant à modifier les règles de compensation démographique. Il a par ailleurs demandé si l'impact financier potentiel de cette mesure pour la CNAV avait été évalué.

M. Michel Moïse-Mijon a indiqué que la demande du Ffipsa est intervenue alors que se poursuivent toujours les travaux de la commission de compensation et un an après la publication du rapport d'audit réalisé par MM. Franck Normand et Louis-Paul Pellé, lequel ne recommande d'ailleurs aucun changement dans l'immédiat, mais expose les différents scénarios possibles pour faire évoluer ces mécanismes. Il a précisé que celui consistant à prendre en compte la durée cotisée pour pondérer les effectifs de retraités des caisses de retraite dans ce mode de calcul pourrait se traduire par une mise à contribution du régime général de 574 millions d'euros par an, le régime des exploitants agricoles recevant, pour sa part, environ 441 millions d'euros par an.

Après avoir rappelé que la modification des règles du mécanisme de compensation démographique qui est intervenue en 2002 a été rendue possible par une réévaluation à hauteur de 600.000 personnes des effectifs cotisants de la CNAV et par l'intégration des chômeurs dans ses effectifs pour les besoins de ces calculs, M. Nicolas About, président , a souhaité savoir si cette opération continue encore aujourd'hui de peser sur les résultats de la CNAV. Il s'est interrogé également sur les régimes bénéficiant, à l'inverse, de cette opération.

M. Michel Moïse-Mijon a constaté que cette modification des règles de calcul a eu des conséquences importantes sur les montants reçus et versés par les différents régimes de retraite au titre de la compensation des déséquilibres démographiques. Cette situation avait suscité il y a trois ans une vive polémique, dont la presse s'était d'ailleurs fait l'écho. La contribution de la CNAV s'en est trouvée majorée de 870 millions d'euros en 2003 et d'un montant équivalent chaque année depuis lors. A contrario, d'autres régimes ont bénéficié d'un allégement de leur contribution, à commencer par le budget de l'Etat, au titre des pensions des fonctionnaires, pour 300 millions d'euros par an, ainsi que la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL), l'Organisation autonome nationale de l'industrie et du commerce (Organic), la Caisse autonome nationale de compensation des assurances vieillesse artisanale (Cancava), la Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL) et la Caisse nationale du barreau français (CNBF).

M. Alain Vasselle, rapporteur pour les équilibres généraux et l'assurance maladie , a pris bonne note de la réaction de la CNAV, déplorant ne pas avoir disposé, pour se prononcer, des documents annexés au projet de loi de financement de la sécurité sociale sur les exonérations de cotisations décidées par l'Etat. Il a souhaité savoir si le conseil d'administration serait prêt à revenir sur son avis négatif dans l'hypothèse où ces informations lui seraient finalement transmises. Sur la question de la neutralité de l'adossement du régime de retraite de la RATP, il a demandé s'il serait concevable de prévoir une précaution supplémentaire prenant la forme d'une clause de rendez-vous, qui permettrait de se prémunir contre le risque d'une éventuelle erreur de calcul du montant des droits d'entrée.

Après avoir relevé que les années 2005 et 2006 seront caractérisées par le départ en retraite des premières classes d'âge du « baby boom » d'après guerre, il s'est demandé si les prémices du choc démographique tant évoqué ne marquent pas le début d'une période de déficit structurel pour la CNAV.

Il a également souhaité savoir quels enseignements la CNAV tire de l'actualisation des prospectives financières du Conseil d'orientation des retraites (COR) à l'horizon 2020, d'une part, et à l'horizon 2040/2050, d'autre part. Il s'est demandé si l'on doit craindre, dans ces conditions, une baisse significative, à l'avenir, du taux de remplacement des salariés du secteur privé.

Il s'est interrogé sur les conséquences du déficit du FSV pour la CNAV, et plus particulièrement sur le coût annuel des besoins de trésorerie supplémentaires occasionnés au régime général par ces retards de paiement.

Il a également souhaité connaître le coût, en 2005 pour la CNAV, du dispositif des carrières longues et savoir si, en l'absence de cette mesure, les comptes du régime général seraient restés équilibrés jusqu'en 2008.

M. Michel Moïse-Mijon a indiqué que l'hypothèse d'une clause de rendez-vous n'a pas été envisagée par l'Etat et semble peu probable. Le problème essentiel pour les pouvoirs publics réside dans le caractère libératoire que doit revêtir le paiement des droits d'entrée acquittés par la RATP, de façon à éviter l'inscription à son bilan de tous ses engagements de retraite. S'agissant du montant de la soulte, l'idéal pour la CNAV consisterait en un versement de la totalité des fonds dès l'année prochaine, et non pas en un échelonnement des versements sur longue période. Après avoir relevé que la mise en oeuvre de la nouvelle caisse de retraite de la RATP devrait être reportée de plusieurs mois, compte tenu du fait que les négociations ne sont pas encore terminées, il a souhaité que le montage définitif comporte, à l'instar de celui des industries électriques et gazières, une clause prévoyant que les caisses de retraite concernées rendent compte au Parlement, dans un délai de cinq ans, du respect du principe de neutralité.

M. Alain Vasselle, rapporteur pour les équilibres généraux et l'assurance maladie , a rappelé que l'origine de cette disposition résulte précisément d'un amendement de la commission des affaires sociales du Sénat à la loi n° 2044-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières.

Après avoir confirmé que la CNAV devrait connaître effectivement un déficit au cours des cinq prochaines années, M. Michel Moïse-Mijon a souligné l'ampleur prise par le dispositif des carrières longues autorisant le départ en retraite à cinquante-six, cinquante-sept ou cinquante-huit ans des personnes ayant commencé à travailler à quatorze, quinze ou seize ans. Ce phénomène atteste de la persistance d'une culture favorable à la cessation précoce d'activité dans notre pays. Il a par ailleurs indiqué que la CNAV fournira à la commission des documents détaillés sur l'évolution prévisible du taux de remplacement des retraites des salariés du secteur privé au cours des prochaines décennies. Il a précisé également que les frais financiers supplémentaires occasionnés à la CNAV par les problèmes de trésorerie du FSV s'élèvent actuellement à environ 50 millions d'euros par an.

M. Claude Domeizel a fait valoir que la CNAV n'est pas le seul régime à supporter des frais financiers indus et que la CNRACL, par exemple, a été elle aussi largement mise à contribution, jusqu'à se trouver d'ailleurs artificiellement en situation déficitaire du fait des charges très élevées imposées par le système de compensation démographique. Il a regretté que l'adossement des régimes de retraites spéciaux, certainement l'un des dossiers les plus difficiles à traiter dans le champ de l'assurance vieillesse, puisse être réalisé par voie réglementaire. Il s'agit là d'un engrenage dont il convient de mesurer toutes les implications potentielles, dans la mesure où les régimes adossés et le régime général seront nécessairement fortement imbriqués à l'avenir. A son sens, la différence entre l'adossement d'un régime spécial et son intégration sur le régime général apparaît ténue. Après avoir constaté que le régime de retraite des industries électriques et gazières est équilibré, grâce il est vrai à une subvention d'équilibre des entreprises, il a observé que celui de la RATP apparaît fortement déficitaire, alors même d'ailleurs qu'il bénéficie aussi bien de la compensation démographique que de la surcompensation entre régimes spéciaux. Il s'est aussi demandé si l'adossement de la RATP pourrait avoir des conséquences sur le niveau des prestations de retraite que reçoivent les personnels de cette entreprise publique.

M. Guy Fischer a souligné toute la complexité de ces opérations d'adossement et rappelé que le montant de la soulte des industries électriques et gazières avait beaucoup évolué, à la suite des démarches engagées par le président de la CNAV, puisqu'elle était passée en cours de négociations de 3 à 9,6 milliards d'euros. Il a déploré que celles engagées avec la RATP semblent s'ouvrir dans les plus mauvaises conditions possibles. Revenant sur la publication récente des nouvelles projections à long terme du COR, il s'est inquiété de la perspective vraisemblable d'une réduction du pouvoir d'achat des retraités. Il a mentionné, à ce titre, l'exemple de l'institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques (Ircantec), qui semble actuellement faire l'objet de tentatives des pouvoirs publics pour diminuer la valeur de service du point de retraite.

M. André Lardeux a considéré que le problème de l'ajustement des droits, et des efforts à réaliser pour maintenir la viabilité financière à long terme des régimes de retraite ne devrait pas constituer un sujet d'étonnement : il revêt au contraire un caractère inéluctable, car il n'existe pas de système d'assurance sociale qui ne soit pas payé par les cotisants. Or, le vieillissement de la population française tend à provoquer une déformation de la pyramide des âges caractérisée par une augmentation inexorable du nombre des personnes âgées tandis que la population d'âge actif commencera bientôt à diminuer. Il a estimé qu'au-delà des précautions oratoires auxquelles la présente audition donne lieu, il serait utile de savoir si certains membres du conseil d'administration de la CNAV ont motivé leur appréciation défavorable sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 par le déficit du régime général.

Sur la question des adossements, il a jugé que le maintien des régimes spéciaux apparaît déjà, en lui-même, scandaleux et que le consommateur sera très probablement mis à contribution pour son financement, comme il l'a déjà été dans le cas des industries électriques et gazières. Pourtant, contrairement à EDF et GDF qui sont des entreprises évoluant désormais dans le secteur concurrentiel et qui disposent à la fois de fonds propres et d'importantes recettes d'activité, la RATP ne constitue qu'un service public local totalement dépendant des fonds publics. Il a jugé choquant que l'ensemble des contribuables nationaux soient amenés à financer le maintien des retraites généreuses de cette entreprise publique, alors même qu'elle n'intervient qu'en Ile-de-France. Il a fait part de son inquiétude quant à la pérennité de ce régime de retraite qui présente une structure aussi déséquilibrée. Il s'est préoccupé des hypothèses démographiques retenues pour déterminer le nombre des retraités futurs, compte tenu de l'évolution favorable du taux de mortalité dans notre pays et des gains d'espérance de vie réalisés. Il a déclaré que la créance que la CNAV est amenée à détenir sur l'Etat, via la soulte dont le paiement sera probablement étalé dans le temps, représente une « illusion parfaite ». Il a considéré que le régime général devrait peut-être même aller jusqu'à provisionner cet engagement.

M. Michel Moïse-Mijon a précisé que le régime spécial de la RATP n'est pas remis en cause par ce schéma d'adossement, et qu'au surplus les agents de cette entreprise publique n'auront aucun contact direct avec le régime général, dans la mesure où une caisse de retraite « ad hoc » sera créée pour réaliser l'interface entre eux et la CNAV. Il a déclaré que rien ne laisse supposer aujourd'hui que le niveau de prestations du régime spécial sera modifié à l'avenir.

M. Nicolas About, président , a observé que le facteur à l'origine de ces opérations d'adossement réside dans l'entrée en vigueur des nouvelles normes comptables internationales qui obligent les entreprises publiques à provisionner désormais dans leurs comptes leurs engagements de retraite, ce qu'elles n'avaient jamais fait auparavant. Ce sont donc ces entreprises publiques elles-mêmes qui sollicitent le montage de ces dispositifs.

Mme Annie Roses, directeur de la retraite et du contentieux , a confirmé que les entreprises publiques, comme EDF, et les établissements publics, comme la RATP, expliquent à la CNAV qu'ils se trouvent placés devant une obligation absolue de déconsolider de leurs bilans ces charges de retraite. Pour autant, les règles de calcul et le niveau des prestations versées par le régime spécial ne seront pas modifiés et l'adossement n'aura pas de conséquence sur le système de compensation démographique.

M. Nicolas About, président , a demandé si la soulte de la RATP sera financée essentiellement par des cotisations ou par le biais d'une subvention d'équilibre.

M. Michel Moïse-Mijon a considéré que les négociations avec la RATP seront probablement difficiles et, dans ce contexte, il a réaffirmé que la CNAV compte sur l'appui du Sénat pour faire valoir ses préoccupations, à commencer par le principe de neutralité de l'opération pour les assurés sociaux du régime général. Il a estimé par ailleurs que l'impact des réformes successives des retraites sur le taux de remplacement des assurés sociaux devra être évalué en 2008, à l'occasion de la première clause de rendez-vous prévue par la loi du 21 août 2005.

En réponse à M. André Lardeux, il a fait valoir que le devoir de réserve auquel il est soumis l'empêche de commenter plus avant la nature déficitaire du régime de retraite de la RATP. Sur la question des raisons qui expliquent les positions adoptées par les délégations composant le conseil d'administration de la CNAV, il a indiqué que, sur la base des procès verbaux, aucun des membres n'a remis en cause le principe même d'un adossement de la RATP, mais que certains d'entre eux ont fait part de leurs très fortes réserves quant aux modalités qui semblaient retenues par les pouvoirs publics, et que tous ont souhaité obtenir des garanties financières solides pour le régime général. Il a reconnu que la CNAV considère avec une certaine appréhension l'évolution possible du dossier de la RATP. Il a, par ailleurs, indiqué que le critère de l'espérance de vie des agents de la RATP n'avait pas fait l'objet d'une étude distincte de celle de l'ensemble de la population française ; en revanche, la structure familiale spécifique des personnels de l'entreprise a bel et bien été prise en compte, dans la mesure où ils ont moins d'enfants que la moyenne nationale. Il n'a pas souhaité non plus commenter la remarque d'André Lardeux, jugeant qu'une créance sur l'Etat constitue une « illusion parfaite », car il s'agit à tout le moins d'une affirmation très grave.

M. André Lardeux a reconnu toute la gravité de cette appréciation, et a maintenu sa véracité : en sa qualité d'ancien professeur d'histoire, d'une part, et d'ancien président de conseil général, d'autre part, il est en mesure d'affirmer que « l'Etat n'a ni parole, ni signature ».

* 1 Pour reprendre les termes de Philippe Seguin, Premier président de la Cour des comptes, lors de son audition par la commission, le 11 octobre 2005, sur le rapport annuel consacré à l'application des lois de financement de la sécurité sociale.

* 2 Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale.

* 3 Cf. rapport de la Cour des comptes de septembre 2005 consacré à la sécurité sociale, p. 97.

* 4 Rapport d'information de Alain Vasselle n° 1001 - Le fonds de réserve des retraites (session 2000-2001).

* 5 Cf. enquête sur les forces de travail publiée le 8 septembre 2005 par Eurostat.

* 6 La chimie, l'agroalimentaire, le papier-carton, les instruments à écrire, les carrières et matériaux, la presse, la banque, la plasturgie, le bâtiment et les travaux publics, le textile, l'industrie du verre, l'imprimerie graphique, le caoutchouc, les tuiles et briques, les industries laitières, les centres d'insémination animale, les bureaux d'étude et sociétés de conseil, la production des eaux et boissons sans alcool, la fédération des cristalleries, les verreries à la main et mixtes, les industries charcutières, la chaussure, le bétail et viandes de boucherie...

* 7 DARES - Premières informations et premières synthèses, novembre 1002, n° 35-1.

* 8 Cette disposition n'est pas encore applicable en l'absence de publication de décret d'application.

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