N° 304

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2005-2006

Annexe au procès-verbal de la séance du 11 avril 2006

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Chili en vue d' éviter les doubles impositions et de prévenir l' évasion et la fraude fiscales en matière d' impôts sur le revenu et sur la fortune (ensemble un protocole),

Par M. Adrien GOUTEYRON,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis, président ; MM. Claude Belot, Marc Massion, Denis Badré, Thierry Foucaud, Aymeri de Montesquiou, Yann Gaillard, Jean-Pierre Masseret, Joël Bourdin, vice-présidents ; M. Philippe Adnot, Mme Fabienne Keller, MM. Michel Moreigne, François Trucy, secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; MM.  Bernard Angels, Bertrand Auban, Jacques Baudot, Mme Marie-France Beaufils, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Mme Nicole Bricq, MM. Auguste Cazalet, Michel Charasse, Yvon Collin, Philippe Dallier, Serge Dassault, Jean-Pierre Demerliat, Eric Doligé, Jean-Claude Frécon, Yves Fréville, Paul Girod, Adrien Gouteyron, Claude Haut, Jean-Jacques Jégou, Roger Karoutchi, Alain Lambert, Gérard Longuet, Roland du Luart, François Marc, Michel Mercier, Gérard Miquel, Henri de Raincourt, Michel Sergent, Henri Torre, Bernard Vera.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 12 ème législ.) : 2090 , 2285 et T.A. 435

Sénat : 352 (2004-2005)

Traités et conventions

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Le présent projet de loi propose d'autoriser l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Chili en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, signée à Paris le 7 juin 2004.

Cette autorisation, demandée au Parlement, si elle peut apparaître parfois convenue à certains observateurs, n'en revêt pas moins une grande importance, notamment parce qu'elle peut mettre en lumière l'impact sur les finances publiques que peut avoir la convention. Elle est surtout l'occasion, pour votre commission des finances, de rappeler les enjeux économiques, parfois considérables, attachés à ces conventions, et les bénéfices que peuvent en tirer les entreprises françaises investissant à l'étranger .

Votre rapporteur y est particulièrement attentif, et c'est pourquoi il suit désormais, en amont, la définition du calendrier de négociation avec les pays tiers, en auditionnant régulièrement la sous-direction des relations internationales de la direction de la législation fiscale, attachée à la direction générale des impôts, et en suivant les travaux de l'observatoire des conventions fiscales internationales . Il se félicite que la priorité soit accordée dans les négociations, ou les renégociations, à des accords avec des pays tiers présentant les enjeux économiques les plus importants. La France bénéficie déjà, en effet, d'un réseau de conventions fiscales bilatérales particulièrement dense, et il convient d'être favorable à une politique plus sélective dans la conclusion de nouveaux accords, permettant d'affecter des ressources au nécessaire travail d'actualisation, de « maintenance », des conventions existantes, et à la participation aux groupes de travail multilatéraux se réunissant, dans le cadre de l'OCDE, afin de faire évoluer les « conventions types » .

Conscient des enjeux que représentent les conventions fiscales internationales pour les entreprises françaises, votre rapporteur porte également son attention sur le délai d'approbation des conventions. Outre le présent projet de loi, deux projets de loi, l'un autorisant l'approbation de l'avenant sous forme d'échange de lettres modifiant la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Arménie en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, l'autre autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Slovénie en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales, ont été déposés au Sénat le 12 mai 2005.

Deux autres conventions, l'une avec la Syrie, l'autre avec la Lybie pourraient entrer dans la phase d'approbation avant la fin de l'année 2006.

Votre rapporteur a souhaité évaluer notre délai d'approbation des conventions fiscales, en le comparant avec celui que pratiquent les pays parties prenantes. Le constat paraît peu favorable à la France. Sur la période récente, le processus d'approbation engagé par la France s'est achevé plus tardivement que celui du pays tiers, dans huit cas sur dix. Il y a là matière à réflexion...

Délai d'approbation des conventions fiscales signées par la France

Pays

Signature

Approbation pays tiers

Approbation France

Retard par rapport au pays tiers

ALBANIE

24/12/02

21/05/03

21/06/05

2 ans, 1 mois

ARMENIE (avenant)

03/02/04

14/12/04

1 an, 3 mois

AZERBAIDJAN

20/12/01

08/04/02

19/05/05

3 ans, 1 mois

CHILI

07/06/04

16/01/06

2 mois

CROATIE

19/06/03

18/02/05

21/06/05

4 mois

GUINEE

15/02/99

02/08/04

24/04/03

0

MONACO (avenant)

08/11/05

30/05/05

15/03/05

0

PAYS-BAS (avenant)

07/04/04

15/12/04

19/05/05

5 mois

SLOVENIE

07/04/04

02/04/05

11 mois

REP. TCHEQUE

28/04/03

01/03/04

14/03/05

1 an

Source : ministère des affaires étrangères

I. LE CONTEXTE POLITIQUE ET ÉCONOMIQUE DES RELATIONS FRANCO-CHILIENNES

A. LE CHILI AUJOURD'HUI : UN PAYS STABLE, EN FORTE CROISSANCE

1. Une démocratie stable dotée d'une Constitution profondément réformée

La République du Chili 1 ( * ) , occupe un territoire de près de 757.000 km², tout en longueur, avec Santiago pour capitale. Elle a pour voisins le Pérou, la Bolivie et l'Argentine. Ce pays compte 16 millions d'habitants, population relativement jeune (34 % des Chiliens ont moins de 20 ans), alphabétisée à plus de 96 % et urbanisée à 87 %. Il a pour langue officielle l'espagnol, pour monnaie le peso 2 ( * ) , pour principale religion le catholicisme romain.

Après 17 années de dictature militaire, la Concertación , coalition regroupant chrétiens démocrates et socialistes libéraux, a progressivement rétabli la démocratie à partir de 1989.

En septembre 2005, à l'issue de 5 ans de débat, la Constitution de 1980 a été si profondément réformée qu'il n'est pas exagéré de parler d'une nouvelle Constitution.

Le Président de la République, élu au suffrage universel direct pour un mandat réduit de six à quatre ans et non renouvelable immédiatement, nomme les membres du gouvernement. Le Congrès bicaméral est formé par le Sénat qui comprend désormais 38 membres élus pour 8 ans et par la Chambre des Députés, composée de 120 membres élus pour 4 ans. La Constitution de 2005, qui supprime les dernières « enclaves autoritaires », héritées de la dictature, représente l'étape finale de la transition et renoue avec la tradition démocratique du Chili 3 ( * ) .

L'avant-dernier président de la République, le socialiste M. Ricardo Lagos, avait, début 2000, été élu pour six ans. Pendant toute la durée de son mandat, il a bénéficié d'une exceptionnelle popularité, qui tient notamment à la santé florissante de l'économie et des finances, la baisse sensible du chômage et de notables avancées en matière sociale, et qui en fait un possible candidat en 2010.

Début 2006, avec 53,5 % des voix, Mme Michelle Bachelet, socialiste, a succédé à M. Ricardo Lagos, grâce à l'appui décisif de ce dernier, au ralliement des communistes et à la fidélité de la mouvance démocrate-chrétienne. Elle devient ainsi la première femme de l'histoire du Chili appelée à gouverner ce pays pour les quatre ans à venir, mais aussi la première femme élue au suffrage universel à la tête d'un Etat d'Amérique du Sud. Héritant d'une situation économique particulièrement prospère et pouvant compter sur une majorité parlementaire dans les deux chambres, Mme Michelle Bachelet devrait être en mesure de privilégier des priorités sociales, afin de remédier aux problèmes d'emploi et aux inégalités encore flagrantes de la société chilienne.

2. Une situation économique favorable

Malgré la hausse des prix du pétrole, l'économie chilienne est en excellente santé : croissance robuste (6,1 % en 2004, 6,3 % en 2005 et 5,4 % prévus pour 2006), forte demande interne, inflation contrôlée (1,1 % en 2004 et 2,6 % en 2005), taux d'investissement particulièrement élevé (27 % du PIB en 2005), afflux de capitaux étrangers, dette extérieure maîtrisée, réserves internationales importantes, exportations en forte croissance.

Cette situation très favorable a généré 300.000 emplois en 2005, même si le taux de chômage, inférieur à 9 %, n'a pas diminué à la vitesse escomptée.

Elle permet aussi au Chili de respecter sans difficulté, en matière de politique budgétaire, sa règle de l'excédent structurel qui lui impose de dégager un excédent au moins égal à 1 % du PIB : 1,8 % du PIB en 2004 et niveau record de 4 % du PIB en 2005. Conformément à l'orthodoxie financière en vigueur, ces ressources sont affectées au fond de stabilisation du cuivre, qui permet d'augmenter les dépenses publiques s'il y a un retournement de conjoncture, ou au paiement par anticipation des dettes de l'Etat, notamment vis-à-vis de la Banque Centrale. Cette dernière option bénéficiera directement aux agents économiques puisque le retrait du marché de bons du trésor donnera plus de flexibilité à la Banque Centrale pour octroyer des prêts supplémentaires au secteur privé.

Avec un PIB d'environ 100 milliards de dollars en 2005, l'économie chilienne est essentiellement tournée vers l'industrie et les services, représentant chacun environ 47 % du PIB ; l'agriculture ne pèse que pour 6 %.

Les principaux risques pour le Chili aujourd'hui sont la crise du gaz, dont l'impact sur l'économie est pour l'instant limité, et une baisse de la croissance mondiale liée à la hausse du baril, qui affecterait l'économie chilienne, fortement tributaire de la demande externe.

3. Une forte volonté d'ouverture commerciale

En moins de dix ans, le Chili a signé des accords de libre-échange avec 32 pays, y compris l'Union européenne en 2002 et les Etats-Unis en 2003, se classant ainsi au cinquième rang mondial des pays les plus ouverts aux importations et aux investissements étrangers.

Depuis 2003, le commerce extérieur chilien croît fortement : les exportations, notamment, ont plus que doublé. Ces excellents résultats s'expliquent principalement par des cours mondiaux élevés du cuivre, principale ressource à l'exportation, et par une forte demande de minerais de la part de la Chine. Toutefois, les exportations chiliennes souffrent d'un manque de diversification en restant très dépendantes de produits à faible valeur ajoutée (matières premières).

Les principaux clients du Chili sont les Etats-Unis (14,3 % en 2004 et 16,2 % en 2005), le Japon (11,5 % en 2004 et 11,6 % en 2005), la Chine (10,0 % en 2004 et 11,6 % en 2005).

Ses principaux fournisseurs sont l'Argentine (17,1 % en 2004 et 16,1 % en 2005), les Etats-Unis (14,1 % en 2004 et 15,8 % en 2005), le Brésil (11,2 % en 2004 et 12,7 % en 2005).

* 1 En mapudungúm, la langue des indiens Mapuche du Chili, Chile signifie « là où se termine la terre ».

* 2 1.000 pesos équivalent à environ 1,35 euro.

* 3 Certaines questions demeurent toutefois pendantes, notamment la réforme du mode de scrutin et la reconnaissance constitutionnelle des peuples indigènes, les Mapuche.

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