Rapport n° 117 (2005-2006) de M. Jean-Patrick COURTOIS , fait au nom de la commission des lois, déposé le 6 décembre 2005

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N° 117

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2005-2006

Annexe au procès-verbal de la séance du 6 décembre 2005

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Lois (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, APRÈS DÉCLARATION D'URGENCE, relatif à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers ,

Par M. Jean-Patrick COURTOIS,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Jacques Hyest, président ; MM. Patrice Gélard, Bernard Saugey, Jean-Claude Peyronnet, François Zocchetto, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Georges Othily, vice-présidents ; MM. Christian Cointat, Pierre Jarlier, Jacques Mahéas, Simon Sutour, secrétaires ; M. Nicolas Alfonsi, Mme Michèle André, M. Philippe Arnaud, Mme Eliane Assassi, MM. Robert Badinter, José Balarello, Laurent Béteille, Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. François-Noël Buffet, Christian Cambon, Marcel-Pierre Cléach, Pierre-Yves Collombat, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Yves Détraigne, Michel Dreyfus-Schmidt, Pierre Fauchon, Gaston Flosse, Bernard Frimat, René Garrec, Jean-Claude Gaudin, Charles Gautier, Philippe Goujon, Mme Jacqueline Gourault, MM. Charles Guené, Jean-René Lecerf, Mme Josiane Mathon, MM. Hugues Portelli, Henri de Richemont, Jean-Pierre Sueur, Mme Catherine Troendle, MM. Alex Türk, Jean-Paul Virapoullé, Richard Yung.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 12 ème législ.) : 2615, 2681 et T.A. 506

Sénat : 109 (2005-2006)

Sécurité.

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Réunie le mardi 6 décembre 2005 sous la présidence de M. Jean-Jacques Hyest, président, la commission a examiné, sur le rapport de M. Jean-Patrick Courtois, le projet de loi n° 109 (2005-2006), adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers.

Après avoir décrit le modèle français de lutte antiterroriste et souligné la nécessité de l'adapter aux évolutions récentes du terrorisme tout en préservant les grands principes qui font sa force, en particulier le vote du juge, le rapporteur a présenté le projet de loi. Il a estimé que ce texte parvenait à concilier ces différentes préoccupations.

La commission a adopté 31 amendements tendant notamment à :

- préciser les modalités d'habilitation et de désignation des agents autorisés à accéder à certaines données (articles 1er, 5, 6 et additionnel après l'article 15) ;

- permettre de sanctionner pénalement une personne qui installerait ou maintiendrait sans autorisation un système de vidéosurveillance, même dans le cas où ce système n'enregistre pas les images (article 1er) ;

- rétablir la rédaction initiale du projet de loi sur les finalités au nom desquelles une réquisition administrative de données techniques peut être demandée (article 5) ;

- instituer une cour d'assises composée uniquement de magistrats professionnels dont deux juges des enfants pour le jugement des mineurs accusés d'actes de terrorisme ( article additionnel après l'article 10 ) ;

- étendre le délit de non justification de ressources correspondant au train de vie aux personnes en relations habituelles avec des individus se livrant à des infractions punies d'au moins cinq ans d'emprisonnement ( article additionnel après l'article 12 ) ;

- renforcer le contrôle des préfets lors de la délivrance des agréments et habilitations aux entreprises de sécurité privée et à leurs employés (article additionnel avant le chapitre VII) ;

- créer une procédure d'agrément, précédée d'une enquête administrative, des personnes ayant accès aux lieux de stockage et de conditionnement des biens utilisés à bords des aéronefs, du fret et des colis postaux lorsque ces lieux se trouvent en dehors des zones réservées des aérodromes (article additionnel avant le chapitre VII) .

Sous réserve de ces amendements, la commission des lois a proposé l'adoption du projet de loi.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers a été présenté en Conseil des ministres le 26 octobre 2005. L'urgence a été déclarée.

L'Assemblée nationale a adopté ce texte en première lecture le mardi 29 novembre 2005. Comportant initialement quinze articles répartis en huit chapitres, le projet de loi se compose désormais de vingt-sept articles répartis en dix chapitres.

Débattu dans un esprit constructif et de relatif consensus à l'Assemblée nationale, ce projet de loi s'inscrit dans la continuité des textes successifs adoptés en matière de lutte contre le terrorisme depuis la loi du 9 septembre 1986.

« Le pari français », pour reprendre l'expression de M. Jean-Louis Bruguière, premier vice-président du tribunal de grande instance de Paris, est de parvenir à concilier légalité et efficacité. Chaque Gouvernement a su emprunter ce chemin étroit qui consiste à ne pas franchir la ligne jaune tout en s'adaptant perpétuellement à l'évolution de la menace afin de garder un temps d'avance sur les terroristes.

Cette double exigence, le Conseil constitutionnel la conserve en permanence à l'esprit. Selon une jurisprudence bien établie, « la prévention d'atteintes à l'ordre public, notamment d'atteintes à la sécurité des personnes et des biens, et la recherche des auteurs d'infractions, sont nécessaires à la sauvegarde de principes et droits à valeur constitutionnelle » et « il appartient au législateur d'assurer la conciliation entre ces objectifs de valeur constitutionnelle et l'exercice des libertés publiques constitutionnellement garanties au nombre desquelles figurent la liberté individuelle et la liberté d'aller et venir ainsi que l'inviolabilité du domicile » 1 ( * ) .

Empruntant cette voie étroite, les législateurs successifs se sont attachés à ne jamais s'éloigner d'une ligne de conduite : maintenir le juge au coeur de la lutte antiterroriste. A ce principe, il faut ajouter le souci de ne jamais basculer dans une justice d'exception. Ce choix politique est fondamental car il maintient la lutte contre le terrorisme dans le cadre de l'état de droit et de la démocratie.

Certains pays ont, sous la pression des événements, adopté de véritables législations d'exception lesquelles ont d'ailleurs parfois été contestées par leurs propres juridictions suprêmes. Or, lorsqu'elle écarte le juge, la démarche de sécurité peut adopter une logique purement administrative et opérationnelle, basée sur des actions de force et des internements sans jugements, dans le cadre desquels les droits de la défense sont fortement réduits.

La tentation est en effet grande pour un Etat, quel qu'il soit, de répondre à cette guerre du terrorisme par des méthodes empruntant précisément à une logique de guerre. Or, une telle réaction serait faire preuve d'une incompréhension de la nature profonde du terrorisme.

Certes, depuis les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, le terrorisme a changé d'échelle. Le terrorisme islamiste cherche à faire le maximum de dégâts et à tuer le plus grand nombre de personnes. La menace NRBC 2 ( * ) ajoute encore à cette volonté de destruction de masse. C'est en ce sens que l'on peut parler d'une guerre terroriste.

Néanmoins, ce changement d'échelle ne doit pas faire perdre de vue que le principal objectif des terroristes n'est pas de détruire ou de tuer mais de déstabiliser les Etats et les sociétés démocratiques en les poussant à renoncer aux valeurs de liberté et de démocratie. Yves Mayaud affirme que « là se situe toute la finalité du terrorisme qui en fait une criminalité très particulière, à base de conception, d'organisation et de réalisation d'infractions dont l'effet doit dépasser les victimes directes, telle une réaction en chaîne, pour atteindre la collectivité dans son ensemble » 3 ( * ) . En s'écartant du respect de l'état de droit, un gouvernement ferait précisément le jeu de ses adversaires.

Au crédit de ces entorses aux principes de liberté et de respect des droits de la défense pourraient être invoqués des gains en termes d'efficacité opérationnelle. Mais là encore, le modèle français reconnu par l'ensemble de nos partenaires et alliés comme un exemple à suivre démontre que l'efficacité n'est pas incompatible avec la légalité. Plus encore, en respectant la légalité, la lutte antiterroriste gagne en légitimité et donc en efficacité si l'on se place dans une perspective stratégique de long terme.

Le présent projet de loi réaffirme ce choix juridique, philosophique et stratégique tout en adaptant le dispositif français à l'évolution de la menace terroriste.

I. LE DISPOSITIF FRANÇAIS : UN SYSTÈME PERFORMANT SOUS LE CONTRÔLE DU JUGE

A. UNE MENACE TERRORISTE ANCIENNE, PROTÉIFORME ET PERSISTANTE

1. Une expérience ancienne du terrorisme

Depuis presque trente ans, la France doit faire face au terrorisme. Pour être exact, il convient de parler plutôt de terrorismes tant les motivations et les modes opératoires peuvent être différents.

La France est d'abord confrontée à un terrorisme d'origine interne qui est quantitativement le plus important en nombre d'actes terroristes même s'il est très rarement meurtrier.

La Corse connaît depuis les années 1970 une violence de forte intensité, d'inspiration nationaliste mais aussi de droit commun, la frontière entre ces deux formes de criminalité étant parfois difficile à établir ainsi que le démontrent les enquêtes judiciaires.

L'organisation basque « ETA » mobilise également l'action des services antiterroristes, et plus particulièrement depuis quelques années. Bien que peu d'actions terroristes aient été menées sur le territoire français 4 ( * ) , celui-ci a longtemps servi de base arrière à l' « ETA » pour organiser des attentats sur le sol espagnol. La période récente a été marquée par le ralentissement des actions d' « ETA » en Espagne à la suite des nombreuses interpellations intervenues des deux côtés des Pyrénées et des opérations de police menées contre les appareils de directions politique, militaire, logistique et international de l'organisation implantés en France, qui ont permis la mise à jour d'importantes caches de matériels destinés à la lutte armée.

Doivent également être évoquées les terrorismes politiques d'extrême-gauche et d'extrême-droite.

Au cours de cette même période, la France a été concomitamment confrontée à un terrorisme d'origine externe .

Au cours des années 70 et 80, dans le contexte de la guerre froide, des organisations pro palestiniennes avaient déjà mené des actions terroristes sur le territoire français, notamment contre des cibles juives. Ont ensuite suivi deux vagues d'attentats en 1985-1986 et 1995-1996, la première ayant été commanditée par des Etats étrangers, la seconde par le Groupement islamique armé algérien (GIA) lié au mouvement fondamentaliste islamiste.

ATTENTATS TERRORISTES D'ORIGINE NON NATIONALE
COMMIS EN FRANCE DEPUIS 1985

Attentats de 1985-1986

07/12/85 :

Galeries Lafayette (37 blessés)

Printemps (5 blessés)

03/02/86 :

Tour Eiffel (pas de victime)

Galerie du Claridge (8 blessés)

04/02/86 :

Librairie Joseph Gibert (7 blessés)

05/02/86 :

Fnac Sport (32 blessés)

17/03/86 :

TGV Paris-Lyon (5 blessés)

20/03/96 :

Galerie Elysée-Point Show (2 morts et 4 blessés)

RER Châtelet (pas de victime)

04/09/86 :

RER Gare de Lyon (pas de victime)

08/09/86 :

Bureau de poste de l'Hôtel de Ville (1 mort et 22 blessés)

12/09/86 :

Cafétéria La Défense (54 blessés)

14/09/86 :

Pub Renault (2 morts et 1 blessé)

15/09/86 :

Préfecture de police (1 mort et 60 blessés)

17/09/86 :

Magasin Tati (7 morts et 54 blessés)

Attentats de 1995-1996

11/07/95 :

Double assassinat de la rue Myrha (Paris XVIIIe)

25/07/95 :

Station RER St-Michel (7 morts et 85 blessés)

17/08/95 :

Avenue de Friedland (17 blessés)

26/08/95 :

TGV Lyon-Paris (pas de victime)

03/09/95 :

Marché Richard Lenoir (3 blessés)

04/09/95 :

Sanisette place Charles Vallin (pas de victime)

07/09/95 :

Voiture piégée devant une école israélite à Villeurbanne (30 blessés)

06/10/95 :

Station de métro Maison Blanche (10 blessés)

17/10/95 :

RER station Musée d'Orsay (4 morts et 29 blessés)

3/12/96 :

RER station Port-Royal (4 morts, 170 blessés)

Source : rapport d'information de MM. Quilès, Galy-Dejean et Grasset au nom de la commission de la défense sur les conséquences pour la France des attentats du 11 septembre 2001 (AN n° 3460-XIème législature).

Depuis l'attentat du RER à la station Port-Royal le 3 décembre 1996, le sol français n'a pas été touché par le terrorisme international. Toutefois, les intérêts français ont été visés à plusieurs reprises à l'étranger, notamment à Karachi lors de l'attentat suicide du 8 mai 2002 contre les agents de la DCN ou l'attaque contre le pétrolier Limburg au large du Yémen le 6 octobre 2002. Des ressortissants français ont également été les victimes d'attentats qui ne visaient pas spécifiquement les intérêts français.

Ce caractère protéiforme de la menace terroriste en France a conduit à mettre en place un système de lutte antiterroriste spécialisé mais suffisamment souple pour s'adapter à la diversité des modes opératoires et des organisations terroristes.

2. Une menace persistante et forte

Pour l'année 2004, le nombre total d'actions violentes à caractère terroriste constaté s'est élevé à 259 contre 337 l'année précédente, ce qui constitue une nette diminution (- 23,14 %). Pour le premier semestre 2005, ce chiffre s'élève à 129 laissant présumer pour l'année en cours une certaine stabilisation de cette baisse. Cette violence est imputable, pour plus de 85 % du total en 2004 et au début de l'année 2005, au terrorisme corse.

Aucun attentat lié au séparatisme basque n'a été revendiqué en 2004, mais ce type d'activisme demeure important eu égard au grand nombre d'" etarras " arrêtés en France et de réseaux logistiques, auteurs de multiples infractions, mis à jour au cours de l'année écoulée.

Toutefois, ces chiffres ne rendent pas compte de la réalité de la menace terroriste en France . En effet, si aucun attentat terroriste d'origine extérieure n'a eu lieu depuis 1996, la menace liée au terrorisme d'inspiration islamiste n'a jamais faibli. Selon l'ensemble des autorités administratives et judiciaires entendues par votre rapporteur, la menace terroriste islamiste sunnite, qui puise ses fondements idéologiques dans la rhétorique jihadiste d'Al Qaïda, apparaît comme la plus préoccupante et la plus globale.

La France fait partie des principales cibles. Considérée comme un pays « mécréant » appartenant au monde ennemi des « juifs et des croisés » selon la terminologie usitée par Al Qaïda, la France est menacée plus particulièrement en raison de la loi du 15 mars 2004 sur le port de signes religieux à l'école 5 ( * ) , de la présence d'unités de l'armée française au sein de la force internationale d'assistance et de sécurité en Afghanistan ou de son action diplomatique conjointe avec les Etats-Unis sur la question des relations libano-syriennes.

Depuis le 11 septembre 2001 6 ( * ) , la DST a interpellé 273 individus dont 92 ont été mis en examen et écroués.

Ces opérations de neutralisation ont notamment permis d'empêcher des actions terroristes imminentes sur le marché de Noël de Strasbourg et contre l'ambassade des Etats-Unis à Paris (démantèlement du réseau « Beghal » en septembre 2001). En décembre 2002, la DST a procédé à la neutralisation en région parisienne d'un groupe d'islamistes algériens qui s'étaient entraînés dans des camps para-militaires en Géorgie et qui avaient le projet de commettre une série d'actions violentes à Paris (cibles juives et commissariats de police) en soutien à la cause tchétchène.

Cette recrudescence de la menace terroriste a conduit à un renforcement important des moyens matériels, humains et juridiques consacrés à la lutte antiterroriste depuis 2001.

B. UN DISPOSITIF JUDICIAIRE EXEMPLAIRE DONT LES MOYENS PEUVENT ENCORE ÊTRE CONFORTÉS

Face à la menace terroriste, la France a choisi d'aménager certaines des dispositions de son droit pénal et de sa procédure pénale afin de tenir compte des spécificités de cette forme de violence extrême. Ces adaptations s'inscrivent dans le cadre général de nos règles de droit et traduisent ainsi le refus de toute législation d'exception .

Le dispositif français repose aujourd'hui sur un cadre juridique spécifique complété par une organisation judiciaire spécialisée. A l'épreuve des faits, il a démontré sa capacité à assurer l' équilibre entre souci d'efficacité et respect des libertés individuelles. Il est ainsi devenu une référence pour nos partenaires également engagés dans la lutte contre ce phénomène.

1. Un cadre juridique cohérent

La nécessité de concilier, d'une part, une prévention et une répression efficaces afin de garantir la « sûreté » des personnes et, d'autre part, le respect des libertés individuelles constitue sans doute l'un des principaux défis posé par le terrorisme aux démocraties.

Comme l'a rappelé la commission de Venise du Conseil de l'Europe dans son rapport du 7 mars 1998 sur les services de sécurité intérieure, le principe de proportionnalité doit inspirer les limites que les Etats peuvent fixer aux droits des individus au nom de la protection de l'intégrité territoriale, de la sécurité et de la stabilité.

La recherche de cet équilibre constitue un exercice délicat. Certains pays, parmi ceux mêmes dont les fondements démocratiques sont les plus solides, ont été tentées par des législations d'exception soumises d'ailleurs, pour les mesures les plus exorbitantes du droit commun, à la censure du juge. L'institution judiciaire est alors appelée à exercer toute sa vigilance. Ainsi, la Cour suprême des Etats-Unis a rappelé que le droit à la protection de l' habeas corpus devait être reconnu aux « combattants ennemis », quelle que soit leur nationalité, contrairement au régime dérogatoire pour le jugement des étrangers mis en cause pour des faits de terrorisme, institué par l'Ordre militaire pris le 13 novembre 2001 par le président des Etats-Unis. De même les décisions de plusieurs juridictions fédérales ont-elles encadré l'application du « Patriot act » d'octobre 2001 qui confère des pouvoirs accrus aux services de police en matière de perquisition et de collecte de données personnelles.

Par ailleurs, les « Law lords » de Londres, la plus haute instance judiciaire du Royaume-Uni, ont estimé que la détention des étrangers dans le cadre de la section 23 de la législation antiterroriste britannique violait les « obligations légales du Royaume-Uni à l'égard de la Convention européenne des droits de l'homme ».

Peut-être, comme l'a souligné M. Jean-Louis Bruguière, vice-président du tribunal de grande instance de Paris, lors de l'audience de rentrée solennelle de ce tribunal le mercredi 12 janvier 2005, les « textes de circonstance » adoptés aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne ont-ils été largement dictés par l'« absence de flexibilité de leur système judiciaire respectif » et « leur relative incapacité à s'adapter aux nouveaux contours de la criminalité induite par la menace terroriste ».

En effet, le système accusatoire propre à la procédure judiciaire anglo-saxonne n'est pas nécessairement le mieux adapté à la lutte contre le terrorisme.

La France a su éviter de tels écueils. Sans doute, d'abord, l'organisation judiciaire française, fondée sur un parquet hiérarchisé assurant l'exercice de l'action publique et de magistrats instructeurs chargés de la conduite des enquêtes, a-t-elle permis une meilleure réactivité au phénomène du terrorisme. Il n'en reste pas moins que le système français a connu lui aussi des mutations. A la suite de la suppression de la Cour de sûreté de l'Etat compétente pour traiter des atteintes à la sûreté intérieure et extérieure de l'Etat, le contentieux terroriste avait été confié aux juridictions de droit commun. Toutefois, malgré les avantages de la procédure inquisitoriale française, les insuffisances du dispositif ont été mises en lumière par la vague d'attentats dont la France a été victime au cours des années 1985 et 1986.

Les bases de la législation antiterroriste en France ont été posées par la loi n° 86-1020 du 9 septembre 1986 7 ( * ) . Elle repose, d'une part, sur la définition d'infractions à caractère terroriste, d'autre part, sur la mise en place de règles procédurales spécifiques. Ces dispositions s'inscrivent dans le cadre de notre droit pénal et ne dérogent pas aux grands principes qui le gouvernent. Ce choix qui a continûment inspiré le législateur depuis lors a permis de prendre en compte la spécificité du terrorisme.

Dans le cadre de la réforme du code pénal, les infractions terroristes ont été incriminées en tant que telles et soumises à des peines aggravées. Le législateur leur a ainsi consacré le titre II (intitulé « Du terrorisme ») du livre IV du code pénal (articles 421 et suivants) et le titre XV du livre IV du code de procédure pénale (articles 706-16 et suivants). Ces dispositions ont ensuite été complétées afin de les adapter à une menace accrue et changeante dans ses ressorts, ses formes et ses moyens d'action. Elles ont été complétées en particulier par les lois du 22 juillet et 30 décembre 1996 -faisant suite aux attentats terroristes commis sur le sol français pendant l'été 1995- et par la loi du 15 novembre 2001 adoptée en réaction aux attentats du 11 septembre 2001 commis aux Etats-Unis.

a) La définition des actes de terrorisme

Le code pénal définit l'acte terroriste comme un acte se rattachant à « une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur ».

Il recouvre deux catégories d'infractions :

- d'une part, des infractions existantes commises en relation avec une entreprise à caractère terroriste. Il s'agit donc d'infractions de droit commun 8 ( * ) commises dans des circonstances particulières qui leur confèrent un caractère spécifique ;

- d'autre part, plusieurs infractions définies de manière autonome , sans référence à une infraction existante.

Le lien avec l'« entreprise » terroriste qui permet de caractériser les infractions terroristes a suscité certaines controverses lors de l'examen de la loi du 9 septembre 1986, les adversaires du texte soutenant que l'imprécision d'une telle notion contredisait le principe de la légalité des délits et des peines posé par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

Cependant, dans sa décision n° 86-213 du 3 septembre 1986, le Conseil constitutionnel a estimé que l'exigence d'une relation avec une entreprise terroriste était énoncée en des termes d'une précision suffisante pour que le grief ne soit pas fondé.

Les infractions de droit commun constituant un acte de terrorisme quand elles sont commises en relation avec une entreprise à caractère terroriste

La liste définie à l'article 421-1 du code pénal vise 7 catégories d'infractions :

- les atteintes volontaires à la vie ainsi qu'à l'intégrité de la personne, l'enlèvement et la séquestration ainsi que le détournement d'aéronef, de navire et de tout autre moyen de transport ;

- les vols, les extorsions, les destructions, dégradations et détériorations ainsi que les infractions en matière informatique ;

- les infractions en matière de groupes de combat et de mouvements dissous ;

- la fabrication, la détention ou l'échange de produits dangereux (explosifs, armes et munitions de première et quatrième catégories, armes biologiques ou à base de toxines, armes chimiques) ;

- le recel du produit de l'une des quatre infractions précédentes ;

- les infractions de blanchiment ;

- les délits d'initié.

La qualification d'actes de terrorisme a pour effet d'aggraver les peines encourues qu'il s'agisse des peines principales (aggravées d'un degré - article 421-3 du code pénal) ou qu'il s'agisse des peines complémentaires (article 422-3 du code pénal).

Les infractions terroristes autonomes

Ces infractions sont de trois ordres.

Elles visent d'abord le terrorisme « écologique » . Ainsi, en vertu de l'article 421-2 du code pénal, constitue un acte de terrorisme lorsqu'il est en relation avec une entreprise terroriste l'introduction dans l'environnement (atmosphère, sol, sous-sol, eaux) ou les aliments d' « une substance de nature à mettre en péril la santé de l'homme ou des animaux ou le milieu naturel » 9 ( * ) .

Ces actes encourent une peine de 20 ans de réclusion criminelle portée à la réclusion à perpétuité s'ils ont entraîné la mort.

Depuis la loi n° 96-647 du 22 juillet 1996 10 ( * ) , le code pénal réprime, sur le fondement de l'article 421-2-1, l'association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste . Ces faits tombaient auparavant sous le coup de l'incrimination générale d'associations de malfaiteurs prévu par l'article 450-1 du même code.

Enfin, le financement d'une entreprise terroriste constitue également une infraction spécifique (article 412-2-2 du code pénal).

Ces deux dernières catégories d'actes sont punies de dix ans d'emprisonnement et de 225.000 euros d'amende. Cependant, la peine est portée à vingt ans de réclusion criminelle et 500.000 euros d'amende pour les personnes dirigeant ou organisant un groupement terroriste.

b) Un dispositif procédural efficace

La loi du 9 septembre 1986 a également posé le principe de la centralisation à Paris des affaires de terrorisme . Ce dispositif est complété par des règles de procédure spécifiques modifiées notamment par les lois du 22 juillet 1996 et du 30 décembre 1996 en matière de perquisitions et de saisies et par la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.

La centralisation des affaires terroristes à Paris

Aux termes de l'article 706-17 du code de procédure pénale, le procureur de la République, le juge d'instruction et les juridictions de jugement de Paris disposent d'une compétence concurrente de celle résultant des règles de droit commun.

Ainsi, en cas d'infraction terroriste, le procureur de la République d'un tribunal autre que celui de Paris invitera le juge d'instruction à le dessaisir au profit du juge parisien. Après avoir avisé les parties et les avoir invitées à fournir leurs observations, le juge d'instruction prendra sa décision dans un délai compris entre huit jours et un mois. L'ordonnance par laquelle un juge d'instruction statue sur son dessaisissement peut faire l'objet d'un recours dans un délai de cinq jours devant la Cour de cassation. Dans les huit jours suivant la réception du dossier, celle-ci désignera le juge d'instruction chargé de poursuivre l'information (article 706-22 du code de procédure pénale). Les actes et formalités accomplis avant le dessaisissement demeurent valables.

Des règles procédurales désormais communes à la grande criminalité mais présentant certaines spécificités

Le régime procédural applicable au terrorisme, dont certaines dispositions s'inspirent du régime particulier institué, plus tôt encore, en matière de trafic de stupéfiants, se distingue sur quatre points :

- La garde à vue peut être prolongée au-delà de la durée maximale de quarante-huit heures pour une nouvelle période de 48 heures. Cette prolongation est autorisée soit à la requête du procureur de la République, par le juge des libertés et de la détention, soit par le juge d'instruction. L'entretien avec un avocat ne peut intervenir qu'à compter de la 72 ème heure (article 706-88 du code de procédure pénale).

- Les perquisitions peuvent être conduites en enquête préliminaire sur décision du juge des libertés et de la détention sans l'assentiment de la personne ; les perquisitions de nuit peuvent également être autorisées par le juge des libertés et de la détention en enquête préliminaire et en enquête de flagrance et par le juge d'instruction au cours d'une instruction (articles 706-89 et suivants du code de procédure pénale).

- Les actes criminels peuvent être jugés par une cour d'assises composée uniquement de magistrats professionnels (un président et six assesseurs ou, en appel, huit assesseurs) ; saisi d'un recours sur la formation de cette cour, le Conseil constitutionnel a estimé que cette composition dérogatoire présentait un caractère limité et que la différence de traitement ne procédait pas d'une discrimination injustifiée mais tendait à déjouer l'effet des pressions ou des menaces susceptibles d'altérer la sérénité de la juridiction de jugement 11 ( * ) (articles 706-25 et 706-27 du code de procédure pénale).

- La prescription de l'action publique s'élève à vingt ans pour les délits et à trente ans pour les crimes , au lieu de trois et dix ans comme dans le droit commun (article 63-4, article 706-25-1 et article 706-31 du code de procédure pénale).

L'introduction de la notion de criminalité organisée dans notre procédure pénale à la suite de la loi du 9 mars 2004 a conduit à étendre à la criminalité et à la délinquance organisées, sous certaines réserves, le régime de garde à vue et de perquisition applicable au terrorisme.

Si la lutte contre le terrorisme a inspiré certaines des dispositions de la loi « Perben 2 », elle disposera également de nouveaux moyens juridiques communs à l'ensemble de la criminalité organisée : opérations de surveillance et d'infiltration (articles 706-80 à 706-87 du code de procédure pénale), mesures conservatoires permettant au juge des libertés et de la détention d'ordonner le gel des avoirs de la personne suspecte (article 706-103 du code de procédure pénale), écoutes téléphoniques au cours de l'enquête et opérations de sonorisation au cours de l'instruction (articles 706-89 à 706-102 du code de procédure pénale).

2. Une organisation efficace susceptible d'être encore confortée

La spécialisation des magistrats chargés de la lutte antiterroriste, instituée en cohérence avec le principe de centralisation, constitue un des atouts majeurs du système français de lutte contre le terrorisme.

A l'initiative de votre rapporteur, une délégation 12 ( * ) de votre commission s'est rendue au tribunal de grande instance de Paris où elle a été reçue par son président, M. Jean-Claude Magendie, ainsi que par M. Jean-Louis Bruguière, premier vice-président, responsable de la section antiterroriste de l'instruction dont elle a pu visiter les locaux. Votre rapporteur a pu également rencontrer au Sénat M. Jean-Claude Marin, procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris, ainsi que Mme Anne Kostomaroff, vice procureur, responsable de la section antiterroriste du parquet.

Les sections antiterroristes du parquet et de l'instruction comptent chacune sept magistrats. Leurs effectifs respectifs seront portés à huit en 2006.

Cette progression s'explique par la grande complexité des dossiers et la volonté, s'agissant de l'instruction, de renforcer les moyens pour améliorer encore les délais de traitement des affaires. Les magistrats du parquet comme ceux de l'instruction sont spécialisés dans des contentieux particuliers (terrorisme basque, corse, islamique radical).

Selon les données communiquées par M. Jean-Claude Marin, le parquet a ouvert, en 2004, 150 enquêtes ; 278 enquêtes sont en cours. L'an passé, 53 informations avaient été ouvertes à l'issue de ces enquêtes 13 ( * ) .

La mise en place de la cour d'assises dans sa formation spéciale (mais non spécialisée car si elle ne comprend que des magistrats, ces derniers ne sont pas des spécialistes des questions de terrorisme) implique une forte mobilisation de moyens humains sur une durée souvent longue 14 ( * ) .

a) Les facteurs d'efficacité

Aux termes de ces entretiens, outre la spécialisation des magistrats, trois éléments apparaissent déterminants pour l'efficacité de l'organisation française.

L'articulation entre services de police et magistrats semble donner satisfaction aux responsables concernés. M. Jean-Louis Bruguière a plus particulièrement souligné la qualité de la coopération nouée avec la direction de la surveillance du territoire dans le domaine de la lutte contre l'islamisme radical. Dotée de pouvoirs de police judiciaires, la DST a constitué en son sein une unité d'enquêtes judiciaires permettant ainsi aux magistrats instructeurs de bénéficier d'une meilleure compréhension de la dimension internationale des mouvances liées à cette forme de terrorisme. De nombreuses délégations sont confiées à ce service de sécurité intérieure.

La recherche des synergies inspire également, comme l'a précisé M. Jean-François Ricard, premier juge d'instruction de la section antiterroriste à la délégation de votre commission, la systématisation de la co-saisine des juges d'instruction pour la majorité des dossiers. Ceux-ci peuvent ainsi être confiés à deux, trois, voire quatre magistrats -en particulier lorsqu'une affaire semble présenter de très nombreuses ramifications. Cette organisation permet non seulement de renforcer la cohésion des magistrats, mais aussi, en pratique, d'obtenir de réels gains de productivité dans le traitement des dossiers.

Le développement de la coopération internationale constitue un autre gage d'efficacité. Les interlocuteurs de votre rapporteur ont plus particulièrement souligné l'intérêt de trois nouveaux instruments.

En premier lieu, les représentants du parquet ont indiqué que les équipes communes d'enquête instituées par la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité 15 ( * ) avaient permis d'assouplir les formes de la coopération européenne en matière de lutte contre le terrorisme et de mener, sur le terrain, des enquêtes efficaces.

M. Jean-Louis Bruguière a dressé par ailleurs un bilan très positif de la procédure du mandat d'arrêt européen , introduite dans notre droit par la loi du 9 mars 2004. Elle constitue, à ses yeux, un instrument privilégié de la lutte contre le terrorisme.

Les délais moyens de remise des personnes sont en moyenne de 30 jours pour la France (45 jours dans l'ensemble de l'Union européenne) contre 9 mois dans le cadre de la procédure d'extradition.

M. Jean-Louis Bruguière s'est néanmoins inquiété des conséquences pour la coopération avec l'Allemagne de la décision de la Cour constitutionnelle allemande du 19 juillet 2005 qui, sans mettre en cause le principe même du mandat d'arrêt européen, avait considéré que certains aspects de ce dispositif étaient contraires à la loi fondamentale de ce pays.

Il a estimé que la coopération entre magistrats devait encore se développer et qu'à cet égard, l'unité de coopération judiciaire Eurojust pouvait être utile en favorisant une meilleure connaissance mutuelle des acteurs judiciaires. Mme Anne Kostomaroff a estimé qu'Eurojust pouvait constituer un cadre adapté pour permettre aux magistrats de différents pays de mesurer l'opportunité de coordonner les poursuites dans certains dossiers.

b) Des éléments de fragilité

Les acteurs judiciaires de la lutte contre le terrorisme ont cependant attiré l'attention de votre rapporteur sur certains points de fragilité du dispositif actuel de lutte contre le terrorisme.

En amont de la procédure, les juges d'instruction de la section antiterroriste ont relevé que la garde à vue de quatre jours s'était révélée, dans certains cas, insuffisante. Les informations données par la personne gardée à vue peuvent, en effet, révéler un risque imminent d'attentat et il peut alors être très précieux de disposer d'un délai supplémentaire pour neutraliser les responsables de l'opération tout en s'assurant du contrôle de la personne placée en garde à vue. De même, les nécessités de la coopération internationale peuvent justifier une prolongation de la durée de la garde à vue, le temps de mettre en lumière d'éventuelles ramifications internationales et d'échanger ensuite avec les services étrangers compétents.

Par ailleurs, si l'ensemble des magistrats rencontrés par votre rapporteur ont souligné l'intérêt de l'incrimination de délit d'association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste considérée, selon l'expression de M. Jean-Claude Marin, comme le « fer de lance » de la lutte contre le terrorisme, ils ont aussi, dans leur ensemble, regretté l' insuffisance du quantum de peine (dix ans maximum) eu égard à la gravité des faits et aussi, il faut s'en inquiéter, au risque de récidive. Ainsi, plusieurs cas ont été cités à votre rapporteur de personnes condamnées pour ce délit qui, dès leur libération, avaient cherché à reconstituer des réseaux.

Par ailleurs, si les poursuites, l'instruction et le jugement sont, depuis la loi du 9 septembre 1986, centralisés à Paris, tel n'est pas le cas de l'application des peines. Or, au 30 novembre 2005, les établissements pénitentiaires comptaient 115 détenus condamnés pour des affaires de terrorisme 16 ( * ) . Les personnes condamnées pour terrorisme sont réparties entre 31 prisons et relèvent donc d'un grand nombre de juges de l'application des peines . Plusieurs juges se prononcent ainsi sur la situation d'individus appartenant à un même groupe. Or, les décisions prises -en particulier, la libération conditionnelle- peuvent être lourdes de conséquences et impliquent une excellente connaissance des dossiers terroristes et une vue d'ensemble cohérente de leur traitement.

Ces trois points font l'objet des adaptations nécessaires dans le présent projet de loi.

En outre, plusieurs magistrats se sont fait l'écho de la difficulté de poursuivre des personnes dont le train de vie ne correspond manifestement pas aux ressources licites dont ils disposent. Ces situations peuvent déceler l'existence de circuits souterrains de financement d'actes terroristes. Les incriminations de non justification de ressources prévues par notre droit ne paraissent pas, en l'état, totalement adaptées pour couvrir notamment une délinquance de trafics très variés et particulièrement profitables.

Par ailleurs, au stade du jugement, les magistrats du parquet ont attiré l'attention de votre rapporteur sur une difficulté mise en lumière par une affaire récente, liée à la mise en cause dans un même dossier de majeurs et de mineurs. Ces derniers, actuellement, ne peuvent être jugés que par la cour d'assises des mineurs , composée de jurés populaires. La juridiction d'instruction n'a donc le choix qu'entre disjoindre la procédure (les mineurs étant jugés par la cour d'assises des mineurs, les majeurs par la cour d'assises dans sa formation spéciale), ou renvoyer mineurs et majeurs devant la cour d'assises de droit commun des mineurs. Cet état de fait contredit la logique, qui avait conduit le législateur à opter pour une formation spéciale, afin de prémunir les décisions des cours d'assises des effets des pressions dont les jurés pourraient faire l'objet.

Votre commission vous proposera de répondre à ces deux sujets de préoccupation.

Une nouvelle inquiétude signalée par tous les acteurs policiers et judiciaires rencontrés par votre rapporteur concerne le comportement des terroristes dans le milieu pénitentiaire. En effet, si certaines formes de terrorisme (corse et basque principalement) s'abstiennent de tout prosélytisme, tel n'est pas le cas de l'islamisme radical.

Plusieurs cas de « conversion » de délinquants de droit commun ont ainsi été rapportés, favorisant la pérennité, voire l'essaimage de réseaux terroristes pendant le temps même de l'incarcération.

Il apparaît essentiel de porter une attention très vigilante à ce phénomène et d'engager une réflexion sur les moyens de le conjurer 17 ( * ) . Ce sujet pourrait être abordé dans le cadre du livre blanc sur la sécurité intérieure face au terrorisme destiné à approfondir les moyens de mieux répondre à la menace terroriste.

C. UN DISPOSITIF POLICIER RENFORCÉ ET MIEUX COORDONNÉ

L'ensemble des forces de sécurité intérieure sont concernées par la lutte contre le terrorisme. Le plan Vigipirate maintenu au niveau rouge depuis les attentats de Londres le 7 juillet 2005 mobilise les services de sécurité publique, les forces mobiles ainsi que l'armée. Au delà de cette vigilance de tous, la France dispose de plusieurs services spécialisés dans la prévention et la répression du terrorisme.

1. Des moyens nouveaux pour les services spécialisés

La prévention et la répression du terrorisme est principalement l'affaire de quelques services spécialisés : direction de la surveillance du territoire (DST), direction centrale des renseignements généraux (DCRG), renseignements généraux de la préfecture de police, division nationale antiterroriste de la direction centrale de la police judiciaire (DNAT), bureau de lutte antiterroriste de la gendarmerie nationale (BLAT). En matière de renseignement extérieur, la DGSE 18 ( * ) est évidemment directement impliquée dans la lutte antiterroriste.

Bien que travaillant tous sur les différentes menaces terroristes, une relative spécialisation s'est opérée. La direction centrale de la police judiciaire, notamment la DNAT, ou la gendarmerie sont plus spécialisée sur les terrorismes d'origine interne.

Les renseignements généraux et la DST sont en revanche tournés vers la lutte contre le terrorisme islamiste.

La mission originelle de la DST, le contre-espionnage classique, explique cette inclination. Le terrorisme islamiste a longtemps été une menace principalement venue de l'extérieur, qu'il s'agisse des attentats de 1985-1986 ou de ceux de 1995-1996.

Quant aux renseignements généraux, les objectifs prioritaires ont été réorientés vers la lutte contre les terrorismes, la lutte contre les dérives urbaines et l'observation générale de la société pour mieux anticiper les menaces 19 ( * ) . Ce recentrage des missions s'accompagne d'une réforme ambitieuse des méthodes de travail afin de faire des RG un véritable service de renseignement intérieur au même titre que la DST.

Plus déconcentrés que les autres services, les renseignements généraux ont développé des pôles régionaux de lutte contre l'islam radical dans les 22 régions de France métropolitaine. Ces pôles ont notamment pour mission de surveiller certaines salles de prières et tous autres lieux propices au prosélytisme fondamentaliste ou salafiste. Les prisons ont d'ailleurs fait l'objet d'une étude approfondie de ces services.

Depuis 2002, l'ensemble de ces services ont vu leurs effectifs augmenter de plus de 600 agents. Certes, certains de ces services ne se consacrent pas exclusivement la lutte contre le terrorisme. Mais les effectifs supplémentaires ont été principalement affectés à cette mission. Les effectifs de la DST, des RG et de la DNAT ont crû respectivement de 17 %, 8,5 % et 65 %. En nombre absolu, ce sont les deux services les plus directement intéressés par le terrorisme islamiste, les RG et la DST, qui ont bénéficié de ces renforts (environ 500 agents au total).

2. Une coordination intensifiée

La particularité de cette organisation est de combiner les activités de renseignement et de police judiciaire de manière très étroite. Cette imbrication se retrouve tout d'abord avec la cohabitation de services dédiés au renseignement, comme les renseignements généraux qui ne disposent pas d'officier de police judiciaire, avec des services exclusivement de police judiciaire comme la DNAT. La DST reste néanmoins l'illustration la plus aboutie de ce modèle puisque ce service est mixte.

L'intérêt de cette organisation est de rapprocher la prévention et la répression. En effet, en matière de terrorisme, une répression efficace est insuffisante puisque la commission d'un seul attentat constitue déjà un échec majeur, en particulier lorsqu'il s'agit de terrorisme islamiste.

En outre, comme l'a indiqué M. Michel Gaudin, directeur général de la police nationale, les liens entre terrorisme et criminalité organisée se multiplient, notamment pour financer les actions terroristes. En tirant les conséquences, la loi dite Perben II a rapproché la procédure pénale applicable à ces deux types de criminalité.

A titre d'exemple, un réseau d'islamistes radicaux impliqués dans le financement du terrorisme islamique international au moyen d'actes de délinquance de droit commun a été démantelé en région parisienne par la DST en novembre 2004. L'enquête a notamment permis d'établir que les personnes interpellées étaient les auteurs d'un vol à main armée en mars 2004 au préjudice de la Brink's, pour un montant de plus d'un million d'euros. Des liens étroits ont pu être démontrés entre des membres de ce réseau et le groupe dit des « filières tchétchènes » démantelé par la DST en décembre 2002, qui avait le projet de commettre plusieurs attentats à Paris.

Pour que ce système fonctionne, il est impératif que l'information circule entre tiers de confiance.

Elle doit circuler tout d'abord entre les juges et les policiers. Les différentes auditions auxquelles a procédé votre rapporteur ont signalé les excellentes relations entre ces deux parties. La spécialisation des juges d'une part et celle des policiers ou gendarmes en charge de ces dossiers, d'autre part, permettent de tisser des relations de travail solides qui n'ont pas le temps de se forger habituellement avec d'autres types de criminalité. Les juges rencontrés ont salué le professionnalisme des policiers et gendarmes, et réciproquement.

L'information doit ensuite pouvoir circuler entre services spécialisés. Plusieurs réformes sont venues renforcer cette coopération.

En 1984 a été créé au sein du ministère de l'intérieur, auprès du directeur général de la police nationale, l'Unité de Coordination de la Lutte Anti-Terroriste (UCLAT), structure permanente regroupant des représentants de toutes les directions actives de la police nationale. L'UCLAT, qui n'est pas un service opérationnel, a vu ses effectifs renforcés de quatre personnes depuis 2003. En outre, participe à ses réunions le bureau de lutte antiterroriste de la gendarmerie nationale (BLAT).

Par ailleurs, a été créé à la fin de l'année 2004, une cellule permanente regroupant les principaux services de renseignements français (DGSE, DST, RG) et composée de six personnes.

Mais surtout, la DST, les RG et la DNAT devraient être prochainement regroupés sur un même site à Levallois-Perret dans le courant de l'année 2006. Sans aller jusqu'à la fusion, des moyens devraient être mutualisés. Ainsi, en matière de formation initiale et continue, des sessions communes ont été programmées en 2005.

De la même manière que la centralisation des affaires de terrorisme au TGI de Paris facilite la coopération internationale, la spécialisation et la relative concentration des services de sécurité intérieure en charge de la lutte antiterroriste est un puissant vecteur de la coopération policière internationale ou bilatérale.

Enfin, ce rapprochement des services apparaît indispensable pour faire face à un terrorisme islamiste en pleine évolution qui brouille toujours plus les frontières classiques entre terrorisme d'origine interne et terrorisme d'origine externe.

II. GARDER UN TEMPS D'AVANCE

A. UN TERRORISME GLOBALISÉ, ATOMISÉ ET MUTANT

L'ensemble des spécialistes de la lutte antiterroriste entendus par votre rapporteur ont fait le constat unanime de la recrudescence de la menace terroriste et de la probabilité élevée qu'un attentat ait lieu dans les mois à venir sur le territoire français.

Cette inquiétude est nourrie par les changements à l'oeuvre au sein des mouvements terroristes d'inspiration salafiste.

1. Un terrorisme globalisé

La dimension internationale du terrorisme, en particulier depuis les attentats du 11 septembre 2001, est un des éléments caractérisant la globalisation du terrorisme. La plupart des régions du monde ont été touchées et rares sont celles qui peuvent s'estimer à l'abri de tout risque d'attentat.

Mais plus encore, cette globalisation se manifeste par l'apparition au coeur de nos sociétés de « fantassins » du terrorisme islamiste. Il ne s'agit plus d'un terrorisme exporté comme cela a pu être le cas au temps de la guerre froide, lors des vagues d'attentats de 1985-1986 et de 1995-1996 ou lors des attentats de New-York et Washington le 11 septembre 2001.

Les attentats de Londres le 7 juillet 2005 ont été commis par des terroristes de nationalité britannique et ayant grandi dans ce pays.

En France en janvier 2005, la DST a arrêté plusieurs membres d'une filière d'acheminement de candidats au jihad en Iraq Cette opération a permis de mettre un terme au départ en Irak de jeunes issus de cités sensibles du XIXème arrondissement de Paris, dont certains envisageaient de perpétrer des attaques sur notre territoire à leur retour d'Irak. Ces mêmes personnes avaient évoqué, avant leur départ pour l'Irak, l'idée de conduire des attaques contre des intérêts juifs en France et d'autres cibles comme des commissariats.

Enfin, il faut évoquer le cas des convertis. Encore relativement limité, ce phénomène inquiète beaucoup les spécialistes de la lutte antiterroriste. L'actualité la plus récente a montré qu'une femme de nationalité belge, convertie et proche des mouvements fondamentalistes avait commis un attentat suicide en Irak.

En France, les services de renseignements ont répertorié environ 5 000 militants salafistes, 500 étant considérés comme dangereux.

Le ressort profond de cette globalisation du terrorisme est l'idéologie fondamentaliste, ce qui rend la lutte antiterroriste particulièrement délicate et difficile.

2. Un terrorisme atomisé

L'idéologie fondamentaliste ou salafiste est le seul lien fort qui réunisse les différents groupes terroristes plus ou moins rassemblés sous la bannière d'Al Qaïda.

Toutefois, les liens s'arrêtent là, aucune structure hiérarchisée de commandement n'ayant été identifiée. Selon M. Jean-Louis Bruguière, ce nouveau terrorisme se compose de cellules éclatées, atomisées qui rendent impossible toute modélisation. L'action de renseignement ou policière ne peut pas s'appuyer sur des prototypes d'action ou des précédents.

A l'Assemblée nationale en première lecture, M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, a évoqué une « division du travail », au sens d'une spécialisation, distinguant l'inspirateur idéologique, les auteurs directs, les logisticiens et les financiers.

Pour s'articuler et se coordonner ces groupes fonctionnent en réseau. Cela se traduit, en premier lieu, par l'utilisation massive des moyens de communications électroniques, notamment le réseau Internet. En second lieu, il est essentiel de reconstituer les parcours de chaque individu, son itinéraire personnel afin de reconstituer les réseaux de connaissances. M. Jean-François Ricard, premier juge d'instruction au tribunal de grande instance de Paris, a confié au rapporteur l'intérêt, encore aujourd'hui, de connaître et de surveiller les membres du réseau à l'origine des attentats de 1995-1996.

Plusieurs affaires récentes ont en effet révélé que des individus partis en Irak ou arrêtés en France alors qu'ils se livraient à des activités terroristes avaient été en relation avec des individus impliqués dans les attentats de 1995-1996 et rencontrés soit en prison, soit peu de temps après leur sortie.

Cette organisation éclatée rend très difficile une action préventive. A nouveau, l'ensemble des acteurs rencontrés ont fait le constat de l'extrême mobilité et rapidité de ces réseaux et des difficultés croissantes à conserver un temps d'avance sur eux.

3. L'attentat suicide : un mode opératoire imparable

Le recours à l'attentat suicide complique encore la réponse à apporter au terrorisme. Comme l'a relevé M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, en première lecture à l'Assemblée nationale, un stade supplémentaire a été franchi lors des attentats de Londres le 7 juillet dernier puisque les terroristes ont utilisé cette méthode alors même qu'elle n'était pas indispensable à la réussite des attentats.

Ce mode opératoire implique encore plus qu'auparavant que la priorité de l'action porte sur la prévention du terrorisme et ce le plus en amont possible.

B. LE PROJET DE LOI : PRÉSERVER LA FORCE DU MODÈLE FRANÇAIS EN L'ADAPTANT AUX ÉVOLUTIONS DE LA MENACE TERRORISTE

1. Renforcer les moyens dédiés au renseignement pour prévenir les actes terroristes

L'analyse de l'évolution du terrorisme islamiste depuis une décennie aboutit à une conclusion : la prévention du terrorisme passe par un renforcement des moyens à la disposition des services de renseignement pour détecter et stopper le plus en amont possible les projets de nature terroriste.

Le projet de loi tend donc à doter les services de police et de gendarmerie spécialisés dans la lutte contre le terrorisme de sources supplémentaires d'information dans un cadre de police administrative.

En premier lieu, ces services auraient accès à certains fichiers existant déjà ou prévus par le présent projet de loi :

- l 'article 8 ouvre l'accès à sept fichiers gérés par le ministère de l'intérieur mais aux finalités distinctes de la lutte contre le terrorisme ;

- l 'article 6 fixe le cadre juridique permettant la constitution de traitements automatisés à partir des données recueillies à l'occasion des déplacements voyageurs hors de l'Union européenne ;

- l 'article 7 autorise la mise en place de système de contrôle automatique des données signalétiques des véhicules et de prise de la photo des passagers sur les points sensibles du territoire afin notamment de repérer les déplacements des véhicules signalés ;

- l'article 5 crée une procédure de réquisition administrative des données techniques des opérateurs de communication électronique inspirée de la procédure en vigueur en matière d'interception de sécurité ; l'article 4 précise que les cybercafés, entre autres, sont tenus de conserver ces données techniques afin qu'elles puissent être exploitées le cas échéant par les services de lutte antiterroriste.

Il convient de préciser que l'ensemble de ces fichiers ainsi que les modalités de leur consultation sont soumis à la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. En outre, l'article 15 du projet de loi prévoit que les articles 5 et 8 ne seraient en vigueur que jusqu'au 31 décembre 2008 afin de les soumettre à une période d'évaluation 20 ( * ) .

L'accès à ces fichiers est important pour les services antiterroristes car ils permettent de reconstituer des parcours croisés et des itinéraires personnels. L'objectif n'est évidemment pas d'instaurer une surveillance généralisée de la population. Il s'agit de collecter le maximum de renseignements sur des individus déjà repérés ou en relation avec ceux-ci. Ainsi, l'article 7 permet de surveiller les déplacements des seuls véhicules inscrits au fichier des véhicules volés.

Ces différentes dispositions, si elles augmentent les moyens à la disposition des services répressifs et des services de renseignement, ne doivent pas faire croire à l'abandon du modèle français centré sur le rôle du juge. Elles visent à permettre la collecte d'informations supplémentaires. La procédure de réquisition administrative des données techniques prévues à l'article 5 s'inspire de ce qui est déjà possible depuis longtemps en matière d'interception de sécurité. Or, force est de constater que les interceptions de sécurité sont bien plus attentatoires aux libertés individuelles puisqu'elles portent sur le contenu des communications.

Surtout, aucune des autorités judiciaires rencontrées par votre rapporteur n'a exprimé de craintes quant à un éventuel basculement vers un système policier hors du contrôle du juge. Au contraire, elles ont jugé indispensables de renforcer ces moyens de renseignement.

Il convient également de signaler que l'article 3 permet les contrôles d'identité, sans conditions particulières, dans les trains internationaux jusqu'à la première gare située au delà de la bande des 20 kilomètres, voire jusqu'aux gares situées à moins de 50 kilomètres de cette première gare.

2. Développer l'usage de la vidéosurveillance

Les articles 1 er et 2 du projet de loi visent à développer l'utilisation de la vidéosurveillance.

Les attentats de Londres ont démontré l'efficacité des systèmes de vidéosurveillance pour aider les enquêteurs à identifier les auteurs des attentats et à démanteler les réseaux logistiques. Si le réseau de transport parisien avait disposé d'un réseau étendu et performant de vidéosurveillance, la vague d'attentats de 1995-1996 aurait probablement été moins longue et moins meurtrière.

La vidéosurveillance peut dans certains cas prévenir des actions terroristes. Cet aspect ne doit toutefois pas être exagéré, le mode opératoire des attentats suicides rendant particulièrement difficile la détection et l'interruption de l'opération terroriste.

Ces vertus préventives peuvent toutefois être utiles pour la surveillance d'installations sensibles. Les progrès de la technologie devraient également ouvrir de nouvelles perspectives grâce à des systèmes de vidéosurveillance intelligents capables d'analyser des comportements inhabituels ou la présence d'objets suspects. Enfin, les services de police et de gendarmerie peuvent utiliser les systèmes de vidéosurveillance pour surveiller ou protéger des sites sensibles comme les abords des lieux de cultes.

Parmi les principales nouveautés, on citera :

- la faculté pour les personnes privées exposées à un risque de terrorisme de filmer la voie publique aux abords de leurs bâtiments ou installations ;

- la fixation de normes techniques afin de disposer de systèmes de vidéosurveillance performants et respectueux des garanties prévues par la loi ;

- le pouvoir accordé au préfet d'autoriser l'accès aux images des systèmes de vidéosurveillance des agents individuellement désignés et dûment habilités des services de police et de gendarmerie ;

- la faculté pour le préfet de prescrire l'installation de systèmes de vidéosurveillance aux exploitants d'installations vitales ou aux gestionnaires de transports collectifs 21 ( * ) .

3. Un dispositif judiciaire conforté

Le projet de loi renforce le dispositif judiciaire de lutte contre le terrorisme sur trois points essentiels :

- il porte de 10 ans d'emprisonnement à 20 ans de réclusion criminelle la peine prévue pour l'infraction d'association de malfaiteurs à caractère terroriste qui a pour objet la préparation de crimes d'atteintes aux personnes ou, à la suite d'un amendement adopté par l'Assemblée nationale, d'autres actes terroristes susceptibles d'entraîner la mort ( article 9 ) ;

- il tend à centraliser auprès des juridictions de l'application des peines de Paris le suivi de l'ensemble des personnes condamnées pour actes de terrorisme ( article 10 ) ;

- il permet également, aux termes d'un amendement adopté par les députés, de porter, sous certaines conditions, la garde à vue en matière de terrorisme de 4 à 6 jours ( article 10 ter ).

Par ailleurs, à l'initiative de l'Assemblée nationale d'autres dispositions nouvelles ont été introduites dans le projet de loi tendant à :

- permettre aux officiers et agents de police judiciaire chargés de la lutte contre le terrorisme de s'identifier par leur numéro d'immatriculation administrative ( article 9 bis nouveau) ;

- simplifier les modalités réglementaires de détermination des frais de justice ( article 10 quater nouveau) ;

- étendre l'indemnisation des victimes d'actes de terrorisme à leurs ayants droit de nationalité étrangère ( article 10 sexies nouveau).

4. Dispositions diverses

Parmi ces dispositions diverses, il faut d'abord distinguer celles qui concernent le terrorisme.

L'article 11 allonge de dix à quinze ans la durée au cours de laquelle la déchéance de la nationalité française peut être prononcée après l'acquisition lorsque l'individu a été condamné définitivement pour des faits liés au terrorisme. Cette mesure se justifie par la durée des procédures et par la stratégie de recrutement des mouvements fondamentalistes.

L'article 11 bis supprime la procédure en vigueur de conventionnement des chaînes de télévision extra-communautaires retransmises par les opérateurs satellitaires. Le souci exprimé est d'éviter que le CSA ne se trouve à nouveau dans la situation paradoxale de devoir suspendre la diffusion d'une chaîne presque aussitôt après avoir signé une convention avec elle, comme cela avait été le cas avec la chaîne Al Manar il y a un an.

L'article 12 élargit le régime juridique de gel des avoirs afin de couvrir également les résidents communautaires.

Les articles 10 sexies et 15 A consolident les règles d'indemnisation des victimes de terrorisme ainsi que de leurs ayants droit.

En matière de liberté de la presse, l'article 15 B vise à mieux protéger l'anonymat des personnels du ministère de la défense dont les missions exigent, pour des raisons de sécurité, le respect de l'anonymat.

Enfin, les articles 13 et 14 étendent à l'outre-mer, avec les adaptations nécessaires, les principales dispositions du projet de loi.

D'autres dispositions ne concernent pas directement la lutte contre le terrorisme.

En premier lieu, certains articles relatifs à la lutte antiterroriste sont également applicables à d'autres finalités, parfois connexes. Ainsi, en est-il pour les articles 6 et 7 du projet de loi.

L'article 6 qui permet la constitution de traitements automatisés à partir des données relatives aux passagers doit aussi améliorer le contrôle aux frontières et la lutte contre l'immigration irrégulière. L'article 7 relatif au contrôle des données signalétiques des véhicules doit faciliter la constatation des infractions criminelles ou liées à la criminalité organisée ainsi que le vol et le recel de véhicules volés.

En second lieu, plusieurs articles adoptés à l'Assemblée nationale n'ont pas de rapport avec la lutte contre le terrorisme. Mais rappelons que le projet de loi, bien que son objet principal soit la lutte contre le terrorisme, porte également « dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers ».

Outre les articles 8 bis , 10 bis et 10 quinquies qui règlent quelques problèmes de coordination relevant d'autres textes, il faut souligner l'article 15 C issu de l'Assemblée nationale qui crée une mesure d'interdiction administrative de pénétrer ou de se rendre aux abords des enceintes où se déroulent des manifestations sportives. Prise par le préfet pour une durée n'excédant pas trois mois, cette mesure vise à combattre la violence dans les stades et aux abords.

C. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES LOIS

1. Conforter le dispositif policier et renforcer la surveillance des activités de sécurité privée et de la sécurité aéroportuaire

Votre commission approuve les moyens nouveaux donnés aux forces de police et de gendarmerie. Outre des amendements rédactionnels, de précision et de coordination, la commission a souhaité :

- préciser les modalités d'habilitation et désignation des agents autorisés à accéder à certaines données (articles 1er, 5, 6 et additionnel après l'article 15) ;

- permettre de sanctionner pénalement une personne qui installerait ou maintiendrait sans autorisation un système de vidéosurveillance, même dans le cas où ce système n'enregistre pas les images (article 1er) ;

- rétablir la rédaction initiale du projet de loi sur les finalités au nom desquelles une réquisition administrative de données techniques peut être demandée (article 5) ;

- renforcer le contrôle des préfets lors de la délivrance des agréments et habilitations aux entreprises de sécurité privée et à leurs employés (article additionnel avant le chapitre VII) ;

- créer une procédure d'agrément, précédée d'une enquête administrative, des personnes ayant accès aux lieux de stockage et de conditionnement des biens utilisés à bords des aéronefs, du fret et des colis postaux lorsque ces lieux se trouvent en dehors des zones réservées des aérodromes (article additionnel avant le chapitre VII).

2. Compléter le dispositif judiciaire

Les dispositions prévues par le projet de loi pour renforcer l'arsenal judiciaire de la lutte contre le terrorisme apparaissent comme des compléments logiques des dispositions existantes qu'il s'agisse de l'aggravation des peines pour l'infraction d'association de malfaiteurs ou de la centralisation du contentieux de l'application des peines.

Votre commission approuve également la prolongation de la garde à vue de quatre à six jours qui pourrait se révéler utile dans certains cas exceptionnels. Cette mesure doit être ordonnée dans le respect rigoureux des principes de nécessité et de proportionnalité qui gouvernent notre procédure pénale.

Par ailleurs, afin de répondre à deux lacunes soulignées par les interlocuteurs de votre rapporteur au cours des auditions, votre commission suggère d'introduire deux articles additionnels afin de :

- permettre le jugement des mineurs accusés d'actes de terrorisme par une cour d'assises composée uniquement de magistrats professionnels . Le dispositif proposé permettrait ainsi d'éviter le risque de pression sur le jury, comme tel est déjà le cas pour les majeurs en matière de terrorisme, tout en conservant une spécificité liée à la présence parmi les assesseurs de deux juges pour enfants ;

- d'élargir et de simplifier le régime actuel des incriminations de non justification de ressources correspondant au train de vie qui ne permet pas de couvrir certains délits liés à une économie souterraine susceptible d'alimenter les circuits de financement du terrorisme.

3. Approuver la proposition de créer un groupe de travail sur les modalités d'un contrôle parlementaire des services de renseignements

En première lecture à l'Assemblée nationale, trois amendements présentés respectivement par les membres du groupe socialiste, le député Pierre Lellouche et le rapporteur de la commission des lois ont eu pour objet, sous des formes différentes, de créer un organe de contrôle des services de renseignement composé de parlementaires.

La France est pratiquement la dernière démocratie occidentale avec le Portugal à ne pas disposer d'une structure parlementaire de contrôle des services de renseignement.

Cette exception française a longtemps été justifiée par la crainte qu'un contrôle parlementaire entrave ou gêne l'action des services de renseignements intérieurs et extérieurs. Le contexte particulier de la guerre froide a longtemps été avancé en défaveur d'un tel organe.

Toutefois, l'environnement géopolitique a aujourd'hui totalement changé. En outre, le Parlement exerce d'ores et déjà un contrôle sur les forces armées ou sur la diplomatie française sans que cela constitue un obstacle à l'action de la France. En matière de renseignements, les expériences étrangères démontrent qu'il en va de même.

Ce projet de loi qui renforce notablement les moyens des services de renseignement intérieur est donc apparu à juste titre comme l'occasion de poser enfin ce débat. La contrepartie naturelle de ces nouveaux pouvoirs est un renforcement des contrôles.

Les trois amendements proposaient des solutions assez différentes : une délégation parlementaire commune aux deux assemblées, une commission de contrôle composée en partie de parlementaires nommés par chaque assemblée, une commission de contrôle composée exclusivement de parlementaires nommés par le premier ministre.

Face à ces propositions, le Gouvernement a donné un accord de principe sur la création d'un organe de contrôle. Toutefois, ne s'estimant pas capable de départager entre ces solutions, il a souhaité ne pas prendre une décision hâtive afin de mettre au point la rédaction qui combine au mieux discrétion, transparence et démocratie.

Il a donc proposé la création d'un groupe de travail réunissant les représentants des groupes parlementaires des deux assemblées et les fonctionnaires au plus haut niveau des services de renseignement. Les conclusions de ce groupe de travail devrait être rendus avant le 15 février, afin qu'une proposition ou un projet de loi puisse être rapidement déposé.

Cette proposition du Gouvernement a reçu l'accord de la quasi-totalité des groupes à l'Assemblée nationale.

Votre commission des lois se félicite que ce débat nécessaire soit enfin engagé et souhaite que le Sénat prenne toute sa part à ce groupe de travail.

Il semble préférable en effet qu'une réflexion approfondie précède la création d'un tel organe. S'il devait être mal conçu dès sa naissance, il ne servirait à rien et il faudrait probablement attendre longtemps avant que les services de renseignement acceptent de jouer le jeu de ce contrôle.

Pour qu'un tel organe fonctionne et soit donc utile, une relation de confiance doit s'établir entre les services de renseignements et les parlementaires membres de l'organe de contrôle. Si les conditions du secret ne sont pas réunies, les services de renseignement refuseront de collaborer et ne donneront que les informations qu'ils souhaitent donner.

Ces conditions très particulières font qu'un tel organe de contrôle ne peut pas fonctionner selon les règles habituelles d'organisation des délégations parlementaires ou des offices.

A ces questions juridiques s'ajoutent également des problèmes matériels. Une commission de contrôle des services de renseignements ne peut avoir accès à des données confidentielles que si les locaux sont sécurisés et satisfont aux normes habituellement requises. Se pose également la question de l'habilitation des parlementaires à accéder à des documents classifiés. Devront-ils être soumis à une enquête préalable ? C'est à ces questions et à bien d'autres que devra répondre le groupe de travail.

*

* *

Compte tenu de l'ensemble de ces observations et sous réserve des amendements qu'elle vous soumet, votre commission vous propose d'adopter le projet de loi ainsi modifié.

EXAMEN DES ARTICLES
CHAPITRE PREMIER
DISPOSITIONS RELATIVES À LA VIDÉOSURVEILLANCE

Les dispositions de ce chapitre ont pour objet de permettre un développement du recours à la vidéosurveillance afin d'accroître la protection des lieux publics ou ouverts au public ainsi que celle des bâtiments et installations susceptibles d'être exposés à des actes terroristes.

Elles tendent à modifier et compléter la législation en vigueur en matière de vidéosurveillance, issue de l'article 10 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité laquelle n'a subi quasiment aucune modification depuis son adoption.

Article premier (art. 10 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995)
Extension et encadrement du recours à la vidéosurveillance

Cet article tend à ajouter la prévention d'actes terroristes aux finalités pouvant justifier l'installation de système de vidéosurveillance et à adapter la réglementation aux spécificités de ce nouvel objectif. Il tend également à renforcer les garanties de respect de la législation en matière de vidéosurveillance.

1. Le droit en vigueur 22 ( * )

• Le champ d'application de la loi

L'article 10 de la loi du 21 janvier 1995 précitée est le principal cadre législatif en matière de vidéosurveillance. L'article 10-I indique explicitement que les enregistrements visuels de vidéosurveillance ne sont pas des données personnelles et ne sont donc pas de la compétence de la CNIL, à l'exception de ceux qui sont utilisés dans des traitements automatisés ou contenus dans des fichiers structurés selon des critères permettant d'identifier, directement ou indirectement, des personnes physiques. Dans un tel cas, les enregistrements sont soumis à la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.

Toutefois, tous les systèmes de vidéosurveillance ne sont pas régis par l'article 10 de la loi du 21 janvier 1995. La circulaire du 22 octobre 1996 relative à la réglementation en matière de vidéosurveillance 23 ( * ) ainsi que l'article 10-I de la loi du 21 janvier 1995 tel que modifié par la loi n° 2004-801 du 6 août 2004 24 ( * ) rappellent que seuls les systèmes de vidéosurveillance satisfaisant aux critères définis à l'article 10-II de la loi du 21 janvier 1995 sont autorisés au titre de cette même loi.

Sont donc inclus dans le champ de la loi les images prises :

- sur la voie publique ;

- dans les lieux et établissements, publics ou privés, ouverts au public, c'est-à-dire selon la jurisprudence un lieu accessible à tous, sans autorisation spéciale de quiconque, que l'accès en soit permanent et inconditionnel ou subordonné à certaines conditions (par exemple, l'acquittement d'un droit d'entrée).

Les systèmes de vidéosurveillance sur la voie publique sont autorisés à une double condition :

- être mis en oeuvre par les autorités publiques compétentes (il faut entendre par là le préfet ou le maire, mais également les responsables d'établissements ou de services publics et certains concessionnaires ; le critère d'admission est la capacité à exercer un pouvoir de police) ;

- être mis en oeuvre pour l'une des quatre finalités suivantes : assurer la protection des bâtiments et installations publics et de leurs abords, sauvegarder les installations utiles à la défense nationale, réguler le trafic routier et constater les infractions aux règles de la circulation, prévenir les atteintes à la sécurité des personnes et des biens dans des lieux particulièrement exposés à des risques d'agression ou de vol.

Dans les lieux et établissements ouverts au public, la vidéosurveillance est autorisée à condition que :

- ces lieux soient particulièrement exposés à des risques d'agression et de vol ;

- les dispositifs mis en place aient pour unique objectif d'assurer la sécurité des personnes et des biens .

La loi du 21 janvier 1995 s'applique, que les images soient enregistrées ou simplement transmises à un poste central.

En revanche, ne relèvent pas de la loi du 21 janvier 1995 les opérations de vidéosurveillance dans les lieux privés ou les lieux de travail non ouverts au public. Il appartient dans ce cas au juge judiciaire d'en apprécier la légalité au regard de la protection de la vie privée, du droit à l'image ou du droit du travail.

• Le régime applicable

L'installation des dispositifs de vidéosurveillance est subordonnée à une autorisation préfectorale donnée, sauf en matière de défense nationale, après avis d'une commission départementale présidée par un magistrat du siège ou un magistrat honoraire. Le préfet n'est pas tenu de le suivre.

Une autorisation peut être retirée en cas de manquement à la loi ou de modification des conditions au vu desquelles elle a été délivrée. A ce titre, le responsable d'un système est tenu de déclarer toute modification présentant un caractère substantiel.

L'instruction des demandes doit s'attacher à vérifier que, d'une part, les conditions précitées sont réunies et que, d'autre part, le principe de proportionnalité est respecté et justifie l'atteinte à la vie privée. Cela implique « de proportionner l'usage de tels équipements aux risques réellement encourus, compte tenu des circonstances de temps et de lieu, et de choisir en conséquence le nombre, l'emplacement, l'orientation, les caractéristiques des caméras, ainsi que la capacité et la durée de stockage des données » 25 ( * ) .

La loi prévoit également que les systèmes de vidéosurveillance sur la voie publique ne doivent pas visualiser l'intérieur des immeubles d'habitation ni, de façon spécifique, leurs entrées.

En outre, il convient de s'assurer que le public est informé de manière claire et permanente de l'existence de tels systèmes ainsi que de l'autorité ou de la personne responsable.

L'autorisation préfectorale définit la qualité des personnes chargées de l'exploitation du système de vidéosurveillance ou visionnant les images . S'il n'est pas nécessaire que ces personnes soient nominativement désignées, il importe en revanche que des garanties de procédures soient données sur leur habilitation et leur formation.

Enfin, l'autorisation fixe le délai maximum de conservation des enregistrements qui ne peut excéder un mois, hormis le cas d'une enquête de flagrant délit, d'une enquête préliminaire ou d'une information judiciaire. Précisons que la conservation des images n'est pas de droit et doit être motivée.

• Les applications

Des dispositifs de vidéosurveillance urbaine ont déjà été implantés ou sont en cours d'implantation dans plus de 200 villes en zone de police d'Etat, à l'initiative même des communes.

Ces systèmes de vidéosurveillance sont gérés, dans la majeure partie des cas, par la police municipale ou par une structure placée sous son autorité. Les principaux sites surveillés sont les bâtiments communaux, les voies de circulation importantes, les parkings, les zones piétonnes et commerciales. Une trentaine de communes ont mis en place un système de renvoi d'images vers les services territoriaux de la police nationale.

La vidéosurveillance a été implantée également dans les transports en commun. Les sociétés de transports publics y ont recours de plus en plus souvent, tant pour la protection des voyageurs et des personnels, que pour la protection des locaux et du matériel.

Au total, 300 000 caméras ont été implantées depuis 1995, dont seulement 5 % sur la voie publique. A titre de comparaison, le Royaume-Uni dispose de quatre millions de caméras.

2. Le texte soumis au Sénat

Le paragraphe 1° de cet article complète l'article 10-II de la loi du 21 janvier 1995 afin de prendre en compte la prévention des actes terroristes parmi les finalités de la vidéosurveillance. L'exposé des motifs du projet de loi indique que « les risques d'actes de terrorisme ne figurent pas parmi les motifs légaux pouvant justifier l'installation de caméras filmant la voie publique ou l'intérieur de lieux et établissements ouverts au public ».

Ce paragraphe prévoit que la prévention des actes terroristes pourrait être retenue parmi les finalités justifiant l'installation de systèmes de vidéosurveillance tant sur la voie publique que dans les lieux et établissements ouverts au public.

Par ailleurs, dans les lieux susceptibles d'être exposés à des actes terroristes , les personnes morales autres que les autorités publiques compétentes susvisées pourraient déployer pour la protection de leurs bâtiments et installations des systèmes de vidéosurveillance filmant la voie publique.

La législation en matière de vidéosurveillance ( Source : commission des lois)

Régime applicable




Finalités de
la vidéosur-
veillance

Lieux susceptibles d'être filmés par les autorités publiques compétentes

Lieux susceptibles d'être filmés par les autres personnes morales

Rôle de la commission départementale

Création par les articles 1 er et 2 du projet de loi d'une procédure d'urgence

Création par l'article 2 du projet de loi d'une faculté pour le préfet de prescrire l'installation de vidéosurveillance

Droit en vigueur

Avec le PJL

Droit en vigueur

Avec le PJL

Droit en vigueur

Avec le PJL

Protection des bâtiments et installations publics et de leurs abords, sauvegarde des installations utiles à la défense nationale, régulation du trafic routier, constatation des infractions aux règles de la circulation

- voie publique
- lieux et établissements ouverts au public

- voie publique
- lieux et établissements ouverts au public

Néant

Néant

- avis préalable à l'autorisation préfectorale délivrée pour une durée indéterminée


- contrôle des systèmes sur saisine de toute personne intéressée








- avis préalable à l'autorisation préfectorale délivrée pour une durée de 5 ans renouvelable

- contrôle des systèmes sur saisine de toute personne intéressée

- pouvoir de contrôle a posteriori sur l'ensemble des systèmes de vidéo-surveillance autorisés

Néant

Néant

Prévention des atteintes à la sécurité des personnes et des biens dans des lieux particulièrement exposés à des risques d'agression ou de vol

- voie publique
- lieux et établissements ouverts au public

- voie publique
- lieux et établissements ouverts au public

- lieux et établis-sements ouverts au public

- lieux et établis-sements ouverts au public

Néant

- 39 -

Néant

Prévention d'actes de terrorisme

Néant

- voie publique
- lieux et établissements ouverts au public

Néant

- voie publique pour la protection des abords immédiats de leurs bâtiments et installations
- lieux et établis-sements ouverts au public exposés à des risques terroristes

- pas d'avis préalable de la commission départementale
- autorisation provisoire de quatre mois maximum
- avis de la commission avant l'expiration de l'autorisation provisoire

- dans les lieux et établissements ouverts au public aux fins d'y assurer la sécurité des personnes et des biens
- dans les installations vitales au sens du code de la défense
- dans les transports collectifs intérieurs et sur les sites d'infrastructures de transport
- la procédure d'urgence est applicable

Le droit en vigueur ne permet en effet qu'aux seules autorités publiques de filmer la voie publique. Citant l'exemple des banques, la circulaire du 22 octobre 1996 précise que « les caméras implantées en façade extérieure ne peuvent visualiser que la portion de trottoir ou de voie publique strictement nécessaire à la protection de l'accès à l'établissement eu égard à la configuration des lieux ».

Cette nouvelle faculté offerte aux personnes publiques ou privées pour filmer la voie publique ne doit pas être exagérée. Seuls les bâtiments et installations situées dans des lieux susceptibles d'être exposés à des actes terroristes justifieraient cette dérogation à la règle. De nombreux lieux qui satisfont à ces critères font déjà l'objet de mesures de vidéosurveillance à un autre titre. Les images ainsi obtenues de la voie publique viendraient souvent en complément d'autres images.

Ces dispositions nouvelles permettront néanmoins de filmer spécifiquement la voie publique autour de lieux sensibles comme les lieux de cultes. Elles permettront également à des entreprises ou commerces de filmer les abords de leurs bâtiments et non plus seulement leurs entrées. Ces images pourraient être très utiles en cas d'attentats à la voiture piégée.

L'Assemblée nationale a adopté quelques modifications rédactionnelles.

Le paragraphe 2° de cet article complète l'article 10-III de la loi du 21 janvier 1995 et aménage sur quatre points les conditions de délivrance des autorisations préfectorales. Ces aménagements vaudraient quelle que soit la finalité du système de vidéosurveillance.

En premier lieu , l'autorisation délivrée pourrait prescrire que les agents individuellement habilités des services de la police ou de la gendarmerie nationales soient destinataires des images et enregistrements. Il reviendrait également à l'autorisation de préciser les modalités de la transmission des images et de l'accès aux enregistrements.

Le droit en vigueur prévoit déjà que l'autorisation précise la qualité des personnes ayant accès aux images et aux enregistrements. Toutefois, cette disposition concerne les personnes ayant habituellement accès aux images. En outre, les services de police et de gendarmerie sont, en tant que tiers autorisés au sens de la loi du 6 janvier 1978, déjà habilités à accéder de façon ponctuelle et motivée, dans les conditions définies par le code de procédure pénale (flagrant délit, enquête préliminaire ou information judiciaire), aux images et enregistrements.

Le projet de loi innove donc en ouvrant de manière permanente et dans le cadre de missions de police administrative l'accès à des systèmes de vidéosurveillance.

Plusieurs limites sont néanmoins posées :

- seuls des agents individuellement habilités de la police et de la gendarmerie pourraient visionner les images ;

- tous les systèmes de vidéosurveillance ne seraient pas accessibles de la sorte, mais uniquement ceux dont l'autorisation préfectorale le prévoirait.

Un amendement du rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale a complété ces dispositions en prévoyant que le préfet peut à tout moment, après avis de la commission départementale, modifier par un arrêté son autorisation initiale afin de permettre la consultation des images par les agents précités.

En cas d'urgence et d'exposition particulière à un risque d'actes de terrorisme, cette décision pourrait être prise sans avis préalable de la commission départementale. Le président de la commission serait immédiatement informé de cette décision, qui ferait l'objet d'un examen lors de la prochaine réunion de la commission. Ce cas particulier de l'urgence s'inspire de la procédure générale d'urgence introduite par le présent article (voir infra ).

Selon l'exposé des motifs de l'amendement, il s'agit d'adapter l'autorisation à l'évolution des circonstances 26 ( * ) .

En deuxième lieu , les systèmes de vidéosurveillance devraient désormais « être conformes à des normes techniques définies par arrêté ministériel ». Les systèmes déjà installés disposeraient d'un délai de deux ans à compter de la publication de l'acte définissant ces normes pour se mettre en conformité.

L'exposé des motifs constate en effet la très grande hétérogénéité du parc existant. L'absence de normes et l'évolution rapide des techniques en sont les causes principales. L'instauration de normes devrait accroître l'efficacité des dispositifs, leur précision ainsi que les garanties relatives à l'utilisation de la vidéosurveillance dans le respect des règles prudentielles édictées 27 ( * ) .

En troisième lieu , alors que les autorisations préfectorales sont aujourd'hui délivrées pour une durée indéterminée, elles le seraient désormais pour une durée de cinq ans renouvelable. Le renouvellement de l'autorisation serait l'occasion de vérifier si les motifs ayant justifié la mise en place de caméras demeurent pertinents et si l'utilisation du système est conforme aux conditions fixées par l'autorisation. Bien entendu, en cas de non renouvellement de l'autorisation, le système devrait être retiré.

En quatrième lieu , la commission départementale appelée à donner un avis sur chaque demande d'autorisation se verrait accorder le pouvoir de contrôler à tout moment les conditions de fonctionnement des dispositifs autorisés.

L'article 10-V permet déjà à toute personne intéressée de saisir la commission départementale de toute difficulté tenant au fonctionnement d'un système de vidéosurveillance. Mais celle-ci ne peut pas s'autosaisir. Le projet de loi renforcerait donc les pouvoirs de la commission départementale.

A l'Assemblée nationale , un amendement du groupe socialiste a précisé que la commission départementale pourrait à la suite de ces contrôles émettre des recommandations et proposer la suspension des dispositifs en cas d'usage anormal ou non conforme à l'autorisation.

En dernier lieu, le projet de loi initial supprimait le dernier alinéa de l'article 10-III de la loi du 21 janvier 1995. Cet alinéa était un dispositif transitoire prévoyant que les systèmes existants à la date d'entrée en vigueur de la loi du 21 janvier 1995 devaient faire l'objet d'une déclaration valant demande d'autorisation et disposaient d'un délai de six mois pour se conformer à la réglementation. Il n'avait plus lieu d'être.

Mais, comme la loi du 21 janvier 1995, le présent projet de loi prévoyait un dispositif transitoire analogue. Le paragraphe I de l'article 15 du projet de loi initial disposait en effet que les systèmes de vidéosurveillance déjà en place et qui se sont donc vu délivrer une autorisation préfectorale pour une durée indéterminée seraient réputés autorisés pour une durée de cinq ans à compter de la date de publication de la loi. Mais ce dispositif transitoire ne serait pas inscrit au sein de la loi du 21 janvier 1995.

Dans un souci de clarté et d'intelligibilité de la loi, un amendement du rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale a rapatrié ces dispositions au sein de la loi du 21 janvier 1995 en lieu et place du dispositif transitoire y figurant à cette époque et que supprimait le projet de loi initial.

Le paragraphe 3° de cet article tend à insérer un nouvel article 10-III bis et à créer une procédure d'autorisation d'urgence .

En cas d'urgence et d'exposition particulière à un risque d'actes terroristes, le préfet pourrait accorder, sans avis préalable de la commission départementale, une autorisation provisoire d'installation d'un système de vidéosurveillance pour une durée maximale de quatre mois. Le président de la commission en serait immédiatement informé.

Un amendement du rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale a prévu que le président de la commission pouvait réunir sans délai cette dernière afin qu'elle donne un avis sur la mise en oeuvre de la procédure d'autorisation provisoire.

Hormis cette dérogation, l'ensemble des autres règles de droit commun resterait applicable. Cette procédure d'urgence pourrait s'appliquer aussi bien aux demandes concernant la surveillance de la voie publique qu'à celles concernant des lieux et établissements ouverts au public.

L'autorisation provisoire serait mise à profit pour recueillir l'avis de la commission départementale. A l'expiration de l'autorisation provisoire, si l'autorisation dite classique n'est pas accordée, le système devrait être retiré. Un amendement du rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale est venu préciser que la commission départementale devait se prononcer avant l'expiration de l'autorisation provisoire, le risque étant que l'inertie de la commission n'oblige à retirer un système de vidéosurveillance avant que l'autorisation définitive ne lui soit accordée.

Selon l'exposé des motifs du projet de loi, le but recherché est « l'amélioration de la réactivité des services de l'Etat à l'égard des demandes [...] faites par des pétitionnaires exposés de manière prononcée et soudaine à des risques d'actes de terrorisme ».

La procédure de droit commun peut en effet durer quatre mois.

Le paragraphe 4° de cet article tend à modifier l'article 10-VII de la loi du 21 janvier 1995.

L'article 10-VII en vigueur prévoit simplement qu'un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application de l'article 28 ( * ) . Le projet de loi tend à préciser l'objet de ce décret. Il devrait notamment fixer les conditions dans lesquelles :

- le public est informé de l'existence du dispositif de vidéosurveillance ;

- les agents sont habilités à accéder aux enregistrements ;

- la commission départementale exerce son contrôle.

3. La position de votre commission des lois

Dans sa décision n° 94-352 DC du 18 janvier 1995 sur la loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité, le Conseil constitutionnel a considéré que :

- la prévention d'atteintes à l'ordre public, notamment d'atteintes à la sécurité des personnes et des biens, et la recherche d'auteurs d'infractions étaient nécessaires à la sauvegarde de principes et droits à valeur constitutionnelle ;

- il appartenait au législateur d'assurer la conciliation entre ces objectifs de valeur constitutionnelle et l'exercice des libertés publiques constitutionnellement garanties au nombre desquelles figurent la liberté individuelle et la liberté d'aller et venir ;

- la méconnaissance du droit au respect de la vie privée pouvait être de nature à porter atteinte à la liberté individuelle.

Il a ensuite jugé que la mise en oeuvre de systèmes de vidéosurveillance dans les conditions prévues par l'article 10 de la loi était « assortie de garanties de nature à sauvegarder l'exercice des libertés individuelles ».

Toute modification de la législation en matière de vidéosurveillance doit donc s'attacher à maintenir un équilibre entre ces différents principes et droits à valeur constitutionnel, comme y est parvenue la loi du 21 janvier 1995.

A cet égard, le projet de loi ne remet pas en cause l'équilibre trouvé. Le régime applicable reste sensiblement le même. Les possibilités de recourir à la vidéosurveillance sont élargies, mais à la seule fin de prévenir le terrorisme. Cette nouvelle finalité, bien qu'ayant ses spécificités, est assez proche de certaines finalités déjà prévues, notamment la prévention des atteintes à la sécurité des personnes. De plus, l'extension du champ d'application de la vidéosurveillance est compensée par de nouvelles garanties comme le pouvoir de contrôle de la commission départementale ou la réduction de la durée de validité de l'autorisation à cinq ans.

Les modifications issues de l'examen par l'Assemblée nationale ont préservé cet équilibre en précisant les pouvoirs de la commission départementale et en assouplissant les conditions dans lesquelles le préfet peut ouvrir l'accès aux images à des agents individuellement habilités des services de police et de gendarmerie.

Votre commission vous propose cinq amendements rédactionnels ou de précision. Ils tendent notamment à supprimer des mentions inutiles.

Votre commission vous propose également un amendement précisant que la commission départementale ne peut pas exercer son pouvoir de contrôle lorsque le système de vidéosurveillance a été installé pour des raisons tenant à la défense nationale.

Le droit en vigueur prévoit en effet que l'avis préalable de la commission départementale n'est pas requis en matière de défense nationale pour installer un système de vidéosurveillance. De la même manière, la commission ne peut pas être saisie par toute personne intéressée d'une difficulté tenant au fonctionnement d'un système de vidéosurveillance lorsque ce système intéresse la défense nationale.

Par souci de cohérence, il semble nécessaire de le préciser pour les pouvoirs de contrôle de la commission départementale.

Un autre amendement tend à modifier le paragraphe VI de l'article 10 de la loi de 1995 qui définit les sanctions pénales applicables en cas de non respect de la législation en matière de vidéosurveillance.

Étonnamment, dans l'hypothèse où un exploitant maintiendrait un système de vidéosurveillance ne bénéficiant plus d'un autorisation mais sans dispositif d'enregistrement il ne pourrait pas être sanctionné sur le fondement du paragraphe VI, lequel ne réprime que le fait de procéder à des enregistrements sans autorisation.

Cet amendement y remédie. Il oblige les exploitants à retirer les systèmes non autorisés ou qui ne le sont plus.

Votre rapporteur tient également à attirer l'attention du Gouvernement sur la nécessité de publier, le plus rapidement possible à compter de l'entrée en vigueur de la loi, une circulaire pratique à destination des maires . De nombreuses municipalités attendent en effet cette loi pour installer des systèmes de vidéosurveillance. De la même manière, l'arrêté devant fixer les normes techniques devra être pris le plus rapidement possible afin que des travaux qui ne respecteraient pas ces normes ne soient pas inutilement engagés.

Votre commission des lois vous propose d'adopter l'article premier ainsi modifié.

Article premier bis (nouveau)
Détermination des services spécialisés dans la lutte antiterroriste

Cet article, issu d'un amendement sous amendé du groupe socialiste à l'Assemblée nationale , tend à préciser la liste des services spécialisées dans la lutte anti-terroriste au sens de la présente loi.

En effet, plusieurs articles du projet de loi autorisent l'accès à certaines données à caractère personnel aux seuls agents individuellement habilités des services de police et de gendarmerie nationales spécialisés dans la lutte antiterroriste.

Il en est ainsi des articles 5, 6 et 8 du projet de loi. Or, le projet de loi ne définit nulle part les modalités de désignation de ces services.

Dans sa délibération n° 2005-208 du 10 octobre 2005 portant avis sur le projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme, la CNIL estime qu'au titre des garanties de nature à préserver l'équilibre des libertés constitutionnellement protégées doit figurer dans la loi ou sous la forme d'un renvoi explicite à des dispositions réglementaires « la désignation expresse des catégories de services de police et de gendarmerie habilités à utiliser les dispositifs informatiques ».

Le présent article tend à satisfaire cette garantie. Il prévoit qu'un arrêté ministériel détermine les services dont les missions consistent à lutter contre le terrorisme au sens de la présente loi. Ces services devraient être la DST, la DCRG, la DNAT et le bureau de lutte anti-terroriste de la gendarmerie nationale.

Rappelons que, au sein de ces services, seuls les agents individuellement habilités auraient accès aux traitements automatisés.

Le choix d'un arrêté ministériel semble judicieux car il offre la souplesse nécessaire en cas de réorganisation des services chargés de la lutte antiterroriste.

Toutefois, l'emplacement de cet article n'est pas le bon. L'arrêté ministériel susmentionné vaudrait pour l'ensemble de la loi. Il devrait donc figurer dans les dispositions finales et non dans le chapitre premier relatif à la vidéosurveillance.

Un sous-amendement du député Michel Hunault a précisé que, pour l'application des articles 1 er et 2 relatif à la vidéosurveillance, des arrêtés préfectoraux fixeraient la liste de ces services au plan départemental. L'exposé des motifs justifie ce sous-amendement par la gestion déconcentrée des systèmes de vidéosurveillance par chaque préfet de département et, à Paris, par le préfet de police.

Chaque autorisation d'un système de vidéosurveillance est en effet délivrée, modifiée ou retirée par le préfet. L'article premier du projet de loi prévoit que le préfet peut autoriser, pour un système de vidéosurveillance déterminé, des agents individuellement habilités des services de police et de gendarmerie nationales à accéder aux images. Mais, toujours selon cet article premier, ce droit d'accès ne serait limité ni à la seule fin de prévenir des actes de terrorisme, ni aux seuls services de police et de gendarmerie spécialement chargés de prévenir et de réprimer le terrorisme.

Ce sous-amendement n'apparaît donc pas pertinent car il limiterait l'accès à ces images aux services désignés par le préfet localement pour lutter contre le terrorisme.

Votre commission vous propose donc un amendement de suppression de cet article.

Un autre amendement insérant un article additionnel après l'article 15 dans le chapitre VIII relatif aux dispositions finales tend à reprendre l'essentiel des dispositions du présent article.

La commission vous propose d'abandonner la seconde phrase du présent article qui prévoit que des arrêtés préfectoraux fixent la liste de ces services au niveau départemental en matière de vidéosurveillance pour les raisons précitées.

Cet article additionnel après l'article 15 reprendrait les dispositions relatives à l'arrêté ministériel déterminant la liste des services spécialement chargés de la prévention et de la répression du terrorisme, sous réserve d'une harmonisation rédactionnelle. Il abandonnerait en revanche la deuxième partie du dispositif relative aux arrêtés préfectoraux en matière de vidéosurveillance. La commission a souhaité préciser qu'il s'agissait d'un arrêté interministériel.

Votre commission des lois vous proposer de supprimer l'article premier bis .

Article 2 (art. 10-1 [nouveau] de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995)
Faculté pour le préfet de prescrire la vidéosurveillance de certains sites

Cet article tend à permettre au préfet de prescrire l'installation de systèmes de vidéosurveillance sur certains sites constituant des cibles potentielles privilégiées pour des actions terroristes.

Il insérerait à cette fin un nouvel article 10-1 dans la loi du 21 janvier 1995.

1. Le texte soumis au Sénat

Le paragraphe I de ce nouvel article prévoit que, pour prévenir des actes terroristes, le représentant de l'Etat dans le département peut prescrire la mise en oeuvre de systèmes de vidéosurveillance, à quatre catégories de personnes.

La première catégorie regroupe les exploitants des établissements, installations ou ouvrages mentionnés aux articles L. 1332-1 et L. 1332-2 du code de la défense.

Les articles L. 1332-1 et suivants du code de la défense 29 ( * ) sont relatifs à la protection des installations d'importance vitale. Il s'agit des établissements, installations et ouvrages, « dont l'indisponibilité risquerait de diminuer de façon importante le potentiel de guerre ou économique, la sécurité ou la capacité de survie de la nation ».

Peuvent également relever de cette catégorie les établissements mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement si la destruction ou l'avarie de certaines de leurs installations représente un danger grave pour la population 30 ( * ) . Ils sont désignés par le préfet.

Selon l'exposé des motifs du projet de loi, en dépit du fait que les responsables de ces installations sont obligés de mettre en oeuvre un dispositif de protection adapté (voir encadré ci-dessous), « la décision de mise en place d'un système de vidéosurveillance n'est qu'une option à la discrétion de ces responsables ».

La protection des installations d'importance vitale

Les entreprises exploitant de telles installations sont tenues de coopérer à leurs frais à leur protection contre toute tentative de sabotage.

A cette fin, elles doivent élaborer un plan particulier de protection, approuvé par le préfet, comportant notamment des dispositions efficaces de surveillance, d'alarme et de protection matérielle. En cas de non-approbation du plan et de désaccord persistant, le plan est arrêté par le préfet.

En cas de refus des entreprises de préparer un tel plan, le préfet met en demeure les chefs d'entreprises ou d'établissements, par arrêté, de l'établir dans le délai qu'il fixe. De la même façon, il les met ensuite en demeure de mettre en oeuvre le plan dans le délai qu'il fixe.

Les dirigeants des entreprises qui persistent à ne pas élaborer le plan particulier de protection ou à ne pas le mettre en oeuvre à l'expiration du délai défini par la mise en demeure, sont punis d'une amende de 150 000 euros. Il en va de même si ces personnes omettent, après une mise en demeure, d'entretenir les dispositifs de protection.

La deuxième catégorie vise les gestionnaires d'infrastructures, les autorités et personnes exploitant des transports collectifs, relevant de l'activité de transport intérieur régie par la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs. Sont concernés les transports ferroviaires de voyageurs, les transports urbains de personnes, les transports routiers non urbains de personnes, les transports aériens de voyageurs et les transports maritimes réguliers de personnes.

La troisième catégorie concernée regroupe les exploitants d'aéroports ouverts au trafic international qui ne relèvent d'aucune des deux catégories précédentes.

A l'Assemblée nationale , un amendement du groupe socialiste a ajouté une quatrième et dernière catégorie de personnes : les exploitants des lieux et établissements ouverts au public aux fins d'y assurer la sécurité des personnes et des biens lorsque ces lieux et ces établissements sont particulièrement exposés à des actes terroristes.

Cet amendement a pour effet d'élargir considérablement le champ d'application de cet article.

Les paragraphes II à VI de ce nouvel article définissent la procédure à suivre ainsi que le régime applicable à ces systèmes particuliers de vidéosurveillance.

L'ensemble de ces règles est un hybride de la législation en matière de vidéosurveillance (article 10 de la loi du 21 janvier 1995) et de celle relative à la protection des installations d'importance vitale (articles L. 1332-1 et suivants du code de la défense).

Ainsi, avant de prescrire l'installation de la vidéosurveillance, le préfet devrait saisir pour avis la commission départementale instituée à l'article 10 de la loi du 21 janvier 1995, quand la décision porte sur un système filmant la voie publique ou des lieux et établissements ouverts au public, sauf en matière de défense nationale.

A l'Assemblée nationale , un amendement du groupe socialiste a précisé que la commission départementale exerçait un pouvoir de contrôle sur les systèmes de vidéosurveillance installés selon cette procédure spéciale dans des conditions analogues à celles prévues par l'article 1 er du projet de loi qui attribue ces mêmes pouvoirs dans le cadre de la procédure de droit commun.

Cette précision est toutefois inutile puisque le projet de loi initial le prévoit déjà.

En effet, les systèmes de vidéosurveillance ainsi installés seraient soumis aux dispositions ci-après de l'article 10 de la loi du 21 janvier 1995 dans la rédaction qui résulterait de l'entrée en vigueur de l'article premier du présent projet de loi 31 ( * ) :

- interdiction de filmer l'intérieur des immeubles d'habitation et, de façon spécifique, leurs entrées (quatrième alinéa de l'article 10-II) ;

- obligation d'informer de manière claire et permanente le public de l'existence du système de vidéosurveillance (cinquième alinéa de l'article 10-II) ;

- prescription par le préfet de toutes les précautions utiles, en particulier quant à la qualité des personnes chargés de l'exploitation du système ou visionnant les images (deuxième alinéa de l'article 10-III) ;

- faculté ouverte au préfet d'autoriser des agents individuellement habilités des services de la police ou de la gendarmerie à accéder aux images et enregistrements (troisième alinéa de l'article 10-III) ;

- conformité de ces systèmes de vidéosurveillance avec les normes techniques définies par arrêté ministériel (quatrième alinéa de l'article 10-III) ;

- possibilité pour la commission départementale d'exercer à tout moment un contrôle sur les conditions de fonctionnement des systèmes (sixième alinéa de l'article 10-III).

Un autre emprunt aux dispositions de l'article premier du projet de loi modifiant l'article 10 de la loi du 21 janvier 1995 est la procédure d'urgence . Selon le paragraphe III de ce nouvel article, le préfet pourrait prescrire en cas d'urgence et d'exposition particulière à un risque d'actes terroristes, sans avis préalable de la commission départementale, la mise en oeuvre d'un système de vidéosurveillance. Avant l'expiration d'un délai de quatre mois, le préfet recueillerait l'avis de la commission départementale et se prononcerait sur le maintien de sa prescription.

Un amendement du rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale , par analogie avec la procédure d'urgence instituée à l'article 10 de la loi du 21 janvier 1995, précise que le président de la commission peut réunir sans délai cette dernière afin qu'elle donne son avis sur la mise en oeuvre de la procédure de décision provisoire.

Les autres dispositions sont nettement inspirées de la règlementation applicable en matière de protection des installations d'importance vitale.

Outre le fait que le préfet prescrirait et donc imposerait une obligation à un tiers, il fixerait un délai pour la réalisation des travaux.

Le présent article prévoit également que si les responsables refusaient de mettre en oeuvre le système prescrit, le préfet pourrait les mettre en demeure d'y procéder dans un délai donné. En cas de non-respect de la mise en demeure, les responsables seraient punis de 150 000 euros d'amende.

Le paragraphe VI de ce nouvel article prévoit qu'un décret fixe les modalités d'application, notamment les conditions dans lesquelles :

- le public est informé de l'existence d'un dispositif de vidéosurveillance ;

- la commission départementale exerce son contrôle ;

- les agents sont habilités à accéder aux enregistrements.

Cette procédure originale qui peut être mise en oeuvre afin de prévenir des actes terroristes et qui emprunte beaucoup à la procédure de protection des installations d'importance vitale, illustre l'assimilation partielle de la lutte anti-terroriste à un objectif de défense nationale .

3. La position de votre commission des lois

Cette procédure de prescription a pour objet de remédier à une carence des exploitants de ces lieux et établissements. Il incombe en effet à chaque exploitant une obligation générale de sécurité qu'il s'agisse de la sécurité des clients, des employés ou des environs. On peut penser aux conséquences d'un attentat sur une centrale nucléaire, un barrage ou une raffinerie par exemple.

Comme l'indique le rapport de la commission des lois de l'Assemblée nationale, il existe déjà de nombreuses prescriptions en matière de sécurité qui ne font l'objet d'aucune compensation, par exemple en matière de sécurité incendie ou d'obligation de surveillance de certains lieux. Ainsi le décret n° 97-47 du 15 janvier 1997 oblige les exploitants de garage ou de parc de stationnement de plus de deux cents places situé sur le territoire de certaines communes à en faire assurer la surveillance par un service interne de surveillance ou par une entreprise prestataire de services.

Cette procédure n'a pas vocation à se substituer à la procédure de droit commun prévu à l'article 10 de la loi du 21 janvier 1995. Avant d'y recourir, le préfet devra engager une phase de concertation.

Votre commission vous propose deux amendements rédactionnels ou de précision.

Votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 2 ainsi modifié .

CHAPITRE II - CONTRÔLE DES DÉPLACEMENTS ET COMMUNICATION DES DONNÉES TECHNIQUES RELATIVES AUX ÉCHANGES TÉLÉPHONIQUES ET ÉLECTRONIQUES DES PERSONNES SUSCEPTIBLES DE PARTICIPER À UNE ACTION TERRORISTE

Article 3 (art. 78-2 du code de procédure pénale)
Contrôle d'identité dans les trains transnationaux

Cet article tend à compléter l'article 78-2 du code de procédure pénale en vue de préciser les modalités des contrôles d'identité opérés à bord des trains effectuant une liaison internationale.

1. Le droit en vigueur

L'article 78-2 du code de procédure pénale définit les cas dans lesquels les officiers de police judiciaire et, sur l'ordre et sous la responsabilité de ceux-ci, les agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints, peuvent procéder à des contrôles d'identité.

En 1993 32 ( * ) , le législateur, après l'adoption de la Convention de Schengen par la France et la suppression de certains contrôles aux frontières, a autorisé que des contrôles d'identité puissent être effectués en vue de vérifier le respect des obligations de détention, de port et de présentation des titres et documents prévues par la loi dans une zone comprise entre la frontière terrestre de la France avec les Etats parties à la Convention signée à Schengen le 19 juin 1990 et une ligne tracée à 20 kilomètres en deçà.

Cette disposition s'applique aussi aux zones accessibles au public des ports, aéroports et gares ferroviaires ou routières ouverts au trafic international et désignés par arrêté 33 ( * ) .

Dans sa décision du 5 août 1993 34 ( * ) , le Conseil constitutionnel a déclaré ces dispositions conformes à la Constitution, censurant uniquement la possibilité d'étendre cette distance à quarante kilomètres par arrêté interministériel. Il estimait que cette disposition n'était pas accompagnée de « justifications appropriées tirées d'impératifs constants et particuliers de la sécurité publique » par rapport aux atteintes portées à la liberté individuelle. Le législateur avait en outre méconnu sa compétence en déléguant au pouvoir réglementaire le soin de fixer l'extension de la zone de contrôle.

Dans ces zones, le contrôle de l'identité n'a pas à être motivé par l'une des hypothèses prévues aux sept premiers alinéas de l'article 78-2 du code de procédure pénale. En outre, ce texte rappelle que ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes le fait que le contrôle de l'identité révèle une infraction autre que celle de non-respect des obligations de détention, de port et de présentation des titres et documents prévues par la loi.

La preuve de l'identité peut être rapportée par tout moyen. En revanche, les personnes de nationalité étrangère doivent être en mesure de présenter les pièces ou documents sous le couvert desquels elles sont autorisées à circuler ou à séjourner en France 35 ( * ) .

Cependant, afin de lutter contre l'entrée et le séjour irréguliers en France dans des sections du territoire national ouvertes au trafic international et ayant les caractéristiques des zones frontalières, l'article 81 de la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité a complété l'article 78-2 du code de procédure pénale. Il prévoit que, lorsqu'il existe une section autoroutière démarrant dans la zone des 20 kilomètres, les contrôles d'identité peuvent avoir lieu jusqu'au premier péage autoroutier, même si celui-ci se situe au-delà des 20 kilomètres, sur la voie ou sur les aires de stationnement, ainsi que sur le lieu de ce premier péage et les aires de stationnement attenantes. Les péages concernés sont désignés par arrêté 36 ( * ) .

2. Le texte soumis au Sénat

L'exposé des motifs du projet de loi relève que les modalités de contrôle dans la bande des 20 kilomètres ont été « adaptées au réseau routier [...] En matière de transports ferroviaires, la mise en oeuvre de ces contrôles s'avère, en pratique, très difficile, en raison notamment de la vitesse de certains trains ou de l'absence d'arrêt dans la zone frontalière ».

Le présent article complète donc le huitième alinéa de l'article 78-2 du code de procédure pénale en vue de préciser les modalités des contrôles d'identité opérés à bord des trains effectuant une liaison internationale.

Le dispositif retenu s'inspire très largement de celui applicable sur les sections autoroutières susvisées.

En effet, les contrôles d'identité seraient possibles sur la portion du trajet entre la frontière et le premier arrêt qui se situe au delà de la bande des 20 kilomètres. Cette disposition ne pose pas de problèmes particuliers puisque les personnes susceptibles d'être contrôlées sont celles qui peuvent déjà l'être selon le droit en vigueur.

De plus, sur certaines lignes ferroviaires effectuant une liaison internationale et présentant des caractéristiques particulières de desserte, le contrôle pourrait également être opéré entre ce premier arrêt et un arrêt situé dans la limite des 50 kilomètres .

Comme l'indique le rapport de la commission des lois de l'Assemblée nationale, cette disposition est particulièrement importante pour les liaisons à grande vitesse, pour des raisons évidentes liées à la rapidité de ces trains, mais elle vise aussi à permettre d'effectuer des contrôles efficaces à bord de trains qui, bien qu'effectuant une liaison internationale, sont également utilisés pour le trafic national, voire local. Ce type de ligne se caractérise par un grand nombre d'arrêts : il est donc souhaitable de pouvoir effectuer des contrôles d'identité au-delà de la première gare située après la bande des vingt kilomètres, lorsque celle-ci se trouve à peu de distance de la limite des 20 kilomètres. Par exemple, sur la ligne Vintimille-Marseille, la première gare située au-delà de la bande des 20 kilomètres est la gare de Beaulieu-sur-Mer, située à 23 kilomètres de la frontière seulement.

Toutefois, ce dispositif pose le problème du contrôle d'identité des personnes montées à bord après le passage de la frontière et se déplaçant donc entre deux points du territoire national. Dans sa décision précitée du 5 août 1993, le Conseil constitutionnel a admis que « les contraintes supplémentaires ainsi occasionnées pour les personnes qui résident ou se déplacent dans les zones concernées du territoire français ne portent pas atteinte au principe d'égalité dès lors que les autres personnes sont placées dans des situations différentes au regard des objectifs que le législateur s'est assigné ; qu'en outre de telles dispositions ne sauraient être regardées en elles-mêmes comme portant atteinte à l'indivisibilité de la République ». Il a toutefois ajouté que ces zones devaient être « précisément définies dans leur nature et leur étendue ».

C'est ce que prévoit le présent article en disposant qu'un arrêté ministériel désigne les lignes et les arrêts « présentant des caractéristiques particulières de desserte ».

Eu égard aux spécificités du transport ferroviaire, ces dispositions semblent respecter l'équilibre entre les nécessités de l'ordre public et la sauvegarde de la liberté individuelle. Elles ne méconnaîtraient pas la compétence du législateur, conformément aux exigences du juge constitutionnel. En outre, le présent article ne serait applicable que jusqu'au 31 octobre 2008 37 ( * ) . Après évaluation, une nouvelle discussion parlementaire serait donc nécessaire pour le pérenniser.

Il convient également de rappeler que les contrôles d'identité sont déjà possibles dans les zones accessibles au public des gares ferroviaires ouvertes au trafic international et désignés par arrêté. Il est préférable de contrôler les personnes à bord du train plutôt qu'à leur descente à la fois pour réduire le nombre d'agents mobilisés lors de ces contrôles et pour réduire la gêne occasionnée aux passagers.

A l'exception d'un amendement de coordination, l'Assemblée nationale n'a pas modifié le présent article.

Votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 3 sans modification.

Article 4 (art. L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques)
Assimilation des personnes offrant au public un accès au réseau
à des opérateurs de communications électroniques

Cet article a pour objet d'assimiler à des opérateurs de communications électroniques, pour l'application de l'article L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques, les personnes dont l'activité professionnelle principale ou accessoire est d'offrir au public une connexion Internet par l'intermédiaire d'un accès au réseau.

Une des principales conséquences de ces dispositions serait d'obliger les fournisseurs d'accès au réseau communément appelés « cybercafé » à conserver les données de trafic.

1. Le droit en vigueur

Aux termes du I de l'article L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques, créé par l'article 29 de la loi n° 2001-1062 du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne 38 ( * ) , « les opérateurs de communications électroniques 39 ( * ) , et notamment les personnes dont l'activité est d'offrir un accès à des services de communication au public en ligne, effacent ou rendent anonyme toute donnée relative au trafic ».

Toutefois, il existe plusieurs dérogations au principe général d'effacement . Elles sont strictement encadrées par l'article L. 34-1 :

- les opérateurs peuvent utiliser, conserver et, le cas échéant, transmettre à des tiers concernés directement les données relatives au trafic pour les besoins de la facturation et du paiement des prestations de communications électroniques, jusqu'à la fin de la période au cours de laquelle la facture peut être légalement contestée ou des poursuites engagées pour en obtenir le paiement, soit au maximum un an ;

- les opérateurs peuvent conserver certaines données en vue d'a ss urer la sécurité de leurs réseaux ;

- l'effacement des données relatives au trafic peut être différé pour une durée maximale d'un an, pour les besoins de la recherche, de la constatation et de la poursuite des infractions pénales, et seulement afin de mettre à disposition de l'autorité judiciaire des informations.

Cette dernière dérogation intéresse plus particulièrement la lutte contre le terrorisme.

Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux lors de l'examen au Sénat en deuxième lecture du projet de loi relatif à la sécurité quotidienne 40 ( * ) , affirmait : « Les événements récents ont démontré que l'utilisation des moyens de télécommunications, des réseaux numériques et de l'Internet était au coeur des échanges d'informations entre les membres des réseaux terroristes. [...] De telles enquêtes supposent que puissent être exploitées les données enregistrées par les opérateurs de télécommunications à l'occasion de l'établissement des communications en cause. Ces données sont, en effet, autant de traces laissées par les intéressés dans le monde virtuel, comme le seraient des empreintes ou des indices dans le monde réel. [...] Il est nécessaire que la France se dote, à cet égard, d'un dispositif législatif clair et transparent encadrant strictement la conservation de ces données techniques [...] ».

Ces données de trafic se distinguent des données administratives relatives aux clients (nom, prénom, adresse, mode de paiement de l'abonnement...). Elles désignent les informations liées à l'utilisation des réseaux, qu'il s'agisse de communications téléphoniques, de courriers électroniques, d'accès à un site Internet, des services de messages courts (SMS) ou des services de messageries multimédias (MMS) 41 ( * ) . Elles portent sur l'identification des personnes utilisatrices des services fournis par les opérateurs, sur les caractéristiques techniques des communications assurées par ces derniers et sur la localisation des équipements terminaux (art. L. 34-1 (V) du code précité). Les exceptions au principe d'effacement ne visent que ces données 42 ( * ) .

Conformément au principe de finalité, ces diverses dérogations visent des catégories de données et des durées de conservation différentes, dont la détermination est renvoyée à un décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la CNIL.

En application de l'article L. 34-1 (II) du code précité, le décret devant fixer les catégories de données à conserver pour les besoins de la recherche, de la constatation et de la poursuite des infractions pénales, ainsi que la durée de leur conservation est toujours attendu.

Un projet de décret serait en cours de finalisation 43 ( * ) . Les opérateurs seraient tenus de conserver les données pendant un an à compter du jour de leur enregistrement. Le projet de décret, dans sa rédaction actuelle, fixe les catégories de données qui devraient être conservées :

- les informations permettant d'identifier l'utilisateur ;

- les données relatives aux équipements terminaux de communications utilisés ;

- les caractéristiques techniques ainsi que la date, l'horaire et la durée de chaque communication ;

- les données relatives aux services complémentaires demandés ou utilisés et leurs fournisseurs ;

- les données permettant d'identifier le ou les destinataires de la communication.

Dans son rapport annuel sur l'application des lois au cours de la session 2004-2005, votre commission des lois a estimé très peu satisfaisant que, quatre ans après les attentats du 11 septembre et l'entrée en vigueur de la loi relative à la sécurité quotidienne, ces dispositions essentielles dans la lutte contre le terrorisme ne soient toujours pas applicables.

Il semblerait que la finalisation du décret achoppe principalement sur la définition « des modalités de compensation, le cas échéant, des surcoûts identifiables et spécifiques des prestations assurées à ce titre, à la demande de l'Etat par les opérateurs » (art. L. 34-1 (II) du code précité).

En effet, le Conseil constitutionnel a précisé la nécessité pour l'Etat d'assurer une telle rémunération lorsque l'appui offert par les opérateurs ne correspond pas directement à leur activité de fournisseur de service, afin d'éviter toute rupture caractérisée de l' égalité devant les charges publiques 44 ( * ) .

Il a en effet jugé, dans sa décision du 28 décembre 2000 45 ( * ) , que si le législateur pouvait, dans le respect des libertés constitutionnellement garanties, imposer aux opérateurs de réseaux de télécommunications de mettre en place et de faire fonctionner les dispositifs techniques justifiés par les nécessités de la sécurité publique, « le concours ainsi apporté à la sauvegarde de l'ordre public, dans l'intérêt général de la population, est étranger à l'exploitation des réseaux de télécommunications » et que les dépenses en résultant ne sauraient dès lors incomber directement aux opérateurs.

Un autre frein à la parution du décret proviendrait des négociations en cours au niveau européen sur un projet de décision-cadre du Conseil 46 ( * ) sur la rétention de données traitées et stockées en rapport avec la fourniture de services de communication électroniques accessibles au public ou de données transmises via des réseaux de communications publics, aux fins de la prévention, la recherche, la détection, la poursuite des délits et d'infractions pénales, y compris le terrorisme. Ces négociations sont elles même compliquées par le dépôt d'une initiative concurrente par la Commission européenne 47 ( * ) .

Toutefois, au cours des débats à l'Assemblée nationale, M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire, a assuré que le décret serait soumis au Conseil d'Etat dans les prochains jours et qu'il serait publié au plus tard au mois de janvier.

2. Le texte soumis au Sénat

Cet article complète l'article L. 34-1 (I) du code des postes et des communications électroniques, afin de soumettre un nombre plus grand de fournisseurs de services de communications électroniques aux règles définies par cet article L. 34-1 en matière d'effacement et de conservation des données de trafic.

Selon l'exposé des motifs du projet de loi, « les connexions et navigations sont également possibles à partir de lieux publics ou commerciaux, via des bornes d'accès sans fil (Wifi), ou par l'intermédiaire d'un réseau distribué, communément appelé « cybercafé ». La problématique des « cybercafés » est d'offrir des accès à l'Internet sans ménager de possibilités d'identifier les clients, ni de cerner les connexions individuellement. [...] Par ailleurs, pour renforcer la confidentialité des navigations d'un client à un autre, toutes les traces sont souvent effacées sur le disque dur du terminal. L'article proposé a pour objet de clarifier la situation juridique de ces fournisseurs d'accès en les assimilant explicitement aux opérateurs [...] ».

Seraient donc également soumises à ces dispositions 48 ( * ) « les personnes, qui au titre d'une activité professionnelle principale ou accessoire, offrent au public une connexion permettant une communication en ligne par l'intermédiaire d'un accès au réseau, y compris à titre gratuit ».

Dans son avis 49 ( * ) sur le projet de loi, la CNIL juge que la rédaction du projet de loi ainsi que les discussions menées avec le ministère de l'intérieur semblent devoir exclure de ces dispositions les entreprises ou administrations qui assurent un accès au réseau à leurs salariés ou agents.

En revanche, pointant les incertitudes qui s'attachent à cette définition, la CNIL estime qu'elle pourrait concerner par exemple les universités proposant un accès au réseau Internet aux étudiants.

Au cours des débats à l'Assemblée nationale, le ministre délégué à l'aménagement du territoire a précisé que les « cybercafés » étaient les principaux lieux visés par le projet de loi. Concernant les mairies, les universités ou les bibliothèques, il a déclaré que, bien que n'étant pas directement visés, ces lieux sont susceptibles d'entrer dans le champ de la loi. Il a renvoyé au décret le soin de détailler les obligations éventuelles de ces personnes. Il a rappelé que Mohammed Atta, le chef des commandos kamikazes du 11 septembre 2001, communiquait avec une partie de son réseau à partir des postes Internet que l'université de Hambourg mettait à la disposition des étudiants.

Ces trois exemples ne sont évidemment pas exhaustifs. On peut également penser aux hôtels qui offrent à titre accessoire une connexion au réseau à leurs clients ou à certains restaurants qui offrent une connexion Wi-Fi à titre accessoire et gratuit.

L'extension de l'obligation de conservation des données techniques de connexion à ces personnes posent plusieurs difficultés.

En premier lieu , le décret devra fixer les modalités de compensation, le cas échéant, des surcoûts identifiables et spécifiques des prestations ainsi assurées. Déjà difficile à déterminer pour les grands opérateurs de communications électroniques, ce surcoût, s'il existe, risque de l'être encore plus pour des entités aussi petites qu'un cybercafé.

En second lieu , la conservation des données ne garantit pas l'identification de l'utilisateur, c'est-à-dire la connaissance de son état civil. Le projet de loi n'a pas retenu l'hypothèse consistant à demander aux exploitants de « cybercafés » de relever l'identité de leurs clients. Concernant les connexions par des bornes Wi-Fi, l'identification d'un utilisateur est pratiquement impossible.

Le stockage des données techniques a donc des limites importantes qui doivent en conséquence amener à nuancer les craintes exprimées en matière d'atteintes aux libertés publiques.

Cet article, comme plusieurs autres articles du projet de loi, n'est pas à lui seul une réponse décisive au terrorisme. Il doit être conçu comme un instrument permettant de recueillir quelques informations supplémentaires qui, mises bout à bout, constituent un faisceau d'indices. Le renseignement est un travail patient qui consiste à reconstituer des itinéraires personnels et des parcours croisés.

A l'Assemblée nationale , un amendement du rapporteur de la commission des lois a été adopté tendant à modifier le paragraphe II de l'article L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques. Il précise que les opérateurs de communications électroniques doivent différer l'effacement des données aux fins de constatations des infractions pénales. Le droit en vigueur dispose simplement qu'il peut être différé, soin étant laissé au décret de préciser la portée de cette obligation (données, durée de conservation...). Or, comme on l'a vu, ce décret n'a toujours pas été pris.

Afin que cette disposition du projet de loi ne reste pas lettre morte faute de décret, l'Assemblée nationale a souhaité inscrire cette obligation de conservation dans la loi.

3. La position de votre commission des lois

Cet article pose deux difficultés.

Concernant la définition des cybercafés et autres lieux assimilés , l'avis n° 05-0918 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) en date du 13 octobre 2005 sur le projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme 50 ( * ) exprime plusieurs réserves quant à la clarté et l'intelligibilité du dispositif. De manière général, force est de constater que la législation en matière de communications électroniques est particulièrement complexe.

Le Gouvernement devra être particulièrement attentif à la rédaction du décret d'application, afin que celui-ci distingue bien entre les différentes catégories d'opérateurs de communications électroniques.

Concernant la modification apportée par l'Assemblée nationale et disposant que les opérateurs de communications électroniques doivent différer l'effacement des données aux fins de constatation des infractions pénales, votre commission vous propose un amendement tendant à maintenir la rédaction en vigueur du II de l'article L. 34-1 du CPCE. Le texte en vigueur prévoit seulement qu'il peut être différé dans les conditions définies par un décret.

Deux arguments justifient cet amendement.

D'une part, la portée du texte adopté par l'Assemblée nationale est limitée car il ne suffit pas à rendre directement applicable l'obligation de conservation des données par les opérateurs. Le décret d'application reste nécessaire, notamment pour fixer les modalités de compensation financière, la nature des données conservées et leur durée de conservation. Cette obligation peut également apparaître contradictoire avec le principe général d'effacement des données.

D'autre part, en créant une obligation de conservation pour tous les opérateurs de communications électroniques, quels qu'ils soient, le texte de l'Assemblée nationale est trop rigide et interdit au décret d'application de dispenser certains opérateurs de l'obligation de conservation des données. Votre rapporteur pense par exemple aux postes en accès libre dans certaines petites mairies.

Votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 4 ainsi modifié .

Article 5 (article L. 34-1-1 [nouveau] du code des postes et des communications électroniques ; article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 ; articles 27 et 28 [nouveau] de la loi n° 91-646 du 10 juillet 1991)
Accès des services spécialisés dans la lutte contre le terrorisme à certaines données de trafic des communications électroniques

Cet article tend à permettre aux agents individuellement habilités des services de police et de gendarmerie spécialisés dans la prévention du terrorisme de se faire communiquer certaines données de trafic générées par les communications électroniques. Ces données seraient communiquées dans un cadre juridique administratif adapté et non plus systématiquement, comme actuellement, dans un cadre judiciaire.

1. Le droit en vigueur

Les opérateurs de communications électroniques conservent un certain nombre de données dites de trafic, soit pour leurs besoins propres, soit pour les besoins de la recherche, de la constatation et de la poursuite d'infractions pénales. L'article L. 34-1 du code des postes et des télécommunications électroniques définit les règles de conservation de ces données 51 ( * ) .

De la même manière, l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique dispose que les fournisseurs d'accès 52 ( * ) et les fournisseurs d'hébergement 53 ( * ) sont tenus de détenir et de conserver les données de nature à permettre l'identification de quiconque a contribué à la création du contenu ou de l'un des contenus des services dont elles sont prestataires. Un décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la CNIL, définit ces données et détermine la durée et les modalités de leur conservation.

Ces données ne peuvent être consultées par la police et la gendarmerie nationales que dans un cadre judiciaire. Les articles 60-1, 77-1-1 et 99-3 du code de procédure pénale, disposent respectivement que l'officier de police judiciaire au cours d'une enquête de flagrance, le procureur de la République ou l'officier de police judiciaire, sur autorisation du procureur, au cours d'une enquête préliminaire ainsi que le juge d'instruction ou l'officier de police judiciaire par lui commis au cours de l'instruction, peuvent « requérir de toute personne, de tout établissement ou organisme privé ou public ou de toute administration publique qui sont susceptibles de détenir des documents intéressant l'enquête ou l'instruction, y compris ceux issus d'un système informatique ou d'un traitement de données nominatives, de leur remettre ces documents [...] ».

Selon l'exposé des motifs du projet de loi, cette obligation de s'inscrire dans un cadre judiciaire est trop restrictive pour lutter efficacement contre le terrorisme, « car la plupart des vérifications nécessaires en pratique découlent d'éléments recueillis en amont de toute procédure judicaire ».

2. Le texte soumis au Sénat

Le présent article vise à remédier à ces inconvénients en facilitant la collecte et la vérification rapide de renseignements opérationnels au travers de l'exploitation des données générées par les communications électroniques.

Lors de l'examen du projet de loi par l'Assemblée nationale , plusieurs amendements ont été adoptés, codifiant notamment ces dispositions dans le code des postes et des communications électroniques et dans la loi du 21 juin 2004 précitée au lieu de les inscrire dans le présent projet de loi. L'organisation d'ensemble du présent article a donc notablement changé par rapport à la rédaction issue du Conseil des ministres.

Votre rapporteur souhaite toutefois souligner que cette codification est à double tranchant. Si elle rend plus intelligible la loi dans un certain sens, elle la complique également dans un autre étant donné que ces dispositions ne seraient en vigueur que jusqu'au 31 décembre 2008. Il peut sembler délicat de codifier des dispositions provisoires. Il faudra être particulièrement attentif à ne pas pérenniser implicitement 54 ( * ) les dispositions du présent article en les modifiant par un autre texte. La clause de rendez-vous fixée à l'article 15 du projet de loi n'aurait plus aucun sens.

Le paragraphe I de cet article tend à introduire dans le code des postes et des communications électroniques un nouvel article L. 34-1-1 qui définit l'étendue et les modalités de ce régime de réquisition administrative des données de connexion. Il crée une procédure administrative originale et unique inspirée de celle existant en matière d'interception de sécurité.

Le premier alinéa prévoit que seuls « les agents individuellement habilités des services de police et de gendarmerie nationales spécialement désignés en charge de [la prévention et de la répression des actes terroristes] » pourraient se faire communiquer des données dans le cadre de cette nouvelle procédure. Rappelons que l'article 1 er bis du présent projet de loi renvoie à un arrêté ministériel la détermination de la liste de ces services spécialisés.

Les personnes dont certaines données seraient exigibles sont précisément énumérées par l'article L. 34-1 du code précité. Il s'agit :

- des opérateurs de communications électroniques ;

- des personnes qui, au titre d'une activité professionnelle principale ou accessoire, offrent au public une connexion permettant une communication en ligne par l'intermédiaire d'un accès au réseau 55 ( * ) .

Toutefois, ces données ne pourraient être utilisées qu'aux fins de prévention et de répression des actes de terrorisme.

Le projet de loi initial limitait ces réquisitions administratives au seul but de prévenir les actes de terrorisme. Un amendement du rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale a étendu cette possibilité à la répression des actes terroristes.

Le deuxième alinéa fixe la liste des données techniques susceptibles d'être communiquées.

Les différents intervenants précités conservent certaines données techniques, soit pour leurs besoins propres, soit en raison d'obligations légales. Dans le cadre judiciaire actuel, toutes les données conservées peuvent être requises.

En revanche, cette nouvelle procédure de réquisition administrative ne permettrait la communication que d'une partie d'entre elles. Les demandes seraient limitées « aux données techniques relatives à l'identification des numéros d'abonnement ou de connexion à des services de communications électroniques, au recensement de l'ensemble des numéros d'abonnement ou de connexion d'une personne désignée, aux données relatives à la localisation des équipements terminaux utilisés ainsi qu'aux données techniques relatives aux communications d'un abonné portant sur la liste des numéros appelés et appelants, la durée et la date de la communication ».

Ne seraient donc pas communicables, dans le cadre de cette réquisition administrative, les autres données, définies par décret, que les différents opérateurs sont tenus de conserver 56 ( * ) . Rappelons que ne sont pas visées les données portant sur le contenu des communications ou des sites web visités.

Le troisième alinéa prévoit que les surcoûts identifiables et spécifiques consécutifs aux demandes d'information font l'objet d'une compensation financière.

Une telle compensation est obligatoire et constitutionnellement garantie. Le Conseil constitutionnel a en effet jugé, dans sa décision du 28 décembre 2000 57 ( * ) , que si le législateur pouvait, dans le respect des libertés constitutionnellement garanties, imposer aux opérateurs de réseaux de télécommunications de mettre en place et de faire fonctionner les dispositifs techniques justifiées par les nécessités de la sécurité publique, « le concours ainsi apporté à la sauvegarde de l'ordre public, dans l'intérêt général de la population, est étranger à l'exploitation des réseaux de télécommunications » et que les dépenses en résultant ne sauraient dès lors incomber directement aux opérateurs.

En effet, le traitement des données demandées par un personnel qualifié se révèle coûteux pour les fournisseurs de services de communications. Toutefois, si une compensation est juste, elle ne doit pas être prohibitive pour autant. Faute de décret paru, les opérateurs fixent aujourd'hui unilatéralement des prix parfois excessifs.

Selon, l'exposé des motifs du projet de loi, ces frais s'imputeraient sur le budget de fonctionnement du service demandeur. La charge ne pèserait donc pas sur les frais de justice 58 ( * ) .

Les quatrième et cinquième alinéas définissent l'ensemble des garanties qui devraient entourer chaque demande de communication de données. Le régime proposé s'inspire de celui applicable en matière d'interceptions de sécurité administrative.

Les interceptions de sécurité

Les interceptions de sécurité, qui se distinguent des interceptions ordonnées par l'autorité judiciaire 59 ( * ) , sont réglementées par la loi n° 91-646 du 10 juillet 1991 relative au secret des correspondances émises par la voie des communications électroniques.

Ces interceptions peuvent être autorisées aux fins de rechercher des renseignements intéressant la sécurité nationale, la sauvegarde des éléments essentiels du potentiel scientifique et économique de la France, la prévention du terrorisme, de la criminalité et de la délinquance organisées et la reconstitution ou le maintien de groupements dissous en application de la loi du 10 janvier 1936 sur les groupes de combat et les milices privées.

L'autorisation est accordée par décision écrite et motivée du Premier ministre ou de l'une des deux personnes spécialement déléguées par lui. Elle est donnée sur proposition écrite et motivée du ministre de la défense, du ministre de l'intérieur ou du ministre chargé des douanes , ou de la personne que chacun d'eux a spécialement déléguée. Cette autorisation est donnée pour une durée maximum de quatre mois. Elle cesse de plein droit de produire effet à l'expiration de ce délai. Elle ne peut être renouvelée que dans les mêmes conditions de forme et de durée.

Le nombre d'interceptions susceptibles d'être pratiquées simultanément est contingenté et réparti entre les trois ministères compétents. Il est établi un relevé de chacune des opérations d'interception et d'enregistrement. Ce relevé mentionne la date et l'heure auxquelles elle a commencé et celles auxquelles elle s'est terminée.

La commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, autorité administrative indépendante, est chargée de veiller au respect de l'ensemble de la réglementation applicable. Elle est présidée par une personnalité désignée, pour une durée de six ans, par le Président de la République, sur une liste de quatre noms établie conjointement par le vice-président du Conseil d'Etat et le premier président de la Cour de cassation.

Lorsque le Premier ministre autorise une interception, le président de la commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité en est informé dans un délai de quarante-huit heures au plus tard. Si celui-ci estime que la légalité de cette décision n'est pas certaine, il réunit la commission, qui statue dans les sept jours suivant la réception par son président de la notification.

Au cas où la commission estime qu'une interception de sécurité a été autorisée en méconnaissance de la loi, elle adresse au Premier ministre une recommandation tendant à ce que cette interception soit interrompue. Elle porte également cette recommandation à la connaissance du ministre ayant proposé l'interception et du ministre chargé des communications électroniques. De sa propre initiative ou sur réclamation de toute personne y ayant un intérêt direct et personnel, la commission peut procéder au contrôle de toute interception de sécurité.

Le Premier ministre informe sans délai la commission des suites données à ses recommandations.

La commission remet chaque année au Premier ministre un rapport sur les conditions d'exercice et les résultats de son activité. Ce rapport est rendu public.

Les demandes motivées ne pourraient être présentées que par les agents individuellement habilités des services d'enquêtes spécialement désignés pour lutter contre le terrorisme. Toutefois, selon l'exposé des motifs du projet de loi, la motivation, la centralisation et l'enregistrement des demandes seraient pris en charge par l'unité de coordination de la lutte antiterroriste (UCLAT).

Il reviendrait à une personnalité qualifiée de valider chaque demande.

Selon le projet de loi initial, cette personnalité, placée auprès du ministre de l'intérieur, aurait été désignée par celui-ci pour une durée de trois ans renouvelable, après avis rendu public de la commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS).

Dans le souci de renforcer l'indépendance de cette personnalité qualifiée, un amendement du rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale a renversé ce mécanisme. La personnalité qualifiée serait désignée par la CNCIS sur proposition du ministre de l'intérieur pour une durée de trois ans renouvelable.

Afin de répondre à tout moment aux exigences opérationnelles, elle pourrait être suppléée par des adjoints désignés dans les mêmes conditions. Enfin, elle établirait un rapport d'activité annuel adressé à la CNCIS.

Chaque demande de communication de données ferait l'objet d'un enregistrement et serait communiquée à la CNCIS. Comme en matière d'interception de sécurité, cette commission pourrait contrôler à tout moment les opérations de communication des données techniques.

En cas de constat d'un manquement aux dispositions applicables, cette commission adresserait une recommandation au ministre de l'intérieur. Ce dernier disposerait alors d'un délai de quinze jours pour informer la commission des suites données à la recommandation.

Enfin, le dernier alinéa prévoit qu'un décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la CNCIS et de la commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), fixe les modalités d'application de ce nouvel article du projet de loi. Ce décret devrait notamment préciser les conditions et la durée de conservation des données transmises.

Le paragraphe I bis de cet article, introduit à l'Assemblé nationale à l'initiative du rapporteur de la commission des lois dans un souci de codification et de clarté, insère un paragraphe II bis à l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique.

Le projet de loi initial regroupait dans un même dispositif les dispositions du paragraphe I précédent et celles du présent paragraphe I bis . L'Assemblée nationale a préféré les distinguer afin de les insérer dans les textes idoines.

Ce paragraphe tend donc à introduire à l'article 6 la loi du 24 juin 2004 précitée un nouveau paragraphe définissant l'étendue et les modalités de ce régime de réquisition administrative pour les fournisseurs d'accès et d'hébergement. La procédure administrative est la même que celle précédemment décrite pour les opérateurs de communications électroniques : autorisation par la personnalité qualifiée instituée par l'article L. 34-1-1 nouveau du code précité, contrôle de la CNCIS...

La seule différence porte sur la nature des données susceptibles d'être communiquées selon cette procédure de réquisition administrative. La liste de ces données n'est pas restreinte par rapport aux données que ces prestataires doivent déjà conserver et traiter pour d'autres fins, notamment les réquisitions judiciaires.

Le paragraphe II de cet article modifie la loi n° 91-646 du 10 juillet 1991 relative au secret des correspondances émises par la voie des communications électroniques.

A l'initiative du rapporteur de la commission des lois, l'Assemblée nationale a ajouté un 1° A nouveau modifiant l'article 4 de la loi précitée. Cet article dispose que les demandes d'interception de sécurité sont faites sur proposition écrite et motivée du ministre de la défense, du ministre de l'intérieur, ou du ministre chargé des douanes, ou de la personne que chacun d'eux aura spécialement déléguée. L'amendement assouplit un peu ce système en prévoyant que chacun de ces trois ministres peut déléguer ce pouvoir à deux personnes au lieu d'une. Il semble que la CNCIS a elle-même signalé cette difficulté pratique.

Un autre amendement du même auteur a ajouté un 1° B nouveau modifiant l'article 19 de la loi précitée. Cet article 19 prévoit que la CNCIS remet chaque année au Premier ministre un rapport sur les recommandations qu'elle lui a adressées concernant les autorisations d'interception de sécurité. Ce rapport est public.

L'amendement tend à y ajouter les recommandations faites par la CNCIS au ministre de l'intérieur à la suite du constat d'un manquement à la loi ou d'une atteinte aux libertés à l'occasion d'une réquisition administrative de données techniques. Le Premier ministre serait de la sorte informé de l'ensemble de l'activité de la CNCIS.

Les 1° et 2° du paragraphe II tendent à insérer dans la loi du 10 juillet 1991 précitée une référence aux nouvelles missions de la commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité prévues par le présent article. L'Assemblée nationale a adopté deux amendements de conséquence.

A cette fin, l'article 27 de la loi du 10 juillet 1991 deviendrait le nouvel article 28 unique d'un nouveau titre V intitulé « Dispositions finales » et il serait créé un nouveau titre IV intitulé « Communication des données techniques relatives à des communications électroniques » composé du seul article 27 modifié.

Cet article 27 rappellerait que la CNCIS exerce également les attributions définies à l'article L. 34-1-1 du code des postes et des communications électroniques et à l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique.

La loi du 10 juillet 1991 ferait ainsi office en quelque sorte de code de la CNCIS.

Enfin, il convient de préciser que le présent article ne serait en vigueur que jusqu'au 31 décembre 2008, conformément à l'article 15-II du projet de loi. Il ferait l'objet d'une évaluation avant d'être éventuellement pérennisé.

3. La position de votre commission des lois

Votre commission approuve ce dispositif de réquisition administrative qui prévoit de nombreuses garanties préservant les libertés individuelles, notamment le respect de la vie privée.

Cette procédure de réquisition administrative des données techniques s'inspire de ce qui est déjà possible depuis longtemps en matière d'interception de sécurité. Or, force est de constater que les interceptions de sécurité sont bien plus attentatoires aux libertés individuelles puisqu'elles portent sur le contenu des communications.

Outre deux amendements de coordination et de précision inspirés des recommandations de la CNIL, votre commission vous propose un amendement rétablissant la rédaction initiale du projet de loi à propos des finalités pour lesquelles ces réquisitions administratives peuvent être demandées. Le projet de loi initial prévoyait une seule finalité, la prévention des actes de terrorisme. L'Assemblée nationale a souhaité élargir ces finalités à la répression de ces actes.

Votre rapporteur est conscient que la limite entre répression et prévention est souvent délicate. Les articles 6, 7 et 8 du projet de loi font d'ailleurs référence à ces deux finalités. Toutefois, en l'espèce il semble préférable de se limiter à la seule prévention du terrorisme. En effet, dans les articles précités, il s'agit de permettre la consultation de fichiers constitués à des fins de police administrative. Le dispositif prévu au présent article est de nature différente puisqu'il s'agit de consulter des données recueillies dans un cadre privé.

En introduisant la finalité de répression du terrorisme, un risque de confusion avec la procédure judiciaire pourrait apparaître. A cet égard, la procédure applicable en matière d'interception de sécurité est très claire. La loi du 10 juillet 1991 ne permet les écoutes administratives que pour prévenir le terrorisme et non le réprimer. Dans ce dernier cas de figure, on bascule dans le cadre juridique des écoutes judiciaires.

Votre commission vous propose également un amendement au I bis du présent article précisant que les surcoûts identifiables et spécifiques pesant sur les fournisseurs d'accès et les fournisseurs d'hébergement pour répondre aux demandes de réquisition des données techniques font l'objet d'une compensation financière.

Votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 5 ainsi modifié .

CHAPITRE III - DISPOSITIONS RELATIVES AUX TRAITEMENTS AUTOMATISÉS DE DONNÉES À CARACTÈRE PERSONNEL

Article 6 - Communication par les transporteurs des données relatives aux passagers aux services du ministère de l'intérieur

Cet article tend à autoriser le ministre de l'intérieur à constituer des traitements automatisés de données personnelles relatives aux passagers des transporteurs aériens, maritimes et ferroviaires. Ces traitements seraient utilisés aux fins du contrôle des frontières, de la lutte contre l'immigration clandestine, de la prévention et de la répression des actes terroristes.

1. Le droit en vigueur

Le droit positif en cette matière se caractérise par l'absence de dispositif général cohérent, alors que de nombreuses initiatives internationales et européennes sont ou se mettent en place.

Au niveau national , les autorités administratives ne disposent que du fichier national transfrontière (FNT). Géré par l'état-major de la direction centrale de la police aux frontières, ce fichier a été créé par un arrêté du ministre de l'intérieur du 29 août 1991 afin de prévenir des atteintes à la sûreté de l'Etat ou à la sécurité publique à l'occasion de l'exercice des contrôles frontaliers. Les destinataires sont, outre le service central de la police aux frontières, les principaux services spécialisés dans la lutte contre le terrorisme. Il est alimenté par les cartes d'embarquement et de débarquement des passagers comprenant le nom, le prénom, la date de naissance, la nationalité, l'aéroport de départ et d'arrivée.

Dans son avis sur le projet de loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure en 2002 60 ( * ) , notre excellent collègue Aymeri de Montesquiou déplorait que l'actualisation du fichier national transfrontière ait pris un retard considérable, le stock de fiches non saisies s'élevant alors à près de 1,5 million.

Ce fichier est en effet alimenté manuellement, ce qui le rend très peu opérationnel.

Au niveau européen et international , des évolutions importantes ont vu le jour.

Aux Etats-Unis à la suite des attentats du 11 septembre 2001, a été mis en place un système de contrôle de l'ensemble des passagers entrants sur le territoire américain. Ainsi, à la frontière, sont collectées les données contenues dans la bande de lecture optique dite « MRZ » des documents de voyage et des visas. La photographie et les empreintes digitales des index droit et gauche sont également enregistrées.

Au cours du déplacement à Washington en avril 2005 de la mission d'information de la commission des lois sur la nouvelle génération de documents d'identité et la fraude documentaire, il a été constaté le bon fonctionnement de ce système. Les autorités américaines ont indiqué qu'elles conservaient l'ensemble de ces informations pendant soixante-quinze ans et qu'elles commençaient à expérimenter un contrôle lors de la sortie du territoire.

A la collecte de ces données, il convient d'ajouter la transmission par les compagnies aériennes et la conservation par les autorités américaines des données dites PNR ( Passenger Name Record ).

Les données PNR

Les compagnies aériennes et les agences de voyage collectent ces informations auprès des passagers dans le cadre des services de réservation. Stockées dans les bases de données des systèmes de réservation, elles sont échangées entre les entreprises intervenantes du moment de la réservation jusqu'à la réalisation des prestations demandées par les passagers. Les données présentes dans ces bases prennent la forme d'enregistrements d'informations standardisés au plan international dénommés « PNR » ( Passenger Name Record ).

Le PNR peut ainsi contenir, en fonction des prestations offertes par les compagnies et demandées par le client, les informations suivantes :

- les renseignements sur l'agence de voyage auprès de laquelle la réservation est effectuée ;

- l'itinéraire du déplacement qui peut comporter plusieurs étapes ;

- les indications des vols concernés (numéro des vols successifs, date, heures, classe économique, business...) ;

- le groupe de personnes pour lesquelles une même réservation est faite ;

- le contact à terre du passager (numéro de téléphone au domicile, professionnel...) ;

- les tarifs accordés, l'état du paiement effectué et ses modalités par carte bancaire ;

- les réservations d'hôtels ou de voitures à l'arrivée ;

- les services demandés à bord tels que le numéro de place affecté à l'avance, les repas et les services liés à la santé.

L'accord du 17 mai 2004 entre l'Union européenne et les Etats-Unis fixe la liste des données pouvant être communiquées aux services des douanes et de sécurité américains par les agences de voyages et les compagnies aériennes européennes lors de la réservation d'un vol à destination ou via les Etats-Unis. Certaines informations sont uniquement optionnelles. Toutefois, si le client les communique, les agences de voyage ou les compagnies aériennes sont dans l'obligation de les transmettre aux autorités américaines.

Trente-quatre données différentes peuvent être transmises : code repère du dossier PNR, date de réservation, date prévue du voyage, nom, autres noms figurant dans le PNR, adresse, modes de paiement, adresse de facturation, numéros de téléphone, itinéraire complet, informations «grands voyageurs» (uniquement miles parcourus et adresse), agence de voyage, agent de voyage, informations du PNR sur le partage de codes, « statut » du voyageur, PNR scindé/divisé, adresse électronique, informations sur l'établissement des billets, observations générales, numéro du billet, numéro du siège occupé, date d'émission du billet, passager répertorié comme défaillant, numéros d'étiquetage des bagages, passager de dernière minute sans réservation, données OSI (autres informations - zone de saisie libre), données SSI/SSR ( Special Service Request : il s'agit des demandes relatives à des services spécifiques), informations sur la source, historique des changements apportés au PNR, nombre de voyageurs dans le PNR, informations relatives au siège occupé, aller simple, informations APIS éventuellement recueillies, données ATFQ.

L'exploitation de ces données est entourée de garanties. Ainsi, elles ne peuvent être utilisées que dans le cadre de la lutte contre le terrorisme et la grande criminalité . Elles sont effacées après un délai maximal de trois ans et six mois, sauf pour les données consultées dans le cadre d'investigations spécifiques ou bien manuellement. Un accord semblable a été conclu entre l'Union européenne et le Canada.

L'accord prévoit la réciprocité d'un tel système de transfert des données lorsque l'Union européenne ou ses Etats membres imposeront des exigences similaires concernant les vols en provenance des Etats-Unis. Cette disposition s'intègre dans le prolongement des discussions menées par l'Union européenne au sein de l'Organisation de l'Aviation Civile Internationale (OACI) en vue de définir des normes internationales sur l'utilisation des données passager au titre de la sécurité aux frontières et dans les transports aériens.

Au niveau européen et concomitamment à la conclusion de l'accord entre l'Union européenne et les Etats-Unis, l'Union européenne adoptait le 29 avril 2004 la directive 2004/82/CE du Conseil concernant l'obligation pour les transporteurs de communiquer les données relatives aux passagers .

Adoptée dans le cadre de la lutte contre l'immigration clandestine et de l'amélioration des contrôles aux frontières , cette directive dispose que les États membres prennent les mesures nécessaires afin d'établir l'obligation, pour les transporteurs aériens, de transmettre, à la demande des autorités chargées du contrôle des personnes aux frontières extérieures, avant la fin de l'enregistrement, les renseignements relatifs aux passagers qu'ils vont transporter vers un point de passage frontalier par lequel ces personnes entreront sur le territoire d'un État membre.

Les données qui doivent être transmises sont les données dites « APIS » ( Advance Passenger Information System ). Le 2° de l'article 3 de la directive énumère ces données : le numéro et le type du document de voyage utilisé, la nationalité, le nom complet, la date de naissance, le point de passage frontalier utilisé pour entrer sur le territoire des États membres, le code de transport, les heures de départ et d'arrivée du transport, le nombre total des personnes transportées et le point d'embarquement initial.

Ces données doivent être transmises, avant la fin de l'enregistrement , aux autorités chargées du contrôle aux frontières extérieures qui le demandent.

Cette directive doit être transposée au plus tard le 5 septembre 2006 .

A des fins d'harmonisation de l'ensemble de ces procédures de collecte et de transmission ainsi que de la nature des informations concernées, l'Organisation de l'Aviation Civile Internationale (OACI) a récemment amendé l'annexe 9 de la Convention de Chicago relative à l'aviation civile internationale. L'amendement n° 19, applicable à compter de novembre 2005, émet ainsi un certain nombre de recommandations concernant notamment les informations transmises qui doivent être « pertinentes » et « ne pas aller au delà des buts recherchés ».

2. Le projet de loi

Le projet de loi s'inscrit dans ce cadre international en voie d'harmonisation. Outre le fait qu'il en tire les conséquences, il dessine un dispositif complet et original allant au delà des exigences internationales.

Le paragraphe I du présent article tend à autoriser le ministre de l'intérieur à créer des traitements automatisés des données à caractère personnel recueillies à l'occasion de déplacements internationaux en provenance ou à destination d'Etats n'appartenant pas à l'Union européenne.

Trois catégories de données sont concernées.

En premier lieu , feraient l'objet d'un traitement automatisé les données « figurant sur les cartes de débarquement et d'embarquement des passagers de transporteurs aériens ». Il s'agit ni plus ni moins que des données déjà utilisées pour alimenter le fichier national transfrontière précité.

Toutefois, ces données sont difficilement exploitables car traitées manuellement. En outre, les informations fournies par ces fiches ne sont pas nécessairement fiables. Selon l'exposé des motifs du projet de loi, « les agents chargés des contrôles transfrontières (n'ont) pas toujours la possibilité de vérifier la conformité des déclarations portées sur les fiches de débarquement avec les données portées sur un document de voyage ». Confrontés à des flux massifs de voyageurs, de telles erreurs sont inévitables.

En deuxième lieu, et pour remédier notamment à ces difficultés, le projet de loi permet aussi la collecte des données directement « à partir de la bande de lecture optique (dite « MRZ ») des documents de voyage, de la carte nationale d'identité et des visas des passagers de transporteurs aériens, maritimes ou ferroviaires ». Cette technique rend possible l'enregistrement systématique et rapide des données contenues dans la bande optique, même lorsque les agents aux frontières sont confrontés à l'arrivée simultanée et massive de plusieurs vols.

Le confort des voyageurs devrait également s'en trouver amélioré. Votre rapporteur songe notamment au débarquement des ferries en provenance des pays du Maghreb au port de Marseille.

Données enregistrées dans la bande MRZ

Le passeport

La carte nationale d'identité

Le visa

1. type de document

1. type de document

1. type de document

2. nom

2. nom

2. nom

3. prénoms

3. prénoms

3. prénoms

4. le numéro de passeport

4. le numéro de la CNI

4. numéro du visa

5. nationalité

5. nationalité

5. nationalité

6. date de naissance

6. date de naissance

6. date de naissance

7. sexe

7. sexe

7. sexe

8. date d'expiration du passeport

8. date de fin de validité du visa

9. validité territoriale

10. État émetteur

11. nombre d'entrées

12. durée du séjour

13. début de validité

Source : rapport n° 2681 (2005-2006) de M. Alain Marsaud, député, fait au nom de la commission des lois de l'Assemblée nationale et relatif au présent projet de loi.

En troisième et dernier lieu , seraient collectées les données « relatives aux passagers et enregistrées dans les systèmes de réservation et de contrôle des départs lorsqu'elles sont détenues par les transporteurs aériens, maritimes et ferroviaires ». Sont ainsi visées les données « APIS » et les données « PNR ».

Le projet de loi précise les données qui ne pourraient en aucun cas être communiquées, à savoir les données sensibles au sens de l'article 8 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés « qui font apparaître, directement ou indirectement, les origines raciales ou ethniques, les opinions politiques, philosophiques ou religieuses ou l'appartenance syndicale des personnes, ou qui sont relatives à la santé ou à la vie sexuelle de celles-ci ». Les données concernant les types de repas à bord ou l'état de santé du voyageur ne pourraient donc pas faire l'objet d'une transmission.

Le projet de loi ne précise pas combien de traitements automatisés seraient ainsi mis en place à partir des données recueillies. L'architecture technique du système n'est pas encore complètement définie.

Néanmoins, selon les informations recueillies par votre rapporteur, il serait acquis que la mise en oeuvre de ces traitements se ferait sous l'autorité de la direction centrale de la police aux frontières comme c'est déjà le cas pour le FNT.

Les paragraphes I et II de cet article prévoient que ces traitements ne pourraient être utilisés qu'aux seules fins d'améliorer le contrôle aux frontières, de lutter contre l'immigration clandestine et de prévenir et de réprimer les actes de terrorisme.

En conséquence, le paragraphe II précise qu'aux fins de prévenir et de réprimer le terrorisme, l'accès aux traitements susmentionnés serait limité aux agents individuellement habilités des services spécialement chargés de ces missions et de la sûreté des transports internationaux. Cette précision a été introduite par un amendement du rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale . Selon les informations recueillies par votre rapporteur, les données recueillies seraient conservées environ trois ans et consultables pendant la même durée par les services spécialisés dans la lutte anti-terroriste. Cette durée se rapproche de celle retenue par l'accord entre l'Union européenne et les Etats-Unis sur les données « PNR ».

Toutefois, aux fins de lutter contre l'immigration clandestine et de contrôler les frontières, les services spécialisés chargés de ces missions, principalement la DCPAF, auraient accès à ces données, soit avant le départ, soit pendant les 24 heures suivantes.

Le paragraphe III prévoit que ces traitements peuvent faire l'objet d'une interconnexion avec le fichier des personnes recherchées (FPR). Un amendement du rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale a utilement ajouté que ces traitements pourraient faire l'objet d'une interconnexion avec le système d'information Schengen (SIS). En effet, le FPR et le SIS sont interconnectés de telle façon que le FPR alimente en temps réel le SIS et que le SIS est directement consultable à parti du FPR.

Le paragraphe IV tend à créer pour les transporteurs aériens, maritimes et ferroviaires 61 ( * ) , une obligation de transmission des données relatives aux passagers et définies au 3° du I de cet article.

Afin de transposer la directive du 29 avril 2004, le premier alinéa reprend explicitement les termes de l'article 3 de cette directive qui oblige les transporteurs aériens à transmettre les données « APIS » aux services du ministère de l'intérieur.

Toutefois, le deuxième alinéa de ce paragraphe IV ajoute à la transmission de ces données « APIS » celle des données « PNR ».

Enfin, le troisième alinéa étend ces obligations aux transporteurs maritimes et ferroviaires.

Le dispositif ainsi mis en place va donc bien au-delà de la stricte transposition de la directive précitée. Il devance certaines négociations en cours au niveau de l'Union européenne pour imposer aux pays tiers, notamment les Etats-Unis, la transmission des données PNR aux Etats membres.

Le paragraphe V prévoit un mécanisme de sanction administrative en cas de non transmission par un transporteur des données visées au paragraphe IV. Serait puni d'une amende d'un montant de 50 000 euros 62 ( * ) pour chaque voyage le fait pour une entreprise de transport de méconnaître ces obligations.

Le manquement à cette obligation serait constaté par procès-verbal établi par un fonctionnaire appartenant à l'un des corps dont la liste serait définie par décret en Conseil d'Etat. Aucune amende ne pourrait être prononcée à raison de faits remontant à plus d'un an.

Cette procédure de sanction reprend mot pour mot de celle prévue par l'article L. 625-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'encontre des transporteurs qui débarquent en France des étrangers démunis des documents de voyage et des visas requis par la loi.

3. La position de votre commission des lois

Votre commission approuve ces dispositions qui, d'une part, tendent à transposer dans les délais une directive communautaire et qui, d'autre part, donnent les moyens de détecter les déplacements suspects de personnes inscrites au fichier des personnes recherchées.

Bien entendu, ce système n'empêchera pas une personne désireuse de se rendre en Irak en passant par la Syrie de partir depuis un autre pays de l'Union européenne. Ce défaut d'harmonisation ne doit pas nous interdire de mettre en place des dispositifs plus sûrs. Souhaitons que les négociations en cours au niveau communautaire aboutissent rapidement ainsi que la transposition de la directive de 2004.

Votre commission vous propose trois amendements de clarification et de précision, notamment un amendement précisant qu'un décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la CNIL, fixe les modalités de transmission par les transporteurs des données de réservation et des données passagers.

Votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 6 ainsi modifié .

Article 7 (art. 26 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003)
Dispositifs de contrôle des données signalétiques des véhicules
et de leurs passagers

Cet article tend à modifier l'article 26 de la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure afin de permettre une utilisation plus intensive et plus opérationnelle des dispositifs de contrôle des données signalétiques des véhicules.

1. Le droit en vigueur

L'article 26 de la loi du 18 mars 2003 précité offre la possibilité d'installer en tous points appropriés du territoire, notamment les zones frontalières, portuaires ou aéroportuaires et les grands axes de transit national et international, des dispositifs fixes ou mobiles de contrôle automatisé des données signalétiques des véhicules couplés au fichier des véhicules volés de la police et de la gendarmerie nationales.

Les finalités de ces dispositifs de contrôle automatisé n'ont pas été explicitement énumérées par la loi. Toutefois, les débats de l'époque font ressortir le souci principal de lutter contre le vol et le recel de véhicules volés. La loi ne prévoit d'ailleurs pas que les données recueillies par ces dispositifs puissent être exploitées autrement qu'en les comparant à celles contenues dans le fichier des véhicules volés (FVV).

Cet article autorise également l'usage de dispositifs mobiles, à titre temporaire, pour la préservation de l'ordre public à l'occasion d'événements particuliers ou de grands rassemblements de personnes.

La loi du 18 mars 2003 a précisé qu'un décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la CNIL, devait fixer les conditions d'application, notamment la durée de conservation des données relatives aux véhicules.

Toutefois, à ce jour, ce décret n'a pas encore été pris, rendant ces dispositions inapplicables.

2. Le texte soumis au Sénat

Le projet de loi réécrit intégralement l'article 26 de la loi du 18 mars 2003, mais en conserve les principaux éléments. Il tend à préciser les conditions de mise en oeuvre de ces dispositifs et à autoriser la prise de cliché du conducteur et des passagers du véhicule.

En effet, l'objectif du projet de loi est de permettre un usage plus large et plus efficace de ces dispositifs techniques. De tels systèmes sont déjà mis en oeuvre dans la city de Londres et sur une autoroute en Calabre. Au Royaume-Uni, le programme dit Magellan prévoit le déploiement de ces systèmes sur l'ensemble du territoire. Le ministère de l'intérieur envisage le déploiement de ces premiers systèmes de contrôle des données signalétiques dans le courant de l'année 2006.

Le premier alinéa de l'article 26 prévoit que, outre le contrôle des données signalétiques des véhicules, ces dispositifs permettraient de photographier les occupants du véhicule. D'un point de vue technique, ils ressembleraient aux radars automatisés mis en place depuis 2003 dans le cadre de la lutte contre la violence routière. A cet égard, le ministère de l'intérieur étudie la possibilité d'utiliser ponctuellement certains de ces radars ainsi que les radars mobiles aux fins du présent article. L'intérêt est évidemment de mutualiser les coûts.

Au même alinéa, les finalités de ces dispositifs de contrôle automatisé sont énumérées, ce que ne prévoit pas la législation en vigueur. Il s'agirait « de prévenir et de réprimer le terrorisme, de faciliter la constatation des infractions s'y rattachant, de faciliter la constatation des infractions criminelles ou liées à la criminalité organisée, des infractions de vol et de recel de véhicules volés, de permettre le rassemblement des preuves de ces infractions et la recherche de leurs auteurs ». Les finalités sont donc très étendues et diverses. L'Assemblée nationale a souhaité préciser le sens de la notion d'infractions liées à la criminalité organisée en renvoyant explicitement à l'article 706-73 du code de procédure pénale.

Le deuxième alinéa reprend le droit positif en permettant l'emploi de tels dispositifs, à titre temporaire, à l'occasion d'événements particuliers ou de grands rassemblements. Il reviendrait au préfet de prendre la décision de les installer.

Le troisième alinéa prévoit que les données collectées par les dispositifs de contrôle automatisé, c'est-à-dire pour l'essentiel les données signalétiques et la photographie des occupants, peuvent faire l'objet d'un traitement automatisé. Il s'agirait d'un fichier de police administrative mis en oeuvre par les services de la police et de la gendarmerie nationales. Le projet de loi rappelle que ce fichier serait soumis aux dispositions de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.

Le quatrième alinéa prévoit que ce fichier serait interconnecté avec le fichier des véhicules volés ou signalés (FVV). Pour être efficace, la consultation automatique de ce fichier suppose qu'il soit alimenté et actualisé dans les délais les plus brefs 63 ( * ) . L'Assemblée nationale a utilement ajouté que le système d'information Schengen (SIS) serait aussi consulté automatiquement, celui-ci étant déjà relié au FVV.

Le fichier des véhicules volés

Encadré par l'arrêté du 15 mai 1996 tel que modifié par l'arrêté du 2 septembre 2005 64 ( * ) , le fichier des véhicules volés (FVV) existe depuis 1974. Il permet la gestion au plan national des véhicules, bateaux, aéronefs, signalés volés par leur propriétaire ou mis sous surveillance à la demande d'un service de police ou de gendarmerie. L'application autorise également sous certaines conditions la mise sous surveillance des plaques d'immatriculation volées.

Il traite notamment des informations suivantes : immatriculation et numéros d'identification divers (moteur,..), type, marque, modèle et couleur du véhicule, motif de l'enregistrement, service ou unité à l'origine de l'inscription, date et lieu du vol, informations relatives au propriétaire et à l'assurance. A chaque fiche est également associée « une conduite à tenir » qui s'affiche à l'écran en cas de consultation positive.

Au 2 janvier 2005 (chiffre cumulé depuis cinq ans des véhicules inscrits non découverts), le FVV contenait 394.383 véhicules immatriculés et 119.581 véhicules non immatriculés.

Au cours de l'année 2004, plus de 4,5 millions d'interrogations ont été enregistrées sur la base FVV gérée par la police nationale, chiffre sensiblement stable depuis plusieurs années.

Le FVV est implanté dans tous les services de la police et de la gendarmerie nationales , qui alimentent ce fichier au travers deux systèmes équivalents mais distincts. Depuis 1994, la mise à jour de la base de données s'effectue « au fil de l'eau » par un échange en temps réel entre les deux administrations.

Le FVV communique au fichier national des automobiles (FNA) en temps réel, les déclarations de vol et de surveillance pour tous les véhicules dont la catégorie d'immatriculation est dûment renseignée.

Inversement, le FNA met quotidiennement à disposition du FVV la liste des véhicules volés ou surveillés dont le numéro d'immatriculation, le numéro de série, voire la marque sont erronés, ainsi que la liste des véhicules surveillés au FVV ayant fait l'objet d'une transaction au FNA.

Une liaison avec le système d'information Schengen (SIS) a été mise en place depuis le 26 mars 1995, ce qui permet son alimentation par le FVV . A l'inverse, les signalements effectués dans le S.I.S. (par les autres pays signataires de la convention Schengen) sont consultables directement à partir d'une interrogation effectuée sur le FVV.

Enfin, la cession automatisée de données du FVV vers la base de données ASF (Automatic Search Facility) d'Interpol a été mise en oeuvre le 31 mars 2004, conformément aux engagements de la France pour alimenter ce fichier, après avis favorable de la commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL).

Selon les dispositions du cinquième alinéa , les données collectées par les dispositifs de contrôle pourraient être conservées pendant un délai maximum de huit jours afin de procéder à la consultation du fichier des véhicules volés. En cas d'absence de rapprochement, les données seraient effacées. Dans le cas inverse, les données collectées seraient conservées un mois sans préjudice des nécessités de leur conservation pour une durée plus longue dans le cadre d'une procédure pénale.

La fixation d'une durée de conservation maximum est un progrès, l'article 26 de la du 18 mars 2003 en vigueur se limitant à renvoyer à un décret en Conseil d'Etat sa détermination.

Sur l'ensemble du présent article, la commission nationale de l'informatique et des libertés s'est montré extrêmement réservée. Dans son avis sur le projet de loi, elle estime que de tels dispositifs de contrôle conduiraient « à pouvoir soumettre à une surveillance automatique l'ensemble des déplacements des personnes en France utilisant le réseau routier, ce qui serait de nature à porter atteinte au principe fondamental de la liberté d'aller et venir ». Elle ajoute que la collecte systématique de la photographie des passagers d'un véhicule pourrait conduire à l'instauration d'un contrôle d'identité à l'insu des personnes.

Ces craintes semblent excessives. La conservation des données pendant huit jours est justifiée par le délai de latence qui peut s'écouler entre le moment où un véhicule est volé et le moment où ce vol est signalé au FVV.

En outre, comme l'a précisé un amendement adopté par l'Assemblée nationale, les données recueillies n'ayant pas fait l'objet d'un rapprochement avec le FVV seraient inaccessibles à toute consultation, sans préjudice bien entendu des nécessités de leur consultation pour les besoins d'une procédure pénale 65 ( * ) .

3. La position de votre commission des lois

Le dispositif proposé est très proche de celui déjà approuvé par le Sénat lors de l'examen de la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure.

Votre commission vous propose un amendement précisant que les données susceptibles de faire l'objet d'un traitement automatisé sont celles collectées à l'occasion des contrôles des véhicules prévus aux alinéas 1 et 2. La rédaction actuelle semble limiter ces données à la plaque d'immatriculation et à la photographie des passagers.

La rédaction proposée est un peu plus large puisqu'elle pourrait comprendre notamment la date du contrôle. Elle vise en outre explicitement les données recueillies à l'occasion des contrôles temporaires à l'occasion d'événements particuliers ou de grands rassemblements.

Votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 7 ainsi modifié.

Article 8 Consultation de fichiers administratifs du ministère de l'intérieur par les services spécialement chargés de la prévention et de la lutte contre le terrorisme

Cet article tend à accroître les possibilités de consultation, en dehors d'un cadre judiciaire, de certains fichiers administratifs gérés par le ministère de l'intérieur par les services de la police et de la gendarmerie spécialement chargés de la prévention et de la lutte contre le terrorisme.

De la même manière que pour les dispositions des articles 1, 5, 6 et 7 du projet de loi, il s'agit de donner aux services spécialisés dans la lutte antiterroriste les moyens de collecter et de vérifier des informations le plus en amont possible. L'ouverture d'une information judiciaire n'est possible que si suffisamment d'éléments ou d'indices sont réunis au cours de la phase administrative de renseignement.

1. Le texte soumis au Sénat

Seuls les agents des services de la police nationale et de la gendarmerie nationale spécialement chargés de la prévention et de la lutte contre le terrorisme auraient accès à ces fichiers administratifs. Selon l'exposé des motifs du projet de loi, il s'agirait notamment de l'unité de coordination de la lutte antiterroriste (UCLAT), de la sous-direction de la recherche de la direction centrale des renseignements généraux (DCRG) et de la direction de la surveillance du territoire (DST). Le projet de loi initial ne prévoyait pas que seuls les agents individuellement habilités auraient accès à ces fichiers. Un amendement du rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale a remédié à cette imprécision.

La consultation des données ne serait admise que pour les besoins de la prévention et de la répression du terrorisme. Le projet de loi rappelle que cette consultation doit se dérouler dans les conditions fixées par la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.

Les fichiers concernés seraient au nombre de sept :

- le fichier national des immatriculations ;

- le système national de gestion des permis de conduire ;

- le système de gestion des cartes nationales d'identité ;

- le système de gestion des passeports ;

- le système informatisé de gestion des dossiers ressortissants étrangers en France (AGDREF) ;

- le traitement automatisé mentionné aux articles L. 611-3 à L. 611-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le traitement automatisé mentionné à l'article L. 611-6 du même code.

Les agents habilités auraient accès à l'ensemble des données de ces fichiers, à une exception près.

En effet, seules certaines données de l'avant-dernier traitement automatisé visé seraient accessibles (voir encadré ci-dessous). Ne seraient concernées que les données relatives aux ressortissants étrangers qui, ayant été contrôlés à l'occasion du franchissement de la frontière, ne remplissent pas les conditions d'entrée requises . Seraient donc exclues les données relatives aux étrangers sollicitant un titre de séjour, faisant l'objet d'une mesure d'éloignement ou se trouvant en situation irrégulière en France.

Toutefois, l'accès aux données de ce traitement automatisé reste virtuel, celui-ci n'ayant pas encore été mis en oeuvre faute de décret d'application.

Présentation des sept fichiers visés

Le fichier national des immatriculations (FNI)

Le FNI est le fichier qui recense tous les véhicules en circulation et pour lesquels une immatriculation est nécessaire. Il a pour objet : l'enregistrement des demandes d'immatriculation et des caractéristiques des véhicules, la gestion et la délivrance des certificats d'immatriculation (carte grises), la gestion et la délivrance d'une nouvelle carte grise en cas de perte, de vol ou de modifications concernant le véhicule ou son propriétaire, le contrôle des véhicules immatriculés, la collecte des informations concernant les véhicules volés ou placés sous surveillance.

D'une manière générale le FNI permet de connaître à tout moment la situation administrative et juridique d'un véhicule et d'identifier son propriétaire, notamment dans le cadre de recherches de police.

Au 1 er janvier 2004, le parc de voitures particulières immatriculées s'élevait à 30 582 717 .

Peuvent seuls être destinataires de ces informations, dans les limites fixées par les articles L. 330-2 à L. 330-4 du code de la route : la personne concernée, son avocat ou son mandataire, les autorités judiciaires, les officiers et agents de police judiciaire, les fonctionnaires habilités à constater des infractions au code de la route, les préfets, les agents de préfecture et sous-préfectures, les agents des services du ministère de l'industrie et du ministère des transports et les personnels des entreprises d'assurances.

Le système national de gestion des permis de conduire (SNPC)

L'application du SNPC a été déployée le 1er juillet 1992 à la suite de l'instauration du permis à points par la loi du 10 juillet 1989.

Ce dispositif assure la gestion des droits de conduire de plus de 40 millions de personnes et dessert 650 services de police, plus de 300 secrétariats d'officiers du ministère public (OMP) près les tribunaux de police et 200 préfectures et sous-préfectures métropolitaines et d'Outre-Mer.

Les fondements législatif et réglementaire du SNPC sont fixés par les articles L. 225-1 et R. 225-1 à R. 225-5 du Code de la route et par l'arrêté ministériel du 29 juin 1992, portant création du Système National des Permis de Conduire. C'est dans ce cadre qu'il est procédé dans les services de l'État et sous l'autorité et le contrôle du ministre de l'intérieur, à l'enregistrement de toutes les informations relatives aux permis de conduire.

L'article 86 de la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure permet aux gardes-champêtres, ainsi qu'aux agents de police judiciaire adjoints de consulter le fichier national des immatriculations et le système national des permis de conduire aux fins d'identifier les auteurs d'infractions qu'ils sont habilités à constater.

Le système de gestion des cartes nationales d'identité

Le décret n°55-1397 du 22 octobre 1955 instituant la carte nationale d'identité autorise le ministre de l'intérieur à créer un système permettant la fabrication de cartes nationales d'identité sécurisées et la gestion informatisée desdites cartes.

Le système de gestion informatisée peut principalement enregistrer :

- le nom de famille, les prénoms, la date et le lieu de naissance, le sexe, la taille, la nationalité, le domicile ou la résidence de l'intéressé ;

- l'autorité de délivrance du document, la date de celle-ci, sa durée de validité avec indication de sa limite de validité, le nom et la signature de l'autorité qui a délivré la carte ainsi que le numéro de la carte ;

- la nature du document d'état civil produit pour l'obtention de la carte avec indication de sa date et de l'autorité qui l'a délivré ;

En cas de vol ou de perte de la carte, la plupart de ces données ainsi que la mention de ce vol ou de cette perte, éventuellement du lieu réel ou supposé où l'événement s'est produit, sont mises en mémoire dans un fichier distinct.

Les données contenues dans le système de gestion informatisée peuvent être conservées pendant une durée de quinze ans.

Toutefois, sauf en cas de mention de perte ou de vol de la carte, les informations sont effacées lorsque l'intéressé a obtenu le renouvellement de la carte nationale d'identité ou la délivrance d'une nouvelle carte.

Ne peuvent être destinataires des informations contenues dans le système de gestion informatisée que les fonctionnaires et agents chargés de :

- l'application de la réglementation relative à la carte nationale d'identité au ministère de l'intérieur ;

- l'établissement des cartes nationales d'identité.

Les services de la police ou de la gendarmerie nationales peuvent, pour les besoins exclusifs de leur mission de contrôle de l'identité des personnes ou de recherches en matière pénale, obtenir communication de l'enregistrement des déclarations de vol ou de perte de la carte nationale d'identité : les informations se limitent aux nom, prénoms, sexe, date de naissance et au numéro de la carte sans qu'elles puissent être dissociées.

Le système de gestion des passeports

L'arrêté du 22 novembre 1999 portant création par le ministère de l'intérieur d'un traitement automatisé d'informations nominatives relatif à la délivrance des passeports autorise le ministère de l'intérieur à créer un système de fabrication et de gestion informatisée des passeports, dénommé DELPHINE. Ce système est conçu et organisé de façon à limiter les risques de falsification ou de contrefaçon des passeports, notamment par la création d'un fichier national des passeports en cours de validité, avec la mention éventuelle des déclarations de perte ou de vol. Il a pour finalité l'établissement et la délivrance des passeports, la gestion locale des stocks de formules vierges, l'alimentation du fichier national des passeports.

Les catégories d'informations enregistrées et utilisées sont les suivantes :

- les données relatives au passeport soit le numéro, la fiscalité du passeport, la date et le lieu de délivrance, l'autorité signataire, la date d'expiration ainsi que le type et la date d'événement affectant le passeport (perte, vol, destruction, annulation) ;

- les données relatives au détenteur du passeport soit le nom, le prénom, le sexe, la couleur des yeux, la taille, la date et le lieu de naissance, l'adresse, la profession, la situation familiale.

La durée de conservation des informations nominatives ainsi enregistrées est limitée à douze ans à partir de la date d'émission du passeport.

Par ailleurs, le fichier contient également des données relatives à la demande de passeport (numéro de demande, lieu de dépôt, date de réception de la demande, date de l'envoi du titre au guichet de dépôt, motif de non-délivrance).

Les destinataires des informations enregistrées sont, en fonction de leurs attributions respectives :

- les personnels chargés de l'établissement ou du suivi de l'établissement des passeports ;

- les personnels chargés de l'application de la réglementation relative aux passeports dans les services centraux du ministère de l'intérieur ;

- pour les besoins exclusifs de l'accomplissement de leurs missions, les personnels chargés des missions de recherche et contrôle de l'identité des personnes, de vérification de la validité et de l'authenticité des passeports au sein des services de la police nationale, de la gendarmerie nationale et des douanes.

Le système informatisé de gestion des dossiers ressortissants étrangers en France (AGDREF)

L'application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France (AGDREF) a été créée par décret du 29 mars 1993.

Les finalités de cette application sont les suivantes :

- enregistrer toutes les données relatives à la situation administrative d'un ressortissant étranger en France (demande de titre de séjour ou d'autorisation provisoire de séjour, demande de regroupement familial, demande d'asile, demande de documents de circulation pour un enfant étranger mineur, mise en place et exécution d'une procédure d'éloignement, demande de naturalisation, demande d'aide au retour, demande de visa de retour) ;

- assurer un mode de fabrication des titres de séjour et des récépissés de demande de délivrance ou de renouvellement de ces titres qui évite les risques de falsification ;

- permettre la vérification par les agents de l'autorité du séjour d'un ressortissant étranger en France ;

- alimenter une base dérivée dédiée permettant l'établissement de statistiques.

Les catégories d'informations enregistrées dans AGDREF sont les suivantes : état-civil complet, numéro national d'identification unique, adresse, filiation, situation familiale, données relatives à la gestion du dossier, conditions d'entrée en France, visas obtenus, catégorie socioprofessionnelle, données relatives à l'autorisation de séjour détenue, autres données relatives à la situation administrative de l'étranger.

Les organismes chargés de la gestion d'un régime obligatoire de sécurité sociale, l'ANPE et les organismes chargés de la gestion de la déclaration préalable à l'embauche peuvent légalement interroger le fichier afin de déterminer si les étrangers demandeurs ou bénéficiaires des prestations que ces organismes offrent ou distribuent sont en situation régulière. En pratique, seules les caisses d'allocations familiales ont un accès indirect à ce fichier. Par ailleurs, ont accès à ce fichier : les magistrats de l'ordre judiciaire, les préfectures pour l'application de la réglementation relative aux étrangers et les services de la police et de la gendarmerie nationales dans le seul but de vérifier la régularité du séjour des ressortissants étrangers en France.

AGDREF est aussi interconnecté avec certaines catégories du fichier des personnes recherchées (FPR). Le FPR est en particulier systématiquement consulté avant délivrance du récépissé de demande de titre de séjour.

En 2001, 3,5 millions de personnes y étaient enregistrées.

Le traitement automatisé des empreintes digitales et de la photographie de certaines catégories d'étranger

L'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que les empreintes digitales et la photographie des ressortissants étrangers, hors Union européenne, qui sollicitent la délivrance d'un titre de séjour peuvent être relevées et faire l'objet d'un traitement automatisé dans les conditions fixées par la loi du 6 janvier 1978.

Il en est de même pour les étrangers qui sont en situation irrégulière en France, qui font l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire français ou qui, ayant été contrôlés à l'occasion du franchissement de la frontière en provenance d'un pays tiers aux Etats parties à la convention Schengen, ne remplissent pas les conditions d'entrée requises.

L'article L. 611-4 de ce même code dispose que ce traitement peut être consulté en vue de l'identification d'un étranger qui ne justifie pas de son droit à séjourner ou circuler sur le territoire français, ni de son identité.

Toutefois, le décret d'application nécessaire n'a jamais été pris .

Le traitement automatisé des empreintes digitales et de la photographie des demandeurs de visas

L'article L. 611-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que les empreintes digitales et la photographie des ressortissants étrangers, hors Union européenne, qui sollicitent la délivrance d'un visa afin de séjourner en France ou sur le territoire d'un autre Etat partie à la convention Schengen peuvent être relevées et faire l'objet d'un traitement automatisé dans les conditions fixées par la loi du 6 janvier 1978.

Ces empreintes et cette photographie sont obligatoirement relevées en cas de délivrance d'un visa.

Introduit par la loi du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, ce dispositif fait l'objet d'une expérimentation 66 ( * ) lancée au début de l'année 2005 seulement.

En outre, ces dispositions doivent être coordonnées avec le projet européen VIS II en cours de discussion. C'est la raison pour laquelle l'expérimentation en matière de visa a été mise en place en coopération avec la Commission européenne et d'autres Etats membres 67 ( * ) . Financée sur des fonds communautaires, la mission BIODEV (BIOmétrie des DEmandeurs de Visas) a débuté la production de visas biométriques le 22 mars 2005 au consulat général de France à Bamako. Au total, une dizaine de consulats devraient délivrer progressivement 50.000 visas biométriques. Les données biométriques (la photographie et les dix empreintes digitales) sont enregistrées dans un fichier central et dans une carte à puce insérée dans une pochette plastique collée en page de couverture du passeport.

D'ores et déjà, le Gouvernement a annoncé que deux cents consulats seront équipés de ce dispositif d'ici 2007.

Ces différents fichiers recensent une grande partie de la population française et des personnes étrangères séjournant ou souhaitant séjourner sur le territoire national.

Selon la CNIL, les accès à ces fichiers seraient limités à de simples consultations, sans extraction de données et sans interconnexion avec d'autres fichiers.

2. La position de votre commission des lois

Le Conseil constitutionnel admet, sous certaines réserves, les utilisations multiples d'un fichier. Ainsi, dans sa décision n° 2003-467 DC du 13 mars 2003 sur la loi pour la sécurité intérieure, il a considéré qu'aucune norme constitutionnelle ne s'opposait par principe à l'utilisation à des fins administratives de données nominatives automatisées recueillies dans le cadre d'activités de police judiciaire. Toutefois, elle « méconnaîtrait les exigences résultant des articles 2, 4, 9 et 16 de la Déclaration de 1789 si, par son caractère excessif, elle portait atteinte aux droits ou aux intérêts légitimes des personnes concernées ». C'est aux conditions dans lesquelles il est procédé à la double utilisation d'un fichier que le Conseil constitutionnel et, par voie de conséquence, le législateur ou le pouvoir réglementaire doivent être attentifs.

En l'espèce, l'utilisation de ces fichiers aux fins de prévention et de répression du terrorisme n'apparaît pas excessive étant donné le contenu de ces fichiers et les finalités poursuivies.

Sous réserve de deux amendements rédactionnels et de précision, votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 8 ainsi modifié .

Article 8 bis (nouveau) (art. 23 de la loi n° 2003-329 du 18 mars 2003)
Inscriptions obligatoires supplémentaires au fichier des personnes recherchées

Le présent article, issu d'un amendement du député Jean-Paul Garraud adopté par l'Assemblée nationale, tend à compléter l'article 23-I de la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure qui détermine les informations devant être inscrites obligatoirement au fichier des personnes recherchées.

Le 3° de cet article prévoit que certaines peines privatives ou restrictives des libertés, prononcées en application de l'article 131-6 du code pénal relatif aux peines alternatives à l'emprisonnement, doivent y figurer.

Le présent article tend à y ajouter quatre autres interdictions prononcées en application de ce même article du code pénal.

Il s'agit de :

- l'interdiction de détenir ou de porter, pour une durée de cinq ans au plus, une arme soumise à autorisation (6° de l'article 131-6 précité) ;

- l'interdiction, pour une durée de trois ans au plus, de paraître dans certains lieux ou catégories de lieux et dans lesquels l'infraction a été commise (12° de l'article 131-6 précité) ;

- l'interdiction, pour une durée de trois ans au plus, de fréquenter certains condamnés, notamment les auteurs ou complices de l'infraction (13° de l'article 131-6 précité) ;

- l'interdiction, pour une durée de trois ans au plus, d'entrer en relation avec certaines personnes, notamment avec la victime de l'infraction (14° de l'article 131-6 précité).

Ces trois dernières interdictions ont été introduites par des lois postérieures à la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure.

Votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 8 bis sans modification.

CHAPITRE IV - DISPOSITIONS RELATIVES À LA RÉPRESSION DU TERRORISME ET À L'EXÉCUTION DES PEINES

Article 9 (art. 421-6 nouveau du code pénal, art. 78-2-2, 706-16 et 706-73 du code de procédure pénale)
Aggravation de la répression de l'association de malfaiteurs à but terroriste

Le présent article tend à compléter le code pénal et le code de procédure pénale afin de prévoir l'aggravation de la répression de l'association de malfaiteurs lorsque celle-ci a pour objet de préparer soit des actes terroristes contre les personnes soit des actes susceptibles d'entraîner la mort d'une ou plusieurs personnes.

En l'état du droit, l'article 421-2-1 du code pénal, introduit par la loi n° 96-647 du 22 juillet 1996 qualifie d'acte de terrorisme la participation « à un groupement formé ou à une entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels » d'actes terroristes.

Cette disposition constitue un cas d'application au terrorisme des dispositions à caractère général prévues à l'article 450-1 du code pénal, incriminant la participation à une association de malfaiteurs.

Cette infraction est passible d'une peine d'emprisonnement de dix ans (comme le délit d'association de malfaiteurs de l'article 450-1 du code pénal) et de 225.000 euros d'amende. Cette peine a toutefois été portée par la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 à vingt ans de réclusion criminelle et 500.000 euros d'amende pour la personne dirigeant ou organisant un tel groupe (article 421-5 du code pénal). Par ailleurs, la tentative du délit de participation est punissable.

L'incrimination de l'association de malfaiteurs à but terroriste constitue un élément central de l'arsenal juridique de lutte contre le terrorisme car il réprime le simple projet criminel, matérialisé par des actes préparatoires, et permet ainsi de prévenir la commission d'actes terroristes 68 ( * ) .

Comme l'ont confirmé à votre rapporteur les magistrats de l'instruction de la section anti-terroriste, cette incrimination leur permet de donner un prolongement juridique effectif à leur capacité d'anticipation. En effet, sur la base de l'article 421-2-1 du code pénal, les instigateurs d'opérations terroristes peuvent être neutralisés.

M. Jean-Claude Magendie, président du tribunal de grande instance de Paris, a ainsi rappelé lors de la visite d'une délégation de votre commission à la section antiterroriste que cette incrimination avait permis de mettre fin aux agissements du groupe dit de Francfort quelques jours avant l'attentat qu'ils s'apprêtaient à commettre en décembre 2000 contre le marché de Noël de Strasbourg.

Les juges, comme le souligne le tableau suivant, n'hésitent pas à prononcer des peines d'emprisonnement lourdes de l'ordre de quatre années fermes en moyenne.

Participation à une association de malfaiteurs
en vue de la préparation d'un acte de terrorisme

Année

Condamnations portant sur
cette infraction

Emprisonnement

Dont ferme

Durée moyenne de la peine prononcée
(en mois)

1997

2

-

-

-

1998

53

27

14

34,9

1999

109

39

33

44

2000

138

49

46

32,7

2001

68

27

24

28,3

2002

36

7

7

41,1

2003

60

16

16

44,9

2004

51

23

23

48,3

Source : Pôle études et évaluation - Direction des affaires criminelles et des grâces - ministère de la justice.

Dans certains cas, cependant les juges prononcent le maximum de la peine encourue, ce qui est exceptionnel pour les autres types d'infractions Ainsi 12 condamnations à la peine maximale de dix ans ont été prononcées dans les affaires de terrorisme basque ou islamique depuis 1999. Dans l'affaire dite du « groupe de Francfort » sur une dizaine de personnes mises en cause, trois ont été condamnées à une peine d'emprisonnement de dix ans. Les magistrats rencontrés par votre rapporteur ont estimé qu'une peine maximale plus longue serait davantage accordée à la gravité des faits considérés ainsi qu'à la nécessité de prévenir la capacité de nuisances des auteurs de tels actes.

En outre, comme l'a indiqué M. Jean-Louis Bruguière, le mécanisme des réductions de peine 69 ( * ) conduit encore à réduire la durée effective de l'emprisonnement.

Cette situation est de nature à affaiblir un dispositif par ailleurs très efficace.

Ces considérations ont conduit le Gouvernement à proposer par le présent article de porter à 20 ans de réclusion criminelle l'association de malfaiteurs qui a pour objet la préparation de crimes d'atteintes aux personnes visées au 1° de l'article 421-1 du code pénal - atteintes volontaires à la vie, atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, enlèvement et séquestration ainsi que détournement de moyens de transports.

Le fait de diriger ou d'organiser un tel groupement serait puni de 30 ans de réclusion criminelle et 500.000 euros d'amende.

L'Assemblée nationale a estimé excessivement restrictive la référence aux seules atteintes aux personnes. En effet, comme le rapporteur de la commission des lois, M. Alain Marsaud, l'a rappelé, il convient de prendre en compte les « membres d'un groupe terroriste suffisamment habiles pour dissimuler leur véritable intention mortelle sous couvert d'un mobile strictement matériel ». Aussi les députés ont-ils décidé d'étendre l'aggravation de la peine pour association de malfaiteurs à but terroriste à deux autres hypothèses à condition que les actes en cause soient « susceptibles d'entraîner la mort » :

- les infractions visées au 2° de l'article 421-1 du code pénal (vols, extorsions, destructions, dégradations et détériorations) ;

- les infractions visées à l'article 421-2 du code pénal relevant du terrorisme écologique (« le fait d'introduire dans l'atmosphère, sur le sol, dans le sous-sol, dans les aliments ou les composants alimentaires ou dans les eaux, y compris celles de la mer territoriale, une substance de nature à mettre en péril la santé de l'homme ou des animaux ou le milieu naturel »).

Votre commission estime cette extension tout à fait justifiée.

Par ailleurs, comme tel est le cas pour l'ensemble des crimes et délits terroristes punis d'au moins dix ans d'emprisonnement, le nouvel article 421-6 prévoit que la période de sûreté, prévue aux deux premiers alinéas de l'article 132-23, est applicable.

Au cours de la période de sûreté, le condamné ne peut bénéficier d'aucun aménagement de peine. La durée de la période de sûreté est fixée à dix ans en principe mais la juridiction peut toutefois, par décision spéciale, la porter aux deux tiers de la peine ou, au contraire, décider de la réduire.

Enfin, le 2° du présent article procède aux coordinations nécessaires au sein du code de procédure pénale.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 9 sans modification .

Article 9 bis (nouveau) (art. 706-24 du code de procédure pénale)
Identification par leur numéro d'immatriculation administrative des officiers et agents de police judiciaire chargés de la lutte contre le terrorisme

Cet article, introduit dans le projet de loi par les députés à l'initiative de la commission des lois avec l'avis favorable du Gouvernement, ouvre la possibilité d'identifier les officiers et agents de police judiciaire par leur numéro d'immatriculation administrative afin de renforcer leur protection dans le cadre des enquêtes concernant le terrorisme.

En effet, actuellement, les actes de procédure comportent les noms et prénoms des officiers de police judiciaire chargés de diligenter l'enquête. Ces mentions permettent de vérifier la compétence -notamment territoriale- de l'officier de police judiciaire. Dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, elles peuvent cependant présenter certains risques pour la sécurité des enquêteurs et les exposer à des représailles dès lors que leur nom est connu des personnes mises en cause dans une enquête judiciaire 70 ( * ) .

Le souci de protection des enquêteurs doit néanmoins prendre en compte les garanties procédurales reconnues à la personne mise en cause. Le présent article répond à cette exigence d'équilibre.

D'une part, les officiers et agents de police judiciaire des services spécialisés en matière de terrorisme pourraient être nominativement autorisés par le procureur général près la cour d'appel de Paris à s'identifier sous leur numéro d'immatriculation administrative 71 ( * ) . Ils pourraient également être autorisés à déposer ou à comparaître comme témoins sous ce même numéro.

La révélation de l'état civil de l'enquêteur serait passible, comme le prévoit l'article 706-84 du code de procédure pénale en cas de révélation de l'identité d'un agent infiltré, d'une peine de cinq ans d'emprisonnement, portée à dix ans si cette révélation a causé la mort de l'enquêteur ou d'un membre de sa famille.

D'autre part, ces dispositions seraient strictement réservées aux investigations relatives aux infractions à caractère terroriste. En outre, le procureur général de Paris pourrait communiquer l'état civil de l'enquêteur. A sa demande, le président de la juridiction de jugement pourrait également obtenir communication de cet état civil.

De plus, conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme, aucune condamnation ne pourrait être prononcée sur le seul fondement d'actes de procédures effectués par des enquêteurs ayant bénéficié des dispositions garantissant la confidentialité de leur état civil 72 ( * ) . Cette disposition reprend une garantie également retenue en matière de témoignage anonyme ou de procédure d'infiltration (article 706-62 et 706-87 du code de procédure pénale).

Votre commission vous propose d'adopter l'article 9 bis sans modification.

Article 10 (art. 706-22-1 nouveau du code de procédure pénale)
Centralisation de l'application des peines en matière terroriste

Cet article a pour objet d'insérer un nouvel article dans le code de procédure pénale afin de centraliser auprès des juridictions de l'application des peines de Paris le suivi de l'ensemble des personnes condamnées pour des actes de terrorisme.

Cette mesure complète l'organisation judiciaire française en matière de lutte contre le terrorisme fondée sur la compétence nationale des magistrats parisiens en matière de poursuite, d'instruction et de jugement. Elle en constitue le prolongement cohérent.

La situation actuelle se caractérise par la dispersion de la compétence des juges de l'application des peines liée à la présence, au 31 novembre 2005, de 115 condamnés pour des faits de terrorisme, répartis dans 31 établissements pénitentiaires. Elle n'apparaît pas satisfaisante à deux titres. En premier lieu, elle ne permet pas d'assurer un suivi toujours homogène des condamnés, en particulier au regard de l'aménagement des peines. Or, de telles mesures requièrent une connaissance approfondie du dossier et des liens de l'intéressé avec d'autres condamnés appartenant au même groupe ou au même réseau, mais détenus dans d'autres établissements.

En second lieu, la complexité des réseaux terroristes susceptibles de demeurer actifs malgré la condamnation de certains de leurs membres représente aussi un risque pour la sécurité des magistrats en charge du dossier.

Ces observations plaident pour une centralisation du contentieux de l'application des peines en matière de terrorisme auprès de magistrats spécialisés dotés d'une compétence nationale. Tel est l'objet du présent article.

L'article 706-22 nouveau du code de procédure pénale prévoit une compétence exclusive du juge de l'application des peines de Paris, du tribunal de l'application des peines de Paris et enfin, en appel, de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel de Paris pour prendre les décisions concernant les personnes condamnées pour faits de terrorisme quel que soit le lieu de détention ou de résidence du condamné.

En matière de poursuites, d'instruction et de jugement, l'article 706-17 du code de procédure pénale a prévu une compétence concurrente 73 ( * ) . Cependant, une fois la condamnation prononcée, il ne peut plus y avoir de débat sur la qualification terroriste des faits en cause. Il est dont logique de prévoir une compétence exclusive en matière d'application des peines.

Par ailleurs, les décisions prises par les juridictions d'application des peines seraient prises après avis du juge de l'application des peines territorialement compétent, en application de l'article 712-10 du code de procédure pénale.

L'article 706-22-1 nouveau prévoit enfin que les magistrats pourront, pour l'exercice de leur mission, soit se déplacer sur l'ensemble du territoire national, soit recourir, dans les conditions prévues à l'article 706-71 du code de procédure pénale, à la visio-conférence.

Compte tenu de la répartition des détenus condamnés pour terrorisme entre 31 centres pénitentiaires, cette dernière hypothèse devrait être souvent utilisée.

Elle suppose cependant que la quarantaine d'établissements accueillant traditionnellement des détenus terroristes soient dotés des équipements nécessaires. Sept d'entre eux le sont actuellement. Trente-cinq devraient l'être en 2006. Le coût moyen d'une installation s'élève à 15.000 euros.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 10 sans modification.

Article additionnel après l'article 10 (art. 706-25 et 706-27 du code de procédure pénale)
Jugement des mineurs accusés d'actes de terrorisme par une cour d'assises composée uniquement de magistrats professionnels

Cet article tend à répondre à une importante lacune des dispositions du code de procédure pénale qui n'a été mise en évidence que tout récemment par la pratique judiciaire.

La loi n° 86-1020 du 9 septembre 1986, en conférant compétence aux juridictions parisiennes en matière de terrorisme, a prévu que cette compétence concernerait également les juridictions spécialisées pour mineurs (article 706-17, deuxième alinéa, du code de procédure pénale). Il en est donc notamment ainsi pour la cour d'assises des mineurs dont la spécificité tient à ce que les deux assesseurs de la cour doivent, sauf impossibilité, être juges des enfants (article 20 de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante).

Cependant, cette centralisation des compétences ne s'est pas accompagnée pour les mineurs, contrairement aux dispositions prises pour les majeurs d'une professionnalisation de la cour d'assise destinée à éviter les risques de pression dont pouvaient faire l'objet les jurés populaires.

La cour d'assises sans jury 74 ( * ) est composée d'un président et de ses assesseurs magistrats choisis soit parmi les conseillers de la cour d'appel, soit parmi les présidents, vice-présidents ou juges du tribunal de grande instance du lieu de tenue des assises (article 698-6 du code de procédure pénale). La cour d'assises d'appel comprend, outre le président, huit assesseurs.

Il arrive pourtant maintenant que des crimes terroristes soient commis à la fois par des majeurs et par des mineurs de 16 ans, mineurs qui relèvent donc de la cour d'assises des mineurs, actuellement composée de jurés populaires.

Il s'ensuit que la juridiction d'instruction a le choix, conformément aux dispositions de l'article 9 de l'ordonnance de 1945, soit de disjoindre la procédure, les mineurs étant jugés par la cour d'assises de mineurs et les majeurs par la cour d'assises spéciale composée seulement par des magistrats, soit -s'il n'est pas opportun de scinder l'affaire en deux- de renvoyer mineurs et majeurs devant la cour d'assises des mineurs. Cet état de fait est incohérent et dangereux, au regard des risques de pression pesant sur les jurés, notamment si tous les accusés, mineurs et majeurs, sont jugés en même temps.

La disjonction n'est pas plus satisfaisante : elle implique la tenue de deux procès d'assises ou quatre en cas d'appel - auxquels les victimes des actes de terrorisme devront à chaque fois assister.

Il convient donc de prévoir qu'en matière de terrorisme, la cour d'assises des mineurs sera également composée de magistrats professionnels. Tel est l'objet de cet article additionnel. Cette cour d'assises conserverait néanmoins sa spécificité du fait de la présence parmi les assesseurs de deux juges pour enfant .

Il s'agira ainsi d'une cour d'assises doublement spéciale en ce qu'elle serait spécialisée pour le jugement des mineurs et pour celui des actes de terrorisme.

Par le renvoi aux dispositions pertinentes de l'article 20 de l'ordonnance du 2 février 1945, les règles procédurales propres à la cour d'assises des mineurs seraient applicables.

Votre commission des lois vous propose d'adopter un article additionnel ainsi rédigé.

Article 10 bis (nouveau) (art. 16 et 20 du code de procédure pénale)
Adaptation du code de procédure pénale à la réforme des corps et carrières de la police nationale

Issu d'un amendement du député Gérard Léonard adopté par l'Assemblée nationale, cet article tend à modifier le code de procédure pénale afin de l'adapter à la réforme des corps et carrières de la police nationale.

Cette réforme actée par la signature le 17 juin 2004 du protocole d'accord sur les corps et carrières entre le ministre de l'intérieur et la quasi-totalité des organisations syndicales doit, à échéance 2012, modifier profondément la pyramide hiérarchique et revaloriser le niveau de formation de chaque corps.

Le paragraphe I de cet article tend à modifier l'article 16 du code de procédure pénale (CPP) qui définit les agents de l'Etat ayant la qualité d'officier de police judiciaire

Le a) du I tire les conséquences de l'attribution de la qualité d'officier de police judiciaire (OPJ) à tous les officiers de police dès leur sortie de l'école. Cette qualité est désormais liée à l'incorporation dans le corps des officiers de police 75 ( * ) .

Cette attribution de droit tient compte de la réforme des corps et carrières de la police nationale et des nouvelles conditions de recrutement des officiers de police à Bac+3 à compter du 1 er janvier 2006. En contrepartie, à la fin de la scolarité, les élèves passent devant un jury d'aptitude professionnelle qui écarte les candidats n'ayant pas les aptitudes pour devenir officier de police et par voie de conséquence officier de police judiciaire.

La référence aux fonctionnaires du corps de commandement et d'encadrement de la police nationale désignés après avis conforme d'une commission est donc remplacée par la référence aux officiers de police.

Le b) du I substitue dans ce même article du code procédure pénale la référence au corps d'encadrement et d'application à la référence au corps de maîtrise et d'application.

En effet, l'article 16 du CPP dispose qu'ont la qualité d'OPJ les fonctionnaires du corps de maîtrise et d'application comptant au moins trois ans de service dans ce corps et nominativement désigné par une commission. Ce corps recouvre les gardiens de la paix et les gradés.

Or, depuis la réforme des corps et carrières, le corps de maîtrise et d'application a changé de dénomination et s'intitule désormais « corps d'encadrement et d'application ».

Votre commission vous propose un amendement de coordination.

Le paragraphe II de ce nouvel article tend à modifier l'article 20 du CPP qui définit les agents de l'Etat ayant la qualité d'agent de police judiciaire.

De la même manière que le paragraphe précédent, ce paragraphe tire les conséquences de la réforme des corps et carrières et adapte la terminologie.

Votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 10 bis ainsi modifié .

Article 10 ter (nouveau) (art. 706-88 du code de procédure pénale)
Prolongation de la durée de la garde à vue en matière de terrorisme

Cet article, inséré par l'Assemblée nationale dans le projet de loi à l'initiative de sa commission des lois avec l'avis favorable du Gouvernement, tend à permettre, en matière de terrorisme, au juge des libertés et de la détention de prolonger la garde à vue pour une durée de 24 heures renouvelable une fois.

Pour les infractions de terrorisme de même que, désormais, pour les actes liés à la délinquance organisée, la garde à vue peut être prolongée au-delà de la durée maximale de droit commun de 48 heures pour une nouvelle période de 48 heures. Cette prolongation est autorisée soit, à la requête du procureur de la République, par le juge des libertés et de la détention, soit par le juge d'instruction.

L'intéressé doit être présenté à l'autorité compétente avant que celle-ci ne se prononce sur la prolongation. Un examen médical est de droit lorsque la prolongation est décidée.

Par ailleurs, l'entretien avec un avocat ne peut intervenir que lorsque s'est écoulé un délai de 72 heures .

Cette durée peut néanmoins se révéler insuffisante dans deux hypothèses principales : en premier lieu, lorsque l'enquête -voire la garde à vue elle-même- révèle des risques sérieux d'une action terroriste imminente ; ensuite lorsque la coopération internationale en matière de lutte contre le terrorisme doit être poursuivie pour s'opposer à l'action envisagée.

Aussi le présent article prévoit-il que le juge des libertés et de la détention peut « à titre exceptionnel » décider que la garde à vue en matière de terrorisme puisse faire l'objet d'une prolongation supplémentaire de 24 heures, renouvelable une fois . Au total, la garde à vue pourrait ainsi être portée de 4 à 6 jours (144 heures).

Le dispositif proposé est encadré à un double titre.

D'abord, il est strictement réservé aux deux hypothèses rappelées précédemment : d'une part quand les premiers éléments de l'enquête ou de la garde à vue permettent de déceler un risque sérieux de l'imminence d'une action terroriste en France ou à l'étranger, d'autre part lorsque les nécessités de la coopération internationale le requièrent impérativement.

Ensuite, la possibilité de prolonger la garde à vue est assortie de plusieurs garanties .

En premier lieu, à l'initiative de membres du groupe socialiste, l'amendement de la commission des lois a été sous-amendé en séance publique, avec l'avis favorable du Gouvernement, afin de prévoir l'intervention de l'avocat à l'expiration de la 96 ème heure , puis, comme le prévoyait déjà l'amendement de la commission, à l'issue de la 120 ème heure .

En second lieu, l'examen médical est obligatoire dès le début de chacune des deux prolongations supplémentaires par un médecin désigné par le procureur de la République, le juge d'instruction ou l'officier de police judiciaire. Le médecin requis se prononce sur la compatibilité de la prolongation de la mesure avec l'état de santé de l'intéressé.

Enfin, si la personne gardée à vue n'a pu obtenir l'autorisation de faire prévenir, par téléphone, une personne avec laquelle elle vit habituellement ou l'un de ses parents en ligne directe, l'un de ses frères et soeurs ou son employeur, elle peut réitérer cette demande à compter de la 96 ème heure 76 ( * ) .

Le tableau suivant récapitule le dispositif actuel de la garde à vue.

Le régime de garde à vue en l'état du droit

Durée initiale

Durée de prolongation

Interven-tion avocat

Présen-tation aux fins de prolon-gation
O bligatoire ou F acul-tative

Médecin
O bliga-toire ou F acultatif

1 ère
procureur de la République ou juge d'instruc-tion

2 ème
juge d'instruc-tion ou juge des libertés

3 ème
juge d'instruc-

tion ou juge des libertés

Au cours de la mesure

Droit commun
art. 63 s, 77 et 154

24 h

24 h

1 ère heure
24 ème heure

F

F

Délin-quance organisée
(Infractions visées par l'article
706-73 ;
régime fixé par l'article
706-88)

- Meurtre en bande organi- sée
- Torture en bande organi- sée
- Traite des êtres humains
- Destruction en bande organisée

- Fausse monnaie
- Délits sur les armes en bande organi- sée
- Délits étran- gers en séjour irrégulier en bande orga- nisée
- Blanchiment
















24 h
















24 h















24 h
ou
48 h



24 h
si 2 ème de 24 h



1 ère heure
24 ème heure
+
48 ème heure
+
72 ème heure


















1 ère prolon-gation : F
2 ème prolon-gation : O
3 ème prolon-

gation : F



















F
Puis
O
à la 48 ème heure

- Enlèvement et séquestra- tion en bande organisée
- Proxénétisme
- Vol en bande organisée
- Crimes d'extorsion
- Association de malfaiteurs

48 ème heure
+
72 ème heure
(art. 63-4)

- Terrorisme
- Stupéfiants

72 ème heure (art.
706-88)

Source : commission des lois

Tout en approuvant la possibilité de porter à six jours la garde à vue en matière de terrorisme, votre commission estime utile de rappeler que cette mesure doit être ordonnée dans le strict respect des principes de nécessité et de proportionnalité qui gouvernent notre procédure pénale.

La prolongation de la garde à vue prévue à cet article ne peut avoir qu'un caractère exceptionnel. Elle pourrait se révéler utile dans certains cas particuliers. A cet égard, la pratique judiciaire atteste, comme les juges d'instruction de la section antiterroriste du TGI de Paris l'ont confirmé à votre rapporteur, un grand discernement dans le recours aux instruments spécifiques que le législateur met à leur disposition. Ainsi, ils ont indiqué qu'ils n'avaient eu recours dans des affaires de terrorisme qu'une seule fois, depuis 2001, aux perquisitions de nuit.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 10 ter sans modification.

Article 10 quater (nouveau) (art. 800 du code de procédure pénale)
Modalités de détermination des frais de justice

Le présent article, introduit dans le projet de loi par l'Assemblée nationale à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, tend à compléter l'article 800 du code de procédure pénale afin de simplifier les conditions de détermination des frais de justice.

En effet, actuellement, en vertu de l'article 800 du code de procédure pénale, le tarif des frais de justice doit être fixé par décret en Conseil d'Etat.

Cette procédure lourde n'apparaît pas adaptée à l'évolution rapide de certains coûts en raison, d'une part, des progrès technologiques (en matière d'interception de télécommunications par exemple) et, d'autre part, de la multiplication du nombre d'actes requis par les juridictions qui seraient pourtant susceptibles de donner lieu à des économies d'échelle (s'agissant notamment de l'identification des empreintes génétiques).

La disposition proposée par les députés prévoit en conséquence que le décret en Conseil d'Etat peut non seulement, comme aujourd'hui, établir le tarif des frais de justice, mais aussi « fixer les modalités selon lesquelles ces tarifs seront établis ». Dès lors, la fixation de certains tarifs pourrait être renvoyée à un arrêté du ministre de la justice ou du ministre du budget.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 10 quater sans modification .

Article 10 quinquies (nouveau) (art. 19 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995)
Adaptation à la réforme des corps et carrières de la police nationale de la représentation syndicale au sein des commissions administratives paritaires

Cet article tend à poser le principe d'une dérogation aux règles du statut général de la fonction publique en matière de représentation syndicale au sein des commissions administratives paritaires pour le corps d'encadrement et d'application des fonctionnaires actifs de la police nationale.

Issu d'un amendement du député Gérard Léonard, ce nouvel article modifie l'article 19 de la loi du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation pour la sécurité. Cet article de la loi de 1995 est relatif aux personnels de la police nationale et prévoit que le statut spécial des fonctionnaires actifs de la police nationale peut déroger au statut général de la fonction publique afin d'adapter l'organisation des corps et des carrières aux missions spécifiques de la police nationale.

Le présent article tend donc à ajouter un nouveau cas de dérogation.

Le corps d'encadrement et d'application de la police nationale 77 ( * ) , qui s'est substitué au corps de maîtrise et d'application depuis le 1er janvier 2005, comprend un nouveau grade intitulé brigadier. Celui-ci a été défini lors de l'arbitrage interministériel du 27 août 2003 et validé juridiquement à compter du 1er octobre 2004 par le décret n° 2004-1032. Il tend à la création et au renforcement en nombre d'un niveau de maîtrise correspondant à des qualifications techniques ou des fonctions d'encadrement distinctes des fonctions dévolues aux gardiens de la paix. Son accès est subordonné à la détention de la qualification d'OPJ ou à la réussite d'un examen professionnel équivalent, dans les domaines de l'ordre public, de la paix publique, des migrations-frontières ou du renseignement.

La création de ce quatrième grade a fait l'objet de réserves de la part des organisations syndicales pour ce qui concerne la représentativité dans le corps des personnels actifs.

Celles-ci ont demandé que les deux premiers grades du corps, soit gardien de la paix et brigadier, puissent continuer à avoir la même représentation syndicale, dérogeant ainsi aux dispositions du décret n° 82-451 du 28 mai 1982 relatif aux commissions administratives paritaires.

Ce souhait exprimé par les organisations syndicales constitue un élément de simplification de la gestion des personnels puisqu'il limite le nombre des représentants au sein de la commission administrative paritaire nationale et des commissions administratives paritaires interdépartementales.

Les dispositions de l'article 32 du décret n° 2004-1439 du 23 décembre 2004 portant statut du corps d'encadrement et d'application prévoit déjà que, jusqu'au terme du mandat des représentants du personnel, « les membres représentant antérieurement les agents titulaires du grade de gardien de la paix représentent, à partir de la même date, les gardiens de la paix et les brigadiers de police ».

Plusieurs arguments rendent cette pérennisation souhaitable dans la mesure où le pyramidage du corps d'encadrement et d'application atteindra l'équilibre prévu de façon progressive, sur plusieurs années, et que les passerelles seront fortes du grade de gardien de la paix vers celui de brigadier.

Les effectifs seront très évolutifs au cours des prochaines années pour se stabiliser en 2012. En effet, l'effectif des gardiens passera de 70 751 en 2006 à 58 570 en 2012, alors que celui des brigadiers augmentera, dans le même temps, de 11 200 en 2006 à 25 000 en 2012.

Il apparaît donc souhaitable que les deux premiers grades gardent une même représentation syndicale, notamment pour alléger la gestion des commissions administratives paritaires.

C'est l'objet du présent article qui pose le principe d'une dérogation aux règles du statut général de la fonction publique relatives à la représentation syndicale au sein des commissions administratives paritaires en faveur des fonctionnaires actifs de la police nationale, en prévoyant que les gardiens de la paix et les brigadiers de police constituent un seul et même collège au sein des commissions administratives paritaires compétentes pour le corps d'encadrement et d'application de la police nationale.

Votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 10 quinquies sans modification .

CHAPITRE IV BIS (NOUVEAU) - DISPOSITIONS RELATIVES AUX VICTIMES D'ACTES DE TERRORISME

Article 10 sexies (nouveau) (art. L. 126-1 du code des assurances)
Extension de l'indemnisation des victimes d'actes de terrorisme à leurs ayants droit de nationalité étrangère

A l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a inséré un nouveau chapitre IV bis dans le projet de loi consacré aux « dispositions relatives aux victimes d'actes de terrorisme » comportant un article afin d'étendre l'indemnisation des victimes d'actes de terrorisme à leurs ayants droit de nationalité étrangère.

La loi du 9 septembre 1986 a prévu un dispositif d'indemnisation au profit des victimes d'actes de terrorisme commis sur le territoire national et des personnes de nationalité française victimes de tels actes à l'étranger. Financée par un prélèvement forfaitaire sur chaque contrat d'assurance, cette indemnisation est mise en oeuvre par un fonds de garantie et transférée ainsi aux ayants droit à condition toutefois qu'ils soient de nationalité française.

Cette restriction -qui touche aussi les ayants droit étrangers résidant sur le territoire français- apparaît profondément injuste. Que l'on songe par exemple aux cas des couples mixtes dont le conjoint français est décédé à la suite d'un attentat et dont le conjoint survivant étranger s'est vu refuser le bénéfice de l'indemnisation au titre des ayants droit, alors même que ses enfants -de nationalité française- y étaient éligibles.

Le présent article corrige cette anomalie en prévoyant que les ayants droit des victimes d'actes de terrorisme commis sur le sol français, d'une part, et des personnes de nationalité française victimes de tels actes, d'autre part, sont indemnisés quelle que soit leur nationalité.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 10 sexies sans modification .

CHAPITRE V - DISPOSITIONS RELATIVES À LA DÉCHÉANCE DE LA NATIONALITÉ FRANÇAISE

Article 11 (art. 25-1 du code civil)
Déchéance de la nationalité française pour les auteurs d'acte de terrorisme ou constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation

Cet article tend à modifier l'article 25-1 du code civil afin de porter de dix à quinze ans les délais permettant d'engager la procédure de déchéance de la nationalité française et de la prononcer, à l'encontre de personnes ayant acquis cette nationalité, dès lors qu'elles font l'objet de condamnation pour acte de terrorisme ou acte constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation.

1. Le droit en vigueur

L'article 21-27 du code civil prévoit que les ressortissants étrangers ayant commis certaines infractions ne peuvent acquérir la nationalité française ou être réintégrés dans celle-ci. C'est notamment le cas lorsque la personne a fait l'objet d'une condamnation pour crimes ou délits constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou un acte de terrorisme.

Symétriquement, au titre des articles 25 et 25-1 du code civil, les personnes ayant acquis la qualité de Français 78 ( * ) et ayant été reconnues coupables de certains actes commis antérieurement à l'acquisition de la nationalité française 79 ( * ) ou dans le délai de dix ans à compter de la date de cette acquisition peuvent être déchues de la nationalité française. Cette déchéance doit être prononcée dans le délai de dix ans à compter de la perpétration des faits.

La déchéance est une sanction administrative pour indignité ou manque de loyalisme. Le ministre chargé des naturalisations notifie à l'intéressé les motifs de droit et de fait justifiant selon lui la déchéance de la nationalité française. A défaut de domicile connu, un avis informatif est publié au Journal Officiel.

La personne concernée dispose alors d'un mois pour faire parvenir ses observations en défense au ministre chargé des naturalisations 80 ( * ) .

A l'expiration de ce délai, le Gouvernement peut déclarer par un décret motivé pris sur avis conforme du Conseil d'Etat, que l'intéressé est déchu de la nationalité française, sauf si la déchéance a pour résultat de le rendre apatride. A la signature du décret, l'intéressé perd la nationalité française. Le décret est publié au Journal officiel et notifié à l'intéressé, qui peut former un recours gracieux ou un recours contentieux devant le Conseil d'Etat.

Un individu peut être déchu de la nationalité française :

-s'il est condamné pour un acte qualifié de crime ou de délit constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou pour un crime ou délit constituant un acte de terrorisme ;

- s'il est condamné pour un acte qualifié de crime ou de délit prévu et réprimé par le chapitre II du titre III du livre IV du code pénal 81 ( * ) ;

- s'il est condamné pour s'être soustrait aux obligations résultant pour lui du code du service national ;

- s'il s'est livré au profit d'un Etat étranger à des actes incompatibles avec la qualité de Français et préjudiciables aux intérêts de la France 82 ( * ) .

Ces actes délictuels ou criminels sont considérés comme manifestant la volonté de l'intéressé de mettre en cause les intérêts de la France et justifiant sa déchéance de la nationalité française. Dans la pratique, les mesures de déchéance sont exceptionnelles.

A l'exception de l'exercice d'activités incompatibles avec la qualité de Français et préjudiciables aux intérêts de la France par l'intéressé, les autres motifs de déchéance nécessitant une condamnation pénale (avec ou sans sursis) peuvent être effacés par amnistie.

2. Le texte soumis au Sénat

Cet article tend à porter de dix à quinze ans les délais permettant d'engager la procédure de déchéance de la nationalité française et de la prononcer, dès lors que les faits reprochés sont ceux visés aux 1° de l'article 25 du code civil, c'est-à-dire si l'intéressé est condamné pour un acte qualifié de crime ou de délit constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou pour un crime ou délit constituant un acte de terrorisme.

Dans les autres cas visés à l'article 25 du code civil, les délais de dix ans resteraient inchangés.

Le projet de loi initial portait ces délais de dix à quinze ans également dans le cas visé au 4° de l'article 25 du code civil, c'est-à-dire lorsque les intéressés se sont livrées au profit d'un Etat étranger à des actes incompatibles avec la qualité de Français et préjudiciables aux intérêts de la France. Toutefois, à l'initiative du rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale , cette catégorie a été maintenue dans le droit commun. L'argument invoqué était que l'extension à quinze ans de ce délai pour prononcer la déchéance de la nationalité française devait être réservée aux cas les plus graves ayant fait l'objet d'une condamnation définitive. Or, le 4° vise des cas d'espionnage n'ayant pas donné lieu à une condamnation définitive .

L'exposé des motifs du projet de loi indique que les réseaux terroristes développeraient « des stratégies d'implantation territoriale » par le biais de l'acquisition de la nationalité française. En effet, celle-ci protège d'une interdiction judiciaire du territoire ou d'une mesure administrative d'éloignement. En outre, le passeport français dispense de l'obligation de visa pour se déplacer vers de nombreux pays.

Selon le Gouvernement, cet allongement des délais à quinze ans tient compte de la durée « des procédures judiciaires et administratives et de la nécessité pour l'administration de s'assurer que les condamnations prononcées par le juge judiciaire ont acquis un caractère définitif ».

Toutefois, la portée de cet aménagement ne doit pas être surestimée eu égard au très petit nombre de déchéances prononcées 83 ( * ) sur le fondement de cet article.

Votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 11 sans modification .

CHAPITRE V BIS (NOUVEAU) - DISPOSITIONS RELATIVES À L'AUDIOVISUEL

Article 11 bis (nouveau) (art. 33-1, 42-1, 42-6 et 43-6 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986)
Suppression du conventionnement des chaînes extracommunautaires retransmises par satellite

Cet article est issu d'un amendement cosigné par le rapporteur et le président de la commission des lois de l'Assemblée nationale.

Il vise à redéfinir les modalités selon lesquelles la diffusion des services de télévision proposés par les opérateurs satellitaires doit faire l'objet d'une convention conclue par chaque opérateur avec le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) et peut être suspendue.

Lors des débats à l'Assemblée nationale, M. Philippe Houillon, président de la commission des lois, a souligné que le CSA souhaitait améliorer les conditions du contrôle qu'il exerce sur les programmes proposés par les chaînes de télévision extracommunautaires diffusées grâce au satellite Eutelsat. Il a rappelé que l'organisation actuelle de ce contrôle reposait en France sur la passation préalable de conventions entre le CSA et les chaînes de télévision concernées, la suspension de la diffusion ne pouvant intervenir que dans un deuxième temps, après qu'une mise en demeure a été adressée par le CSA à l'opérateur. Il a jugé cette organisation complexe et paradoxale, ajoutant qu'elle conduisait parfois à des situations absurdes se traduisant par la suspension par le CSA de la diffusion des programmes proposés par une chaîne de télévision avec laquelle il venait de conclure une convention.

Le précédent de la chaîne Al Manar proche du Hezbollah, il y a un peu moins d'un an, illustre ce genre de situation. Il faut également évoquer le problème des chaînes iraniennes diffusées en français.

La procédure en vigueur empêche de réagir immédiatement car la convention suppose qu'il y ait d'abord une mise en demeure, puis que certaines formes procédurales soient respectées.

Le président du CSA peut également saisir le Conseil d'Etat afin que celui-ci ordonne à un opérateur satellitaire de cesser de diffuser une chaîne de télévision. Mais la procédure peut prendre plusieurs mois.

Le présent article tend donc à supprimer cette procédure de conventionnement préalable obligatoire afin de pouvoir sanctionner plus rapidement ces chaînes. Ce nouveau régime serait applicable aux chaînes déjà conventionnées. Il permettrait au CSA de se concentrer sur ses missions de contrôle a posteriori.

Ce dispositif présente également un avantage concurrentiel pour Eutelsat. Cet opérateur satellitaire de droit français était en effet soumis à cette contrainte de conventionnement à l'inverse de ses concurrents domiciliés dans d'autres pays, notamment de l'Union européenne.

Toutefois, l'efficacité de ce dispositif pour lutter notamment contre la diffusion de programmes à caractère antisémite ne doit pas être surestimée. Ne sont en effet soumis à la loi française et par voie de conséquence au CSA que les opérateurs satellitaires de droit français. Une solution plus globale reste à trouver au niveau communautaire.

Votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 11 bis sans modification .

CHAPITRE VI - DISPOSITIONS RELATIVES À LA LUTTE CONTRE LE FINANCEMENT DES ACTIVITÉS TERRORISTES

Article 12 (chapitre IV du titre VI du livre V du code monétaire et financier - art. L. 564-1 à L. 564-6 - chapitre IV du titre VII du livre V du même code - art. 574-3 nouveau)
Gel administratif des avoirs en matière de terrorisme

Cet article tend à insérer un nouveau chapitre dans le titre VI du livre V du code monétaire et financier afin d'instaurer une procédure administrative de gel des avoirs pour lutter contre le financement des activités terroristes.

En l'état du droit, il existe aujourd'hui deux procédures de gel des avoirs. La première, à caractère judiciaire , permet au juge d'ordonner le gel des avoirs aux différentes étapes de la procédure judicaire : ainsi, en vertu de l'article 706-103 du code de procédure pénale, le juge des libertés et de la détention peut ordonner, sur requête du procureur de la République, dans le cadre d'une information judicaire portant sur des infractions liées à la criminalité organisée, les mesures conservatoires sur les « biens, meubles ou immeubles, divis ou indivis, de la personne mise en examen », afin de garantir « le paiement des amendes encourues ainsi que, le cas échéant, l'indemnisation des victimes . »

La seconde procédure de gel présente un caractère administratif . Elle permet l'exécution en France de décisions prises sur le fondement d' instruments communautaires . Il s'agit, d'une part, du règlement du Conseil 881/2002 du 27 mai 2002 qui transpose dans le droit communautaire la résolution n° 1390 des Nations Unies relative à la lutte contre Al Qaïda. Sur cette base, les listes de personnes et entités liées au réseau Al Qaïda, sont reprises par les règlements communautaires sans requérir une nouvelle intervention des Etats membres. D'autre part, le règlement du Conseil 2580/2001 du 27 décembre 2001 a transposé la résolution 1373 des Nations Unies, relative aux autres organisations terroristes. A la différence du système précédent, il appartient au Conseil de l'Union européenne de déterminer la liste des personnes, groupes et entités liés à des activités terroristes.

Ces instruments communautaires ne permettent pas de procéder à des mesures administratives de gel des avoirs de résidents français ou de résidents communautaires .

Les dispositions proposées visent à combler cette lacune en instituant dans notre droit un dispositif de gel des avoirs de personnes physiques ou morales, autonome par rapport aux instruments communautaires et dont le champ d'application permettra de couvrir les résidents français et communautaires .

Le champ d'application du dispositif (art. L. 564-1 nouveau)

Les mesures de gel ou d'interdiction devront être appliquées par les organismes financiers et personnes mentionnées au 1 à 5 et au 7 de l'article L. 562-1 du code monétaire et financier, à savoir :

- les organismes et institutions bancaires ;

- la Banque de France et l'institution d'émission d'outre-mer ;

- les entreprises d'assurance ainsi que les courtiers d'assurance ou de réassurance mentionnés à l'article L. 310-1 du code des assurances ;

- les instituts ou unions relevant du titre II et IV du livre IX du code de la sécurité sociale (instituts de prévoyance et de gestion de retraite supplémentaire des salariés) ou de l'article L. 727-2 du code rural (organismes de protection sociale des professions agricoles) ;

- les mutuelles relevant du champ de l'article L. 111-1 du code de la mutualité ;

- les entreprises d'investissement, les membres des marchés réglementés d'instruments financiers, les organismes de placements collectifs en valeurs mobilières (OPCVM), les sociétés de gestion des OPCVM et les conseillers en investissement financier ;

- les personnes qui réalisent, contrôlent ou conseillent des opérations portant sur l'acquisition, la vente, la cession ou la location des biens immobiliers.

Par ailleurs, les fonds susceptibles de faire l'objet d'une mesure de gel ou d'interdiction sont définis par l'article L. 564-1 nouveau sur le modèle des dispositions prévues par le règlement n° 2580/2001 du Conseil du 27 décembre 2001 (art. 1 er - 1°). Il s'agit :

- des avoirs de toute nature, corporels ou incorporels, mobiliers ou immobiliers, acquis par quelque moyen que ce soit ;

- des documents ou instruments légaux sous quelque forme que ce soit y compris sous forme électronique ou numérique qui prouvent un droit de propriété ou intérêt sur ces avoirs (par exemple, les crédits bancaires, les chèques de voyage, les chèques bancaires, les mandats, les actions, les titres, les obligations, les traites et les lettres de crédit...).

Les finalités de la mesure de gel (art. L. 564-2 nouveau)

Les mesures de gel ne peuvent concerner que les personnes physiques et morales 84 ( * ) qui commettent, facilitent ou participent à des actes de terrorisme définis au 4 de l'article 1 er du règlement du Conseil du 27 décembre 2001 qui renvoie lui-même à l'article 1 er , paragraphe 3, de la position commune n° 2001/931 PESC du même jour. Selon ce texte, l'acte de terrorisme doit constituer une infraction dans le droit des Etats membres commise dans le but soit d'intimider gravement la population, soit de contraindre indûment des pouvoirs publics ou une organisation internationale à accomplir ou s'abstenir d'accomplir une action quelconque, soit gravement déstabiliser ou détruire les structures fondamentales d'un pays ou d'une organisation internationale.

Cette définition fondée, comme en droit français, sur la finalité poursuivie des auteurs de l'infraction recouvre un champ comparable à celui des articles 421-1 à 421-2-2 du code pénal.

Les mesures de gel peuvent également s'appliquer aux personnes morales détenues par les personnes physiques mentionnées plus haut ou qu'elles contrôlent directement ou indirectement.

Enfin, les fruits produits par ces fonds, instruments et ressources peuvent ainsi être gelés.

La définition d'une mesure de gel (art. L. 564-2 nouveau)

La mesure de gel recouvre toute action visant à empêcher tout mouvement, transfert ou utilisation de fonds, instruments financiers et ressources économiques qui auraient pour conséquence, en particulier, un changement de leur localisation, de leur montant, de leur propriété et de leur nature.

La procédure (art. L. 564-2 nouveau)

La mesure de gel incombe au ministère de l'économie .

Elle est fixée à une durée de six mois renouvelable .

Les décisions du ministre sont publiées au Journal Officiel et exécutoires à compter de cette publication.

Cette mesure, dérogatoire au principe de notification des décisions individuelles, se justifie par le fait que bien souvent l'identité de la personne et, a fortiori , son adresse ne sont pas connues.

Les effets juridiques (art. L. 564-2 et L. 564-3 nouveaux)

Les mesures de gel peuvent non seulement viser les fonds, instruments financiers et ressources appartenant aux terroristes mais aussi les mouvements de fonds en faveur de telles personnes (y compris lorsque l'ordre d'exécution a été émis antérieurement à la date de publication de la décision d'interdiction).

Par ailleurs, les mesures de gel s'imposent à toute personne copropriétaire des fonds, instruments et ressources ainsi qu'à toute personne titulaire d'un compte joint dont l'autre titulaire est une personne propriétaire, nue-propriétaire ou usufruitier impliqué dans un acte terroriste.

Elles sont opposables aux créanciers et aux tiers pouvant invoquer des droits sur les avoirs concernés.

Les garanties d'efficacité du dispositif (art. L. 564-4 et L. 574-3 nouveaux)

Aux termes de l'article L. 564-4, le secret bancaire ne fait pas obstacle à l'échange d'informations entre les organismes requis et les services de l'Etat chargés de mettre en oeuvre la mesure de gel, lorsque la demande d'information vise à s'assurer de l'identité des personnes concernées directement ou indirectement par la mesure . L'information demandée ne peut être utilisée qu'à cette fin.

Les services de l'Etat concernés sont néanmoins autorisés à échanger les informations nécessaires avec les autorités d'agrément et de contrôle des organismes requis dans l'exercice de leurs missions respectives.

En cas de manquement à leurs obligations, les dirigeants ou les préposés des organismes requis ainsi que les personnes faisant l'objet de la mesure de gel ou d'interdiction sont passibles des peines prévues au 1° de l'article 459 du code des douanes pour les personnes contrevenant aux règles relatives aux relations financières avec l'étranger (peine d'emprisonnement de 5 ans, confiscation du corps du délit, amende égale au minimum au montant et au maximum au double de la somme sur laquelle a porté l'infraction ou la tentative d'infraction). L'article L. 574-3 renvoie également les règles relatives aux constatations des infractions, aux poursuites, au contentieux et à la répression aux dispositions subséquentes des titres II et XII du code des douanes.

Les garanties apportées aux personnes appelées à mettre en oeuvre à la demande de l'Etat, les mesures de gel (art. L. 564-5 nouveau)

Aux termes de l'article L. 564-5 nouveau, l'Etat est responsable des dommages éventuels liés à la mise en oeuvre, de bonne foi, des mesures de gel ou d'interdiction par les organismes financiers ou personnes requises par le ministre de l'économie. La responsabilité sans faute de l'Etat pourra donc être engagée.

Par ailleurs, aucune sanction professionnelle ne peut être prononcée à l'encontre des dirigeants de ces organismes ou de leurs préposés.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 12 sans modification .

Article additionnel après l'article 12 (art. 222-39-1, 225-4-8, 312-7-1, 450-2-1 et 321-6 ; art. 321-6-1 et 321-10-1 nouveaux du code pénal ; art. 706-73 du code de procédure pénale)
Extension du délit de non justification de ressources correspondant au train de vie

Cet article tend à étendre le délit de non justification de ressources correspondant au train de vie à l'ensemble des infractions procurant un profit et punies d'au moins cinq ans d'emprisonnement.

En l'état du droit, la lutte contre l'économie souterraine présente certaines failles.

Elle repose en effet d'abord sur l' incrimination de recel , définie à l'article 321-1 du code pénal comme « le fait de dissimuler, de détenir ou de transmettre une chose ou de faire office d'intermédiaire afin de la transmettre en sachant que cette chose provient d'un crime ou d'un délit ». Le recel est également constitué par le « fait, en connaissance de cause, de bénéficier, par tout moyen, du produit d'un crime ou d'un délit ». Le délit de recel ne peut ainsi être constitué sans l'existence d'une infraction préalable de nature criminelle ou délictuelle. Or, il apparaît souvent difficile de démontrer l'existence de cette infraction alors même que la possession de certains biens, sans rapport avec les ressources légales des intéressés, ne peut provenir que d'un crime ou d'un délit.

Sans doute le législateur a-t-il pris en compte ces difficultés en permettant de poursuivre les individus qui ne sont pas en mesure de justifier de leurs ressources alors qu'ils sont en relations habituelles avec certaines catégories d'individus.

Le tableau suivant récapitule l'état du droit en la matière.

Personne en relations habituelles avec :

Peine encourue

- Personnes se livrant à la mendicité
(art. 225-12-5)
? assimilation à l'exploitation de la mendicité

3 ans d'emprisonnement - 45.000 € d'amende

- Usagers ou trafiquants de stupéfiants (art. 222-39-1)

5 ans d'emprisonnement - 75.000 € d'amende

- Membres d'une association de malfaiteurs (art. 450-2-1)

5 ans d'emprisonnement - 75.000 € d'amende

- Mineurs se livrant habituellement à des crimes et délits contre les biens d'autrui et sur lesquels la personne a autorité (art. 321-6)

5 ans d'emprisonnement - 375.000 € d'amende

- Victimes ou auteurs de traite des êtres humains (art. 225-4-8)

7 ans d'emprisonnement - 750.000 € d'amende

- Terroristes (art. 421-2-3)

7 ans d'emprisonnement - 100.000 € d'amende

- Personnes se livrant habituellement à la prostitution (art. 225-6)
? assimilation au proxénétisme

7 ans d'emprisonnement - 150.000 € d'amende

- Auteurs d'extorsion commise en bande organisée avec violences ou actes de torture (art. 312-7-1)

10 ans d'emprisonnement - 375.000 € d'amende

Pour ces délits, la présomption de l'origine frauduleuse des biens de la personne justifie le renversement de la charge de la preuve . Elle découle, d'une part, de liens objectifs entre cette personne et les individus ayant commis des infractions de profit et, d'autre part, de l'impossibilité de justifier son train de vie.

Le dispositif apparaît néanmoins complexe (il n'existe ainsi pas moins de huit délits de non justification de ressources) et lacunaire (il ne concerne pas des situations très répandues tels que des biens issus de vols commis avec certaines circonstances aggravantes).

Votre commission estime donc nécessaire de simplifier ces dispositions et d'en élargir le champ d'application. Le délit serait ainsi défini comme le fait de ne pas pouvoir justifier de l'origine de son bien tout en étant en relations habituelles avec une ou plusieurs personnes se livrant à la commission de crimes ou de délits punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement et procurant à celles-ci un profit direct ou indirect.

L'extension proposée est cependant assortie d'une double garantie :

- elle vise des infractions punies de cinq ans d'emprisonnement , seuil également retenu pour l'infraction d'association de malfaiteurs ;

- elle ne concerne que les personnes en relations habituelles avec l'auteur de telles infractions.

Les personnes coupables de ce délit seraient passibles d'une peine de trois ans d'emprisonnement et de 75.000 euros d'amende, par cohérence avec celles plus sévères du recel simple (cinq ans d'emprisonnement) dont cette infraction constitue l'extension, ce qui justifie qu'elle figure dans le chapitre consacré au recel.

Cependant, afin de permettre une répression équivalente à celle actuellement prévue par les incriminations spécifiques, les peines seraient portées à cinq ans et 150.000 euros d'amende si les crimes et délits sont commis par un mineur sur lequel la personne ne pouvant justifier ses ressources a autorité. De même, elles seraient portées à sept ans lorsque les infractions commises constituent les crimes ou délits de trafic de stupéfiants, d'exploitation de la mendicité d'autrui, de traite des êtres humains, d'extorsion ou d'association de malfaiteurs.

Elles seraient enfin portées à dix ans et 300.000 euros d'amende quand il s'agit d'une des infractions précitées et qu'elle est commise par un ou plusieurs mineurs (comme tel est déjà le cas, en vertu de l'article 222-39-1, alinéa 2, pour les personnes en relation avec des mineurs commettant des trafics de stupéfiants).

Le condamné pourrait également encourir la peine complémentaire de confiscation de tout ou partie de ses biens dont l'origine n'a pu être justifiée, ainsi que les peines complémentaires prévues pour les infractions commises par la personne avec laquelle l'auteur des faits était en relations habituelles.

En conséquence, les différentes infractions de non justification de ressources seraient intégrées dans ce nouveau dispositif à l'exception des dispositions relatives à l'exploitation de la mendicité, aux proxénètes et au terrorisme qui doivent conserver leur spécificité.

Votre commission des lois vous propose d'adopter un article additionnel ainsi rédigé.

DIVISION ADDITIONNELLE AVANT LE CHAPITRE VII

Par un amendement , votre commission vous propose d'insérer un chapitre additionnel consacré aux dispositions relatives aux activités de sécurité privée et à la sécurité aéroportuaire. Il comprendrait les deux articles ci-dessous.

Article additionnel avant le chapitre VII (art. 5, 6, 22 et 23 de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983)
Conditions de délivrance de l'agrément pour exercer une activité de sécurité privée

Votre commission vous propose un amendement ayant pour objet de donner au préfet une plus grande marge d'appréciation pour délivrer ou non l'agrément aux personnes souhaitant exercées une activité de sécurité privée.

1. Le droit en vigueur

Les articles 5, 6, 22 et 23 de la loi du 12 juillet 1983 réglementant les activités privées de sécurité instituent un dispositif d'agrément et d'habilitation par le préfet des personnes souhaitant soit :

- exercer à titre individuel, diriger ou gérer une entreprise de gardiennage, de surveillance ou de transport de fonds (article 5) ;

- être employé par une entreprise de gardiennage, de surveillance ou de transport de fonds (article 6) ;

- exercer à titre individuel, diriger ou gérer une agence de recherches privées (article 22) ;

- être employé par une agence de recherches privées (article 23).

Parmi les conditions à remplir figure l'obligation de ne pas avoir « commis des actes, éventuellement mentionnés dans les traitements automatisés de données personnelles gérés par les autorités de police, contraires à l'honneur, à la probité et aux bonnes moeurs ou de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, à la sécurité publique ou à la sûreté de l'Etat ». Cette condition a été ajoutée par la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure.

Une autre condition pour la délivrance de l'agrément et de l'habilitation est de ne pas avoir fait l'objet d'une condamnation mentionnée au bulletin n° 2 du casier judiciaire.

Ces procédures d'agrément relèvent également de l'article 17-1 de la loi du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité qui pose le principe de l'enquête administrative préalable et autorise à cette fin la consultation des traitements de données personnelles visés à l'article 21 de la loi du 18 mars 2003, c'est-à-dire les fichiers de police judiciaire STIC et JUDEX.

Ces dispositions ont pour objectif d'éviter que des personnes pouvant avoir des intentions malveillantes aient accès à des installations et à des informations sensibles. Cette préoccupation d'intérêt général prend un relief particulier lorsqu'il s'agit de prévenir des risques terroristes. En effet, les agents de sécurité ou les agents de recherches privées peuvent avoir accès à des locaux et des sites publics privés particulièrement sensibles (zones protégées de défense, sites SEVESO, installations électriques, pétrolières...) pour répondre à la demande de leurs clients.

En l'état actuel de la législation, seules les personnes ayant commis une infraction dont la procédure judiciaire est en cours ou dont la responsabilité a été reconnue par la justice sont interdits d'agrément ou d'habilitation.

Or les personnes susceptibles d'apporter un soutien logistique à des activités terroristes n'ont pas nécessairement commis de faits inscrits dans les fichiers de police. Il importe en conséquence que des informations relatives au comportement, à la moralité de la personne ou à son environnement social, indépendamment de toute commission d'infraction ou inscription dans un traitement d'antécédents judiciaires, puissent également être portées à la connaissance du préfet dans le cadre de l'instruction des agréments.

Certains candidats à l'embauche sont en effet signalés par les fiches de recherche émanant de la DST ou des renseignements généraux en raison des liens qu'ils entretiennent avec des mouvements fondamentalistes sans faire pour autant l'objet d'une condamnation inscrite au bulletin n° 2 du casier judiciaire ou d'une mention dans le fichier STIC ou JUDEX.

2. Le texte proposé

Pour éviter que des individus à risque aient accès à des installations et à des informations sensibles, cet amendement tend à :

- étendre le champ des motifs de refus d'agrément à des éléments relatifs au comportement ou à la moralité de la personne, indépendamment de la commission d'une infraction. Le Conseil d'Etat a d'ailleurs validé ce principe en permettant au préfet de vérifier, indépendamment de toute commission d'infraction, si « la moralité de la personne ou son comportement apparaissent incompatibles avec l'exercice des missions pour lesquelles l'agrément est demandé » 85 ( * ) ;

- étendre la consultation de traitements automatisés aux fichiers de renseignement. A cette fin, l'amendement fait référence aux traitements automatisés gérés par les services de police et de gendarmerie relevant de l'article 26 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. Cet article 26 engloberait les fichiers STIC, JUDEX ainsi que les fichiers des renseignements généraux, de la DST ou le fichier des personnes recherchées. Toutefois, les fichiers d'identification comme le fichier automatisé des empreintes digitales ou le fichier national automatisé des empreintes génétiques seraient exclus car ils poursuivent exclusivement des finalités de police judiciaire et non de police administrative.

Votre commission des lois vous propose d'adopter un article additionnel ainsi rédigé.

Article additionnel avant le chapitre VII (art. L. 213-4-1 et L. 321-7-1 [nouveaux] du code de l'aviation civile)
Accès aux lieux de préparation et de stockage du fret conditionné à la délivrance d'un agrément par le préfet

Votre commission vous propose un amendement modifiant le code de l'aviation civile afin de soumettre à la délivrance d'un agrément par le préfet le droit d'accéder aux lieux de préparation et de stockage du fret.

1. Le droit en vigueur

Le code de l'aviation civile soumet à habilitation de l'autorité administrative l'accès aux zones réservées des aérodromes (art. R. 213-4 et s). C'est sur cette base, et en conformité avec la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 modifiée par la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003, que des enquêtes administratives sont diligentées par les préfets en vue de la délivrance de l'habilitation. Près de 190.000 personnes sont actuellement soumises à ce régime.

Par ailleurs, des modifications récentes du code de l'aviation civile ont mis en place des agréments pour les entreprises amenées à traiter du fret ou des biens et produits destinés à être embarqués à bord des aéronefs, y compris ceux transportant des passagers, en dehors de la zone réservée . En vue de l'obtention de ces agréments, le code de l'aviation civile fait obligation à ces entreprises de sécuriser les endroits utilisés pour préparer les biens et produits destinés à être utilisés à bord des aéronefs (art. L. 213-4), de sécuriser les endroits utilisés pour préparer les expéditions de fret aérien ou de colis postaux (art. L. 321-7).

Les entreprises intervenant dans le stockage, le conditionnement ou la préparation du fret doivent recevoir un agrément du préfet pour recevoir soit la qualification d' « établissement connu », soit celle d' « agent habilité », soit celle de « chargeur connu ». Ces différentes habilitations dépendent de la phase au cours de laquelle l'entreprise intervient dans la préparation, le stockage ou le transport du fret.

Toutefois aucun contrôle d'antécédents des personnels intervenant dans la préparation de ces expéditions n'est actuellement prévu dans les cas où les lieux concernés sont situés en dehors des zones réservées des aérodromes.

2. Le texte proposé

L'amendement proposé tend à insérer deux articles additionnels dans le code de l'aviation civile. Il doit permettre de pallier cette faiblesse potentielle dans la chaîne de sécurisation du transport aérien.

Plus précisément, il est proposé de conditionner l'accès aux lieux de préparation des expéditions à une habilitation délivrée par le préfet. Les employés des entreprises ayant soit la qualification d' « établissement connu », soit celle d' « agent habilité », soit celle de « chargeur connu » et qui auraient besoin d'accéder à ces lieux dans le cadre de leur emploi devraient se voir délivrer une telle habilitation. De cette façon, suivant le même mécanisme que pour les personnes accédant aux zones réservées des aérodromes, des enquêtes administratives pourraient être diligentées sur les personnes employées dans ces zones lorsqu'elles sont implantées en dehors des aérodromes.

Cet amendement permettrait la consultation des fichiers visés à l'article 26 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés à l'exception des fichiers d'identification, c'est-à-dire, outre les fichiers STIC et JUDEX, les fichiers de personnes recherchées (FPR) ou les fichiers des services de renseignement (RG, DST). Il est en effet apparu que de fortes présomptions d'appartenance à une mouvance terroriste pesaient sur certains demandeurs d'habilitation sans que pour autant ils soient connus des services de police via les fichiers de police judiciaire. Serait aussi consulté le bulletin n° 2 du casier judiciaire.

Sur un total de près de 500 établissements agréés en tant qu' « établissements connus », « agents habilités » et « chargeurs connus », environ 350 sont implantés hors des zones réservées des aérodromes et seraient donc concernés par cette modification législative. Il est à souligner que seuls les locaux de préparation des expéditions seraient concernés par cette disposition, qui n'a donc d'impact que sur les seuls personnels appelés à y pénétrer.

Votre commission des lois vous propose d'adopter un article additionnel ainsi rédigé.

CHAPITRE VII -DISPOSITIONS RELATIVES À L'OUTRE-MER

Article 13 (art. 31 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité)
Application outre-mer des dispositions relatives à la vidéosurveillance

Cet article tend à rendre applicable à Mayotte, à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie française, à Saint-Pierre-et-Miquelon, aux Terres australes et antarctiques françaises ainsi qu'aux îles Wallis et Futuna, avec les adaptations nécessaires, plusieurs dispositions de la loi du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité, notamment celles relatives à la vidéosurveillance. En effet, ces territoires sont soumis au principe de spécialité législative, qui implique que seuls les articles expressément cités sont applicables.

En droit positif, l'article 31 de la loi du 21 janvier 1995 précitée dispose que cette loi est applicable aux territoires d'outre-mer et à Mayotte, à l'exception :

- des articles 6, 9 à 15 , 17, 18 et 24 ;

- de l'article 23 pour la seule Nouvelle-Calédonie ;

- de l'article 33 pour les seuls territoires d'outre-mer.

Le présent article modifierait cet article afin d'étendre à ces territoires ultramarins d'autres dispositions de la loi du 21 janvier 1995 précitée. Il adapte également la terminologie utilisée pour désigner ces territoires. En effet, la loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République a supprimé la catégorie des territoires d'outre-mer. Le projet de loi énumère donc l'ensemble des collectivités auquel sont étendues certaines dispositions.

Y seraient étendus :

- l'article 10 relatif à la vidéosurveillance et modifié par l'article premier du présent projet de loi ;

- l'article 10-1 relatif au pouvoir des préfets de prescrire l'installation de système de vidéosurveillance et créé par l'article 2 du présent projet de loi ;

- l'article 15 relatif à l'obligation de protéger les véhicules contre le vol grâce à l'installation de dispositifs de sécurité ou de marquage ;

- l'article 15-1 relatif à la rémunération des indicateurs de police 86 ( * ) .

Resteraient donc toujours non applicables :

- les articles 6, 9, 11 à 14, 17, 18 et 24 à l'ensemble de ces collectivités ;

- l'article 23 à la Nouvelle-Calédonie ;

- l'article 33 à Mayotte, à la Polynésie française, à Saint-Pierre-et-Miquelon, aux Terres australes et antarctiques françaises ainsi qu'aux îles Wallis et Futuna.

L'extension de ces dispositions est accompagnée des adaptations nécessaires.

Ainsi, à l'article 10 relatif à la vidéosurveillance et modifié par l'article premier du présent projet de loi, les références au représentant de l'Etat dans le département et à la commission départementale chargée de rendre un avis sur les demandes d'installation de systèmes de vidéosurveillance seraient respectivement remplacées par les références au représentant de l'Etat et à la commission locale.

Les mêmes adaptations seraient apportées à l'article 10-1 relatif au pouvoir des préfets de prescrire l'installation de système de vidéosurveillance et créé par l'article 2 du présent projet de loi.

En outre, pour l'application de ces deux articles à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie française et aux îles Wallis et Futuna , le présent article prévoit que le montant des amendes en euros est remplacé par sa contre-valeur en monnaie locale, le franc CFP aussi appelé « Franc pacifique ».

Toujours pour l'adaptation de la loi à ces trois collectivités, la référence de l'article 10-VI précité à trois articles du code du travail est supprimée ainsi que la référence de l'article 10-1 (I) nouveau à la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs. Ces textes n'y sont pas applicables.

Pour l'application à Mayotte de l'article 10-VI , la référence aux trois articles précités du code du travail serait remplacée par la référence à l'article L. 442-6 du code du travail applicable à Mayotte.

Enfin, pour l'application aux îles Wallis et Futuna de l'article 10-VI , la référence à ces trois articles serait remplacée par la référence « aux dispositions correspondantes applicables localement ».

Au présent article, l'Assemblé nationale a apporté des modifications rédactionnelles.

Outre un amendement de coordination, votre commission vous propose un amendement prévoyant que l'article 7 de la loi du 21 janvier 1995 reste applicable à ces territoires.

En effet, cet article 7 qui rappelle que le maire concourt par son pouvoir de police à l'exercice des missions de sécurité publique et qu'il est obligatoirement associé à la définition du programme de prévention de la délinquance et de l'insécurité mis en place par le représentant de l'Etat, a été abrogé pour la métropole et les départements d'outre-mer par l'article 12 de la loi n° 96-142 du 21 février 1996 relative à la partie législative du code général des collectivités territoriales. Toutefois, il est resté « en vigueur pour ce qui concerne les territoires d'outre-mer, Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon » en vertu des dispositions de l'article 13 de cette même loi du 21 février 1996.

Or, la nouvelle rédaction de l'article 31 de la loi du 21 janvier 1995 précitée telle qu'elle figure dans le présent article, en réécrivant la totalité de l'article, rend applicable aux collectivités d'outre-mer, à la Nouvelle-Calédonie et aux Terres australes et antarctiques françaises, la loi du 21 janvier 1995 dans sa rédaction en vigueur à la date de publication du présent projet de loi. Le maintien en vigueur des dispositions de l'article 7 pour ces collectivités opéré par l'article 13 précité de la loi n° 96-142 du 21 février 1996 devient de ce fait caduc puisqu'il n'y est pas fait référence. Il s'avère dès lors nécessaire de préciser que l'abrogation effectuée par la loi du 21 février 1996 ne s'y applique pas.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 13 ainsi modifié .

Article 14 (art. L. 735-13, L. 745-13, L. 755-13 et L. 765-13 du code monétaire et financier)
Application outre-mer des dispositions du projet de loi

Le paragraphe I de cet article a pour objet de rendre applicable à Mayotte, à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie française, aux Terres australes et antarctiques françaises ainsi qu'aux îles Wallis et Futuna, avec les adaptations nécessaires, les dispositions de la présente loi 87 ( * ) .

En effet, ces territoires sont soumis au principe de spécialité législative, qui implique que seuls les articles expressément cités sont applicables.

Seul l'article 3 relatif aux contrôles d'identité dans les trains transnationaux ne serait pas rendu applicable pour des raisons géographiques évidentes.

Les paragraphes II et III précisent les adaptations législatives nécessaires. Il ne s'agit en réalité que de modifications mineures.

Le paragraphe II de cet article prévoit que, pour l'application des articles 6 et 9 à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie française et aux îles Wallis et Futuna, le montant des amendes en euros est remplacé par sa contre-valeur en monnaie locale, le franc CFP aussi appelé « Franc pacifique ».

Le paragraphe III adapte le code monétaire et financier aux nouvelles références consécutives aux modifications apportées par l'article 12 du projet de loi.

Au présent article, l'Assemblé nationale n'a apporté que des modifications rédactionnelles mineures.

Votre commission vous propose un amendement excluant l'application des articles 10 sexies et 15 A du projet de loi à ces collectivités. En effet, cet article tend à modifier le code des assurances qui n'y est pas applicable. L'article 15 C relatif aux interdictions administratives de stades n'est pas applicable également à la plupart de ces collectivités.

Votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 14 ainsi modifié.

CHAPITRE VIII - DISPOSITIONS FINALES

Article 15 A (nouveau) (art. L. 126-2, L. 126-3 nouveau du code des assurances)
Extension de la couverture des dommages aux biens causés par un acte terroriste

Cet article introduit par l'Assemblée nationale, à l'initiative de M. Thierry Mariani avec l'avis de sagesse du Gouvernement tend à clarifier l'obligation de couverture, par les contrats d'assurance, des dommages matériels causés à des biens par tout acte terroriste à des biens situés sur le territoire national.

En l'état du droit, l'article L. 126-2 du code des assurances, issu de la loi du 9 septembre 1986 relative à la lutte contre le terrorisme et aux atteintes à la sûreté de l'Etat interdit aux contrats d'assurance de biens d'exclure la garantie de l'assureur pour les dommages résultant d'actes de terrorisme ou d'attentats commis sur le territoire national.

Malgré cette formulation à caractère général, il semblerait en pratique que la couverture des biens ne soit pas totalement satisfaisante et que lorsqu'un contrat exclut un dommage accidentel d'origine nucléaire, bactériologique ou clinique, il écarte ipso facto la garantie d'un attentat terroriste présentant des origines similaires.

Cette ambiguïté est préjudiciable tant pour l'efficacité du dispositif de couverture du risque de terrorisme créé en 1986 et l'indemnisation des victimes que pour la solidité financière du secteur de l'assurance qui ne peut avoir une vision claire de ses engagements et se réassurer en conséquence.

Il est donc apparu opportun de clarifier cette disposition pour confirmer l'étendue de l'obligation de garantie des actes de terrorisme aux dommages de toute nature, dès lors qu'ils sont d'origine terroriste, et confirmer de la sorte les engagements des assureurs vis-à-vis de leurs assurés à les couvrir pour les dommages aux biens contre tout acte de nature terroriste.

En outre, afin de lever les ambiguïtés actuelles, il est prévu que la prise d'effet des garanties proposée soit d'application immédiate.

Votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 15 A sans modification .

Article 15 B (nouveau) (art. 39 sexies de la loi du 29 juillet 1881)
Protection des personnels du ministère de la défense

L'article 39 sexies de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse punit d'une amende de 15 000 euros « le fait de révéler, par quelque moyen que ce soit l'identité des fonctionnaires de la police nationale, des militaires de la gendarmerie nationale ou des agents des douanes appartenant à des services ou unités désignés par arrêté du ministre intéressé et dont les missions exigent, pour des raisons de sécurité, le respect de l'anonymat ».

Or, les personnels du ministère se trouvent de plus en plus régulièrement confrontés à la divulgation de leurs identités et de leurs fonctions par voie de presse alors même que leur anonymat conditionne, pour beaucoup d'entre eux, leur sécurité ainsi que l'efficacité de leurs missions.

Le présent article, issu d'un amendement du député Jean-Luc Warsmann adopté par l'Assemblée nationale , a donc pour but d'étendre les dispositions de l'article 39 sexies de la loi du 29 juillet 1881, actuellement applicables aux seuls militaires de la gendarmerie nationale, aux personnels militaires et civils du ministère de la défense appartenant aux services qui seront désignés par arrêté du ministre de la défense.

Votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 15 B sans modification.

Article 15 C (nouveau) (art. 42-12 [nouveau] de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984)
Interdiction administrative d'assister à une manifestation sportive

Cet article, issu d'un amendement du député Jean-Christophe Baguet adopté par l'Assemblée nationale, tend à insérer un nouvel article 42-12 dans la loi du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives.

Il a pour objet de créer une mesure d'interdiction administrative de pénétrer ou de se rendre aux abords des enceintes où des manifestations sportives se déroulent ou sont retransmises en public.

La gravité et l'importance des atteintes portées à l'ordre public par certains individus à l'occasion de manifestations sportives à risque obligent en effet l'Etat à mobiliser toujours plus de moyens de prévention, de contrôle et d'intervention. Ainsi, lors de certaines rencontres de football au parc des Princes, le préfet de police se trouve dans l'obligation d'engager jusqu'à 2 000 policiers et gendarmes pour assurer les contrôles et les services d'ordre à l'entrée et aux abords du stade ainsi que dans le métro et pour faire respecter les interdictions de circulation et de stationnement à l'intérieur du périmètre de restrictions établi sur une large zone autour de l'enceinte sportive.

Outre le coût considérable que représentent pour la collectivité ces dispositifs, ils génèrent de lourdes contraintes pour les riverains, qui viennent s'ajouter aux nuisances qu'ils subissent du fait de l'action de ces individus. De surcroît, ils requièrent des effectifs très importants qui sont ainsi distraits des autres missions de sécurité générale.

Le présent article a pour objectif d'apporter une réponse à cette situation en neutralisant de manière ciblée l'action des individus à l'origine des troubles. S'inscrivant dans le cadre de la police administrative, cet article autoriserait le préfet à prononcer, par arrêté motivé, une mesure d'interdiction de stade à l'encontre des individus dont le comportement d'ensemble a constitué une menace à l'ordre public à l'occasion de manifestations sportives. Ce comportement d'ensemble pourrait s'apprécier par le caractère répété des troubles. La limitation de la validité de l'arrêté à trois mois ainsi que la désignation du type de manifestation concernée (rencontres de football par exemple) permettent de considérer que ces arrêtés, pris sous le contrôle du juge administratif n'excéderont pas ce qui est nécessaire à la préservation de l'ordre public.

Afin de renforcer l'efficacité de cette mesure, en cas de nécessité, le préfet aurait également la possibilité, par le même arrêté, d'astreindre ces personnes à répondre aux convocations de toute autorité ou de toute personne qualifiée désignée par lui, pendant le déroulement des manifestations sportives concernées.

Prises sans préjudice des poursuites pénales auxquelles s'exposeraient les personnes en cause, ces mesures pourraient à tout moment faire l'objet d'un recours devant le juge administratif.

Enfin, en matière de sanction, les personnes qui ne respecteraient pas l'une ou l'autre de ces mesures seraient passibles d'une amende de 3 750 euros.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 15 C sans modification.

Article 15 - Application de la loi dans le temps

Cet article règle l'application dans le temps de plusieurs dispositions du projet de loi.

Le paragraphe I intéressait initialement l'article premier du projet de loi relatif à la vidéosurveillance et modifiant l'article 10 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité 88 ( * ) . Cet article prévoit que chaque système de vidéosurveillance serait désormais autorisé pour une durée de cinq ans.

Ce paragraphe précisait que les systèmes de vidéosurveillance déjà en place et qui se sont donc vu délivrer une autorisation préfectorale pour une durée indéterminée seraient réputées autorisés pour une durée de cinq ans à compter de la date de publication de la loi.

Toutefois, à l'Assemblée nationale , un amendement du rapporteur de la commission des lois a supprimé ce paragraphe afin de rapatrier ce dispositif dans l'article premier du projet de loi dans un souci de clarté et d'intelligibilité de la loi.

Le paragraphe II tend à prévoir que les articles 3 (contrôle d'identité dans les trains transnationaux), 5 (accès des services spécialisés dans la prévention du terrorisme à certaines données de trafic des communications électroniques) et 8 (consultation de fichiers administratifs du ministère de l'intérieur par les services spécialement chargés de la prévention et de la lutte contre le terrorisme) du projet de loi seraient applicables jusqu'au 31 décembre 2008.

A l'Assemblée nationale, un amendement du rapporteur de la commission des lois a complété ce dispositif en prévoyant que le Gouvernement remettrait chaque année au Parlement un rapport sur l'application de l'ensemble de la présente loi.

Selon l'exposé des motifs du projet de loi, eu égard au niveau élevé et exceptionnel de la menace terroriste, certaines dispositions nouvelles revêtent également un caractère exceptionnel et doivent pouvoir faire l'objet d'une nouvelle discussion parlementaire à un horizon rapproché.

Le projet de loi retient un délai de trois ans pour pouvoir évaluer avec le recul nécessaire et l'expérience suffisante ces trois dispositifs.

En outre, l'exposé des motifs indique que le Parlement recevrait un rapport du Gouvernement sur l'application de ces mesures avant l'échéance de ces trois années. Toutefois, le présent article ne fait pas mention d'un tel rapport.

Cette solution avait déjà été retenue en 2001 pour l'application des dispositions concernant le terrorisme de la loi du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne.

Lors de l'examen en nouvelle lecture de ce texte par le Sénat, le Gouvernement avait proposé plusieurs amendements destinés à renforcer les instruments permettant de lutter contre le terrorisme à la suite des attentats ayant frappé les Etats-Unis le 11 septembre 2001.

L'article 22 de cette loi disposait que l'ensemble des dispositions du chapitre V intitulé « Dispositions renforçant la lutte contre le terrorisme » et comprenant les articles 22 à 33 étaient adoptées par une durée allant jusqu'au 31 décembre 2003. Il prévoyait également qu'avant cette date, le Parlement serait saisi d'un rapport d'évaluation sur l'application de ces mesures.

Depuis lors, elles ont toutes été pérennisées. La plupart l'ont été par la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure 89 ( * ) . Toutefois, cette loi avait seulement prolongée la mise en oeuvre des articles 24, 25 et 26 jusqu'au 31 décembre 2005 afin de les soumettre à une nouvelle période d'évaluation.

L'article 24 a finalement été pérennisé à son tour par la loi n°2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.

En revanche, les articles 25 et 26 ont été pérennisés respectivement par les ordonnances n° 2005-863 du 28 juillet 2005 relative à la sûreté des vols et à la sécurité de l'exploitation des aérodromes et n° 2005-898 du 2 août 2005 portant actualisation et adaptation des livres III et IV du code des ports maritimes (partie législative).

Dans son rapport sur le bilan annuel de l'application des lois du 1 er octobre 2004 au 30 septembre 2005, votre commission s'est étonné que ces deux dispositions aient pu être pérennisées par la voie d'ordonnance . En effet, si le législateur a souhaité les adopter à titre provisoire, c'est précisément pour se donner l'opportunité de rediscuter leur utilité. En procédant de la sorte par la voie d'ordonnances, la clause de rendez-vous fixée par le Parlement n'a pas été pleinement respectée.

En outre, l'article 22 de la loi relative à la sécurité quotidienne tel que modifié par la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure disposait que le Gouvernement devrait remettre deux rapports d'évaluation des articles 24, 25 et 26, l'un avant le 31 décembre 2003, l'autre avant le 31 décembre 2005. Seul le premier de ces rapports, succinct, a été rendu.

Si votre commission approuve sur le principe l'adoption pour une durée déterminée de certaines dispositions , elle souhaite néanmoins attirer l'attention sur :

- la nécessité de respecter la clause de rendez-vous ainsi fixée ;

- l'utilité de mettre à profit cette période d'expérimentation de trois années pour évaluer de manière approfondie la pertinence de ces dispositions .

A défaut, ce procédé serait vain.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 15 sans modification .

Article additionnel après l'article 15 - Définition des services de police et de gendarmerie nationales spécialement chargés de la prévention et de la répression des actes de terrorisme

Votre commission des lois vous soumet un amendement tendant à insérer dans un article additionnel une partie des dispositions prévues à l'article 1 er bis du projet de loi. Rappelons qu'un amendement à l'article 1 er bi s tend à le supprimer.

Ces dispositions, qui prévoient qu'un arrêté ministériel détermine au sens de la présente loi la liste des services de police et de gendarmerie spécialement chargés de la prévention et de la répression des actes de terrorisme, valent en effet pour l'ensemble de la loi. Leur place est plutôt dans ce chapitre relatif aux dispositions finales que dans le chapitre premier relatif à la vidéosurveillance.

La rédaction proposée circonscrit ces services aux seuls services de police et de gendarmerie. La commission a souhaité préciser qu'il s'agissait d'un arrêté interministériel.

Votre commission des lois vous propose d'adopter un article additionnel ainsi rédigé.

*

* *

Compte tenu de l'ensemble de ces observations et sous réserve des amendements qu'elle vous soumet, votre commission vous propose d'adopter le projet de loi ainsi modifié.

* 1 Pour un exemple de décision, voir la décision n° 94-352 DC sur la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité.

* 2 NRBC pour Nucléaire, Radiologique, Biologique et Chimique.

* 3 In « Le terrorisme, connaissance du droit ». Dalloz 1997.

* 4 Des enquêtes ont démontré que l' « ETA » projetait une action terroriste contre l'un des juges d'instruction affecté au pôle antiterroriste du tribunal de grande instance de Paris.

* 5 Loi n° 2004-228 du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics.

* 6 En 1998, une vague d'interpellations dans toute l'Europe avait déjà permis de stopper des projets précis d'attentats à l'occasion de la coupe du monde de football.

* 7 Relative à la lutte contre le terrorisme et aux atteintes à la sûreté de l'Etat.

* 8 Le législateur a en effet toujours eu pour souci d'interdire aux auteurs d'actes terroristes de se prévaloir des avantages particuliers attachés au statut de délinquant politique.

* 9 Il n'existe pas, en effet, dans notre droit une incrimination de pollution volontaire, qui pourrait être incompatible, en effet, avec les nécessités de l'activité industrielle.

* 10 Tendant à renforcer la répression du terrorisme et des atteintes aux personnes dépositaires de l'autorité publique ou chargées d'une mission de service et comportant des dispositions relatives à la police judiciaire.

* 11 Conseil constitutionnel, décision n° 86-213, DC 3 septembre 1986.

* 12 Cette délégation était composée de MM. Jean-Patrick Courtois, rapporteur, Nicolas Alfonsi, Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. Pierre Fauchon, Charles Gautier, Philippe Goujon et François Zocchetto.

* 13 Le nombre d'ouverture d'informations est resté stable au cours des dernières années (58 en 2002 ; 54 en 2003 ; 26 au 1 er novembre 2005).

* 14 Les affaires de terrorisme ont représenté pour les formations de jugement 972 journées magistrat au 1 er semestre 2005, soit un nombre équivalent à celui constaté en 2004.

* 15 Selon les données disponibles, au 23 août 2005, cette nouvelle procédure avait donné lieu, depuis son entrée en vigueur, à l'exécution de 915 mandats d'arrêt européen (429 émis par les autorités judiciaires françaises et 486 en provenance d'autorités judiciaires d'Etats membres de l'Union européenne).

* 16 19 impliqués dans des réseaux terroristes corses, 40 dans des groupes terroristes ETA, 31 dans des réseaux terroristes islamiques, 8 dans des réseaux internationaux, 6 dans le GRAPO (groupe de résistance antifasciste du premier octobre), 7 dans le réseau Action directe, 1 dans les réseaux terroristes bretons.

* 17 L'administration pénitentiaire a mis en place un bureau spécialisé « Renseignement » afin d'assurer un suivi plus particulier du détenu condamné pour affaire de terrorisme.

* 18 La DGSE est un service secret ce que n'est pas la DST.

* 19 Voir l'instruction ministérielle du 15 juillet 2004.

* 20 Ce dispositif provisoire est également applicable à l'article 3 du projet de loi.

* 21 L'Assemblée nationale a élargi cette faculté aux exploitants de lieux et établissements ouverts au public.

* 22 Pour un historique de la genèse de la législation relative à la vidéosurveillance, on pourra utilement se reporter au rapport de notre collègue Paul Masson lors de l'examen en première lecture au Sénat du projet de loi d'orientation et de programmation relatif à la sécurité. Rapport n° 564 (1993-1994).

* 23 Cette circulaire commente également le décret n° 96-926 du 17 octobre 1996 portant application de l'article 10 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995. Publiée au Journal officiel du 7 décembre 1996, page 17835.

* 24 Voir l'article 15 de la loi n° 2004-801 du 6 août 2004 relative à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel et modifiant la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. Outre cette simple précision, la loi du 6 août 2004 prévoit que le Gouvernement transmet chaque année à la CNIL un rapport sur les conditions d'application de la législation relative à la vidéosurveillance.

* 25 Circulaire du 22 octobre 1996 précitée.

* 26 L'article 12 du décret du 17 octobre 1996 précité permet au préfet de retirer l'autorisation soit en cas de manquement, soit en cas de modification des conditions au vu desquelles elle a été délivrée.

* 27 Ainsi, les systèmes récents empêchent d'orienter les caméras vers les immeubles d'habitation.

* 28 Voir le décret n° 96-926 du 17 octobre 1996.

* 29 Chapitre 2 (Protection des installations d'importance vitale) du Titre III (Défense économique) du Livre III (Mise en oeuvre de la défense non militaire) de la Partie I (Principes généraux de la défense) de la partie législative du code de la défense.

* 30 Voir l'article L. 1332-2 du code de la défense.

* 31 Voir le commentaire de l'article premier du projet de loi.

* 32 Loi n° 93-992 du 10 août 1993 relative aux contrôles et vérifications d'identité.

* 33 Arrêté du 23 avril 2003.

* 34 Décision n° 93-323 DC du 5 août 1993 - Loi relative aux contrôles et vérifications d'identité.

* 35 Article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

* 36 Arrêté du 13 juillet 2004. Neuf péages ont été désignés.

* 37 Voir le commentaire de l'article 15, paragraphe II du projet de loi.

* 38 L'article 29 de la loi du 15 novembre 2001 avait créé un nouvel article L. 32-3-1 dans le code des postes et télécommunications. La loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle a transféré les dispositions de cet article à l'article L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques. Elle l'a inséré dans la section 3, intitulée « Protection de la vie privée des utilisateurs de réseaux et services de communications électroniques », du chapitre II du titre Ier du livre II de ce code.

* 39 La notion d'opérateur de communication électronique, définie à l'article L. 32 du code précité, est peu claire et source d'ambiguïté. Il s'agit de « toute personne physique ou morale exploitant un réseau de communications électroniques ouvert au public ou fournissant au public un service de communications électroniques ».

* 40 Séance du 17 octobre 2001.

* 41 La nouvelle définition des communications électroniques inscrite à l'article L. 32 du code des postes et des communications électroniques par l'article 2 de la loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle permet d'englober toutes les technologies existantes.

* 42 Les données conservées ne peuvent porter sur le contenu des correspondances échangées ou des informations consultées. En effet, l'interception du contenu des communications, pour les échanges téléphoniques comme pour les courriers électroniques, reste encadrée par la loi n° 91-646 du 10 juillet 1991 relative au secret des correspondances émises par la voie des communications électroniques.

* 43 Conformément à l'article L. 34-1 (II) du code précité, la CNIL a été saisie pour avis sur le projet de décret. Voir la délibération n° 03-056 du 9 décembre 2003.

* 44 Principe énoncé à l'article 13 de la Déclaration des droits de l'Homme de 1789 : « Pour l'entretien de la force publique et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ».

* 45 Décision n° 2000-441 DC du 28 décembre 2000, loi de finances rectificative pour 2000.

* 46 Ce projet a été déposé à l'initiative de la France, de l'Irlande, du Royaume-Uni et de la Suède. Voir le rapport n° 201 (2004-2005) de notre collègue Hugues Portelli sur la proposition de résolution européenne relative à ce projet de décision-cadre.

* 47 Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur la conservation des données traitées dans le cadre de la fourniture de services de communications électroniques accessibles au public, et modifiant la directive 2002/58/CE. Document COM (2005) 438 final.

* 48 Rappelons que ces dispositions ne sont toujours pas entièrement applicables faute de décret.

* 49 Délibération n° 2005-208 du 10 octobre 2005.

* 50 Le texte soumis à l'ARCEP était différent du projet de loi déposé.

* 51 Voir le commentaire de l'article 4 du projet de loi, notamment pour la définition des données de trafic et pour les conditions de conservation de ces données.

* 52 Les fournisseurs d'accès sont définis comme « les personnes dont l'activité est d'offrir un accès à des services de communication publique en ligne ».

* 53 Les fournisseurs d'hébergement sont définis comme les personnes qui assurent, « même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication publique en ligne, le stockage de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services ». Cette définition englobe les forums de discussion.

* 54 Pour un précédent de pérennisation implicite de dispositions provisoires, voir le commentaire sous l'article 15 du projet de loi.

* 55 Cette catégorie de personnes serait mentionnée à l'article L. 34-1 (I) du code des postes et des communications électroniques tel que modifié par l'article 4 du projet de loi. Voir le commentaire de cet article.

* 56 Voir le commentaire sous l'article 4 du projet de loi.

* 57 Décision n° 2000-441 DC du 28 décembre 2000, loi de finances rectificative pour 2000.

* 58 Pour de plus amples précisions sur le problème des frais de justice, voir le rapport d'information n° 478 (2004-2005) de notre collègue Roland du Luart, fait au nom de la commission des finances, sur la mise en oeuvre de la LOLF dans la justice judiciaire.

* 59 Régies par les articles 100 et suivants du code de procédure pénale.

* 60 Avis n° 375 (session extraordinaire 2001-2002).

* 61 Le cas des transporteurs ferroviaires est marginal.

* 62 La directive dispose que le montant de l'amende ne doit pas être inférieur à 5 000 euros.

* 63 Bien qu'ayant une simple valeur déclamatoire, l'article 27 de la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure dispose que l'inscription des véhicules au fichier national des véhicules volés doit être effectuée dans les meilleurs délais après le dépôt de plainte.

* 64 Publié au Journal officiel du 28 septembre 2005.

* 65 Les articles 60-1, 77-1-1 et 99-3 du code de procédure pénale, disposent respectivement que l'officier de police judiciaire au cours d'une enquête de flagrance, le procureur de la République ou l'officier de police judiciaire, sur autorisation du procureur, au cours d'une enquête préliminaire ainsi que le juge d'instruction ou l'officier de police judiciaire par lui commis au cours de l'instruction, peuvent « requérir de toute personne, de tout établissement ou organisme privé ou public ou de toute administration publique qui sont susceptibles de détenir des documents intéressant l'enquête ou l'instruction, y compris ceux issus d'un système informatique ou d'un traitement de données nominatives, de leur remettre ces documents [...] ».

* 66 Décret n° 2004-1266 du 25 novembre 2004 pris pour l'application de l'article 8-4 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France et portant création à titre expérimental d'un traitement automatisé des données à caractère personnel relatives aux ressortissants étrangers sollicitant la délivrance d'un visa

* 67 Etats participants : la France (chef de file), la Belgique (elle co-expérimente en délivrant des visas biométriques dans plusieurs de ses consulats), l'Allemagne, la Hongrie, l'Italie, les Pays-Bas et la Pologne.

* 68 Cette incrimination apparaît d'autant plus utile que la jurisprudence a traditionnellement donné une interprétation restrictive de la notion de tentative punissable qui, selon les termes de l'article 121-5 du code pénal « est constituée dès lors que, manifestée par un commencement d'exécution, elle n'a été suspendue ou n'a manqué son effet qu'en raison de circonstances indépendantes de la volonté de son auteur ».

* 69 En vertu des articles 721 et 721-1 du code de procédure pénale, le condamné dispose de réductions de peine automatiques (trois mois la première année, deux mois les années suivantes) sous réserve de sa bonne conduite et de réductions supplémentaires de peine à raison des « efforts sérieux de réadaptation sociale. » En pratique, le comportement des terroristes en détention soulève rarement de difficulté et ces réductions de peine leur sont généralement accordées.

* 70 Ainsi, dans des affaires récentes, une incitation au meurtre a été lancée sur un forum de discussion contre un officier de police, à la suite du placement en garde à vue d'un couple de suspects.

* 71 Il s'agit du numéro de matricule pour les personnels de la police nationale et du numéro d'identification « NIGEND » pour les personnels de la gendarmerie nationale.

* 72 La Cour européenne des droits de l'homme a ainsi condamné les Pays-Bas après avoir constaté qu'une condamnation avait été fondée de manière déterminante sur les déclarations de policiers ayant conservé l'anonymat (CEDH Van Mechelen et autres c. Pays-Bas, 18 mars 1997).

* 73 En pratique, aucun conflit n'est jamais intervenu entre la juridiction territorialement compétente et les magistrats spécialisés à compétence nationale.

* 74 Cette formation de la cour d'assises a d'abord été prévue par la loi n° 82-621 du 21 juillet 1982 portant suppression en temps de paix des juridictions militaires, pour connaître des crimes militaires et des crimes contre les intérêts fondamentaux de la Nation.

* 75 Avant la réforme des corps et carrières, ce corps était également appelé « corps de commandement et d'encadrement ». C'est ce terme qui est utilisé à l'article 16 du code de procédure pénale.

* 76 La personne placée en garde à vue peut, dans les trois heures suivant le début de la garde à vue, prévenir par téléphone, une personne avec laquelle elle vit habituellement, l'un de ses parents en ligne directe, l'un des ses frères et soeurs ou son employeur. Cependant, « si l'officier de police judiciaire estime, en raison des nécessités de l'enquête, ne pas devoir faire droit à cette demande, il en réfère sans délai au procureur de la République qui décide, s'il y a lieu, d'y faire droit. »

* 77 Ce corps comprend les grades de gardien de la paix, brigadier, brigadier-chef et brigadier-major.

* 78 La déchéance peut être prononcée quelle que soit la cause de l'acquisition de la nationalité française. Rappelons que l'acquisition de la nationalité, c'est-à-dire le fait de devenir français, se distingue de l'attribution de la nationalité française qui est le fait de naître français.

* 79 Avant la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, les faits antérieurs à l'acquisition de la nationalité française ne pouvaient être pris en compte alors même que la condamnation était intervenue postérieurement.

* 80 Article 61 du décret n°93-1362 du 30 décembre 1993 précité. L'administration doit prendre en compte les circonstances propres à l'intéressé.

* 81 Ce chapitre réprime les atteintes à l'administration publique commises par des personnes exerçant une fonction publique : abus d'autorité contre l'administration (articles 432-1 à 432-3 du code pénal) ou contre les particuliers (atteintes à la liberté individuelle ; discrimination ; atteintes à l'inviolabilité du domicile et au secret des correspondances - articles 432-4 à 432-9 du code précité) ; manquements au devoir de probité (concussion ; corruption passive et trafic d'influence ; prise illégale d'intérêts ; atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité des candidats dans les marchés publics et les délégations de service public (articles 432-10 à 432-16 du code précité) ; peines complémentaires (article 432-17 du code précité).

* 82 La loi n° 98-170 du 16 mars 1998 a supprimé une cinquième hypothèse permettant la déchéance des personnes condamnées en France ou à l'étranger pour un acte qualifié de crime par la loi française ou ayant entraîné une condamnation à une peine d'au moins cinq années d'emprisonnement.

* 83 2 en 2002 et 1 en 2003. Pour 2006, trois dossiers sont en cours d'examen.

* 84 La référence aux personnes morales résulte d'un amendement adopté par les députés à l'initiative de la commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement.

* 85 Le décret en Conseil d'Etat n° 2005-307 du 24 mars 2005 pris pour l'application de l'article 3-2 de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983, relatif à l'agrément des agents des entreprises de surveillance et de gardiennage et des membres des services d'ordre affectés à la sécurité d'une manifestation sportive, récréative ou culturelle de plus de 1 500 spectateurs dispose en son article 4 que « l''agrément est refusé lorsque la moralité de la personne ou son comportement apparaissent incompatibles avec l'exercice des missions pour lesquelles l'agrément est demandé ».

* 86 Cette disposition introduite par l'article 3 de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité n'est toujours pas applicable faute de décret.

* 87 L'article 13 du projet de loi tend déjà à rendre applicable à ces territoires ainsi qu'à Saint-Pierre-et-Miquelon les articles premier et deux du projet de loi. Si ces deux articles n'étaient pas adoptés, l'article 13 rendrait toutefois applicable à ces territoires l'article 10 de la loi du 21 janvier 1995 relatif à la vidéosurveillance.

* 88 Voir le commentaire de l'article premier du projet de loi.

* 89 Elle a pérennisé les articles 23, 27, 28, 29, 30, 31 et 33. La loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice avait déjà pérennisé l'article 32.

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