B. LES DIFFÉRENTES FORMULES DE CESSATION PRÉCOCE D'ACTIVITÉ

La loi du 21 août 2003 a marqué une inflexion sensible de la politique publique en matière de cessation précoce d'activité. Mais paradoxalement, l'impact de ces mesures s'est trouvé immédiatement amoindri par l'effet contraire du dispositif des carrières longues qui pourrait se traduire, d'ici à 2008, par 500.000 départs en retraite avancée avant l'âge de soixante ans. En outre, la persistance d'un taux de chômage significatif, même s'il est désormais en diminution, explique le maintien mezzo voce d'une politique de retrait d'activité.

1. Les préretraites publiques

Les allocations spéciales du Fonds national de l'emploi (FNE) (ASFNE)

Les conventions d'allocations spéciales licenciement du FNE permettent, dans le cadre d'une procédure de licenciement économique et sur la base d'une convention entre l'Etat et l'entreprise, d'assurer, un revenu de remplacement aux salariés âgés dont l'emploi est supprimé et dont les perspectives de reclassement sont réduites, jusqu'à ce qu'ils puissent faire valoir leurs droits à la retraite.

Pour en bénéficier, le salarié doit adhérer volontairement à la convention s'il remplit les conditions d'âge (au moins cinquante-sept ans, par dérogation cinquante-six ans), d'ancienneté dans l'entreprise (au moins un an), de durée de cotisation (au moins dix ans d'appartenance à un ou plusieurs régimes de sécurité sociale) et n'exerce plus d'activité professionnelle.

L'allocation spéciale versée aux allocataires est égale à 65 % du salaire brut de référence, dans la limite du plafond retenu pour le calcul des cotisations de sécurité sociale et à 50 % du salaire brut de référence pour la part du salaire comprise entre une et deux fois ce plafond. Le versement de cette allocation est assuré jusqu'à soixante ans ou au-delà, le temps nécessaire à l'obtention du nombre de trimestres de cotisations nécessaires à la liquidation de la retraite à taux plein, sans que cette allocation puisse être versée au-delà de soixante-cinq ans.

Depuis 2002, le nombre de nouveaux bénéficiaires de cette mesure diminue. Il était d'environ 7.000 en 2002 et 2003, et s'est infléchi en 2004 (4.855 entrées) ; la tendance se confirme sur les six premiers mois de 2005, avec seulement 2.041 entrées.

Le nombre total d'allocataires indemnisés au titre de l'ASFNE s'élève ainsi à 25.523 au 31 décembre 2004 et à 27.472 en moyenne annuelle sur 2004, ce qui représente une diminution de 18 % par rapport à 2003 . La participation financière des entreprises qui dépend du plan social, de la taille de l'entreprise et de sa capacité contributive, a en moyenne doublé depuis 2003, ce qui explique ces résultats.

Les préretraites progressives

La loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites a prévu la suppression de ce dispositif créé au début des années 1980, et ce à compter du 1 er janvier 2005. Il n'est donc plus possible de signer de nouvelles conventions de préretraite progressive.

L'Etat verse aux salariés en préretraite progressive une allocation égale à 30 % de leur salaire brut de temps plein dans la limite du plafond de la sécurité sociale et 25 % pour la part de ce salaire comprise entre une fois et deux fois ce plafond.

En 2002 et 2003, les entrées en préretraite progressive avaient sensiblement augmenté (15.102 en 2002 et 15.940 en 2003) ; elles ont diminué de moitié en 2004 (7.725) à la suite du renchérissement du coût du dispositif pour les entreprises. Cette baisse s'amplifie au premier semestre 2005, avec seulement 3.333 entrées contre 4.637 pour la même période de 2004. Elle devrait se poursuivre puisque les entrées enregistrées actuellement se font dans le cadre des conventions signées en 2004.

La cessation anticipée d'activité de certains travailleurs salariés

Le dispositif de cessation anticipée d'activité des travailleurs salariés (CATS) correspond à une logique différente de celle des ASFNE : il repose sur la négociation collective et permet de faire bénéficier d'une cessation totale ou partielle d'activité à partir de cinquante-cinq ans certains salariés soumis à des conditions particulièrement pénibles de travail. Le financement est majoritairement assuré par les entreprises (entre 50 et 80 %), le solde étant pris en charge par l'Etat.

Parallèlement, les conventions CATS peuvent prévoir des départs dès cinquante-cinq ans à des salariés ne répondant pas aux conditions de pénibilité. Dans ce cas, les entreprises bénéficient d'exonérations de cotisations sociales sur les allocations versées, mais l'Etat ne participe pas au financement des allocations.

La réforme des retraites de 2003 a prévu un recentrage du dispositif CATS sur son volet pénibilité en supprimant l'exonération de cotisations des entreprises dans les autres cas. Cette disposition est entrée en vigueur avec la parution du décret du 27 janvier 2005 qui prévoit également que l'Etat ne prend plus en charge les cotisations de retraite complémentaire des salariés ayant adhéré à des conventions CATS signées après son entrée en vigueur.

La mise en oeuvre d'une disposition CATS n'est possible que s'il existe un accord professionnel national.

Outre l'accord professionnel du 26 juillet 1999 de l'Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM), complété par trois avenants des 1 er mars 2001, 24 octobre 2001 et 10 juillet 2002, d'autres accords professionnels organisant une cessation d'activité ont été conclus entre 2000 et 2003, dans des secteurs très divers 6 ( * ) . Au total, jusqu'à mi-2005, une quarantaine d'accords de branche et environ 650 conventions ont été conclus.

Selon l'Unedic, on dénombrait, en 2004, un flux de 14.807 nouvelles adhésions au dispositif, dont 8.919 salariés pour lesquels l'allocation a été prise en charge partiellement par l'Etat. Le nombre moyen des bénéficiaires s'établissait ainsi à 36.116 allocataires, dont 23.905 pris en charge par l'Etat.

La cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante

Ce dispositif a été créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999. Il permet la mise en préretraite des personnes qui répondent aux conditions suivantes :

- avoir contracté une maladie professionnelle liée à l'amiante, le départ pouvant avoir lieu dès l'âge de cinquante ans ;

-  travailler ou avoir travaillé dans un établissement à risque élevé d'exposition à l'amiante dont la liste est fixée par arrêté. L'âge de départ autorisé est calculé en fonction de la durée d'activité dans ces établissements mais il ne peut être inférieur à cinquante ans.

A la fin de l'année 2003, 25.710 personnes ont bénéficié de cette préretraite, dont 2.708 victimes de maladie professionnelle.

2. Les préretraites d'entreprise

Le Gouvernement ne dispose pas d'informations statistiques sur les préretraites d'entreprise qui ne font pas appel aux financements publics. Elles sont toutefois largement développées.

Comme l'a souligné la direction de l'animation, de la recherche, des études et des statistiques (Dares) : « Les entreprises préfèrent les préretraites d'entreprise aux préretraites aidées par l'Etat pour deux raisons : grâce à elles, elles peuvent, d'une part, élargir la cessation anticipée d'activité à d'autres tranches d'âge que celles concernées par les dispositifs publics et, d'autre part, afficher une politique sociale propre à leur établissement. La préretraite privée permet également à une bonne moitié des établissements de conserver les préretraités maison parmi les effectifs de leurs salariés, ce que ne permettent pas les préretraites publiques puisque leur mise en place entraîne la rupture, immédiate ou légèrement différée, du contrat de travail. Cette souplesse rend possible le rappel de ces anciens salariés dans le cas de circonstances exceptionnelles » 7 ( * ) .

3. La dispense de recherche d'emploi pour les chômeurs âgés

Les allocataires de l'assurance chômage âgés de cinquante-sept ans et demi ou, s'ils justifient de 160 trimestres d'assurance vieillesse, dès l'âge de cinquante-cinq ans, peuvent bénéficier d'une dispense de recherche d'emploi. Les allocataires du régime de solidarité en bénéficient dès cinquante-cinq ans.

Au 31 août 2005, le nombre de demandeurs d'emploi dispensés de recherche d'emploi s'élevait à 403.921 ainsi répartis :

Allocation

Août 2004

Août 2005

Evol. annuelle en %

Allocation d'aide au retour à l'emploi (ARE)

273.663

270.142

- 1,3

Allocation de solidarité spécifique (ASS)

100.866

99.405

- 1,4

Allocation équivalent retraite (AER)

27.326

34.374

25,8

Total

401.855

403.921

0,5

On constate que l'évolution du nombre des personnes dispensées de recherche d'activité ne marque aucun retournement de tendance depuis l'entrée en vigueur de la réforme des retraites, tout juste une amorce de stabilisation à un niveau très élevé : 387.988 en juillet 2003, 400.266 en décembre de la même année, 393.884 en juin 2004, 408.953 en décembre 2004 et 405.115 encore en juin 2005.

4. Les départs précoces dans la fonction publique

Dans le régime des pensions civiles de retraite des fonctionnaires de l'Etat, l'ouverture des droits à pension est soumise à une condition d'âge minimum de soixante ans. Mais cette règle générale connaît trois exceptions majeures, ayant pour conséquence que plus de sept fonctionnaires sur dix cessent leur activité avant cet âge . Il s'agit :

- de l'absence de condition d'âge minimum pour les mères d'au moins trois enfants (mesure étendue en 2005 aux pères ayant interrompu leur activité professionnelle pendant au moins deux mois à l'occasion de la naissance de leurs enfants) ;

- de l'abaissement de l'âge minimum à cinquante-cinq ans pour les fonctionnaires ayant accompli quinze ans de services actifs ;

- de l'abaissement de l'âge minimum à cinquante ans pour les fonctionnaires pouvant bénéficier de la bonification dite du cinquième, avec quinze ans de services actifs.


Extraits du rapport public particulier de la Cour des comptes sur les pensions des fonctionnaires civils de l'Etat : « L'âge moyen de départ en retraite dans la fonction publique est nettement inférieur à soixante ans »

« Toutes les données disponibles montrent que, dans leur très grande majorité, les fonctionnaires privilégient une retraite précoce en utilisant pleinement toutes les possibilités qui leur sont offertes par la réglementation. (...)

De ce fait, l'âge moyen de départ en retraite, tous motifs de liquidation confondus, a été, pour les nouveaux retraités de 2001, de 57,35 ans. Cette moyenne a été tirée vers le bas par le nombre très important d'agents publics (20.056, soit 34,9 % du flux 2001) prenant une retraite au titre des services dits « actifs » (54,85 ans en moyenne).

Parmi les autres retraités dits « sédentaires », pour lesquels la réglementation impose normalement un départ à soixante ans, de très nombreux agents partent en retraite avant soixante ans ou bénéficient de dispositifs de préretraite attractifs.

Les départs avant soixante ans correspondent, d'une part, aux agents bénéficiaires de pensions d'invalidité (4.228 cas en 2001, soit 7,4 % du flux 2001 avec un âge moyen à la radiation de 53,35 ans), d'autre part, aux mères de famille ayant élevé au moins trois enfants qui, au titre de l'article L. 24-3, sont parties en retraite en 2001 à un âge moyen de 51,69 ans (5.096 fonctionnaires, soit 8,9 % du flux 2001).

Les départs imposés à soixante ans révolus concernent, quant à eux, les cessations progressives d'activité (CPA) et les congés de fin d'activité (CFA). Conçus dans un objectif initial d'amélioration de l'emploi public, ces deux dispositifs, mis en place respectivement à partir de 1982 et de 1996, se sont révélés très attractifs pour leurs bénéficiaires : en 2001, 12.677 nouveaux retraités étaient antérieurement bénéficiaires d'un CFA ou d'une CPA, soit 22 % du flux de nouveaux retraités de l'année.

Au total, les agents sédentaires ayant utilisé les possibilités de départ en retraite avant soixante ans (cas d'invalidité, mères de famille d'au moins trois enfants) ou à soixante ans (mais à l'issue d'un dispositif de cessation progressive ou totale d'activité) représentent donc plus de 38 % de l'ensemble des retraités de 2001.

La prise en compte de toutes ces situations particulières résultant de la réglementation en vigueur fait que, en définitive, seule une minorité d'agents (15.336, soit 26 % du flux 2001) est susceptible de cesser totalement son activité pour prendre sa retraite à partir de soixante ans, soit parce qu'elle ne peut pas partir avant soixante ans, soit parce qu'elle n'a pas utilisé, notamment pour des raisons financières, les formules de préretraite existantes. »

Avril 2003

En définitive, l'âge moyen du départ en retraite dans la fonction publique intervient à :

Hommes

Femmes

Moyenne

Fonction publique d'Etat (personnels civils)

57,6 ans

57 ans

57,25 ans

Fonctionnaires militaires

45,3 ans

42,3 ans

44,9 ans

Fonction publique territoriale

58,8 ans

56,8 ans

57,6 ans

Fonction publique hospitalière

57,5 ans

53,9 ans

54 ans

Source : annexe PLF 2005 - Ministère des finances

Fondement des retraites chez les fonctionnaires civils de l'Etat

Flux 2001

Motif

Nombre

%

Services actifs

20.056

34,9

Invalidité

4.228

7,4

Départ anticipé des mères de famille de trois enfants

5.096

8,9

Congés de fin d'activité (CFA)

7.652

13,3

Congés de fin de carrière (CFC)

1.415

2,5

Cessation progressive d'activité (CPA)

3.610

6,2

Fonctionnaires sédentaires (départ à 60 ans)

15.336

26,7

TOTAL

57.393

100,0

Source : Cour des comptes

* 6 La chimie, l'agroalimentaire, le papier-carton, les instruments à écrire, les carrières et matériaux, la presse, la banque, la plasturgie, le bâtiment et les travaux publics, le textile, l'industrie du verre, l'imprimerie graphique, le caoutchouc, les tuiles et briques, les industries laitières, les centres d'insémination animale, les bureaux d'étude et sociétés de conseil, la production des eaux et boissons sans alcool, la fédération des cristalleries, les verreries à la main et mixtes, les industries charcutières, la chaussure, le bétail et viandes de boucherie...

* 7 DARES - Premières informations et premières synthèses, novembre 1002, n° 35-1.

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