EXAMEN DES ARTICLES

Article premier A (nouveau) (art. 42-3-1 nouveau de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984)
Participation de la réserve civile de la police nationale à la prévention des violences à l'occasion des manifestions sportives

Cet article, issu d'un amendement du député Dominique Tian adopté par l'Assemblée nationale, tend à insérer un nouvel article 42-3-1 dans la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984. Il a pour objet de permettre aux fédérations sportives agréées d'être assistées par des membres de la réserve civile de la police nationale dans le cadre de leurs actions de prévention des violences à l'occasion des manifestations sportives à caractère amateur.

En effet, ces dernières années, les faits de violence se sont développés dans le sport amateur, particulièrement lors de rencontres de football. Selon l'Union nationale des arbitres de football, le nombre des arbitres officiels victimes de violences serait compris entre 250 et 400 par an 9 ( * ) .

Pour aider les fédérations à lutter contre ces actes, des réservistes de la police nationale pourraient être mobilisées afin d'assurer des missions de médiation et de prévention des violences lors de manifestations amateurs.

La réserve civile de la police nationale a été instaurée par l'article 4 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure aux fins « d'effectuer des missions de soutien aux forces de sécurité intérieure et des missions de solidarité ».

La circulaire du 16 juin 2004 relative à la mise en oeuvre de la réserve civile indique que les missions de soutien « correspondent à des besoins constants des services actifs de la police nationale. Ce sont, à titre d'exemple, la formation aux gestes techniques, notamment au sein des instances spécialisées ou le tutorat au bénéfice des nouveaux affectés ; les activités de gestion, de logistique et de maintenance ; la participation aux services d'ordre à l'occasion d'événements à caractère culturel, sportif ou administratif ; les activités génériques de proximité au sein et hors du service, y compris les activités de médiation [...]. »

Seules les fédérations sportives mentionnées à l'article 17 de la loi du 16 juillet 1984 pourraient demander cette assistance. Cet article prévoit que « dans chaque discipline sportive et pour une durée déterminée, une seule fédération agréée reçoit délégation du ministre chargé des sports pour organiser les compétitions sportives à l'issue desquelles sont délivrés les titres internationaux, nationaux, régionaux ou départementaux, procéder aux sélections correspondantes et proposer l'inscription sur les listes de sportifs, d'entraîneurs, d'arbitres et de juges de haut niveau, sur la liste des sportifs Espoirs et sur la liste des partenaires d'entraînement. Cette fédération édicte les règles techniques propres à sa discipline (et) les règlements relatifs à l'organisation de toute manifestation ouverte à ses licenciés. Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'attribution et de retrait de la délégation, après avis du Comité national olympique et sportif français. »

Le présent article prévoit uniquement que les fédérations peuvent être assistées par la réserve civile. Il reviendrait à la circulaire du 16 juin 2004 précitée de préciser les modalités selon lesquelles les fédérations adresseraient leurs demandes d'aide de la réserve civile.

Votre commission vous propose d'adopter l'article premier A sans modification.

Article 1 B nouveau (art. 42-11 de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984)
Obligation de se présenter devant toute autorité désignée pour une personne interdite d'accès à une enceinte sportive

Le présent article inséré dans la proposition de loi par un amendement présenté par le député Pierre-Christophe Baguet avec l'avis favorable de la commission des lois et du Gouvernement, tend à rendre automatique l'obligation de « pointage » d'une personne interdite d'accès à une enceinte sportive devant une autorité ou une personne qualifiée désignée par la juridiction. Actuellement, cette astreinte introduite par la loi du 18 mars 2003 est laissée à l'appréciation du tribunal.

Le manquement à cette obligation est selon l'article 42-11 de la loi du 16 juillet 1984 punie d'une amende de 30.000 euros et de deux ans d'emprisonnement.

Par cohérence avec l'amendement proposé à l'article 2 de la proposition de loi, votre commission vous soumet un amendement tendant à mentionner parmi les infractions susceptibles de donner lieu à l'interdiction de stade et à l'obligation de pointage le délit de reconstitution d'association dissoute -qui serait institué par l'article 42-16 nouveau de la loi du 16 juillet 1984.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 1 er B ainsi modifié .

Article premier C (nouveau) (art. 42-12 de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984)
Communication des mesures d'interdiction administrative de stade aux fédérations sportives et aux associations de supporters

Cet article, issu d'un amendement du député Pierre-Christophe Baguet adopté par l'Assemblée nationale, tend à compléter l'article 42-12 de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives. Il a pour objet de permettre au préfet de communiquer aux fédérations sportives et à certaines associations de supporters l'identité des personnes sous le coup d'une interdiction administrative de stade.

1. Le droit en vigueur

L'article 42-12 de la loi du 16 juillet 1984 a été créé par la loi n° 2006-64 du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers 10 ( * ) .

Issu, déjà, d'un amendement du député Pierre-Christophe Baguet, il institue une mesure d'interdiction administrative de pénétrer ou de se rendre aux abords des enceintes où des manifestations sportives se déroulent ou sont retransmises en public.

S'inscrivant dans le cadre de la police administrative, cet article autorise le préfet à prononcer, par arrêté motivé, une mesure d'interdiction de stade à l'encontre des individus dont le comportement d'ensemble a constitué une menace à l'ordre public à l'occasion de manifestations sportives.

Ces arrêtés ne peuvent excéder une durée de trois mois et doivent désigner le type de manifestation concernée (rencontres de football par exemple). Ils sont valables sur l'ensemble du territoire national.

A la suite de la parution du décret n° 2006-288 du 15 mars 2006 fixant les modalités d'application de cet article, les premières interdictions administratives de stade ont été prises à l'encontre de supporters de plusieurs clubs de football.

Selon les informations recueillies par votre rapporteur, un fichier national des interdictions administratives de stade devrait être mis en place.

2. Le texte soumis au Sénat

Le présent article prévoit que le préfet du département ou, à Paris, le préfet de police pourrait communiquer aux fédérations sportives et aux associations de supporters l'identité des personnes faisant l'objet d'une interdiction administrative de stade.

L'objectif est évidemment d'associer les fédérations et les associations de supporters à la lutte contre les violences lors des manifestations sportives. Le Conseil national des activités physiques et sportives s'est déclaré très favorable à ce dispositif.

Les fédérations sportives concernées seraient les fédérations sportives agréées par le ministre chargé des sports en application de l'article 16 de la loi du 16 juillet 1984 précitée. L'identité des interdits de stade pourrait également être communiquée aux associations de supporters agréées par le ministre chargé des sports. Un décret en Conseil d'Etat devrait préciser les conditions de cette communication.

Ce dispositif s'inspire directement de celui prévu par l'article 42-11 de la loi du 16 juillet 1984 précitée.

Cet article dispose qu'en cas de condamnation pour certaines infractions commises lors de manifestations sportives, une peine complémentaire d'interdiction de pénétrer ou de se rendre aux abords d'une enceinte où se déroule une manifestation sportive peut être prononcée 11 ( * ) .

L'article 79 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure a modifié et complété cet article afin, notamment, de permettre au préfet de communiquer aux fédérations sportives et aux associations de supporters l'identité des personnes condamnées à cette peine d'interdiction de stade.

Le décret n° 2004-1534 du 30 décembre 2004 portant application de l'alinéa 7 de l'article 42-11 de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives précise les conditions de cette communication. C'est au préfet du département du domicile de la personne condamnée qu'il revient de communiquer ou non ces informations. Le décret prévoit également que les fédérations communiquent à leur tour sans délai ces informations « aux groupements sportifs affiliés et aux ligues professionnelles intéressées ».

Le présent article permettrait donc de faire de même pour les interdictions administratives de stade.

Votre commission vous propose d'adopter l'article premier C sans modification.

Article premier (article 42-14 nouveau de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984)
Dissolution des associations et groupements de fait dont les membres commettent des violences lors des manifestations sportives

Cet article tend à insérer au sein du chapitre X du titre premier de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives un nouvel article 42-14, visant à permettre la dissolution, par décret, de toute association ou groupement de fait ayant pour objet le soutien à une association sportive, dont les membres commettent des actes de violence.

1. Le régime juridique de la dissolution des associations

La dissolution d'une association peut être statutaire (lorsqu'elle a été créée pour un temps déterminé par ses statuts), volontaire 12 ( * ) , judiciaire, administrative ou encore légale 13 ( * ) .

? La dissolution judiciaire

L'article 3 de la loi du 1 er juillet 1901 dispose que « toute association fondée sur une cause ou en vue d'un objet illicite, contraire aux lois, aux bonnes moeurs, ou qui aurait pour but de porter atteinte à l'intégrité du territoire national et à la forme républicaine du Gouvernement, est nulle et sans effet ».

Il revient au tribunal de grande instance de dissoudre, soit à la requête de tout intéressé, soit à la demande du ministère public, une association frappée de nullité en raison du caractère illicite de son objet (art. 7 de la loi du 1 er juillet 1901).

Le juge peut également prononcer la dissolution en cas d'infraction aux dispositions de l'article 5 de la loi du 1 er juillet 1901, relatif à l'obligation de déclaration préalable auprès de la préfecture du département. Le tribunal peut en outre ordonner par provision la fermeture des locaux et l'interdiction de toute réunion des membres de l'association.

? La dissolution administrative

La dissolution administrative, qui constitue une restriction à la liberté d'association 14 ( * ) , ne peut donc être prononcée qu'en application d'une disposition législative 15 ( * ) .

Les organisations susceptibles d'être dissoutes par une décision administrative sont définies par la loi du 10 janvier 1936 sur les groupes de combat et milices privées modifiée 16 ( * ) . Le champ d'application de ce texte a été progressivement étendu. Ainsi, aux termes de son article premier, peuvent être dissous par décret rendu par le Président de la République en Conseil des ministres les associations ou groupements de fait :

- qui provoqueraient à des manifestations armées dans la rue ;

- qui, en dehors des sociétés de préparation au service militaire agréées par le Gouvernement, des sociétés d'éducation physique et de sport, présenteraient, par leur forme et leur organisation militaire, le caractère de groupes de combat ou de milices privées ;

- qui auraient pour but de porter atteinte à l'intégrité du territoire national ou d'attenter par la force à la forme républicaine du Gouvernement ;

- dont l'activité tendrait à faire échec aux mesures concernant le rétablissement de la légalité républicaine ;

- qui auraient pour but soit de rassembler des individus ayant fait l'objet de condamnations du chef de collaboration avec l'ennemi, soit d'exalter cette collaboration 17 ( * ) ;

- qui soit inciteraient à la discrimination , à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, soit propageraient des idées ou théories tendant à justifier ou encourager cette discrimination, cette haine ou cette violence 18 ( * ) ;

- qui se livreraient, sur le territoire français ou à partir de ce territoire, à des agissements en vue de provoquer des actes de terrorisme en France ou à l'étranger 19 ( * ) .

Sur le fondement de cette loi ont été dissoutes, en juin 1936, les ligues des Croix-de-feu, des Camelots du roi et des Volontaires nationaux.

La loi du 10 janvier 1936 a en outre permis la dissolution d'Ordre nouveau en 1973, du Front de libération nationale de la Corse (FLNC) en 1983, d'Iparretarak en 1987 et du Comité du Kurdistan en 1993. Plus récemment, un décret du 19 mai 2005 a dissout, en application de cette loi, le groupement de fait « Elsass Korps », au motif qu'il se livrait « à la propagation d'idées et de théories tendant à justifier et à encourager la discrimination, la haine et la violence raciales et religieuses, notamment en organisant des rassemblements au cours desquels sont exaltées l'idéologie nazie et des idées racistes et antisémites, et en propageant cette idéologie et ces idées dans des publications ».

L'ordonnance du 2 octobre 1943 relative aux groupements de jeunesse et permettant au ministre de l'éducation nationale de dissoudre, par arrêté, les groupements ou associations ayant notamment une activité contraire à la liberté de conscience ou une activité dirigée contre les institutions républicaines, est quant à elle tombée en désuétude.

L'article premier de la loi du 10 janvier 1936 dispose que le Conseil d'Etat, saisi d'un recours en annulation d'un décret de dissolution, doit statuer en urgence. Lors de l'examen d'un tel recours pour excès de pouvoir, la juridiction administrative vérifie que les conditions légales de la dissolution administrative sont réunies, sans contrôler l'opportunité de la décision 20 ( * ) .

La dissolution doit être motivée, conformément aux dispositions de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public 21 ( * ) .

Par ailleurs, le juge administratif peut être amené à contrôler la conformité du décret de dissolution aux stipulations de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En effet, l'article 11 de cette convention, aux termes duquel toute personne bénéficie de la liberté d'association, précise que l'exercice de ce droit « ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ».

Ainsi, dans son arrêt du 8 septembre 1995, le Conseil d'Etat a estimé que le décret prononçant la dissolution du Comité du Kurdistan n'avait pas méconnu ces stipulations. Il a jugé que si cette dissolution constituait une restriction à l'exercice du droit d'association, elle était cependant « justifiée par la gravité des dangers pour l'ordre public et la sécurité publique résultant de l'activité » de l'association.

Le cas spécifique des associations ou groupements de fait dont les membres peuvent se livrer à des actes de hooliganisme n'entre pas dans le champ défini par la loi du 10 janvier 1936. En effet, cette loi prend en compte les incitations à la discrimination, mais ne vise ni les violences collectives, ni les actes commis par des membres d'organisations de supporters en relation avec une manifestation sportive.

Aussi la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale vise-t-elle à créer une procédure de dissolution adaptée à ces agissements.

2. La création d'une procédure de dissolution adaptée au hooliganisme

Le nouvel article 42-14 de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 tend à définir une nouvelle procédure de dissolution administrative relative aux associations et groupements de fait ayant pour objet le soutien à une association sportive.

Ce dispositif, qui serait soumis à la consultation pour avis d'une commission comprenant notamment des magistrats, vise les associations et groupements de fait dont les membres auraient commis :

- des actes constitutifs de dégradations de biens ou de violence sur des personnes ;

- ou des actes d'incitation à la haine ou à la discrimination contre des personnes , à raison de leur origine, de leur sexe ou de leur appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race, ou une religion déterminée. L'Assemblée nationale a adopté en premier lecture, avec l'avis favorable de la commission et du Gouvernement, un amendement présenté par M. Pierre Goldberg, ajoutant à ces critères de discrimination celui de l'orientation sexuelle.

En outre, la dissolution ne pourra être prononcée que s'il s'agit :

- d' actes collectifs ; une association ne pourrait donc être tenue pour responsable des faits commis isolément par l'un de ses membres, mais seulement de ceux accomplis par plusieurs d'entre eux, dans le cadre de ses activités ;

- d' actes répétés ;

- de faits commis en relation ou à l'occasion d'une manifestation sportive , c'est-à-dire pendant cet événement mais aussi avant et après la manifestation.

Sur la proposition de sa commission des lois, l'Assemblée nationale a adopté un amendement de M. Claude Goasguen, rapporteur, tendant à prévoir que la dissolution sera prononcée par décret et non par arrêté du ministre de l'intérieur.

Ce décret devrait être pris après avis de la commission nationale consultative de prévention des violences lors des manifestations sportives .

L'Assemblée nationale a adopté en première lecture, sur la proposition de sa commission des lois, un amendement de son rapporteur visant à permettre aux représentants des associations ou groupements de fait de présenter leurs observations à cette commission. Elle a par ailleurs adopté, avec un avis favorable de la commission et du Gouvernement, un amendement présenté par M. Dominique Tian, tendant à prévoir que les dirigeants des clubs intéressés puissent également être entendus.

Le texte initial de la proposition de loi renvoyait la définition de la composition et des conditions de fonctionnement de la commission nationale consultative à un décret en Conseil d'Etat.

L'Assemblée nationale a adopté, avec un avis favorable de la commission et du Gouvernement, deux amendements identiques présentés respectivement par MM. Christophe Caresche et Claude Goasguen, afin de définir la composition de cette commission et de prévoir que seules ses conditions de fonctionnement seraient fixées par décret.

Aussi la commission nationale consultative de prévention des violences lors des manifestations sportives comprendrait-elle :

- deux membres du Conseil d'Etat, dont le président de la commission, désignés par le vice-président du Conseil d'Etat ;

- deux magistrats de l'ordre judiciaire, désignés par le Premier président de la Cour de cassation ;

- un représentant du Comité national olympique et sportif français et un représentant des fédérations sportives, nommés par le ministre chargé des sports ;

- une personnalité choisie en raison de sa compétence en matière de violences lors des manifestations sportives, nommée par le ministre chargé des sports.

Votre commission vous soumet un amendement tendant à prévoir que participe également à cette commission un représentant des ligues de sport professionnel, nommé par le ministre chargé des sports.

En effet, les hooligans appartiennent en général à des groupes de supporters de clubs professionnels. Il paraît donc nécessaire que le monde du sport professionnel, qui entreprend par ailleurs de nombreuses actions pour combattre la violence et le racisme dans les stades, soit représenté au sein de la commission consultative.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 1 er ainsi modifié .

Article premier bis (nouveau) (art. 42-15 nouveau de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984)
Obligation de maintien en état de marche des systèmes de vidéosurveillance installés dans les enceintes sportives

Cet article, issu d'un amendement présenté par le député Christophe Caresche et les membres du groupe socialiste de l'Assemblée nationale, tend à insérer un nouvel article 42-15 dans la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984.

Il prévoit que les systèmes de vidéosurveillance installés dans des enceintes sportives doivent être en état de fonctionnement sous peine d'une amende de 15 000 euros. Cette amende serait à la charge du responsable du système de vidéosurveillance et de l'organisateur de la manifestation.

L'expérience du Royaume-Uni a montré l'utilité de la vidéosurveillance pour lutter contre la violence dans les stades. Elle permet notamment d'identifier les hooligans afin de prendre à leur encontre une interdiction administrative de stade ou de les poursuivre devant la justice.

En droit positif, aucune disposition légale n'oblige à installer un système de vidéosurveillance dans les enceintes sportives. Certaines fédérations sportives ou ligues professionnelles peuvent l'imposer dans le cadre des compétitions qu'elles organisent, comme le fait la Ligue de football professionnel aux clubs de Ligue 1 et de Ligue 2.

Lorsque des systèmes de vidéosurveillance sont installés dans une enceinte sportive, ils relèvent du régime de l'article 10 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité. Modifié par la loi n° 2006-64 du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers, cet article dispose désormais que « les systèmes de vidéosurveillance installés doivent être conformes à des normes techniques définies par arrêté ministériel, à compter de l'expiration d'un délai de deux ans après la publication de l'acte définissant ces normes ».

Toutefois, le responsable d'un système de vidéosurveillance n'est pas obligé de s'assurer du bon état de fonctionnement du système de vidéosurveillance et de son caractère opérationnel. Les débats à l'Assemblée nationale ont fait allusion au dysfonctionnement constaté de la vidéosurveillance dans le stade de la ville de Strasbourg en mai 2004 ce qui a rendu impossible la constatation des violences.

Le présent article tend donc à contraindre les responsables d'un système de vidéosurveillance et les organisateurs d'une manifestation sportive de s'assurer du bon fonctionnement du système avant le début d'une manifestation sportive.

L'obligation ainsi créée consisterait à :

- tester le système avant une manifestation sportive ;

- mettre en oeuvre les moyens nécessaires à la remise en état de marche du système lorsqu'une panne est constatée.

Le non respect de ces obligations serait puni de 15 000 euros d'amende. Elle pourrait être prononcée à l'encontre de chacun des responsables.

Sous réserve d'un amendement rédactionnel, votre commission vous propose d'adopter l'article premier bis ainsi modifié.

Article 2 (Section 5 nouvelle du code pénal - art. 431-22 à 431-24 nouveaux)
Sanctions pénales applicables en cas de maintien ou de reconstitution d'une association de supporters dissoute

Le présent article tend à insérer une nouvelle section comportant trois articles à la suite de la section V consacrée aux groupes de combat et des mouvements dissous du chapitre 1 er (atteintes à la paix publique) du titre III du livre IV du code pénal.

Ces dispositions visent à incriminer le maintien ou la reconstitution d'une association de supporters qui serait dissoute en vertu du nouvel article 42-14 de la loi du 16 juillet 1984 proposé par l'article premier de la présente loi.

Elles distinguent les sanctions applicables aux personnes qui se bornent à participer au maintien ou à la reconstitution de l'association (art. 431-22 nouveau) de celles, plus sévères, qu'encourent les initiateurs de tels actes (art. 431-23 nouveau).

En outre, le juge pourrait prononcer la peine complémentaire d'interdiction de pénétrer ou de s'approcher d'une enceinte où se déroule une manifestation sportive dans les conditions prévues par l'article 42-11 du code pénal. Cette interdiction ne peut dépasser une durée de 5 ans. Cette peine complémentaire pourrait être obligatoirement prononcée en cas de récidive légale. Le manquement à cette obligation serait passible d'une amende de 30.000 euros et de 2 ans d'emprisonnement.

Le dispositif proposé s'inspire ainsi des mesures applicables aux groupes de combat et des mouvements dissous visés aux articles 431-13 à 431-20 du code pénal. Il s'en distingue cependant sur trois points.

En premier lieu, les peines maximales proposées sont moins sévères : un an d'emprisonnement et 15.000 euros d'amende en cas de participation à une association de supporters dissoute contre 3 ans d'emprisonnement et 45.000 euros d'amende s'agissant d'une association visée par la loi du 10 janvier 1936 ; 2 ans d'emprisonnement et 30.000 euros d'amende pour les responsables de la reconstitution contre sept ans d'emprisonnement et 100.000 euros d'amende pour un groupe de combat.

L'écart entre les peines encourues ne semble pas justifié quand la dissolution résulte d'infractions à caractère raciste ou discriminatoire. En effet, parmi les associations mentionnées dans la loi du 10 janvier 1936 figurent 22 ( * ) les associations ou regroupements de fait qui « soit provoqueraient à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une relation déterminée, soit propageraient des idées ou théories tendant à justifier ou encourager cette discrimination, cette haine ou cette violence ». Or certaines associations de supporters ne se bornent pas à provoquer des violences à caractère racial mais elles les commettent effectivement. A moins d'estimer que la participation à une manifestation sportive puisse être considérée comme une circonstance atténuante d'actes de racisme, il ne semble pas cohérent de ne pas prévoir pour la reconstitution de tels groupements un niveau de sanction équivalent à celui actuellement retenu par les articles 431-15 et 431-16 du code pénal.

En second lieu, contrairement aux dispositions retenues pour les associations entrant dans le champ d'application de la loi du 10 janvier 1936, le présent article ne prévoit pas de sanctions spécifiquement applicables aux personnes morales.

Sans doute, depuis la loi du 9 mars 2004 qui a généralisé le principe de la responsabilité pénale des personnes morales, n'est-il plus nécessaire de préciser qu'une incrimination s'applique également aux personnes morales.

Toutefois, si le législateur ne prévoit pas pour chaque infraction un régime de sanction spécifique pour les personnes morales, celles-ci n'encourent alors que la peine d'amende en vertu de l'article 131-37 du code pénal.

Or, cette sanction peut sembler insuffisante dès lors que le code pénal mentionne d'autres peines susceptibles de s'appliquer spécifiquement aux personnes morales lorsque la loi l'a précisément prévu pour l'infraction visée. Parmi ces sanctions, figurent en particulier la dissolution judiciaire qu'il semble opportun de retenir en complément de la procédure administrative de dissolution qu'instituerait la présente proposition de loi.

En outre, il apparaît logique d'appliquer le régime de sanction spécifique aux personnes morales aux autres infractions graves prévues par la loi du 16 juillet 2001 (introduction d'armes ou de fumigènes dans l'enceinte sportive, jet de projectile, pénétration sur l'aire de compétition).

Enfin, le texte de la proposition de loi a omis de mentionner la peine complémentaire de confiscation prévue à l'article 431-21 du code pénal. Or, en l'absence d'une telle peine, la dissolution de l'association s'accompagne d'une redistribution de ses biens entre ses membres, ce qui, en l'espèce, affaiblit beaucoup le caractère de la sanction.

Votre commission vous soumet en conséquence un amendement de réécriture complet de l'article 2 de la proposition de loi tendant à :

- relever le niveau des sanctions pénales dans le cas de reconstitution d'associations dissoutes à la suite d'infractions à caractère raciste ou discriminatoire ;

-  fixer un régime spécifique de sanction pénale pour les personnes morales ;

-  prévoir des peines complémentaires spécifiques de confiscation similaires à celles prévues par l'article 431-21 du code pénal.

En outre, elle propose d'insérer l'ensemble du dispositif répressif dans la loi du 16 juillet 1984 comme tel a jusqu'à présent toujours été le cas pour les incriminations visant spécifiquement les infractions commises à l'occasion de manifestations sportives.

Votre commission vous invite à adopter l'article 2 ainsi modifié .

*

* *

Au bénéfice de ces observations et sous réserve des amendements qu'elle vous soumet, votre commission vous propose d'adopter la proposition de loi .

* 9 Source : rapport 2006 de l'Observatoire national de la délinquance.

* 10 Voir le rapport n° 117 (Sénat 2005-2006) de M. Jean-Patrick Courtois sur le projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme - commentaire de l'article 15 C (nouveau).

* 11 L'article 23 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure prévoit que ces interdictions judiciaires de stade sont inscrites au fichier des personnes recherchées.

* 12 L'article 9 de la loi du 1 er juillet 1901 permet aux sociétaires de décider de mettre fin à l'association pour des motifs qu'ils apprécient souverainement.

* 13 La loi peut dissoudre des associations répondant à une définition précise ou désigner les associations qu'elle dissout.

* 14 Dans sa décision n° 71-44 DC du 16 juillet 1971, le Conseil constitutionnel a jugé que la liberté d'association était un principe fondamental reconnu par les lois de la République.

* 15 Le Conseil d'Etat a ainsi jugé qu'un préfet ne pouvait dissoudre une association sans fondement législatif (22 janvier 1960, Fouéré).

* 16 Aux termes de l'article 431-13 du code pénal, « constitue un groupe de combat, en dehors des cas prévus par la loi, tout groupement de personnes détenant ou ayant accès à des armes, doté d'une organisation hiérarchisée et susceptible de troubler l'ordre public ».

* 17 Disposition issue de la loi n° 51-18 du 5 janvier 1951 portant amnistie, instituant un régime de libération anticipée, limitant les effets de la dégradation nationale et réprimant les activités antinationales.

* 18 Disposition issue de la loi n° 72-546 du 1 er juillet 1972 relative à la lutte contre le racisme.

* 19 Disposition issue de la loi n° 86-1020 du 9 septembre 1986 relative à la lutte contre le terrorisme et aux atteintes à la sûreté de l'Etat.

* 20 Cf. les décisions du Conseil d'Etat du 21 juillet 1970 sur les décrets de dissolution de plusieurs groupements ayant mené des actions communes lors des manifestations de mai et juin 1968 (jeunesse communiste révolutionnaire, parti communiste révolutionnaire, parti communiste internationaliste, Fédération des étudiants révolutionnaires...).

* 21 Le Conseil d'Etat a ainsi annulé un décret du 3 septembre 1980 portant dissolution de la Fédération d'action nationale et européenne (FANE) dans sa décision du 31 octobre 1984, considérant que le décret se bornait à viser la loi du 10 janvier 1936 et que si le ministre de l'intérieur avait fait valoir que l'association avait connaissance des motifs de sa dissolution, « cette circonstance ne pouvait avoir pour effet de dispenser l'autorité compétente de respecter l'obligation qu'elle avait en application des dispositions » de la loi du 11 juillet 1979 de motiver ledit décret.

* 22 Depuis la loi n° 72-546 du 1er juillet 1972.

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