EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, messieurs,

Forte de plus de 1,7 million d'agents, la fonction publique territoriale constitue l'un des maillons essentiels du fonctionnement de l'organisation décentralisée de la France.

Une attente forte se manifeste depuis plusieurs années, de la part de l'ensemble des employeurs et des agents territoriaux, pour que la fonction publique territoriale bénéficie d'une nouvelle réforme qui lui permette de s'adapter aux défis qu'elle devrait connaître prochainement, en particulier les nombreux départs à la retraite, le transfert de nombreux personnels de l'Etat du fait de la deuxième vague de décentralisation issue de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales ainsi que la nécessité d'adapter les métiers aux nouvelles exigences pesant sur les collectivités territoriales.

Un long travail d'élaboration a été accompli depuis 2002 par les Gouvernements successifs, pour engager une réforme statutaire de la fonction publique territoriale qui devrait conduire à des évolutions, tant dans le domaine législatif que réglementaire 1 ( * ) .

Première assemblée saisie, le Sénat est appelé à examiner aujourd'hui le projet de loi relatif à la fonction publique territoriale qui tend principalement à développer la formation professionnelle des agents territoriaux, à assouplir les modalités de gestion des ressources humaines et à réformer l'organisation institutionnelle de la fonction publique territoriale.

Lors de sa consultation par le Gouvernement, le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT) a donné un avis favorable au projet de loi, à l'unanimité des employeurs territoriaux. Toutefois, il convient de préciser que, compte tenu des modifications effectuées postérieurement, notamment au regard de l'avis du Conseil d'Etat, le CSFPT a adopté le 22 février dernier, à l'unanimité de ses membres, un voeu demandant au Gouvernement de respecter ses engagements pris devant lui.

Au cours de ses auditions, votre rapporteur a pu constater que nombre de dispositions prévues par le présent projet de loi rencontrait globalement un large accord de la part des employeurs territoriaux et des organisations syndicales représentatives 2 ( * ) .

Après avoir rappelé les raisons pour lesquelles la réforme du statut de la fonction publique territoriale est très attendue, votre rapporteur vous présentera le projet de loi ainsi que la position de la commission.

I. UNE RÉFORME ATTENDUE DE LA FONCTION PUBLIQUE TERRITORIALE

A. UNE FONCTION PUBLIQUE QUI A FAIT SES PREUVES MAIS QUI DOIT DÉSORMAIS RELEVER DE NOUVEAUX DÉFIS

Créée par la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 3 ( * ) , la fonction publique territoriale est jeune. Si elle est en partie régie par les mêmes règles que les fonctions publiques de l'Etat et hospitalière, en vertu du principe de parité des trois fonctions publiques, elle s'en démarque toutefois par de nombreux aspects, en particulier par son organisation, non pas en corps, mais en cadres d'emplois et en filières. Cette spécificité s'explique principalement par l'hétérogénéité des employeurs territoriaux et la variété des métiers auxquels les compétences des collectivités territoriales et leurs établissements publics font appel.

En outre, le statut de la fonction publique territoriale est construit selon un subtil équilibre entre le principe d'unité de la fonction publique et celui, constitutionnellement garanti, de libre administration des collectivités territoriales , qui doit nécessairement conduire à une autonomie des employeurs territoriaux pour la gestion de leurs personnels 4 ( * ) .

1. Une fonction publique territoriale aux qualités reconnues et ayant su évoluer

Le statut de la fonction publique territoriale est basé sur le principe de l'unité et de la parité, tout en reconnaissant et respectant la spécificité territoriale.

L'objectif du législateur de 1984 était de permettre à l'ensemble des agents territoriaux de bénéficier d'un socle commun de droits et obligations, tout en tenant compte de la diversité des employeurs territoriaux.

Il convient en effet de rappeler qu'avant l'adoption de la loi du 26 janvier 1984, les agents des communes, des départements et des régions étaient soumis à des règles juridiques différentes. La décentralisation a nécessité que soit reconnue l'existence d'une véritable fonction publique territoriale.

a) Panorama de la fonction publique territoriale, 20 ans après sa création

Au 31 décembre 2003, la fonction publique territoriale comptait plus de 1,74 million d'agents 5 ( * ) , travaillant pour plus de 50.000 employeurs et ainsi répartis :

- environ 1,2 million dans les communes ;

- plus de 284.000 dans les départements ;

- plus de 13.000 dans les régions ;

- environ 180.000 dans les établissements publics de coopération intercommunale ;

- environ 70.000 agents employés par les caisses de crédit municipal, les offices d'HLM, les offices publics d'aménagement et construction (OPAC), les associations syndicales autorisées (ASA) et les établissements publics industriels et commerciaux (EPIC).

Ainsi, 76 % des agents sur emploi principal, hors emplois aidés, travaillent au sein des collectivités territoriales et 24 % dans les établissements publics locaux à caractère administratif.

S'agissant du statut des agents territoriaux, selon la synthèse établie par la direction générale des collectivités locales du ministère de l'intérieur des résultats des bilans sociaux dressés par les collectivités territoriales au 31 décembre 2001, les fonctionnaires, titulaires ou stagiaires, représentaient 66 % des agents territoriaux, les agents non titulaires, les assistantes maternelles et les emplois aidés correspondant quant à eux respectivement à environ 13 %, 3,5 % et 9,7 % 6 ( * ) .

Les fonctionnaires territoriaux sont regroupés en cadres d'emplois, dotés de statuts particuliers et titulaires de grades leur donnant vocation à occuper certains emplois 7 ( * ) .

Il existe actuellement 59 cadres d'emplois au sein de la fonction publique territoriale, réunis au sein de huit filières : administrative, technique, médico-sociale, police municipale et garde champêtres, sapeurs pompiers professionnels, culturelle, animation et sportive. Au 31 décembre 2003, les filières administrative et technique employaient respectivement 23 % et 45,1 % des personnels territoriaux.

Le nombre réduit de cadres d'emplois et de filières offre aux employeurs territoriaux une évidente souplesse dans la gestion de ces personnels 8 ( * ) . Il convient en effet de rappeler que l'ensemble de ces filières et cadres d'emplois recouvrent autour de 250 métiers différents.

b) Un statut législatif ayant déjà subi des aménagements substantiels

Le statut de la fonction publique territoriale a connu plusieurs évolutions législatives importantes depuis 1984.

La loi n° 87-529 du 13 juillet 1987, dite « loi Galland » 9 ( * ) , a profondément réformé les règles établies trois ans plus tôt, principalement en renforçant les pouvoirs des employeurs territoriaux sur la gestion de leurs agents et en remaniant l'organisation institutionnelle de la fonction publique territoriale.

Le statut de la fonction publique territoriale a ensuite été modifié par la loi n° 94-1134 du 27 décembre 1994, dite « loi Hoeffel » 10 ( * ) , qui a en particulier redéfini les missions et la structure du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT). Ainsi, les modes de fonctionnement et de désignation ainsi que la composition de cet organe ont été revus, de même que ses missions recentrées sur les actes de gestion justifiant d'un traitement de niveau national. S'agissant de l'organisation des concours, afin qu'il soit davantage tenu compte des besoins locaux, cette loi a, d'une part, autorisé le CNFPT à déconcentrer certains de ses concours à ses délégations régionales ou interrégionales, et d'autre part, ouvert la possibilité de confier leur organisation aux centres de gestion.

LES ORGANES INSTITUTIONNELS DE LA FONCTION PUBLIQUE TERRITORIALE

Le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT)

Composé paritairement de représentants des organisations syndicales de fonctionnaires territoriaux et de représentants des collectivités territoriales, et présidé par un représentant des collectivités territoriales élu en son sein, le CSFPT est saisi pour avis par le ministre chargé des collectivités territoriales des projets de loi relatifs à la fonction publique territoriale. Il fait également des propositions en matière statutaire et est consulté pour tous les décrets relatifs à la situation des fonctionnaires territoriaux et aux statuts particuliers des cadres d'emplois.

Il examine toute question relative à la fonction publique territoriale dont il est saisi par le ministre chargé des collectivités territoriales ou par le tiers de ses membres, et formule des propositions.

Il peut procéder à des études sur l'organisation et le perfectionnement de la gestion du personnel des administrations territoriales. Il constitue une documentation et tient également à jour les statistiques d'ensemble relatives à la fonction publique territoriale.

Le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT)

Etablissement public administratif, le CNFPT est un organe paritaire, dirigé par un conseil d'administration qui est composé de représentants des collectivités territoriales et de représentants des organisations syndicales de fonctionnaires territoriaux, et qui élit son président en son sein parmi les représentants des collectivités territoriales.

Il est principalement chargé d'assurer les actions de formations des agents territoriaux 11 ( * ) .

Il assure également :

- l'organisation des concours et examens professionnels des fonctionnaires de catégories A et B, sauf lorsque les statuts particuliers prévoient qu'ils sont organisés par les centres de gestion (article 23 de la loi du 26 janvier 1984) ;

- la bourse nationale des emplois ;

- la publicité des déclarations de vacances des emplois de catégories A et B ;

- la prise en charge des fonctionnaires de catégorie A momentanément privés d'emploi et le reclassement des fonctionnaires de même catégorie devenus inaptes à l'exercice de leurs fonctions ;

- la gestion de ses personnels ainsi que de ceux qu'il prend en charge lorsqu'ils sont momentanément privés d'emploi.

Une cotisation obligatoire est versée par les communes, les départements, les régions et leurs établissements publics, ayant au moins un emploi à temps complet inscrit à leur budget.

Les centres de gestion

Etablissements publics locaux à caractère administratif, dirigé par un conseil d'administration composé de représentants élus des collectivités territoriales ou des établissements publics affiliés, et titulaires d'un mandat électif local, les centres de gestion ont pour missions obligatoires :

- d'assurer le fonctionnement des commissions administratives paritaires et des conseils de discipline, pour les fonctionnaires des collectivités territoriales et établissements publics affiliés, ainsi que pour leurs propres agents. Les collectivités territoriales et les établissements publics qui se sont volontairement affiliés peuvent, lors de leur affiliation, décider d'assurer eux-mêmes le fonctionnement de ces commissions et conseils ;

- d'organiser les concours de recrutement et les examens professionnels, en vue de la promotion interne ou de la promotion de grade, des fonctionnaires de catégorie C pour les collectivités territoriales et établissements publics affiliés. Lorsque les statuts particuliers le prévoient, les centres de gestion organisent également les concours et examens professionnels des catégories A et B, pour toutes les collectivités territoriales et établissements publics ou seulement pour les affiliés. Les centres de gestion peuvent également, par convention, organiser des concours et examens propres aux collectivités territoriales ou établissements publics non affiliés, ou leur ouvrir les concours et examens organisés pour les collectivités et établissements affiliés. Ils peuvent dans ce dernier cas établir des listes d'aptitude communes ;

- d'établir les listes d'aptitude pour le recrutement par voie de promotion interne ;

- d'assurer la publicité des tableaux d'avancement, de toutes les créations et vacances d'emplois de catégorie C, tant pour les collectivités territoriales et établissements publics affiliés que pour les autres, des créations et vacances d'emplois des catégories A et B pour les concours qu'ils organisent, des listes d'aptitude établies à l'issue d'un concours ou en vue d'une promotion interne ;

- de prendre en charge la gestion des fonctionnaires de catégories B et C momentanément privés d'emplois et procéder au reclassement des fonctionnaires des mêmes catégories devenus inaptes à l'exercice de leurs fonctions ;

- la gestion de leurs propres personnels.

Sont affiliés obligatoirement aux centres de gestion les communes et leurs établissements publics employant moins de 350 fonctionnaires titulaires et stagiaires à temps complet. Les autres collectivités territoriales et établissements publics ont une simple faculté. Seuls les affiliés acquittent une cotisation obligatoire.

Les centres de gestion peuvent en outre exercer des missions facultatives. Par exemple, ils sont autorisés à exécuter « toute tâche administrative concernant les agents des collectivités et établissements, à la demande de ces collectivités et établissements ».

Enfin, les centres de gestion assurent la mise en oeuvre de la gestion prévisionnelle des effectifs, des emplois et des compétences (GPEEC) au sein de la fonction publique territoriale.

Les lois n° 96-1093 du 16 décembre 1996 12 ( * ) et n° 2001-2 du 3 janvier 2001 13 ( * ) , relatives aux trois fonctions publiques, ont également fortement contribué à l'évolution du statut de la fonction publique territoriale.

La loi du 3 janvier 2001 a eu plus particulièrement pour objectif de résorber l'emploi précaire, en faisant bénéficier les contractuels de voies d'intégration dans la fonction publique, tels que les concours et examens professionnels réservés et la possibilité d'intégration directe par titularisation sur titres sans changement d'affectation, en modernisant le recrutement des agents, et en prévoyant la réduction du temps de travail au sein de la fonction publique territoriale.

Tout récemment, le statut de la fonction publique territoriale a également fait l'objet de modifications substantielles par l'adoption de la loi n° 2005-843 du 26 juillet 2005 14 ( * ) , qui a en particulier créé des contrats à durée indéterminée dans les trois fonctions publiques, ainsi que par l'ordonnance n° 2005-901 du 2 août 2005 15 ( * ) , qui a institué les parcours d'accès à la fonction publique de l'Etat, territoriale et hospitalière pour les moins de 26 ans (PACTE junior), mode de recrutement sans concours pour les agents de catégorie C, et supprimé la condition de la limite d'âge pour tous les concours des trois fonctions publiques.

Depuis plus de vingt ans, la fonction publique territoriale s'est affirmée. Elle a su s'adapter et développer ses compétences pour faire de la première décentralisation un succès. Elle peut désormais, par certains de ses aspects, montrer l'exemple pour une évolution de la fonction publique de l'Etat. Ainsi, les ministres de la fonction publique qui se sont succédés ces dernières années ont tous admis la nécessité de réfléchir à une nouvelle organisation des corps des fonctionnaires de l'Etat, actuellement au nombre de 900, retenant en particulier comme modèle celui des cadres d'emplois et des filières de la fonction publique territoriale.

2. La confrontation de la fonction publique territoriale à de nouveaux défis

a) Les perspectives démographiques : le « papy boom » et l'allongement de la vie active des agents territoriaux

Comme l'ensemble de la population active française, les fonctionnaires territoriaux devraient connaître d'importants départs à la retraite ces prochaines années, en particulier dus au phénomène du « papy boom ».

Selon une étude menée par le CNFPT et la CNRACL 16 ( * ) , 35 % des fonctionnaires territoriaux devraient être âgés de 60 ans ou plus en 2012 .

Le rythme et le volume des départs à la retraite devraient s'accélérer à partir de 2006. Le nombre de départs annuels devrait ainsi quasiment doubler entre la période 2001-2005 et la période 2006-2012. Seraient ainsi concernés par ces départs environ 12.000 agents en 2001 et plus de 30.000 en 2012.

Ces importants départs à la retraite touchent inégalement les trois catégories de la fonction publique territoriale. Selon les estimations de l'étude précitée, la moitié des fonctionnaires de catégorie A aura cessé son activité en 2012 , contre 32 % et 35 % respectivement pour les fonctionnaires de catégories B et C. D'ici quinze ans, 70 % des cadres de catégorie A devra être renouvelé. Les régions, qui comptent plus de 30 % d'agents de catégorie A parmi leurs personnels, devraient en conséquence être spécialement concernées par ces départs.

Les postes d'encadrement supérieurs de la fonction publique territoriale seront donc tout particulièrement touchés, dans la mesure où les « trois quarts des administrateurs, des ingénieurs en chef de première catégorie et des coordinatrices de crèches seront partis en retraite d'ici 2012. »

Ces perspectives démographiques ont conduit à une prise de conscience des employeurs territoriaux de la nécessité de préparer ces départs .

b) Le développement de l'intercommunalité

L'essor de l'intercommunalité n'est pas sans effet sur la fonction publique territoriale. En effet, actuellement plus de 180.000 agents travaillent au sein d'un établissement public de coopération intercommunale, soit près de 10 % des personnels territoriaux, et ce nombre ne cesse de progresser. Les effectifs des structures intercommunales ont ainsi augmenté de 40 % entre 1984 et 1998, et de 68 % depuis 2001 17 ( * ) . Entre 2002 et 2003, ils ont également connu une hausse de 11 %, alors qu'à la même période les effectifs des collectivités territoriales ne croissaient que de 1,3 %.

L'intercommunalité a par conséquent conduit un grand nombre de personnels à changer de structure, voire à se partager entre la collectivité et l'EPCI. L'article L. 5211-4-1 du code général des collectivités territoriales, tel qu'issu de l'article 46 de la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité, organise le régime applicable aux personnels concernés par les transferts de compétences. Ceux-ci sont ainsi transférés à l'EPCI lorsqu'ils remplissent en totalité leurs fonctions dans un service ou partie de service lui-même transféré. Lorsqu'ils n'exercent leurs fonctions que pour partie dans un service ou une partie de service transféré, leur situation doit être réglée par convention entre les communes et l'EPCI, après avis des commissions administratives paritaires compétentes.

Les personnels communaux transférés conservent, s'ils y ont intérêt, le bénéfice de leur régime indemnitaire. En outre, ils peuvent également, si l'organe délibérant de l'EPCI le décide, conserver, à titre individuel, leurs avantages acquis dans les communes, en vertu de l'article 64 de la loi n° 99-586 du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale.

L'article L. 5211-4-1 du code général des collectivités territoriales, tel que modifié par l'article 166 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, a également prévu la possibilité de mettre l'un des services d'une EPCI à disposition d'une ou plusieurs de ses communes membres ou, inversement, de mettre un service d'une commune à la disposition de l'EPCI dont elle est membre, « lorsque cette mise à disposition présente un intérêt dans le cadre d'une bonne organisation des services ». Une convention est alors conclue entre l'EPCI et les communes concernées.

Outre ces transferts de personnels, les EPCI peuvent recruter directement de nouveaux personnels. Soumis au statut de la fonction publique territoriale, ces derniers sont gérés par la structure intercommunale. Comme le souligne le récent rapport sur « l'intercommunalité à fiscalité propre » de notre collègue Philippe Dallier, au nom de l'Observatoire de la décentralisation du Sénat, les économies d'échelle n'ont jusqu'à présent pas toujours pu être constatées en matière de dépenses de personnels, dans la mesure où les communes, conservant leur domaine d'intervention, ont pu refuser de transférer leurs personnels, créant ainsi un « doublonnement » des postes 18 ( * ) . Cette absence de mutualisation des personnels au niveau intercommunal a également été constatée par la Cour des comptes dans son rapport au Président de la République sur l'intercommunalité en France 19 ( * ) .

Les EPCI connaissent en conséquence une grande diversité de situations, ce qui peut conduire à certaines difficultés de gestion et à une recherche d'unification et d'harmonisation, parfois complexe, par les employeurs territoriaux.

L'intercommunalité conduit également à la création de nouveaux métiers au sein de la fonction publique territoriale et à une nécessaire adaptation des personnels .

Elle nécessite ainsi que soit recruté un plus grand nombre de cadres territoriaux hautement qualifiés.

Les agents transférés doivent bénéficier de formations particulières, de même que les personnels communaux qui travaillent désormais de concert avec la structure intercommunale. Les nouveaux personnels recrutés doivent également répondre à de nouvelles exigences et justifier de certaines compétences. Les dispositions statutaires de la fonction publique territoriale doivent donc être ajustées pour tenir compte des contraintes et réalités de ce nouvel employeur territorial.

c) Les conséquences de l'« acte II » de la décentralisation

La loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, n'est pas sans effet sur la fonction publique territoriale. Elle oblige tout d'abord les employeurs territoriaux à accueillir et intégrer en peu de temps un nombre important de nouveaux personnels qui leur sont transférés parallèlement aux transferts de compétences. Elle leur impose ensuite d'adapter leur gestion des ressources humaines aux nouvelles compétences qui leur sont allouées .

La loi du 13 août 2004 a ainsi prévu que les transferts de compétences devraient être accompagnés des transferts de personnels correspondants. Environ 130.000 personnels devraient être transférés aux collectivités territoriales : 95.000 techniciens, ouvriers et personnels de service (TOS) relevant du ministère de l'éducation nationale, 35.000 fonctionnaires des services de l'équipement, et près de 2.500 agents intervenant dans les domaines de l'action économique, de l'action sociale et du tourisme ainsi que de la formation professionnelle 20 ( * ) .

En vertu du dispositif prévu par le titre V de la loi du 13 août 2004, les services ou parties de services participant à l'exercice des compétences transférées doivent être provisoirement mis à la disposition des collectivités territoriales ou de leurs groupements pour leur être ensuite transférés. Dès lors, les fonctionnaires bénéficient d'un droit d'option, pendant deux ans à compter de la date de publication des décrets en Conseil d'Etat fixant les transferts définitifs des services, leur permettant de choisir :

- d'intégrer la fonction publique territoriale. Dans ce cas, les collectivités territoriales les intègrent dans des cadres d'emplois existant ou des cadres d'emplois spécifiquement créés à cet effet ;

- de conserver leur statut antérieur. Ils sont alors mis en position de détachement, sans limitation de durée, auprès de la collectivité territoriale dont relève désormais leur service.

Ces transferts de personnels vont emporter d'importantes conséquences sur la gestion des ressources humaines de leurs collectivités d'accueil.

Tout d'abord, ils devraient conduire à une augmentation significative du nombre d'agents travaillant au sein des collectivités territoriales et, plus particulièrement des départements et des régions, parmi lesquels les personnels TOS qui représentent les trois quarts des agents transférés. Ainsi, les régions, qui ne comptent actuellement qu'environ 13.000 agents, devront prendre en charge 43.000 personnels TOS.

Le défi du transfert des personnels TOS est d'autant plus grand pour les départements et les régions qu'ils appartiennent pour la quasi totalité d'entre eux à la catégorie C alors que les agents départementaux et régionaux relèvent actuellement pour l'essentiel des catégories A et B.

Les nouvelles compétences confiées aux collectivités territoriales devraient également conduire la fonction publique territoriale à évoluer pour s'adapter et rendre encore plus prégnant la nécessité de donner aux employeurs territoriaux les moyens de recruter efficacement et aisément les personnels indispensables pour l'exercice de leur nouvelles missions . Or, selon un grand nombre d'élus locaux, les statuts particuliers de la fonction publique territoriale n'offrent pas toujours actuellement aux collectivités territoriales les moyens de recruter, par le biais des concours, les agents disposant des qualifications nouvelles qui leur seraient nécessaires.

La fonction publique territoriale est donc confrontée à de nouveaux enjeux qui nécessitent une évolution de son statut, tant au niveau législatif que réglementaire. Cette réforme, objet du projet de loi que le Sénat est amené à examiner, a fait l'objet d'un long et conséquent travail préparatoire.

* 1 Voir notamment les rapports du groupe travail institué par M. Christian Poncelet, président du Sénat, et présidé par M. Jean-Jacques Hyest, « Refonder le statut de la fonction publique territoriale pour réussir la décentralisation », de M. Jean Courtial sur « Les institutions de la fonction publique territoriale », M. Bernard Dreyfus, sur « La mise en oeuvre du dispositif législatif sur la fonction publique territoriale », du groupe de travail « Fonction publique territoriale » de l'Association des maires de France, « Moderniser la fonction publique territoriale pour valoriser nos territoires », du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, « Réussir la mutation de la fonction publique territoriale vingt ans après sa création » ainsi que le livre blanc de l'Association des petites villes de France. Voir le B du I de l'exposé général.

* 2 Voir la liste des personnes entendues par votre rapporteur en annexe du présent rapport.

* 3 Loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale.

* 4 Décision du Conseil constitutionnel du 20 janvier 1984 sur le projet de loi relatif à la fonction publique territoriale.

* 5 Voir le rapport annuel de 2004 « Fonction publique : faits et chiffres », ministère de la fonction publique, La documentation française, et l'enquête « L'emploi dans les collectivités locales au 31 décembre 2003 », Frédérique Deschamps et Françoise Rochon, Insee Première, n° 1032, juillet 2005.

* 6 Les 7,7 % restant correspondent aux autres emplois territoriaux tels que les collaborateurs de cabinet, les agents non titulaires recrutés pour des besoins saisonniers ou occasionnels, des agents non titulaires mis à disposition par les centres de gestion et les autres personnels n'ayant pu être classés dans aucune de ces catégories.

* 7 Article 4 de la loi du 26 janvier 1984.

* 8 En comparaison, la fonction publique de l'Etat compte plus de 900 corps.

* 9 Loi n° 87-529 du 13 juillet 1987 modifiant les dispositions relatives à la fonction publique territoriale.

* 10 Loi n° 94-1134 du 27 décembre 1994 modifiant certaines dispositions relatives à la formation publique territoriale.

* 11 Voir l'article 11 de la loi n° 84-594 du 12 juillet 1984 relative à la formation des agents de la fonction publique territoriale.

* 12 Loi n° 96-1093 du 16 décembre 1996 relative à l'emploi dans la fonction publique et à diverses mesures d'ordre statutaire.

* 13 Loi n°2001-2 du 3 janvier 2001 relative à la résorption de l'emploi précaire et à la modernisation du recrutement dans la fonction publique ainsi qu'au temps de travail dans la fonction publique territoriale.

* 14 Loi n° 2005-843 du 26 juillet 2005 portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique.

* 15 Ordonnance n° 2005-901 du 2 août 2005 relative aux conditions d'âge dans la fonction publique et instituant un nouveau parcours d'accès aux carrières de la fonction publique territoriale, de la fonction publique hospitalière et de la fonction publique de l'Etat.

* 16 Rapport de septembre 2001 du CNFPT et de la CNRACL, « Fonction publique territoriale - Perspectives démographiques ».

* 17 Voir la synthèse précitée des résultats des bilans sociaux 2001.

* 18 Rapport d'information n° 193 (Sénat, 2005-2006) de M. Philippe Dallier, au nom de l'Observatoire de la décentralisation, sur l'intercommunalité à fiscalité propre.

* 19 Rapport de la Cour des comptes au Président de la République de novembre 2005, sur l'intercommunalité en France, suivi des réponses des administrations et organismes intéressés.

* 20 Ces 2.500 agents sont principalement des cadres administratifs et personnels d'inspection, issus des ministères de l'emploi et de la solidarité, des affaires sociales, de l'économie et des finances et de l'équipement.

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