III. LA NÉGOCIATION ENTRE PARTENAIRES SOCIAUX DOIT PERMETTRE DE PROLONGER LES RÉFORMES ENTREPRISES

L'Etat a pris plusieurs initiatives, dans la période récente, pour contribuer à la rénovation de la branche AT-MP et pour renforcer la prévention des risques professionnels.

Les partenaires sociaux ont annoncé, pour leur part, qu'ils allaient engager, dans les toutes prochaines semaines, une négociation en vue d'une réforme globale de la branche. Tout en étant respectueuse de l'autonomie des partenaires sociaux, votre commission souhaite qu'elle aboutisse à une réforme ambitieuse, qui ne néglige ni les questions relatives à la gouvernance, ni celles relatives à la tarification ou aux modalités de la réparation.

Elle juge également utile de procéder à une réforme des fonds de l'amiante, qui devrait s'inspirer des recommandations de la mission d'information du Sénat sur le bilan et les conséquences de la contamination par l'amiante, enrichies des diverses réflexions en cours 4 ( * ) .

A. PLUSIEURS RÉFORMES SONT DÉJÀ ENGAGÉES

1. Le début de la mise en oeuvre de la convention d'objectifs et de gestion

L'article 56 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 a permis à l'Etat et à la branche AT-MP de conclure une convention d'objectifs et de gestion (COG).

Votre commission avait alors approuvé cette initiative, voyant dans la COG un instrument utile d'accompagnement de la modernisation de l'activité de la branche, par la redéfinition des objectifs prioritaires et la programmation des moyens, et un cadre adapté pour préciser les engagements réciproques de la branche et de l'Etat dans une logique pluriannuelle.

Une quinzaine de réunions de travail et cinq séminaires de la commission accidents du travail et maladies professionnelles de la CNAM ont permis de négocier un projet de convention, achevé en avril 2004.

Or, votre commission constate que la convention n'a finalement été signée par l'Etat qu'en février 2005, soit dix mois après l'achèvement de la négociation. Ce retard, inexplicable, complique la mise en oeuvre de la COG, qui couvre la période 2004-2006 : la caisse devra donc s'efforcer de réaliser, dans les deux ans restant à courir, l'ensemble des actions visées par la convention. Il faut souhaiter que les changements s'opéreront dans de bonnes conditions, en dépit de l'accélération imposée du rythme de mise en oeuvre des réformes.

La convention se décline autour de six objectifs principaux :

- la prévention des risques professionnels : notamment l'actualisation du programme pluriannuel d'actions de prévention mis en oeuvre par la branche via le réseau des caisses régionales d'assurance maladie (CRAM) et l'Institut national de recherche et de sécurité (INRS) et par une participation plus étroite aux priorités de l'action gouvernementale, telles que la prévention du risque routier ou la lutte contre le cancer ;

- la modernisation de la branche : en menant des études pour simplifier la tarification des risques professionnels par une réduction du nombre d'éléments pris en compte pour son calcul et en améliorant le système statistique de la branche pour une meilleure connaissance du risque professionnel et un meilleur pilotage du réseau ;

- l'élargissement de la gamme des services offerts par la branche : l'indemnisation doit désormais être complétée par un accompagnement individualisé des victimes, sur le plan médical, mais aussi en vue de leur réinsertion professionnelle, et par une meilleure information des médecins traitants sur les risques professionnels ;

- l'amélioration de la qualité de service : par la simplification de la réglementation et des procédures et par une plus grande homogénéisation de la gestion des risques professionnels sur le territoire ; les délais de traitement des dossiers doivent être réduits et les victimes et les employeurs mieux informés de leur situation ;

- la participation de la branche AT-MP à l'amélioration de la qualité des services de base partagés avec la branche maladie : les engagements communs aux deux branches doivent à l'avenir être définis conjointement ;

- la clarification et la dynamisation de la gestion budgétaire de la branche : le financement du Fonds national de prévention des accidents du travail et maladies professionnelles (FNPATMP) doit devenir plus prévisible ; la contribution de la branche au financement des frais de gestion supportés par la CNAM est précisée.

Ces orientations paraissent très positives à votre commission, qui observe qu'elles répondent, pour bon nombre d'entre elles, aux propositions qu'elle avait elle-même avancées ces dernières années.

2. Le renforcement de la prévention des risques professionnels

C'est également au mois de février 2005 que le Gouvernement a dévoilé le contenu du Plan santé au travail, dont il n'avait été possible, l'an dernier, que d'esquisser les grandes orientations.

Ce plan couvre la période 2005-2009 et se décline en vingt-trois actions, organisées autour de quatre objectifs structurants.

a) Améliorer la connaissance des dangers, des risques et des expositions nocives en milieu professionnel

A cette fin, les compétences de l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale (Afsse) ont été élargies aux questions de santé au travail. Désormais dénommée Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (Afsset), elle bénéficiera l'an prochain d'une dotation de 8,6 millions d'euros, qui lui permettra, notamment, de recruter dix ingénieurs de haut niveau, avec l'objectif de disposer de cinquante spécialistes fin 2009. L'institut de veille sanitaire (InVS) verra également ses moyens renforcés et engagera avec l'Afsset des recherches dans des domaines prioritaires, tels que l'évaluation des risques associés à l'exposition à certaines substances (fibres minérales artificielles, éthers de glycol...) et la surveillance de l'état de santé des travailleurs.

Le ministère chargé de la recherche entend par ailleurs constituer des « pôles scientifiques pluridisciplinaires », afin de favoriser le rapprochement entre laboratoires, universités et grandes écoles et améliorer notre connaissance des risques professionnels.

Des allocations de recherche seront attribuées afin d'orienter un plus grand nombre de jeunes diplômés vers les questions de santé au travail et une trentaine de postes de chercheurs ou d'enseignants-chercheurs seront attribués sur les différents domaines et disciplines concernés.

La formation des professionnels de santé aux enjeux de la santé au travail sera également renforcée, au moment de leur formation initiale, puis tout au long de leur carrière professionnelle.

b) Renforcer l'effectivité des contrôles

Les inspecteurs et contrôleurs du travail manquent parfois des connaissances techniques spécialisées requises pour une prévention efficace des risques professionnels. C'est pourquoi le plan prévoit la création de « cellules régionales pluridisciplinaires » - composées d'ingénieurs, de médecins du travail et de directeurs adjoints du travail - qui leur apporteront un soutien scientifique, technique et méthodologique approprié.

Afin de mieux cibler les contrôles, des plans d'action territoriaux seront élaborés à partir des observations recueillies par les inspecteurs et contrôleurs du travail, par priorité dans les bassins d'emplois présentant une forte concentration d'industries à risques.

Il est également prévu de renforcer la formation initiale et continue des agents des corps de contrôle en matière de santé et de sécurité au travail.

c) Réformer les instances de pilotage et décloisonner les administrations

Le plan prévoit d'améliorer la coordination entre les différentes administrations compétentes en matière de santé et de sécurité au travail, grâce notamment à la réunion régulière d'une commission interministérielle d'orientations stratégiques de la protection contre les risques professionnels.

Le Conseil supérieur de la prévention des risques professionnels (CSPRP) doit être réformé pour devenir un véritable lieu de concertation entre l'Etat et les partenaires sociaux, relayé, au niveau régional, par une nouvelle instance de dialogue et d'échanges.

Une simplification de la réglementation technique est également annoncée.

d) Encourager les entreprises à être acteur de la santé au travail

Un groupe de réflexion doit remettre un rapport au cours du premier semestre 2006 au sujet de la réforme des notions d'aptitude et d'inaptitude au poste de travail ou à l'emploi. Ses propositions serviront de base à un travail de concertation avec les partenaires concernés.

Un autre groupe de travail doit également évaluer les possibilités de réforme de la tarification des cotisations d'accidents du travail et de maladies professionnelles.

Les pouvoirs publics entendent encourager les entreprises à adopter des procédés protecteurs des salariés et les aider à mieux évaluer les risques. Ils souhaitent promouvoir l'action des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et favoriser la substitution des substances cancérigènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction humaine par des substances inoffensives ou, à défaut, moins dangereuses.

Votre commission partage les objectifs énoncés par le Gouvernement dans le Plan santé au travail et souhaite que le renforcement des moyens humains et matériels nécessaires à sa mise en oeuvre soit vérifié dans la durée. La volonté d'apporter un appui technique aux agents de contrôle, dont la formation est généraliste, apparaît particulièrement bienvenue. Elle observe cependant que d'importants champs de réflexion, concernant par exemple la réforme de la tarification ou la notion d'aptitude au travail, ne sont encore qu'ébauchés et doivent faire l'objet de travaux complémentaires, à moins que les partenaires sociaux ne s'en saisissent à l'occasion des négociations qui s'annoncent.

* 4 5 Cf. Rapport d'information n° 37, « Le drame de l'amiante en France. Comprendre, mieux réparer, en tirer des leçons pour l'avenir », 2005-2006.

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